
F O N
L’ armature eft un affemblage des différens morceaux
de fer deftinés à foutenir le noyau & le moule
de.potée d’un grand ouvrage de fonderie ; entre
ces fers , les uns relient dans le corps de l’ouvrage
fondu, d’autres en font retirés après la fonte ; dans
une llatue équeftre, ceux qui paffent d’un flanc à
l’autre du cheval, qui éefcendenf dans la queue ,
& qui paffent dans les jambes, font affemblés à
demeure ; les fers des jambes s’étendent même à
trois pieds au delà des pieds du cheval, & font
fcellés dans le corps du piédeftaL
Le noyau eft un corps folide qui remplit l’efpace
contenu fous les pièces du modèle en cire, quand
elles font affemblées : la matière qui le compofe
doit avoir quatre qualités ; la première , de ne s’étendre
ni refferrer fous les cires ; la fécondé, de
réfifter à la violence du fe u , fans fe fendre ni fe
tourmenter ; la troifième , d’avoir du p ouf, c’eft-
à-dire, de réfifler au métal en fufion, & de céder
au métal fe refroidiffant ; la quatrième, de ne lui
pas être analogue, c’eft-à-dire de ne le point boire,
& de ne point lui être contraire , ou de ne le point
repouffer ; ce qur-occafionneroit dans le premier
cas des vides , & dans le fécond des foufflures.
Mêlez deux tiers de pâte avec un tiers de briques
bien battues & bien fafféés, & vous aurez la matière
requife. On mélange, on gâche cette matière,
& on en coule dans les aflifes du moule quand
l’armature eft difpofée, allant d’affifes en aflifes
jufqu’au haut de la figure. Il eft cependant à propos
de lavoir qu’on obferve différens mélanges , & que
le noyau des grandes figures n’eft pas tout entier
de la même matière. Dans la formation du noyau
de la ftatue équeftre dont j’ai déjà parlé , les jambes
qui portent, devant être folides, n’eurent point de
noyau ; on fit la queue, la jambe qui eft levée , la
tête , le c o l, &c."3e plâtre & de briques battues &
faffées ; le corps du cheval d’un mélange de deux
tiers de terre rouge & fablonneufe , qu’on trouve
derrière les Chartreux, & qui paffe pour la meilleure
de l’Europe pour ces fortes d’ouvrages , & d’un
tiers de crotin de cheval & de bourre paffés par les
ba guettes*
Avant que de commencer l e noyau, on paffe
des verges de fer en botte entre les vides des grands
fers de l’armature, auxquels on les attache avec de
gros fil d’archal ; ces verges tiennent les terres du
noyau en état ; on laiffe cependant des trous pour,
paflèr la main & ranger les gâteaux de terre. Sous
les parties inférieures , comme le ventre d’un
cheval, où les terres tendent à fe détacher de tout
le poids, on place des crochets en S qui les arrêtent.
Quand le noyau eft fa it, on prend de la compo-
fition du noyau détrempée à une certaine confif-
tance ; on en applique fur les cires avec les doigts ,
par couches d’environ un pouce d’épaiffeur ; qu’on
fait bien fécher; on continue ainfi de couche en
couche, fe fervant de gâteaux de la même com-
pofition de quatre pouces en carré fur neuf lignes
d’épaiffeur, qu’on applique fur leur plat avec la
même compofition liquide, & qu’on unît avec les
couches qu’on a déjà données aux cires , faifant toujours
fécher nuit & jour fans interruption, jufqu’à
ce que les couches de terre à noyau aient au pourtour
des cires environ fix pouces d’épaiffeur ; ce
qui fuffira pour achever de recouvrir tous les fers
de l’armature. Mais avant que ces fers foîent recouverts
, on pofe dans le noyau un rang de briques
en ceintre, maçonnées avec de la terre de la même
compofition que le noyau ; ce qui forme dans fon
intérieur une forte de voûte. On a foin de bien
faire fécher les parties intérieures du noyau, par
des poêles qu’on difpofe en dedans, en y defcen-
dant par une ouverture pratiquée à la croupe, fi
c’eft une ftatue équeftre ; & pour que le feu ne foit
pas étouffé , on pratique, au noyau, des cheminées
de trois pouces en carré ; ces cheminées font au
nombre de trois. Quand il eft bien fec , on achève
de le remplir très-exaélement avec de la brique bien
sèche, qu’on maçonne avec de la terre à noyau.
S’il lui arrive de fe refferrer & de diminuer en
féchant, on le hache & on le renfle avec la meme
terre dont on l’a conftruit. Pour s’affurer s’il eft
folide ,-on le frappe ; s’il foniie creux , il a quelque
défaut, il n’eft pas plein.
Quand le noyau du cheval d’une ftatue équeftre
eft dans cet é tat, on élève les aflifes de la figure ;
on y ajufte les armatures, & l’on coule le reliant
du noyau avec la même compofition, obfervant
de pratiquer au dedans de la figure des jets qui
conduifent le métal aux parties coudées en montant :
fans cette précaution , ces parties refteroient vides.
Quand le noyau eft achevé , on démonte toutes
les aflifes, en commençant par le haut ; on foutient
par des piliers butans les traverfes principales de
l’armature , qui percent les cires à mefure qu’on
les découvre : on dépouille enfuite toutes les pièces
de cire ; on pratique fur le noyau des repaires, pour
les mettre à leur place ; on les place , & on a une
figure en cire toute femblable au modèle.
Pour fixer les cires fur le noyau, on y enfonce
d’efpace en efpace des clous à tête large , fur lef-
quels on conftruit une efpèce de treillis avec du fil
d’archal. Ce treillis fert à foutenir les cires. On les
-lie encore entre elles avec de la cire chaude, qu’on
coule dans leurs jointures, enforte qu’il ne refte
aucun vide. On achève alors de réparer les cires
affemblées , car on avôit déjà fort avancé le réparage
, quand elles étoient par pièces détachées. On
fe fert dans cette manoeuvre de l’ébauchoir &
d’une toile dure & neuve , imbibée' d’huile , avec
laquelle on fuit les contours du nu & des draperies ;
on pofe enfuite les égouts des cires, les jets & les
évents.
Les jets, les évents, & les égouts des cires font
des tuyaux de cire que l’on pofe fur une figure après
que la cire a été réparée. Ces tuyaux de cire étant
enfuite enduits de la même terre que le moule ,
forment fur toute la figure & dans le moule de
potée, des canaux à trois ufages : les uns fervent
d’égoûts aux cires, & fe nomment égoûts ; les antres
conduifent le métal du fourneau à toutes les parties
de l’ouvrage, & s’appellent jets ; les autres font
des évents qui font une iffue à l’air renfermé dans
l’efpace qu’occupoient les cires , & retiennent le
nom à’évents. Sans cette précaution, l’air comprimé
par le métal à mefure qu’il defcendroit , pourroit
faire fendre le moule.
On fait les tuyaux de cire creux comme des chalumeaux
, ce qui lès rend légers, & emporte moins
de cire que s’ils étoient folides. Voici comment on
les coule. On a des morceaux de bois tournés du
diamètre qu’on veut donner à ces canaux, & de
deux pieds de long ou environ : on conftruit fur
ces petits cylindres un moule de plâtre de deux
pièces égales, & fermé par un des bouts : on l’imbibe
d’huile ; on le remplit de cire : quand il eft
plein, on le fecoue bien : à l’approche du plâtre, ,
la cire fe fige : on renverfe ce qui n’eft pas figé, il
refte une douille creufe, à laquelle on donne l’é-
paiffeur qu’on veut-, en recommençant de remplir
de cire & de renverfer.
Quand ces douilles ou tuyaux font préparés en
quantité fuflifante, on les difpofe fur la figure à
deux pouces de fa furface. On commence par les
égoûts de cire, qui fervent par la fuite de jets : ils
font foutenus autour de l’ouvrage par des attaches
ou bouts de tuyaux menus , foudés par un bout
contre les cires de l’ouvrage, & de l’autre contre les
égoûts. Il faut des égoûts à tous les endroits qui ont
une pente marquée. Il y en a aux ftatues équeftres
à chaque pied du cheval , à chaque pied de la
figure , à là queue du cheval, deux fous le ventre :
on pofe enfuite & de la même manière, les jets &
les évents.
Chaque ouvrier a fa. manière d’attacher. La bonne,
c’eft d’incliner les attaches des jets en defcendant
vers la figure, & par conféquent de couler la figure
par le haut. Le diamètre des jets, des égoûts, &
des évents, eft déterminé par la grandeur de l’on- j
vrage. Ils avoient les dimenfions foivantes dans la i
fonte de la ftatue équeftre de Louis X IV , dont nous i
avons déjà parlé. Les trois principaux jets , trois ;
pouces quatre lignes de diamètre ; les jets moins
forts , 2 1 , 1 8 , 1 5 , 1 2 , 9 lignes ; les évents par le I
haut, 30 & 24 lignes de diamètre, & en defcen-
dànt, 13 , 12 , 9 lignes : les égoûts avoient les I
mêmes dimenfions que les évents.
d’oeuf ; puis on mêlé un peu de poil fouetté & paffé
par les baguettes, avec la compofition précédente.
On donne avec ce nouveau mélange vingt-quatre
autres couches, obfervant de ne point appliquer
une couche que la précédente ne ibit bien sèche :
le moule prend ainfi environ un demi-pouce d’épaiffeur.
Quand on a pouffé l’ouvrage jufqu’au point où '
nous venons de le conduire , on travaille au moule
de potée & de terre. On prend trois fixièmes de \
terre de Châtillon , village à deux lieues de Paris,
qu’on mêle avec une fixième partie de fiente de
cheval ; on a laiffé pourrir ce mélange dans une ;
toffe pendant un hiver. A ce mélange , on ajoute
enfuite deux fixièmes de creufets blancs & paffés
au tamis. On détrempe le tout avec de Lutine; on
le broie fur une pierre ; on en fait ainfi une potée
très-fine. On commence par en mettre fur la cire,
avec une broflè, quatre couches mêlées de blanc
Oh ajoute alors à la compofition nouvelle
moitié de terre rouge, de même qualité que celle
du noyau, ayant foin de remplir les creux & autres
lieux étroits où la broffe n’a pu pénétrer, avec cette
compofition un peu épaiflè. Le moule a , à la quarantième
couche , environ deux pouces d’épaiffeur.
On met alors fous la figure , s’il en eft befoin, fous
le ventre du cheval, fi c’eft une ftatue équeftre ,
des barres menues de fer plat ; croifées les unes
for les autres, entrelacées de fil de fe r , & attachées
aux gros fers de, l’armature du noyau , qui percent
les cires. Ces barres fervént à foulever es parties
inférieures du moule, & à les empêcher de fe détacher
des. cires. On pratique le même bandage
for le refte de la figure , par-tout où l’on craint que
le moule ne fléchîffe* On couvre ce premier bandage
de terre rouge feule , délayée avec la bourre
quon couche avec les doigts , jufqu’à ce que le
moule ait. environ huit pouces d’épaiffeur par bas ,
& fix pouces par haut.
Il faut avoir foin , avant que de commencer le
moule de potée , de couper la cire en quelques
endroits , afin d’avoir une ouverture au bronze
pour tirer du dedans de la figure les fers foperflus
de l’armature avec le noyau. En ces endroits on
joint les terres du noyau avec le moule ; mais on
pratique «des rebords de cire , dont le métal remplira
l’efpace; ce métal débordant fera rabattu dans
la fuite , & fervira à boucher l’ouverture pratiquée.
Cent cinquante couches achèvent l’épaiffeur du
moule, fur lequel on pofe enfuite des bandages de
fer pour le rendre folide , & empêcher que la terre
qui perd de fa force par le reeuit, ne s’éboule. Ces
bandages font des fers plats, difpofés en réfeau :
toute la figure en eft couverte. On en remplit les
mailles de terre & de tuileau. On place les tuileaux
aux endroits où les fers du bandage ne touchent pas
le moule. Sur ce bandage, on en pofe un fécond,
de manière que les fers qui forment les mailles ou
carrés de ce fécond , croifent & coupent les mailles
ou carrés du premier. On remplit pareillement les
endroits où ces barres ne touchent pas le moule ,
de terre & de tuileaux ; & le refte des mailles, de
la même terre. Dans toutes ces opérations, le moule
a pris dix pouces d’épaifleur par bas , & fept par
en haut.
On fonge alors à recuire le moule & à faire fortir
les cires , car elles tiennent la place du métal ; pour
cet effet, on conftruit le ' mur de recuit; on le fait
d’aflifes de grès & briques pofées avec du mortier
de terre à fou r , afin qu’il réfifte à la violence du
feu. Sa première aflife eft fur le maflif du fond de
la foffe, d’où il s’élève jnfqù’au haut de l’ouvrage.
Son parement intérieur eft environ à dix-huit pouces