
de couleur fauve ; & cette fubftance doit probablement
altérer la première couleur.
Suivant M. de Tournière , cette couleur fauve
n’eft pas d’un aufli bon teint que la rouge , & les
leflives & l’avivage ne donnent de l’éclat à la teinture
de garance, que parce que ce fauve eft alors
emporté.
M. de Tournière penfe encore que la partie qui
fournit le rouge , eft dans la racine fraîche difloute
dans un fuc mucilagineux ; enforte qu’étant écrafée
fous le pilon ou fous la meule, il en réfulte une
poudre onftueufe au toucher, & qui fe pelote air
fément.
O r , i°. comme les racines de garance ont grande
difpofttion à fermenter-, il faut, quand on les achète
en racines, examiner avec attention fi elles n’ont
point de taches ou quelque odeur de riioifî ; elles
feraient à rejetter, fi le progrès de la corruption les
avoir rendues noires.
,2°. Les racines , pour fournir beaucoup de teinture
, doivent être nouvelles ; il faut donc rebuter
celles qui répandent de la. pouflière quand on les
rompt, & à plus forte raifon celles qui font cariées
& piquées de ver ; au contraire, on doit eftimer
celles qui ont une odeur forte, tirant un peu fur
celle de regliffe : la garance en poudre doit être
on&uetife 8c difpofèe à fe peloter entre les doigts.
3°. Comme la garance fe vend au poids , il eft
avantageux a l’acquéreur que les racines foient bien
sèches ; mais il doit prendre garde qu’elles n’aient
point été trop chauftées à l’étuve. Celles qui ont
beaucoup d’odeur , font ordinairement exemptes
de ce défaut : un defféchement trop précipité fait
rider 8c fendre l’écorce , & comme alors elle fe
détache aifément du bois , on perd la partie la plus
utile; l’écorce doit donc être unie, entière & adhérente
à la partie ligneufe. Il ne faut pas confondre
l ’écorce avec l’épiderme qui ne peut qu’altérer l’éclat
du rouge.
4°. Les plus grades racines ne font pas toujours
les meilleures ; affez fou vent elles font jaunes , &
la partie rouge qui feule fournit la c o u le u r y eft
peu abondante.
Les racines fort menues ne font pas eftimées,
parce qu elles ont trop de cet épiderme qui ternit
la couleur rouge ; mais celles qui peuvent être de
bonne qualité, doivent avoir depuis la groflêiir
d’un tuyau de plume à écrire jufqu’à la groffeur de
l’extrémité du petit doigt.
5°. En rampant les racines, on apperçoit, comme
il vient d’être dit, deux fubftances affez diftin&es
l’une de l’autre ; celle qui tire fur le jaune ne fait,
comme on l’a déjà obfervé, qu’altérer la teinture,
& celle qui eft d’un rouge foncé , eft la'partie
vraiment utile ; par conféquent on doit donner la
préférence aux racines qui font hautes en couleur.
Ce ferait fans doute une découverte bien utile
que de trouver le moyen d’extraire la partie rouge
fans aucun alliage de la partie jaune ou fauve ; ce
feroit une tentative à faire fur des racines vertes-,•
afin que la partie rouge^qui y eft en diffolution, fût
plus aifée à extraire.
Cependant les teinturiers exigent que les garances
grappées aient Cet oeil jaune qui ne peut venir que
du. bois de la racine ; ce qui a engagé à plufieurs
expériences faites avec foin & par des gens de l’ar t,
d’où il eft réfulté :
i*. Que le, parenchyme de la racine de garance
donne une couleur plus forte que le bois.
2°. Que le bois donne une couleur plus gaie.
3°. Que tout eft bon dans la garance, & que l’épiderme
étant enlevé, le bois oc l’écorce font bien
enfemble.
4°. Que le préjugé des confommateurs en faveur
de la garance en poudre la plus jaune , oblige de la
rober pour qu’elle ait cette couleur jaune qui vient
du bois ; de forte que celle qui eft eftimée la plus
belle, eft précifément pareille à la poudre du bois
dépouillé du parenchyme.
5°. La poudre de parenchyme feule, ne ferait
point eftimée dans le commerce , quoiqu’elle four-
niffe 8c plus rouge & plus beau.
Comme le moyen le plus sûr pour reconnoître la
qualité de la garance eft d’en faire quelques effais
fur des morceaux d’étoffes;.ceux qui cultivent beaucoup
de garance , feront bien de s’accoutumer à la
foumettre à l’épreuve fuivante , afin d’être en état
de connoître 8c de faire voir la bonne qualité de
leurs racines.
Manière .de faire un ejfai de teinture avec la garance'.
Il faut, fuivant le procédé de M. Hellot, pour
teindre une livre de laine filée , faire ün bain avec
I cinq Onces d’alun 8c une once de tartre rouge fondues
dans une fuffifante quantité d’eau : on imbibe
bien dans ces fels la laine qu’on veut teindre ; au
bout de fept à huit jours on jette une demi-livre de
racine de garance en poudre dans de l’eau chaude,
mais dans laquelle on puiffe tenir la main fans fe
brûler ; & après avoir mêlé cette poudre dans l’eau
avec une fpatule de bois, on plonge la laine dans
ce bain, qu’on entretient chaude pendant une heure,
ayant foin qu’il ne bouille pas, parce que s’il bouib
loit, la couleur de la laine deviendrait terne ; néanmoins
vers la fin de l’opération , on échauffe le
bain jufqu a le faire bouillir ; mais on retire la laine
fur le champ.
MM. de la fociété d’agriculture de Beauvais ,
qui ont fi bien réufli à teindre avec de la racine
fraîche , marquent dans le procès-verbal qu’ils ont
dreffé de leur opération , qu’on peut fans rifque
laiffer bouillir le bain de garance fraîche fans qu’il
en réfulte d’altération en brun, ni ce qu’on appelle
coup de feu.
Comme il ne faut que de très-légères circonf-
tances pour faire varier la beauté de la couleur ; on
fera bien de faire dans le même temps & avec la
même laine., deux opérations femblables; l’une1,
avec la garance que l’on a deffein d’éprouver, &
l’autre, avec la belle garance de Zélande ou l’azala.
La beauté des échevaux décidera qu’elle eft la
meilleure de ces garances.
Manière de dejfècher & de pulvérifer la garance.
Il eft nécéffaire, quand la garance doit être tranf-
portée au loin, d’employer les moyens propres à
enlever la prodigieufe quantité d’humidité qui oc-
cafionne cette altération ; on peut commencer le
defféchement en profitant du hâle , ou de l’ardeur
du foleil, ou fi l’on n’en a pas la commodité, il faut
étendre les racines fous un hangard ou dans des
greniers, & les remuer fouvent, pour les empêcher
de s’échauffer 8c de fermenter. Lorfque ce defféchement
n’eft pas fuffifant, on doit emprunter le
fecours des étuves.
Quand on ne fait que de petites récoltes , on
peut employer la chaleur d’un four à cuire le.pain,
pourvu qu'elle n’excède pas 45 à 50 degrés du thermomètre
de M. de Réaumur.
Mais pour les grandes récoltes , ce moyen eft
long ; 8c il faut avoir alors une. étuve.
On peut donner à ces étuves des formes différentes
, dont plufieurs fe trouveront aulîi bonnes
les unes que les autres; mais on doit fe propofer
pour objet : i° . de faire enforte qu’elles contiennent
beaucoup de racines,
2°. Que le fervice en foit commode.
30. D ’économifer le plus qu’il fera poffible les
matières combuftibles.
. 40. De difpofer ces étuves de manière qu’on puiffe
y entretenir une chaleur égale 8c modérée.
f Culture de la garance en Zélande & en Hollande.
Nous joindrons à ce qui vient d’être rapporté
concernant la garance, les procédés indiqués dans
le tome IV du Nouvellijle Économique & Littéraire,
imprimé à la Haye.
La garance, dit le Nouvellifte hollandois , eft la
racine d’une plante qui porte le même nom : cette
racine féchée , moulue & préparée, fert à une teinture
rouge. La garance ne paffe pas pour une plante
originaire de ce pays ; on prétend qu’il y a quelques
fiècles qu’elle fut tranfportée des Indes dans la
Perfe ; de ce pays à Venife ; 8c delà, par l’Efpagne
8c la France, dans les Provinces-Unies.
On la cultive actuellement avec beaucoup de
fuccès en Zélande; elle fe trouve aufli en Hollande,
& particulièrement au pays de Voorn , près de la
Brille.
C’eft une plante fort délicate, dont l’accroiffement
eft fouvent retardé ou entièrement arrêté par divers
Contre temps imprévus : ces variétés , dans le produit
& dans le prix de cette racine, enrichiffent ou
ruinent ceux qui la cultivent.
C ’eft des rejettons des vieilles plantes, qu’on en
fait venir de nouvelles ; ces rejettons font féparés
de la mère plante , 8c mis *en terre au printemps ,
vers les mois d’avril, de mai, ou même de juin ,
félon que la faifon fe trouve plus ou moins favorable.
On prépare d’avaçce la terre par deux outrais
labours, & quelquefois davantage ; on la divife
enfuite en lits plats , & affez longs , de deux pieds
de large : c’eft-là que l’on plante les rejettons au
nombre de quatre ou cinq dans la largeur.
On a foin d’arracher les mauvaises herbes, &
de tenir la plante aufli nette qu’il fe peut ; on 1^.
laiffe deux ans en terre, & même quelquefois trois
ou quatre. On a foin tous les hivers de la bien
! couvrir de terre.
Après ce temps, on la tire de fon l i t , & on la
porte dans des étuves. Pour l’y faire fécher , on^ la
pofe fur un plancher léger , fait de lattes arrangées
en forme de gril : ce plancher eft placé au deffus d’un
four, dont le feu eft entretenu par le moyen de
tourbes de frife , 8c dont la chaleur s’élève à la couche
de la garance , à travers de diverfes ouvertures
affez éloignées l’une de l’autre.
On porte enfuite cette racine dans un appart©-'
ment pareil à celui où on fait fécher les grains pour
la bierre, 8c qui peut avoir cinquante pieds de long ;
on l’étend fur un tiffu de crin , 8c elle achevé de
s’y fécher : de-là on la porte dans une aire , 8c on
la nettoie avec foin de la terre 8c des peaux qui s’y
font'attachées.
Enfin , on la met dans un grand mortier de bois,
pour être pilée par le moyen de pilons de bois garnis
par deffous, de lames de fer qu’on nomme couteaux :
ces pilons agiffent par l’aélion d’un moulin que trois
chevaux font mouvoir.
La garance , ainfi pilée , fe tamife enfuite, 8con
la fépare en trois cuvettes différentes. La première
eft pour la groflière, dite mule ; la fécondé , pour
la commune ; la troifième , pour la fine ou meilleure.
Au fortir de ces cuvettes , la garance fe mettoit
autrefois dans des facs femblables à ceux du houblon
; mais on en remplit à préfent des tonneaux,
où l’on a foin de la bien preffer.
Des trois efpèces de garance , la plus précieufe
eft uniquement tirée du coeur de laracine ; la fécondé
ou commune l’eft de la fubftance qui environne le
coeur ; la troifième ou groflière eft faite des peaux
ou enveloppes extérieures.
Les deux premières efpèces font mêlées l’une
avec l’autre ; 8c quand il y a deux parties de la
première, 8c une de la fécondé, on l’appelle un
8c deux.
.On ne laiffe point perdre ce qui refte fur le plancher
de l’étuve ; mais l’on mêle ce réfidu avec
la troifième forte , ou on en fait des paquets fèpa-
rés : il en eft de même de ce qui fe fépare au
moulin.
Après que la garance a été mife dans des ton*
neaux, elle eft examinée par des infpeâeurs qui
voient fi elle a été bien préparée, fi elle n’a point
été brûlée en féchant , 8c s’il n’y a pas un grand
mélange de terre.
Les édits font très-févères à tous ces égards ; ils
font fur-tout exa&ement obfervés dans la ville de
Zierikfée, Il y a , dans le domaine feul de cette