
Soit qu’on faite des couches ou non, il faiit avoir
grande attention de ne pas recouvrir entièrement
de terre les tiges de la plante. Leur extrémité doit
fe montrer à l'air.
Les branches couchées, fe convertifferit en racines,
qui contiennent de la fubftance colorante , i
mais jamais autant que les vraies racines, & elles j
relient creufes. Ainfi, lors même qu’on veut faire
des couches, il faut ne point coucher toutes les ;
pouffes, mais en conferver une bonne partie fur j
chaque pied , qui deviendra par ce moyen plus
vigoureux, & qui produira de belles racines.
■ En effet, l’expérience démontre que les plantes |
pouffent en racines ou en terre proportionnellement
à ce qu’elles produifent hors de terre.
Quand on veut faire des couches , ' les brins de
la, fécondé rangée doivent être couchés entre lès
pieds de la première ; ceux de la troifième, entre
les brins de la fécondé, & ainfi de fuite. On les
recouvre de deux pouces de terre.
Après que que la récolte de la garance a été faite
& quand le terrain eff vide , on doit le labourer en
entier pour y mettre de nouvelle garance, ayant
attention de placer les planches au milieu de i’ef-
pace où étoient les plates-bandes.
x Dix-huit mois après que, cette fécondé garance
eft récoltée, fi Ton difpofe le même terrain à être
femé en grain, on peut être affùré d’y faire d’abondantes
récoltes; car outre que la garance n’épuife
pas la terre, les labours répétés qu’on a été obligé
de faire , la difpofent admirablement bien pour
toutes fortes de produâions.
Les racines font la partie vraiment utile de la
garance ; la récolte s’en fait dans les mois d’oélobre
ou de novembre. Il faut que les racines aient eu le
temps de groflir fuffifamment.
Le moyen le plus expéditif pour faire la récolte
de ces racines, eff de refendre les planches; des
femmes achèvent d’arracher les racines avec des
crochets, & des hommes rompent les mottes avec
des pioches , pour que-les racines fe détachent plus
facilement.
- Un autre moyen qui endommage moins les racines
, eff de renverfer avec une houe refendue, où
avec un crochet, la terre des planches- dans les
plates-bandes.
Si on fait la récolte par un temps fec, les racines
fe trouvent affez nettes de terre pour être, difpçnfé
de les laver ; mais fi la terre éft humide, i) faut les
laver, ou plutôt les nettoyer avec les mains ; afin
de ne pas diffoudre la partie colorante,
DejJ'échement ■ de la garance.
A meftire que les racines font ramaffées, on les
étend fur un pré, & on commence à les defféçher
au vent & au foleil.
On transporte ces racines dans des charettes gar-r
nies deT toiles ; !on les réterrd dans des greniers ;Gu
fous deshangards; on les met enfuite à Tétuve.
La racine de garance eff difficile à defféçher. Son
fucéft vifqueux, & elle perd à l’étuve fept huitièmes
de fon poids. On ne doit pas précipiter le deffé-
chement par une chaleur trop v iv e , on peut cependant
échauffer affez pour qu’un thermomètre de
Réaumur , placé au centre de l’étuve , marque 40
ou 45 degrés au deffus de zéro.
On prétend qu’à Smyrne on fait defféçher la
garance au foleil, ou même à l’ombre , ou par la
feule aâion du vent.
Il ne fuffit pas que la garance foit affez defféchée
pour ne point fe gâter, il faut encore qu’elle puiffe
fe pulvérifer, ou comme l’on dit, fe grapper.
On reconnoît que la garance eff fumfamment
defféchée, quand elle fe rompt net en la pliant,
& il faut favoir qu’elle continue à fe defféçhery
lorfqu’au. fortir de l’étuve on l’étend aune petite
épajiffeur dans un grenier.
Avant que les racines foient entièrement refroi-;
dies , on les met fur des claies fort ferrées, & on
les bat à petits coups de fléau ; puis on les vanne ,
pour féparer les groffes racines d’avec le chevelu ,
& encore d’une partie de l’épiderme & d’une portion
de terre fine que l’aâion de l’étuve rend aifée
à détacher,. Toutes, ces matières nuifibles tombent
fous des claies ou au fond du van.
Les" petites racines,, dépouillées en partie de leur
épiderme , peuvent être rejetées comme inutiles ;
cependant en Hollande on ne les laiffe pas perdre ,
& on les emploie pour les teintures communes.
Voici une méthode communiquée par M. d’Am-
bourney, pour rober la garance ; moyen qui lui a
été donné par M. Paynel de Darnétal.
On met les racines de garance triées , épluchées
& féchées , dans un grand fac de toile ru dé ; on les
y fecoue violemment. Le frottement du fac & celui
des racines..les unes contre, les autres,, détachent
prefque entièrement l’epiderme, qui achève enfuite
de fe féparer aifément au moyen du van.
On a par cette; méthode dé Ue^les racines de
garance robée ; mais cette préparation ne convient
qu’aux teinturiers affez curieux,de leur art pour
donner au cultivateur un prix proportionné à fes
dépenfes.
O n . ne peut guère compter que fur quatre 9
cinq ou fix milliers de racines vertes de garance pat*
arpent.
. Si l’on-fe propqfede grapper-cette racine , il faut
S’attendre à la voir réduite ,par la chaleur de l’étuve
à un huitième de fon-poids ;;d,e forte quehuit piilliers;
de.racines, yertes ne produiront qu’un millier de
racines sèches ; fans cela,-elles pourraient-fe cor-,
rompre, & elles fe peloteraient fous, les pilons du
moulin.
- Au fortir de l’étuve, la garance eff en état d’être
vendue aux teinturiers ;. quelques-uns même: préfèrent
de l’acheter:én racine plutôt que grappée. ,
Çes racines fe chargent aifément de l’humidité de
l’air ; ç ’eff ;pourquoj fitôt qu’elles font sèches, il
faut les- arranger jle:plus régulièrement & le.plus
preffé .qu’il, eff poffible dans des barils.. C ’eftde cette
forte ou dans des facs qu’on la tranfporte au lieu
de fa deftination.
Ceux qui fe propofent de grapper ou de pulvérifer
la garance, mettent les racines, au fortir de l’étuve,
fous les pilons ; & on tient dans un lieu chaud celle
qu’on ne peut encore faire paffer fous les pilons ou
fous la meule.
On doit à M. d’Ambourney l’expérience d’employer
la garance verte fans la defféçher ni la pul*-
yérifer.
Cet habile agriculteur commence par faire laver
la racine , & comme il étoit prévenu qu’elle perd
en fe féchant les fept huitièmes de fon poids lorf-
qu’on veut la grapper, il jugea qu’il convenoit d’employer
huit livres de racines vertes, pour un bain
où l’on auroit employé une livre de garance sèche
& moulue; il pila dans un mortier cette garance
fraîchement arrachée ; & ayant employé un peu
moins d’eau que de cçutume , il teignit du cotqn,
fuivant le procédé ordinaire. Ayant trouvé après
l ’opération que le baip étoit encore très-chargé de
couleur , quoique le coton fût tellement imprégné
de teinture-, qu’il fallut lui faire effuyer deux débouillis
pour le dégrader jufqu’à la couleur d’ufage ;
il répéta fon épreuve , qui lui fit connoître que
quatre livres de garance fraîche, font le même effet
qu’une livre de garance sèche & réduite en poudre.
D ’où il a conclu que l’on pouvoit épargner une
moitié des racines cfi^garance : ce n’eff pourtant
pas-là où fe borne cette économie.
i°. On eff difpenfé d’établir des étuves pour
fécher la garance , & des hangards pour la conferver
.quand le temps eff humide.
2?. On. ne court point le rifque que peut produire
un defféchement trop confidérable & trop
précipité.
30. On évite le déchet & les frais du robelage &
du grabelage ; dans ces deux opérations, toutes les
racines qui font de la groffeur d’un lacet, tombent
en billom
4°. On épargne les frais du moulin, le déchet &
les fraudes qui peuvent enréfulter, & l’inconvénient
d’attendre que le moulin foit libre.
50. Enfin, on n’eft pas expofé à ce que les racines
moulues s’éventent ou qu’elles fermentent ; ee qui
arrive quelquefois lorfqu’on ne peut les employer
fur le champ.
Tous ces avantages réunis peuvent s’évaluer à
une économie de cinq huitièmes au moins. Le cultivateur
qui fauroit teindre , en pourroit jouir dès
l’inftant qu'il pourroit avoir des racines affez groffes
pour être arrachées ; les teinturiers, par état, feront
peu à peu engagés d’en profiter & de partager le,
profit avec le cultivateur , quand il fe trouvera des
garancières à leur portée.
Cette méthode , outre l’avantage qu’elle procure
de diminuer les frais de la teinture , a encore celui
d’établir, dans! le. commerce extérieur., les étoffes à
plus bas prix.
M. d’Ambourney n’a publié le. procédé pour
l ’ufage de la garance verte , qu’après s’être bien
affuré de fon bon effet & de fon utilité. Tous les
effais , en grand & en petit, & en fa préfence, fur
la teinture du coton, de la laine & de la toile, ont
réufli ; & ils réufliront toujours, pourvu que l’on
fuive les procédés reconnus pour être indifpenfa-
blés, favoir.: i°. que la racine ait au moins dix-huit
mois ; 20. qu’elle foit parfaitement écrafée ; 30. qu’on
diminue d’un quart pour une grande opération, &
d’un tiers pour une petite , la quantité d’eau qu’on
a coutume d’employer ; 40. que le bain, quand on
y abat l’étoffe, foit un peu plus chaud qu’à l’ordinaire
; enfin, que le teinturier foit aéfif & patient.
Les teinturiers de Beauvais ont très-bien réufli en
grand ; cependant la plupart s’en tiennent aux racines
féchées & grappées , foit par habitude , foit à
caufe de l’embarras d’écrafer les racines.
Un manufacturier de toiles peintes aux environs
de Rouen, a eu le bon efprit de fuivre ce procédé
de la garance verte, qui lui a fi bien réufli, qu’outre
une grande économie , le noir, les deux rouges, &
les deux violets de fes toiles , ont autant de force
& de brillant qu’auroit pu leur donner la plus belle
garance grappe de Hollande.
D’ailleurs, l’opération d’écrafer la garance verte
eff très-fimple ; il s’agit de la faire paffer fur une
meule verticale pour la réduire en pâte.
Le moyen de conferver les racines vertes de la
garance, confifte à faire dans un jardin une foffe
de trois ou quatre pieds de profondeur , & de la
remplir de racines lit par lit avec du fable, & de
manière qu’il n’y ait point dévidé.
Moyen de conferver la racine de garance fans la
defféçher. ' ■
On vient de voir que la racine de la garance ,
lorfqu’elle eff verte , fournit à quantité égale beaucoup
plus de couleur que la garance deffechée. De
plus, c’eft une opération coûteufe & fort difficile
que celle de faire fécher la garance. Les papiers de
Londres propofent un moyen à effayer pour conferver
la racine fraîche , & l’envoyer en cet état
aux teinturiers ; ce feroit auflitôt que les racines
font tirées 'de terre, après les avoir bien lavées, d"e
les faire piler dans un moulin, de les réduire en
pâte fine, de mettre cette pâte dans des futailles ,
avec une certaine quantité , ( comme d’environ une
once par livre de racine ) en partie égale de fel gris
& d’alun: Ces fels empêcheroient cette pâte de fermenter
; & loin de nuire à la couleur, il y a lieu
de penfer qu’ils ne pourroient que très-bien faire ,
puisqu’on emploie ces fels dans les teintures.
Choix de la garance.
Quand on examine à la loupe une racine de
garance bien conditionnée, on apperçoit fous l’e-
I piderme & dans le parenchyme , des molécules
rouges qui fourniffent certainement la couleur que.
cette racine contient ; maisN on y voit outre cela,
beaucoup d’une certaine fubftance ligneufe qui eff