
ici dans quelques détails fur ces événemens, &
fur les perfonnes de ces deux bienfaiteurs des
lettres , & de relever les erreurs inférées dans
la plupart des livres où il en eft fait mention.
Jacques Bongars ou de Bongars , feigneur de
Bauldres & de la Chefnarge , confeiller d’état du
roi de France , étoit iffu d’une bonne maifon d’Orléans
, & fut élevé dans la religion réformée. Il
b f premières études à Strasbourg, & les continua
à Bourges, où il futdifciple du favant Cujas.
Quoique Bongars n’eût pas négligé de cultiver plu-
fieurs fciences, il s’attacha préférablement aux belles-
lettres, à la critique des auteurs anciens & àl’hiftoire.
La bibliothèque de Berne conferve un grand
nombre d’extraits, qu’il avoit faits de fes levures ,
& quantité d’auteurs anciens & d’hiftoriens du
moyen âge, qu’il avoit comparés avec fes manuscrits
, dont il mettoit les variantes à la marge. Les
livres font indiqués dans le catalogue des imprimés
, publié en 1764. Bongars s’attacha de bonne
heure au fervice du roi Henri I V , dans le temps -
qu’il n’étoit encore que roi de Navarre. En 1585
il fit le voyage de Conftantinople & paffa par
Vienne, par la Hongrie, la Tranfylvanie, & les
autres provinces qui fe trouvent fur cette route.
On conferve à Berne le journal de ce voyage
écrit de fa main ; mais, au-' grand regret des curieux
, il finit à fon arrivée à Conftantinople ; de
forte qu’on ignore & ce qu’il fit dans cette ville,
& la route qu’il prit en revenant. Quelques
recherches qu’on ait faites dans les bureaux, on
31 a’ pu trouver aucune preuve de quelque négociation
, dont il ait été chargé dans ce voyage.
On doit donc croire que l’envie de s’inftruire fut
fon feul objet. Ce fut alors , vraifemblablement,
qu’il ramaffa les matériaux d’un grand ouvrage ,
qu’il fit imprimer à Francfort en 1602 , fous le
titre de Scriptores Rerurn Hungaricarum, quoique
fon nom n’y paroiffe pas. Il publia à la fin du
volume un recueil d’infcriptions qu’il avoit copiées
en Hongrie & en Tranfylvanie. Au commencement
de l’année 1589, le roi Henri n’étant
encore que roi de Navarre , l’envoya chez les
princes proteftans d’Allemagne. -Il fut chargé pendant
le règne de ce prince de plufieurs négociations
importantes , entr’autres, il fut employé dans
l ’affaire de la fuccefliou de Juliers.* La bibliothèque
de Berne conferve un grand nombre de lettres
& de mémoires relatifs à ces diverfes négociations.
Comme il faifoit de fréquens féjours à Strasbourg,
Bongars fut profiter de la difperfton de la bibliothèque
du chapitre , dans le fchifme arrivé en
1592, entre les chanoines catholiques & les proteftans.
Ce fut dans les différens féjours qu’il fit
en cette ville, que Bongars lia une étroite amitié
avec René Gravifet, père du bienfaiteur de la bibliothèque
de Berne. Le recueil de fes lettres imprimées
à la Haye en 1697 , contient plufieurs
particularités relatives à cette liaifon. Le duc de
Bouillon , dans une lettre écrite de fa main à
Bongars, qui eft confervée en original à Berne „
fait une mention honorable de ce René, qu’il appelle
le fire de Gravifet.
En 1603 , Bongars acquit une partie de la bibliothèque
de Pierre,Daniel, avocat au parlement
de Paris , fon ami & fon parent. Ce dernier avoit
profité du pillage de l’abbaye de Fleurs , arrivé
en 1562 , dans le temps des guerres des proteftans.
Ce fut là que Daniel trouva entr’autres de
très - anciens manufcrits de Virgile, fur lefquels il
donna dans la fuite line édition de ce poète ,
avec un ample commentaire du grammairien Ser-
vius. Ces manufcrits font aujourd’hui dans la bibliothèque
de Berne.
En 1604, Bongars fit encore l’acquifition des
reftes de celle de fon ancien précepteur Cujas,
parmi lefquels il y a plufieurs éditions d’auteurs
anciens , avec des notes marginales de ce favant.
Bongars mourut à Paris en 1612, fans .avoit été
marié , & difpofa de fa bibliothèque en faveur
de fon ami Gravifet, qui ne lui furvécut que de
deux années. Son fils, Jacques Gravifet, devint
en 1614 poffeffeur de ce tréfor. Il en étoit digne,
ayant fait de bonnes études à Heidelberg. C ’eft
lui qui eft l’auteur anonyme d’une Satyre affez
ingénieufe , intitulée Heutelia , anagramme de
Helvetia. Mais ce qui prouva fur-tout qu’il con-
noiffoit le prix de ce tréfor , c’eft la réfolution
qu’il prit de le réunir a la bibliothèque de Berne.
La condition qu’il exigea fut un nouveau bienfait.
Ce fu t , que les bourgeois de Berne auroient
pour toujours l’ufage de cette bibliothèque. On
dreffa un catalogue des livrés manufcrits & imprimés
de Bongars en 1,63 2 , qui eft précédé d’une
préface très - longue. Ce monument , fans autre
preuve., fuffit pour détruire une erreur avouée
par le P. Mabillon, dans la préface de fon livre
de Liturgia Ecole fiez Gallicanes ; erreur qui a été depuis
répétée dans les diâionnaires , où l’on ne
ceffe de réimprimer les mêmes fautes. Ce père
avoit aflùré , fur la foi d’un avocat d’Orléans ,
que Gravifet, par l’entremife de Gruterus, avoit
vendu la bibliothèque de Bongars à l’éle&eur Palatin
, & qu’après l’expulfion de ce prince de fes
1 états , elle avoit été tranfportée, avec celle de
Heidelberg , dans celle du Vatican. Levcatalogue
qu’on conferve à Berne , qui préfente une très-
nombreufe colleâion de livres manufcrits & imprimés,
fert affez de preuve contre cette tradition.
Le catalogue raifonné que M. Sinner a publié en
1760 & 17 70 , des manufcrits de cette bibliothèque,
en fait connoître le prix. Les hiftoriens des
croifades, publiés par Bongars en 1611 fous le titre
j dé Gejla Del per Franco s , font parmi ce nombre,
1 de même qu’une chronique d’Eufebe, traduite par
S. Jérôme, écrite par ordre de Pépin, maire du
palais du roi Childebert, qui porte la date de la
cinquième année du règne de cè prince ; un grand
nombre de manufcrits très-anciens d’auteurs claf-
1 fiques ; beaucoup d’hiftoriens du moyen âge, &
quantité de vieux poètes & de romanciers françois ,
dont M. Sinner a donné la notice dans les extraits
des poéfies, publiés à Laufanne en 1759.
L’an 1693 on trouva a propos de mêler & de
réunir la bibliothèque de Bongars avec l’ancienne,
& l’on en dreffa un catalogue général. Elle s’ eft
confidérablement augmentée depuis ce temps. Si
l’on fait attention à la rareté des livres & au choix,
cette biblotheque peut difputer le prix à. d’autres
plus nombreufes , mais moins intéreffantes.
Bibliothèque de Bâle. Nous avons la defeription
moderne de cette bibliothèque , par un homme
bien capable d’en juger, le favant M. de la Crofe.
.Voici ce qu’il nous en dit :
37 La bibliothèque publique de Bâle eft belle
77 pour le pays ; mais elle ne peut pas être com-
» parée à un grand nombre de bibliothèques de
■5? Paris , pour le nombre & pour la rareté des
v livres. On n’a prefque rien à Bâle que des édi-
i) fions du fiécle paffé (le feizieme ) ; les éditions
37 des peres,, d’Angleterre & de Paris , n’y font
35 point ; & fi l’on en excepte la bibliothèque des
v peres de L yon, les conciles du Louvre & quel-
3 j ques éditions de Froben, il n’y a rien dont on
s» puiffe faire une grande eftime. Il n’en eft pas
3? de même des manufcrits , il y en a de fort
v beaux & de fort anciens.
» J’y ai vu entr’autres une bible du neuvième
fiécles en trois volumes, in-fol. Elle eft belle,
» mais elle a été négligée, & il y manque quel-
37 ques livres de l’écriture, entr’autres les pfeau-
37 mes. Le fameux paffage de la Trinité dans l’é-
33 pitre de faint Jean ne s’y trouve point, non plus
37 que dans la plupart des manufcrits grecs & la-
tins de ce temps-là. Il y a auffi deux volumes 37 i/ï-49 du même fiécle , dont chacun comprend
37 les quatre évangéliftes en latin, avec les canons
37 d’Eufebe & la préface de S. Jérôme. On ne
37 peut rien voir de mieux écrit que ces deux li-
37 vres : l’un eft entier & affez bien confervé, &
37 l’autre fort défeâeux, quelqu’un ayant coupé les
37 feuilles par où commence chacun des évangéliftes.
» Je ferois trop long fi je parlois de tous les
3> manufcrits qui font dans cette bibliothèque ;
37 mais comme il n’y a eu guere d’étrangers qui les
37 ait tant vus que moi , & que même les gens
37 du pays les connoiffent peu, j’ajouterai encore
» quelques lignes à ce que j’ai dit. M. Patin qui
» a vifitè autrefois cette bibliothèque, n’en ayant
37 prefque remarqué que ce qui étoit le moins
37 digne de l’être, n’en a parlé que furperficiellement.
37 On ne peut rien voir de fi beau qu’un Saint
3> Auguftin, formes quadrates. Il eft écrit par ver-
3* fets, ce qui faifoit autrefois toute fa diftin&ion ;
37 mais depuis on y a ajouté des points & des
37 virgules. Ce manuferit eft du VIIIe fiécle. Il y
37 en a d’Ifidore de Séville du IXe fiécle, & de
37 quelques peres, moins eonfidérables par leur
37 rareté cfue par leur antiquité. Le texte grec des
37 évangiles in-40 dont parle M. Patin , eft fans
37 doute beau, mais il a eu tort de le faire de la
37 même antiquité que les épîtres de S. Paul de l’ab-
37 bayé de S. Germain ; il eft plus nouveau de cent
3> ans pour le moins, & eft peut-être du VIIIe fiécle.
37 II y a un manuferit dans la même biblio-
77 theque, qui contient tout le nouveau teftament
77 dans un ordre différent de celui qu’on fuit d’or-
77 dinaire. Ce manuferit eft moins ancien que celui
37 dont je viens de parler. Le jugement de la
37- femme adultéré n’eft point dans le texte, quoi-
37 que le copifte l’ait renvoyé à la fin du manuf-
37 crit où il le trouve avec cette remarque, qu’on
73 ne le trouvoit que dans peu de manufcrits. Il
77 eft néanmoins tout entier dans l’autre manuferit
37 qui eft plus ancien; le copifte y a ajouté de gros
33 aftérifques à la marge, à peu près de cette for-
37 me *. Le 7e verfet du chapitre V de la I re épître
37-de S. Jean ne s’y rencontre point. Il y a plu-
33 fieurs manufcrits grecs de S. Jean-Chryioftôme,
77 de S. Athanafe, des commentaires fur la Genefe
37 tirés des anciens peres, & qu’on nomme ordi-
37 nairement catenoe.
77 Je ne dois point oublier ici un beau pfeautier
77 i/z-40 écrit en grec par un latin, qui y a ajouté
77 une traduéUon latine interlinéaire : le latin eft
77 écrit corre&ement , mais le grec qui eft écrit
» fans accens, eft plein de fautes.. .. Après cela ,
77 ce que j’ai vu de plus curieux eft un manuferit
>3_ fort récent, contenant un traité du patriarche
>7 Photius, irtfi niç'tM, qui n’eft point imprimé, à
37 moins qu’il ne le foit dans fes épîtres. Plufieurs
37 difeours & fermons d’Euftathe , archevêque de
37 Theffalonique, forment un autre manuferit plus
33 ancien, écrit fur du papier & fort difficile à lire.
>3 J’y ai vu entr’autres un difeours qui porte-ce
j 77 titre : E en o* ^'letxôvois erros Trpéxbyoç rav
77 Tlwê'upx ; ce qui prouve qu’Euftathe a
73 fait des commentaires fur Pindare, dont je n’ai
37 point ouï dire qu’on eût de connoiffance. On
7? trouve dans le même manuferit des oraifons fù-
>7 nebres de quelques empereurs de Conftantinople,
73 & plufieurs difeours qui pourroient peut - être
37 fervir à l’hiftoire de ces temps-là.
77 II y a dans la même bibliothèque divers au-
)7 teurs clafiiques manufcrits, comme Thucydide
33 grec, avec les feholies anciennes , duquel Ca-
37 mérarius s’eft fervi pour l’édition latine qu’il a
77 donnée de cet auteur; un Sallufte in -4 0 du IXe
37 fiécle, d’une beauté admirable ; quelques Virgile
37 & quelques Ovide anciens : deux Horace,
37 manufcrits, vieux de cinq à fix cents ans. Ils
33 font tous remplis de feholies marginales & in-
77 terlinéaires , de peu de valeur.. . . . . . M. Patin
37 parle d’un Virgile; c’eft un manuferit moderne,
37 qui n’eft confidérable que par la beauté de l’é-
37 criture & des ornemens qu’on y a prodigués.
37 Ceux qui y chercheront l’alcoran écrit lur du
37 papier de la Chine, dont Miffon parle dans fes
33 voyages, perdront leurs peines. L’alcoran dont
77 il s’agit eft écrit fur du papier oriental comme