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T , E fournalifte eft un artifan autorifé à faire des
fourneaux & Vaiffeaux de terre qui fervent pour les
affinages & fonte des métaux, pour les-diftillations,
pour les ouvrages d’orfèvrerie & de fonderie , enfin
pour les opérations de chimie & de pharmacie.
Les fournaliftes de Paris conftruifent leurs fourneaux
avec de la terre glaife ou argile bleue , &
avec des teffons de poterie de grès réduits en poudre
groffière, comme du ciment qu’on paffe par diffé-
rens cribles. C ’eft ce mélange qu’ils appellent terre
à creufet. '
Il y a des ouvriers qui ajoutent dans cette com-
pofition du mâche-fer ; mais cette matière y eft nui-
fible, d’autant quelle augmente coufidérablement
lafufibilité de la terre, & qu’elle rend les fourneaux
d’un mauvais fervice. C’eft pourquoi il eft défendu
aux fournaliftes de fe fervir du mâche-fer dans leurs
ouvrages , par l’article XVIII de leurs ftatnts.
Lorfque le fournalifte a préparé fon ciment de
poterie de grès , il le mêle avec une ou deux parties
d’argile bleue , tirée de Vanvres ou Gentilly, & -
autres environs de Paris ; ayant grand foin d en
féparer les pierres & pyrites qui s’y trouvent, &
qu’ils nomment feramïne.
On eft dans l’ufage de corroyer ce mélange avec
les pieds , le plus également qu’il eft poffible, en
ajoutant de l’eau jufqu’à ce qu’il ait une conftftance
mollette , & telle qu’on puifle le pétrir avec les
mains fans y adhérer. C’eft avec cette pâte qu’on
fabrique les fourneaux.
Pour les conftruire, on prend une motte de cette
terre ainfi mélangée, on la pofe fur une pierre plate,
portée horizontalement fur un billot de hauteur
convenable, & faupondrée d’un peu de fable ou
de cendre tamifée. On applatit cette terre pour lui
donner l’épaiffeur néceffaire , & on l’étend de la
largeur que l’on veut donner au fourneau.
Enfuite on l’arrondit au compas, ou bien on lui
donne une forme carrée à l’équerre.'C’eft la partie
qu’on deftine à former le fond du fourneau.
Quand on a donné à cette plaque de fond la
même épaiffeur par-tout, on échancre fes bords en
les pinçant, afin que l’argile que l’on doit y ajouter
s’y incorpore.
- Alors pour élever la paroi, on prend une fécondé
motte de terre, on la pétrit avec les mains , & on
en forme un rouleau un peu long. On applique ce
rouleau fur la pierre qui doit fervir de fond, & on
la foude tout autour en appuyant avec les pouces
& les doigts index des deux mains. On continue
d’apliquer ainfi de fuite des rouleaux de terre jufqu’à
ce que le fourneau ait la hauteur requife, &'
que les parois foient élevées jufqu’au foyef.
J^ela fait, l’artifte donne le premier poli à fon
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ouvrage, en ôtant l'excédent par dehors-avec le
doigt, qu’il paffe à peu près perpendiculairement
de bas en haut ; il infinue enfuite fa main par dedans
pour fentir s’il n’y a rien à retrancher ; enfin, il
ratifie avec le bout des doigts, l’intérieur & l’extérieur
du fourneau, afin d’unir & de lier intimement
les différens rouleaux qui ont été appliqués les uns
für les autres.
Si le fourneau a trop d’épaiffeur, il paffe un
couteau tout autour pour emporter l’excédent ; il
le repolir avec la main, puis avec une petite palette
ou pelle de bois qu’il trempe de temps en temps
dans l’eau.
On conçoit bien que cette palette doit être convexe
d’un côté.-
Quand le fourneau qu’on fabrique doit avoir
plufieurs pièces, il faut en faupoudrer les bords de
fable ou de cendre, afin que la pièce qui va être
élevée deffus n’y adhère point.
On continue d’y appliquer des rouleaux de terre *
comme il a été dit ci-deffus ; puis on rétrécit ou on
élargit le fourneau à mefure & fuivant que cela
paroît néceffaire.
On arrange pareillement la terre avec le bout des
doigts pour unir ces nouveaux rouleaux.
Si l’artifte a deffein de faire le fol du foyer en
terre, & s’il veut que ce fol foit fix e , il faut une
plaque femblable à la première ; mais convexe fupe-
rieurement ; & il en couvre les parois. Il l’échancre
aufii en la pinçant, & il continue d appliquer fes
cylindres ; mais s’il rie veut faire qu un rebord ou
même que trois ou quatre mentonnets pour foutenir
une grille de fer ou de terre , il fe contente d appliquer
en dedans & à la hauteur convenable, un
cylindre qui parcourt la circonférence du cendrier
une fois ou deux, fuivant la faillie qu’il veut donner ;
ou bien il ne l’applique qup dans trois ou quatre
endroits , mais à diverfes reprifes pour faire la
faillie néceffaire , après quoi il contiuue comme
auparavant, d’élever fes parois.
Quand le fourneau eft fin i, l’artifte examine s’il
eft bien rond , s’il n’eft point penché, ou fi un bord
ri’eft pas plus haut que l’autre.
Quant à la rondeur, elle fe donne aifément, en
preffant avec les deux mains le grand diamètre du
fourneau. * f
On ajoute au bord qui n’eft pas affez élevé, ou
l’on diminue celui qui l’eft trop ; mais on ne corrige
l’obliquité qu’en preffant avec les deux mains placées
vis-à-vis l’une de l’autre le côté qui rentre dans
le fourneau pour lui donner plus d’étendue & l’en
faire fortir, & en frappant doucement avec la main
le* côté oppofé qu’on doit réfouler.
On le polit enfuite comme auparavant ; premièrement
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mlèrement avec les mains, enfuite avec la palette
avec laquelle on le frappe d’abord également de
toutes parts pour remplir les petits interftices qui
peuVent y être reftés. On fait tout de fuite la mentonnière
, les poignées du fourneau & celles des
parties qui doivent devenir les portes.
Telle eft la pratique de l’artifte, à qui un long
exercice a donné le coup d’ceil qui lupplée aux
inftrumens néceffaires pour arrondir un fourneau,
ou. qui fe fiducie peu d’une exaélitude géométrique.
Il n’en eft pas de même dë ceux qui commencent
& qui veulent travailler avec foin : les uns ont pour
guide un petit bâton poli planté perpendiculairement
dans la planche fur laquelle ils conftruifent leur
fourneau tout autour de cet axe ; & ils l’arrondiffent
en le mefurant avec une ficelle qui joue aifement
autour de l’axe paffé dans fon anneau : d’autres fe
fervent d’une fauffe équerre qu’ils ouvrent à angle
droit ; par exemple, quand c’eft un fourneau cylindrique
; & à angle aigu, quand ç’en eft un en cône
renverfé qu’ils veulent faire.
Le fourneau étant bien formé & difpofe , on le
laiffe fécher à demi dans un endroit à 1 abri du feu
& du fole il, afin que la terre ne fe fende point.
Lorfque la plus grande humidité eft diflipée , on
le bat avec -Une palette de bois pour le corroyer,
c’eft-à-dire, pour entaffer la terre , & la rendre plus
çompaéte.
Il y a un degré de ficcité convenable pour le corroyer,
que le fournalifte doit favoir.faifir ; en effet,
fi le fourneau étoit trop mou , les coups de palette
le déformeroient, & s’il étoit trop fe c , il fe fendroit.
Quand on juge que le fourneau a été fuffifamment
battu, on le polit avec une palette de bois unie &
propre ; on perce alors les trous , & on coupe avec
un couteau les endroits où doivent être les portes.
Le morceau qu’on a coupé pour faire la porte ,
doit être faupoudrè de cendre ou de fable ; & on
le refoure dans fon trou après y avoir foudé une
poignée de la même terre.
On laiffe fécher ce fourneau à l’ombre prefque
entièrement ; enfuite on achève de le faire fécher
au foleil, ou avec un peu de feu qu’on met dedans.
On fait cuire dans un four le fourneau lorfqu’il
eft entièrement fec.
Le four qui fert ordinairement à cet ufage, eft
une cavité de cinq pieds de profondeur , fur quatre
de large, cinq de haut dans le fond , & cinq & demi
ou plus à l’embouchure ; il eft fait en dehors d’une
maçonnerie capable de foutenir la pouffée de la
voûte, &: revêtu en dedans de briques de Bourgogne
placées fous deux rangs excepté à la voûte.
Du fond à l’embouchure , régnent des deux côtés
deux petits murs de brique épais , & hauts de neuf
pouces , appliqués aux murs du fourneau.
Sa porte eft marquée par deux petits pieds droits
de même largeur & épaiffeur que les deux petits
murs d’appui. Ils s’étendent de bas en haut.
Quand on veut, ranger les fourneaux dans ce
four, on met pour les foutenir des barres de fer fur
Arts & Métiers. Tome III. Partie 7.
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, les petits murs d’appui , & on les place debout
ou couchés, peu importe ; c ’eft la fituation la plus
avantageufe pour en mettre davantage, qui décidé.
Le four étant plein , on ferme le devant avec de
grands carreaux ou de grandes pierres plates qui
. s’étendent d’un côté à l ’autre de la porte , avec
toutefois la précaution de le laiffer ouvert en bas
à la hauteur des petits murs d’appui’pour le paffage
du bois, & en haut, d’environ autant dans toute la
largeur de la porte, pour le paffage de la flamme.
On remplit de menu bois toutl’efpace compris entre
les petits murs, & on entretient le feu de la forte
pendant huit heures; onconfume environ le quart
d’une voie de bois. La cheminee de ce four eft placée
comme celle dit four du boulanger, avec cette exception,
que la fablière en eft prefque^ aufii baffe
que la partie inférieure de l’ouverture qu’on a laiffée
pour le paffage de la flamme. g
L’endroit du four où le feu eft le plus v if, c eft
la partie de la voûte qui eft près du paffage de la
flamme. Le fournalifte met cependant au milieu, les
groffes. pièces qu’il a à cuire , fans doute parce
qu’elles font environnées d’une plus grande maffe
de fe u , & non parce que le feu y eft plus aâif.
L’ouverture fupérieure ne devroit avoir que la
moitié où les deux tiers tout au plus de l’inférieure*
Si l’on examine ce qui fe trouve dans la cheminée
, on voit à là paroi antérieure quantité de
cendres bien calcinées, & à celle qui eft mitoyenne
avec le four , un noir de fumée fort fec , ce qui indique
que la matière fuligineufe eft mèlee en petite
quantité avec beaucoup de cendres. f
L’argile de Gentilly eft d’un bleuâtre affez fonce,
ce'qui, joint aux pyrites qui s’y trouvent fréquemment
, peut faire foupçpnner qu’elle contient du.
fer ; aufii e ft-il inutile d’y ajouter de la limaille,
comme on l’a dit plus haut.
Toute argile s’amollit dans l’eau & y devient une
I pâte tenace & bien liée ; elle fe durcit quand on la
sèche à l’air. Si on ne l’expofe qu a un feu médiocre ,
d’abord elle y devient dure ; mais fi on augmente
fon aâ iv ité, elle fe convertit en un verre demi-
opaque, d’un verd tirant fur le roux. Ceft pour
cette raifon que les fournaliftes ne donnent un feu
ni trop long, ni trop v if ; car leur argile eft d’autant
mieux difpofée à prendre la vitrification , quelle eft
mêlée d’une matière tirée des teffons des pots de
grès qui là favorife.
On fait par expérience qu’un corps vitrifie veut
être échauffé & refroidi lentement ; mais on ne
peut pas obferver ces précautions à l’égard des fourneaux
dans lefquels il faut pouvoir mettre le feu
tout d’un coup, de même qu’il faut être le maître
de l’en retirer de la forte : ils ne doivent donc pas
être vitrifiés ; il y a plus, c’eft qu’il faut qu’ils foient
allez poreux pour foutenir conftamment fans altération
les vieillitudes de chaleur & de refroidiffemerit
qu’exigent l’opération ou la commodité de l’artifte.
On n’a, pas encore trouvé de matière qui remplit
mieux ces vues que l’argile, mêlée d’un corp»