
& il eft rare qu’elles en donnent 1 50. En général,
on peut dire que la qualité des pâturages produit
des différences fenfibles dans chacune-des races que
nous venons de diftinguer. Le long des vallées ou
les prairies font arrofées par des ruiffeaux d’eau vive
& claire, & dont le fond eft garni de bonnes terres
végétales , on voit de fort belles ^vaches ; les
montagnes voifines , dont le fol eft aride , ont
bien les mêmes efpèces , mais plus ou moins dégénérées.
Dans les fermes où le iol eft de cette même
nature , non-feulement oh entretient de petits
boeufs pour la culture, mais même on a foin de fe
pourvoir de ceux qui ont été élevés au milieu dès
bruyères & des châtaigneraies : il en eft de même
des vaches : on choifit celles de la plus petite efpèce ;
car les vaches de la forte race , qu’on nomme vaches
■ de rivière , y dépériroient.
A beauté égale de taille, les vaches donnent des
produits bien différens. Il paffe pour certain que
celles qui ont dss formes & des couleurs particulières
, fourniffent plus de lait que d’autres: auffi
les conferve-t-on & les multiplie-t-on avec le plus ,
grand foin ; elles fe vendent d’ailleurs à des prix plus
■ conftdérables.
§ . II. Des pacages & des prairies,
La moitié de la haute Auvergne eft occupée par
Ses herbages, dont un tiers eft en prairies & le
refte en pacages. Lés pacages font de grandes parties
de montagnes ou de plaines couvertes d’herbe ,
laquelle fe çonfomme fur le lieu même par les
beftiaux ; au lieu que l’herbe des prairies fe fauche
pour en tirer du foin. Nous allons parler des pacages
& des prairies féparément.
On diftingue les pacages par rapport à leur po-
fition , en fommets élevés ou montagnes, en fommets
inférieurs ou coteaux , & en vallées.
Les pacages un peu conftdérables ne fe trouvent
guère que furies fommets élevés , ou fur les fommets
inférieurs ; car les uns & les autres offrent des
efpèces de plaines plus ou moins étendues , où de
nombreux troupeaux vont paître tout l’été. C ’eft
là où font les plus grandes reffources pour la pâture
des beftiaux _, parce que les herbes y font ordinairement
fort abondantes , étant fouvent rafraîchies
par les fources qui les arrofent, ou par les nuages
qui couvrent les fommets & s’y fixent : enfin,
l’engrais des beftiaux qui paffent l’été dans ces pacages
,. achèvent de les fertilifer. Cette forte de pâturage
peut fe fubdivifer en trois fortes de claffes ,
par rapport à leur produit. Les pacages des montagnes
de Salers & de la haute plaine qui les avoi-
fitne , donnent en général le meilleur produit, &
les vaches qui y paiffent rendent, comme nous l’avons
déjà dit , deux quintaux de fromage par tête.
D ms les pacages fitués fur les fbmmets élevés des
Monts-Dor & des plaines hautes qui les entourent,
on n’obtient guère que 150 livres de fromage par
yache. Enfin, le diftrift du Cantal offre des pacages
d’une qualité inférieure , puifque chaque vache n’y
donne pas plus de 125 livres de fromages, pendant
tout l’été. Outre cette diftinérion générale, on ef-
time qu’il petit y avoir environ un quart de ces fommets
d’une fertilité médiocre, parce que la terre y
eft peu profonde , & que d’ailleurs on n’y trouve
point de fources affez abondantes pour les arro-
fages: outre cela, ils ne produifent guère qu’une
efpèce de gramen fec & dur, appellè poil de bouc,
qui a peu de fuc , & qui fe mâche difficilement.
Quoique les fromages qu’on en obtient fe confervent
bien, & plus long-temps que tous les autres , ils
font en trop petite quantité pour dédommager des
avances primitives.
Les hautes montagnes & leurs pacages reftent
fous la neige pendant environ fept mois de l’annee.
Par cette raifon, les vaches ne peuvent y paître auffi
long-temps que fur les fommets inférieurs ; ce qui
eft un affez grand défavantage pour les proprié-
j taires : mais pour les pâturages, il n’eft pas douteux
qu’ils ne fe montrent, en lortant de deffous cette
couverture de neige., & plus verds & plus fournis
d’herbe que les autres. Il feroit à defirer que les
pacages des vallées puffent réparer le défavantage
des hauts fommets ; mais la végétation n’y eft pas
ordinairement affez avancée pour cela.
Un autre défavantage des hauts pacages , eft le
froid qui s’y fait fentir affez vivement, même l’été,
& qui a des retours affez fréquens, fur - tout au
commencement de l’automne. Il eft certain que
cette circonftance y diminue confidérablement le
produit des beftiaux; car le lait des vaches eft réduit
à la moitié pendant ces temps froids ,. & fur-tout
dès que les gelées blanches commencent. Ces contre
temps , outre cela, font maigrir les vaches, &
nuifent fenfiblement à la multiplication des veaux :
il en réfulte donc qu’on ne peut pas retirer des
beftiaux qui paiffent fur les hauts fommets froids ,
les mêmes produits en fromages , en beurre & en
veaux, qu’on obtiendroit , à qualité de pâturage
égale, dans des expofitions d’une température plus
douce & plus uniforme..
Certaines parties des pacages des hautes montagnes
, ne réftftent pas à une sèchereffe longue &
foutenue. Un mois de chaleurs fo-rtes defsèche les
gazons, ceux fur-tout dont l’herbe a été mangée :
les beftiaux y fouffrent de la foif & de la, faim,; ce
qpi caufe le plus fouvent des maladies : ces in-
Convéniens, il eft v ra i, ne fe trouvent pas dans les
pacages arrofés par des eaux abondantes , &. o.ù
l’herbe pouffe très-promptement. ...
Les pacages des coteaux & dés fommets inférieurs
ne font pas non plus fans inconvénient : ceux
dont les croupes font rapides, n’ont guère qu’une
fertilité médiocre , parce que la terre végétal©
s’y arrête difficilement, étant entraînée par les
eaux des pluies & de là fonte des neiges qui enlèvent
en même temps l’engrais des beftiaux qui pour 1
roit réparer ces pertes. Ces croupes font auffi fort
fouvent hériffées de rochers, ou garnies de. petits
bois qui interrompent les pacages ; car l’herbe vient
difficilement au milieu des troncs d’arbuftes qui en
garniffent une partie.
Ces coteaux, enfin , font e fc a rp é sd e difficile
accès, & produifent de l’herbe seche & dure :
il eft donc néceffaire d’y jetter des vaches de la plus
.petite efpèce, qui font les plus agiles, les moins
fujettes aux chûtes, & qui peuvent en même-temps
paître l’herbe avec des dents neuves. On en exclut,
par cette raifon , les vieilles vaches & celles d’une
forte race. Malgré ces attentions , il arrive fort fouvent
que, fur vingt .vaches ainfi choifies, il s’en pré-
< cipite toujours une , & quelquefois deux», particulie-
rement fur les croupes des coteaux inférieurs qui
environnent les Monts-Dor, le Cantal, Mandailles,
! Saint-Cirgues , &c.
Je dois faire obferver ici que les propriétaires de ^
ces pacages & des beftiaux, ont mis une grande in- !
!■ telligence dans le choix des polirions les plus propres
à écarter une grande partie de ces inconvé-
j niens ; & que, par ces arrangemens, il y a dans
I cette claffe de pâturages, des vacheries auffi productives
que dans ceux de la précédente.
Dans les vallées, on ne trouve guère que des
prairies, & point de pacages : ce font les prairies
baffes ; elles occupent les*environs des fermes, 8c une
; grande partie des plaines, fituées au pied des mon-
r tagnes : celles qui font dans le fond des vallées larges
‘ & étendues , donennt trois à quatre récoltes. Dès
que les premières chaleurs commencent à faire
pouffer l’herbe au mois d’avril, on tire les beftiaux
des étables, & on les diftribue dans ces prairies,
& ils ne les quittent plus qu’à la fin de mai, qu’ils
, partent pour la montagne. On'appelle cette pâ-
1 ture, les premières herbes , ou le déprimage : en cette
I faifon, les retours de la gelée ou [du froid amor-
I tiffent quelquefois la pointe’des herbes ; en y met-
! tant les beftiaux , on enlève les parties, flétries , &
K; l’on ranime la végétation, qui eût langui fans cela :
| ainfi les prairies déprimées donnent autant de foin
s que fi les beftiaux n’y euffent pas été mis.
Dans ces prairies , la fauchaifon s’ouvre à la mi-
! juillet. Depuis l’époque où les beftiaux les ont quit-
I tées , jufqu’à la fauchaifon , c’eft-à-dire, dans l’ef-
I pace d’un mois & demi, l’herbe qui a pouffé eft fi
ft épaiffe, qu’elle eft fouvent Verfée; mais comme elle
I eft nourrie d’eau , elle perd beaucoup par la deffi-
I cation de la fenaifon.
A peine le premier foin eft-il enlevé, que le gazon
K repouffe ; ce qui donne les regains, que l’on coupe à
1 la fin de feptembre ou au commencement d’o&obre :
I cette fécondé récolte n’eft pas bien affurée. Il eft des
I . années 011 les pluies douces , oçcafionnées par des
I vents du fud-eft, rendent ces regains abondans ; mais
■ il en eft d’autres où la sèchereffe dit mois d’août,
& les gelées prématurées de l’automne la réduifent
| à peu de chofe , s’ils ne la font manquer entière-
| ment : ces regains font , fur-tout en Auvergne,
| d’une grande reffource,; on réfervé ces fourrages
pour les vaches, lorfqu’elles mettent bas ; ils leur
donnent une quantité de lait confidérable ; c’eft auffi
une bonne nourriture pour les veaux qu’on veut
fevrer, & pour les beftiaux malades.
Loi-finie les regains réuffiffent bien , il leur fuc-
cède encore une pouffe î, qu’on nomme les dernières
herbes. Cette produflion eft abadonnée aux
vaches à mefure qu’elles defcendent de la montagne
, particulièrement vers la Touffaint : c’eft la
quatrième récolte qu’on tire des prairies baffes.
Les prairies hautes ou des plaines élevées, ne donc
nent qu'une feule récolte ; mais, fi l’on çonfidère
la qualité du foin autant que fon abondance, elle
équivaut bien à toutes celles des prairies baffes dont
nous venons de prefenter la fuite. Le gazon de
ces prairies , couvert de neige la plus grande partie
de l’année, n’entre en végétation que vers le
.15 avril ; encore la température froide & pluvieufe
tqui règne dans Cette région , arrête-t-elle cette
pouffe de manière qu’on ne déprime pas ces prés :
on ne les fauche pareillement qu’à la fin du mois
d’août, parce qu’on ne peut rien efpérer de la pouffe
des herbes après cette époque : car , dans cette
faifon , le froid fe fait déjà fentir, les matins & les
foirs à ces hauteurs ; enforte que les regains & les
dernières herbes feroient très-peu de chofe.
J’ai fouéent admiré les foins & l’intelligence avec
laquelle on détourne les eaux des fources, des ruif-
feaux, &même des rivières , pour l’arrofement des
prairies inférieures. Mais il m’a paru qu’en général
on ne s’eft pas également occupé de l’arrofement des
prairies hautes , quoiqu’on put en augmenter le produit
par ces reffources, & que la diftribution des
eaux des fources pût s’y prêter, quoique moins
facilement que dans les prairies baffes.
Je n’ai pas encore parlé ici des pacages qui fe
trouvent fur certaines parties des plaines hautes,
& qui font deftinés à l’engrais des beftiaux qu’on
envoie à Paris ou à Lyon : on choifit ceux où l’herbe
eft d’une bonne qualité, & très-abondante.
Il feroit fort avantageux de faire le dénombrement
des plantes qui croiffent dans ces différentes
efpèces de pacages & de prairies: ce devroit être
le but de l’étude des botaniftes , qui ramèneraient
par-là leur nomenclature à un objet vraiment utile.
Je n’indiquerai ici que les principales plantes que
j’ai remarquées & qui font dominantes.
Les plantes les plus communes drns les pacages
des montagnes élevées, font les gamens de plu-
fieurs efpèces : celle appelléê poil de bouc , dont
j’ai déjà parlé , eft fort eftimée, lors fur - tout
qu’elle n’eft pas trop abondante, parce que les vieilles
vaches ne. peuvent pas la mâcher facilement,
& qu’elle ne donne pas beaucoup de lait; mais on
croit affez généralement , que ce fourrage entretient
les beftiaux dans un état de force & de fan té;
que le lait des vaches qui s’eii nourriffent eft plus
chargé de parties caféeufes, & que les fromages
J qui en proviennent font plus fermes & fe eoii-
fervent plus long-temps. Cette plante eft rare fu
* les fommets. inférieurs. &. dans les pâturages de§