
blanc étoit au contraire très-foible, très-vague, &
celles que réfléchifloient les couleurs intermediaires,
étoient plus ou moins diftin&es , fuivant l’ordre
indiqué par M. de Montamy. La couleur des objets
étoit fingulièrement altérée par la rèfle&ion des
fonds de couleur foncée ; celle, des carnations étoit
infupportable. Le fond blanc , malgré le vague de
l ’image , ne changeoit nullement l’efpèce des couleurs
; elles étoient rendues dans leur pureté, mais
feulement foiblement prononcées.
En rapprochant cette expérience de la définition
que nous avons cru devoir donner de la glace, nous
conviendrons à la vérité que le verre de couleur
foncée favorife la précifion & la force de la réfaction
; mais nous préférerons le verre blanc , parce
qu’il nous rend les couleurs telles qu’elles fon t,
fans les falir & les teindre , comme les verres
colorés.
Les rayons , après avoir traverfé le verre de la
giace, font réfléchis par l’étamage : fi le verre étoit
parfaitement blanc , & que le tain le fût auffi, ce
feroit cependant le refufer à l’évidence , que de
donner un tel miroir pour le plus parfait; le vague
de l’image qu’il préfenteroit, forceroit à le rejetter ;
mais, i° . il ne faut pas oublier que je ne défigne par
L’expreffion de verre blanc, que le verre fans couleur
affignable ; 2°. il eft très-difficile de l’obtenir
parfaitement de cette qualité ; & quelque légère
que foit la nuance qui lui refiera , elle fuffira pour
prévenir l’inconvénient de la blancheur de l’étamage
; 30. la couleur métallique de la feuille d’étain
n’eft pas un blanc décidé & éclatant comme celui,
d’une feuille de papier ; 4 . le tain fe trouvant en
parfait contaÔ avec la furface du verre , & étant,
en qualité de fubftance métallique , permeable aux
rayons de lumière le moins poffible , il doit réfléchir,
& il réfléchit, en effet plus exactement que
tout autre corps opaque que l’on appliqueroit à la
gfaç%
Le fabricant de glaces doit donc faire fon verre
le plus blanc qu’il le peut. Il réuffira, en employant
la manganèfedans fa compoûtien. M. de Montamy
prétend que l’addition de cette, fubffance produira
le noir dans le verre : cette affertion n’eft vraie,
qu’en la mettant à très-forte dofe : nous efpérons
prouver , qu’en proportion convenable, elle doit
au contraire produire le blanc. C ’eft 1 opinion la
plus générale, & M. Dantic l’a énoncé de même
dans fon mémoire fur la verrerie, page 120 , terne 1
de fes OEuvres. M. de Montamy l’a cité, & l’a combattu
; mais ce n’eft pas ici le lieu de nous occuper
de cet objet* que nous nous réfervons de traiter
en parlant de la compofition du verre propre à faire
des glaces.
Motifs de la préférence accordée à Valkali minéral
fur le végétal, pour la fabrication des glaces.
La vitrification des terres eft déterminée par
Faction d’un fondant que l’on leur combine. Les
chaux métalliques y font employées ayec fuccès,
mais l’ufage en eft réfervé à la fabrication des crif-
taux, des flint-glafs, ou d’autres verres pefans,
dont le prix peut permettre de fe fervir de matières,
plus chères. Les verreries ordinaires n’emploient,
pour fondant que l’alkali fixe : on en connoît de
deux efpèces , l’alkali fixe végétal, & l’alkali fixe
minéral. Le premier eft extrait des cendres des végétaux
; le fécond , fait la bafe du fel marin ; celui
qu’on tire des foudes , par lixiviation & évaporation
, lui eft parfaitement identique. Je ne m’é-;
tendrai pas fur les différences que les chimiftes re-,
marquent entre les deux efoèces d’alkali fixes ; on
trouve des détails très-fatisfaifans à cet égard, dans
le Dictionnaire de Chimie de M. Macquer, & l’on peut
acquérir des connoiffances encore plus particulières;
dans les articles fournis à cette Encyclopédie , par
l’illuftre chimifte de Dijon ; je me bornerai ici à
citer les raifons d’expérience, qui , pour les travaux
de la glacerie, font préférer l’emploi de l’alkali
minéral, à celui de l’alkali fixe.
On remarque que la fufion des terres vitrifiables ,
parl’alkali minéral, eft plus générale & plus complexe
; le verre eft plus doux, plus coulant, pendant
qu’il eft encore chaud, & x après fon refroi-
diffement, il eft plus folide & plus durable. Il n’y
a perfonne , q u i, dans les plus beaux ouvrages en.
verre blanc, dont l’alkali fixe végétal eft le fondant,
n’ait reiq^rqué des boutons , ou petites pierres de
matière infondue, & qui, à l’afpeâ de la plus grande
glace, ne fe convainque par fes propres obferva-
tions , combien ce défaut eft rare en employant
l’alkali fixe minéral.
La déliquefcence de l’alkali fixe végétal eft une
caufe de deftruâion pour le verre qui en eft formé ,
lorfque, par le genre du. travail, on eft obligé de
produire un verre tendre, & par conféquent de
forcer la compofition en fondant. On obferve , en
effet, que les glaces foufflées dans quelques verreries
Allemandes, placées dans un lieu un peu.humide
, laiffent échapper à leur furface une humidité
prefque continuelle, qui les ternit en peu de temps ;
tandis que des glaces Françoifes, placées dans le
même appartement, ne montrent pas la plus légère
altération. Les premières font fabriquées avec de
l’alkali fixe végétal ; & les fécondés ont po\ir fondant
, l’alkali fixe minéral.
Le fe l , ou fiel de verre, joue un grand rôle dans
la vitrification. C ’eft l’affemblage de tous les fels
neutres, qui, n’entrant pas dans la confection du
verre , montent au demis du creufet pendant la
fufion, en raifon de leur moindre^ pefanteur fpéci-
fique, & fe diffipent enfuite par l’aftion continuée
du feu. Lorfque cette fubftance demeure interpolée
entre les parties du verre, la tranfparence de celui-ci
eft altérée, le verre eft laiteux , opaque , gras,
fuivant le plus ou le moins de fel de verre qui lui
eft refté combiné ; cette matière le rend auffi bouil-
lonneux par fa propriété expanfive. Le verre fabriqué
avec de l’alkali fixe minéral, ou alkali de
foude, étant plus doux, toutes chofes égales, que
celui
'celui qui a l’alkali fixe végétal pour fondant ; il
s’enfuit que le fel de verre s’en dégage plus aifé-
ment, & qu’il monte/plus promptement & plus
complètement à la furface du bain de verre.
Les fels neutres, qui fe trouvent mêlés à l’alkali
fixe végétal, font analogues à cette bafe, & leur
réunion, fous le nom de fe l de verre, préfente du fel
fébrifuge deSilvius, beaucoup de tartre vitriolé, 6te.
Le fol de verre produit pendant la fufion d’un verre
compofé avec l’alkali fixe minéral, contient du fel
commun , du fol de Glauber, &c. O r , l’expérience
prouve , qu’a feu égal, ces derniers fels, o u , fi l’on
v eut, cette dernière efpèce de fiel de verre, s’élève
en fumée, & fe diflipe plus promptement que celui
d’une compofition dont l’alkali fixe végétal a été le
fondant
Le verre d’alkali de foude, quelque bien qu’il foit
préparé , a naturellement une teinte plus bleuâtre
que le verre d’alkali fixe végétal. Cette teinte, non-
feulement eft trop foible pour être nuifible, mais
fa combinaifon avec le rouge de la nianganéfe ,
produit une nuance inaffignable, plus propre que
toute autre à la réfleâion.
En fondant le verre en grandes mafles, 6c en
.exploitant une manufaâure importante , il eft fur-
tout néceffaire, lorfqu’on eft parvenu à une bonne
qualité de verre , de conferver l’uniformité dans les
procédés, & l’égalité dans les produits : tout tâtonnement
eft funefte dans un travail où il ne peut
exifter de petite perte, & où celle du temps eft fans
doute la plus coufidérable. Mais on ne peut efpérer
cette régularité invariable des opérations, fi l’on
n’eft aflùrè d’avoir toujours la même qualité dans
les matières premières, & fur-tout dans les fondans.
Il eft plus naturel d’attendre l’égalité des fondans,
en employant l’alkali minéral , qu’en fe forvant
d’alkali végétal. Le premier fé tire de la foude ou
barille , & celle-ci n’eft que le produit de la com-
buftion d’une même plante ( kali majus cochleato
femme) cultivée, & foigneufoment traitée ; l’alkali
végétal, communément appelé falin, eft extrait des
cendres de toutes fortes de végétaux. On les prend
dans les foyers , ou dans les ateliers de divers ar-
tiftes ; par conféquent, foit accidentellement, foit
par leur propre effence; ces cendres doivent varier
à l’infini dans leur qualité. Les cendres des végétaux
rendent ordinairement affezpeu d’alkali, de 5 à 10
pour f ; lorfqu’on veut faire une grande provifion
de falin, il faut donc raffembler- beaucoup de cendres
, ou recourir à un grand nombre de fabricans
de diverfes contrées :1a différence, tant des lumières
que delà bonne foi de ceux-ci, peut apporter dans la
qualité du fondant, beaucoup d’incertitude & d’inégalité.
La foude , au contraire , rend environ 40 à
50 pour | d’alkali ; on la trouve en grandes parties,
foit dans les lieux où l’on la cultive , foit dans nos
ports : il eft donc infiniment plus aifé de fe procurer
des* approvifionnemens abondans , 'uniformes en
qualité, & on peut compléter la sûreté * en confiant
l’extra(ftion de L’alkali à une feule perfonne. .
Arts & Métiers. Tome JII. Partie I .
Le fabriquant de glaces a donc les motifs les plus
puiflans de préférer l’alkali fixe minéral, à l’ai kali
fixe végétal ; fufion plus parfaite; verre plus doux,
plus foiide, plus difpofé à fe purger de fel de verre;
évaporation de celui-ci, plus prompte & plus facile ;
couleur de verre plus propre à la réfle&ion ; uniformité
& sûreté dans les approvifionnemens.
Il ne fera pas hors de propos de dire ici un mot
des meilleures efpèces de foude, & des lieux où on
la recueille. Néry , dans fon Art de la Verrerie ,
^donne la préférence à la roquette, ou rochette,
production du Levant & de la Syrie ; mais elle eft
trop peu connue & trop peu employée en Europe,
pour que nous nous y arrêtions. La foude du royaume
de Valence, défignée par le nom de barille, eft la
meilleure , celle qui produit le moins de fel de
verre, & par conféquent celle qu’on peut regarder
comme la plus pure : on diftingue fur - tout celle
d’Alicante 6c de Carthagène. Les cendres de Sicile,
dont les plus parfaites fe recueillent à Scoglietti',
tiennent le fécond rang. On emploie avantageufe-
ment la foude de Languedoc, connue fous le nom
de falîcor ou falicorne. On fabrique ce falicorne aux
Ifles Saintes, fituées vers l’embouchure du Rhône’,
& dans le diocèfe de Narbonne. Celui des Ifles
Saintes eft préféré , mais la quantité en eft fi peu
confidérable , qu’il eft prefque entièrement con-
fommé par les verriers les plus voifins. Il eft fans
doute à regretter qu’on ne s’occupe pas plus efficacement
dans ces contrées d’une culture qui y réuffit,
& q ui, fi elle.étoit plus étendue, en diminuant
, les dépenfes des confommateurs, retiendroit dans
le royaume un numéraire que nous fommes obligés
de compter aux Efpagnols , & aux Siciliens. Le»
voeux des bons citoyens, à cet égard, font d’autant
mieux fondés, que les côtes de prefque toutes les
provinces maritimes, préfentent des landes qui né
demanderoient qu’urf travail intelligent pour dédommager
avec ufure des frais & des peines'qu’exi-
geroit la culture.
Les foudes , bariiles ou falicors , font, dans le
commerce, fous la forme de pierres noires très-
dures , plus ou moins volumineufes. La feule pierre
de touche qui décide irrévocablement de leur qualité
, eft l’effai par les opérations de la verrerie, ou
par celles de la favonnerie. Comme la pureté de
î’a'kali eft une condition néceffaire pour la fabrication
du favon dur , & que cette même condition
eft recherchée pour l’ufage de la verrerie, toutes les
fois qu’en mêlant de l’huile à une forte leffive de
foude, on obtient un empattage facile & promptement
dur, on peut s’aflùrer que la foude effayée
fera utilement employée à la fufion des terres vitrifiables.
L’épreuve par la favonnerie eft commode y
en ce qu’elle ne demande que quelques inftans. On
préjuge cependant la qualité de la foude , par, l’inf-
peéiion, par l’odorat, & par la déguftation. Lorfque
la foude préfente dans fa calibre une coüleur noirâtre
, uniforme, fans charbons ni brilla ns , on eft
fondé à. croire que la combuftion a été bien faite x