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tranfparens à rendre , qui demandent une planche
extraordinaire, des vitres dans l’architeéhire, des
voiles dans les draperies , des nuées dans les
ciels, &c. Le papier, qui fait le clair de nos teintes,
a été couvert de différentes couleurs, & par
conféquent, ne peut plus fournir aux tranfparens
qui doivent être blancs ou blanchâtres, & paroître
par deffus toutes les couleurs. On fera donc, obligé,
pour faire fentir la tranfparence, d’avoir recours
à une cinquième planche , ou plutôt à l’un des
quatre cuivres qui ont déjà travaillé.
Je cherche à rendre , je fuppofe , les vitres d’un
palais ; la planche rouge n’a rien fourni pour ce
palais , & conferve par conféquent une place fort
large fans grainure ; j’en vais profiter pour y graver
au burin quelques traits, q u i, imprimés en
blanc fur le bleuâtre des vitres, rendra la tranfparence
de l’original, & m’épargnera un cinquième
cuivre. Les épreuves de cette impreflion en blanc
fe tirent, pour les corriger, fur du papier bleu.
On conclura de cette explication , que , par
une économie fort contraire, il eft vrai, à la fim-
plicité de notre art, on peut profiter des places
liffées dans chaque planche, pour donner de certaines
touches qui augmenteront la force, & avec
d’autant plus de facilité, que la même planche imprimera
, fous un même tour de preffe, plufieurs
couleurs à la fois, en mettant différentes teintes
dans des parties allez éloignées les unes des autres
, pour qu’on puiffe les étendre & les effuyer
fur la planche fans les confondre,
Un des élèves de Leblon a prétendu nuire à ce
petit fecours étranger au fyftême, en criant » que
» c’étoit agir contre les règles de la peinture; car,
j) s’il arrive, dit-il, que dans un tableau il y ait
•» des couleurs vives & brillantes, certainement
» le refte du tableau doit s’accorder avec la vi-
n vacité de ces couleurs. On ne peut donc ap-
» pliquer féparément au coin d’une- planche un
j > ton différent du ton général. Je m’étonne ,
j) ajoute-t-il, que des perfonnes qui fe piquent de
,» goût, aient adopté cette fauffe idée de Leblon. «
Un peintre , fans doute , un fimple amateur
même, aurpit lieu d’être étonné qu’on confeillât
de fortir du ton, pour gagner du temps : mais Leblon
, au contraire, a dit très-expreflement : » L’im-
?> primeur intelligent, maître de difpofer de toutes
« les nuances & de les éclaircir avec le blanc ajouté,
» aura grande attention de confulter le ton domi-
» nant pour conferver l’harmonie; il feroit même
» à propos que le principal artifte de l’atelier cher-
» chat, fur la palette , l’accord deftré, & que dès
» qu’il l’auroit fenti, il fournît la couleur à l’im-
« primeur. «
De VimpreJJion.
Le papier, avant d’être mis fous la preffe, fera
trempé au moins vingt - quatre heures ; on ne rif-
que rien de le faire tremper plus long-temps.-
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On tirera, fi l’on veut, les quatre 8c les cinq
planches de fuite, fans laiffer fécher les couleurs,
il femble même qu’elles n’en feront que mieux
mariées; cependant, fi quelque obftacle s’oppofe
à ces impreflions précipitées, on pourra laiffer fécher
chaque couleur , 8c faire retremper le papier
autant de fois qu’il receyra de planches différentes.
On ne fauroit arriver à la perfeéVion du tableau,'
fans imprimer beaucoup d’effais ; ces effais ufent
les planches ; & quand on eft dans le fort de l’im-
preffion , on' eft bientôt obligé de les retoucher.
Les cuivres, pour ne pas fe flatter, tireront, au
plus, fix ou huit cens épreuves fans altération
fenfible.
Quant à la conftrmftion des- preffes & à la manière
d’imprimer, elles reffemblent, à beaucoup
d’égards, à celles pour l’impreflion des planches en
taille-douce.
Cependant, les eftampes colorées exigent des
attentions que d’autres eftampes n’exigent pas. Par
exemple , l’imprimeur aura foin d’appuyer fes
doigts encrés fur le revers de fon papier , aux
quatre coins du cuivre, afin que ce papier puiffe
recevoir fucçeflivement, angle fur angle, toutes
les planches dans fes repères.
Il y auroit encore d’autres obfervations à faire
fur ce qui regarde l’impreffion : mais les premiers
effais en apprendront plus que de longues inftruc-,
tions.
D e s C o u l e u r s .
Toutes les couleurs doivent être tranfparentes
pour glacer l’une fur l’autre, 8c demandent par conféquent
un choix particulier. Elles peuvent être
broyées à l’huile de noix; cependant la meilleure
& la plus ficcative, eft l’huile de pavots quelle
qu’elle foit, on y ajoutera la dixième partie d’huile
de litharge. C ’eft à l’imprimeur à rendre fes couleurs
plus ou moins coulantes, félon que fon expérience
le guide ; mais qu’il ait grande attention
à les faire broyer exactement fin ; fans cela elles
entrent avec force dans la grainure, n’en fortent
qu’avec peine ; elles happent le papier , & le font
déchirer.
Du Blanc.
Les tranfparens , dont il a été parlé , feront imprimés
avec du blanc de plomb le mieux broyé.
Du Noir.
Le noi$5rdinaire des imprimeurs en taille-douce
eft celui qu’on emploie_pour la première planche,
quand on travaille à quatre cuivres. On y ajoutera
un peu d’indigo pour le difpofer à s unir au
bleu.
Du
, I N D
D u . Bleu.
L ’indigo fait auffi notre bleu d’effai ; mettez-le
en poudre, 8c pour le purifier, jetez-le dans un
matras : ..verfez *deffus affez d’efprit-de-vin pour
que,1e matras foit divifè en trois parties; la première
d’indigo , là fécondé d’efprit - de - vin , la
troifième vide. Faites bouillir au bain de fable ,
& verfez ênfuite, par inclinaifon , l’efprît-de-vin
chargé de l’impureté. Remettez de nouvel efprit-
de-vin, 8c recommencez la même opération juf-
qu’à ce que cet efprit forte du matras fans être
taché. Laiffez alors votre matras fur le feu jufqu’à
ficcité. Si, au lieu de faire évaporer, vous diftil-
lez l’efprit-de-vin , il fera bon encore à pareille
purification.
L’indigo ne fért que pour les effais. On emploie,
à l’impreflion, le plus beau bleu de Pruffe : mais
il faut fe garder de s’en fervir pour effayer les
planches; il les tache fi fort, qu’on a de-la peine
à reconnoître après, les défauts qu’on cherche à
çorriger.
Du Jaune. .
Le ftil de grain le plus foncé eft le jaune qu’on
broie pour nos impreflions ; on n’en trouve pas
toujours, chez les marchands, qui defcende affez
bas; alors on le fait ainfi.
Prenez de la graine d’Avignon, faites-la bouillir
dans de l’eau commune : jettez-y pendant qu’elle
b out, de l’alun en poudre ; paffez la teinture à
travers un linge fin, & délayez-y de l’os de seche
en poudre avec de la craie blanche, partie égale.
La dofe n’eft point prefcrite , on tâtera l’opération
pour qu’elle fourniffe un ftil de grain qui
conferve, à l’huile, une couleur bien foncée.
Du Rouge.
On demande , pour le rouge , une laque qui
s’éloigne du pourpre & qui approche du nacarat;
elle fera mêlée avec deux parties de carmin le
mieux choifi. On peut aufii faire une laque qui
contienne, en elle-même, tout le carmin nécef-
fiaire ; on y mêlera, félon Foccafion , un peu de
cinabre minéral & non artificiel. Il eft à propos
d’avertir que, pour faire les effais, le cinabre feul,
même l’artificiel, fuffit.
C’eft pour ne rien négliger de ce qui peut aider
à la perfection , que nous allons donner ici lè
meilleur procédé pour faire le. carmin dans toute
fa pureté & dans tout fori éclat. Ce .procédé fera
d’autant plus utile, qu’en faifant foi-même la laque,
qui eft une fuite de l'opération, du carmin,
on la chargera d’autant de carmin qu’on jugera à
propos.
Manière de faire le Carmin pur.
Verfez, dans une chaudière bien nette, quarante
deux pintes d’eau de fontaine , 8c encore
mieux de pluie. Que la chaudière foit affez grande
Arts & Métiers. Tome III. Partie II.
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pour réferver un tiers de vide. Faites bouillir,
8c dans le premier bouillon, projetez demi-livre
de la meilleure cochenilje en poudre fine. Continuez
le même degré de feu, 8c ne ceffez de remuer
avec une fpatule de bois , pour faire toujours
précipiter ce qui peut fe trouver dans l’é-,
cume. •
Au bout d’un quart-d’heure, vous jetterez dans la
chaudière quatre gros d’alun de Rome en poudre^
la fermentation appaifée, retirez la chaudière du
feu, 8c faites encore précipiter ce qui fe ramaffe
dans l’écume, car c’eft une partie de la cochenille.
Laiffez refroidir 8c repofer; une heure après,'
vous puiferez dans la chaudière avec une jatte de
porcelaine, pour remplir quinze ou vingt terrines
verniffées, qui feront rangées fur une table ou fur
des gradins.
. Confervez le marc avec foin dans la chaudière,
8c vous le marquerez du n°. I. L’eau dépofera au
fond des terrines, le carmin dont elle eft imprégnée
, dans l’efpace de vingt-quatre heures : mais
en hiver, le dépôt fe fera plus lentement. Alors,
avec un fiphom de verre , vous tirerez des terrines
autant d’eau que vous en pourrez tirer, 6c vous
laifferez évaporer le refte.
L’eau qui eft fortie des terrines , par le fiphon,
fera rejetée encore fur le marc de la chaudière ,
n°. I ; & le tout enfemble fera remué, à froid,
pour repofer pendant une heure environ.
Vous verferez, comme la première fois, cette
eau dans de nouvelles terrines, où elle dépofera
encore dii carmin; car le carmin n’eft autre chofe
que cë qui fe précipite au fond de l’eau fortie de
votre chaudière.
Confervez encore 8c l’eau des terrines 8c le
marc du n°. / , vous en aurez befpin pour faire
votre laqué ; 8c comme ces eaux chargées de c©-
chenilleçontribuenteffentiellement à la beauté delà
laque, que vous ferez après, il s’enfuit que f i,
en faifant ie carmin , vous ne retirez qu’une feule
fois la cochenille qui nage dans l’eau deftinée à
teindre la laque, elle fera beaucoup plus chargée, |
Il faut éviter, pour le fuccès de l’opération,
la pouflière , les femmes , le tonnerre , 8c généralement
toutes les caufes phyfiques dont la malignité
eft reconnue.
Si l’opération ne manque que par l’effet du
tonnerre , le mal eft aifé à réparer ; il ne s’agit
que de faire bouillir, fur nouveaux frais, ce qui
fera forti de la chaudière, 8c tranfyafer dans les
terrines. "
Manière de faire la vraie Laque.
Faites une leflive avec une livre de foude d’A licante
8c deux pintes d’e a u f u r un feu doux ;
verfez l’eau par inclinaifon ; gardez-la, 8c remettez
deux pintes de nouvelle eau fur la même foude.
Verfez encore par inclinaifon, puis remettez deux
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