
boîtes ou cailles que l’on expofe au foleil avec la
même précaution , jufqu’à ce que l’opération foit
finie & que l’indigo foit fait.
Il faut beaucoup d’attention & d’adreffe dans
chaque partie de' ce procédé. On ne doit point
laifler l’eau ni trop long - temps ni trop peu de
temps dans le rouiffoir , dans le battoir ; il faut
fur-tout faire fécher .la fécule avec beaucoup de
précaution.
Il n’y a peut - être point d’objet de commerce
fur lequel on faffe d’aufli grands profits dans la
Caroline, que fur l’indigo, ni qui exige moins de
dépenfe ; ce qui vient de la bonté du climat.
Indigo des Colonies Françoifes en Amérique.
On connoît cinq efpèces d’indigo dans les Colonies
Françoifes en Amérique ; favoir, le maron ou
celui de favane, le mary, le guatimalo, le -bâtard
& le franc.
Toutes ces efpèces ont entre elles beaucoup de
reffemblance , & la defcription de la dernière ,
fuffira poui\ donner une idée générale de toùtes les
autees.
L nndigo franc eft une plante droite , déliée ,
garnie de menues branches, q u i, en s’étendant,
forment d’ordinaire une petite touffe. Elle s’élève
à trois pieds de hauteur & même plus, quand
elle fe trouve dans un bon -terrain où fa principale
racine commence toujours par pivoter.
Cette racine & les autres qui en proviennent, '
peuvent s’étendre jufqu’à 12 à 15 pouces de profondeur^
elles font blanches, ligneufes , rondes,
dures & tortueufes.
Cette plante devient, avec le temps , ligneufe
& caffante , & fe divife quelquefois dès le pied
en petites tiges , couvertes d’une écorce grifâtre
entremêlée de verd. Ces tiges font rondes ainfi
que leur fouche , qui peut avoir quatre à cinq
lignes de diamètre , plus ou moins , fuivant le
terrain. L’intérieur en eft blanc ;. les branches fe
garniflênt de petites côtes , dont chacune porté
jufqu’à huit couples de feuilles terminées par une
feule qui en fait l’extrémité. Ses feuilles font ovales,
un peu pointues, unies , douces au toucher, &
affez femblables à celles de la luzerne ; mais pour
la couleur, la figure, la grandeur & la difpofition •
des feuilles fur leur côte, aucune plante n’approche
plus exa&ement de l’indigo que le galega ,
appelé en françois rue de chèvre, ou que le trifo?
lium.
Le feuillage de l’indigo répand une odeur douce,
affez pénétrante, mais peu flatteufe, qui a quelque
rapport à celle de la fécule deflechée & bien
fabriquée. Sa feuille préfente aufli au goût une faveur
affez approchante de celle de la fécule, entremêlée
d’une petite amertume piquante, répan-?
due dans tout le refte de la plante. Les branches
fe chargent de petites fleurs d’un rouge violet
lîès-clair, & d’une odeur légère * mais agréable,
Ces fleurs font ailées ou papilionacées, com-
pofées chacune de cinq pétales. Le pétale fupé-
rieur eft «plus large & plus rond que les autres,
& profondément dentelé tout autour; ceux d’en-
bas font plus courts & te.rrainés en pointe, avec
un piftile au milieu.
A ces fleurs, reffemblantes à peu près à celles
- de notre genet, mais bien plus petites, fuccèdent
des filiques raides & caftantes , rondes , graine-
lées , un peu courbes , d’environ un pouce de
longueur, & d’une ligne & demie de diamètre.
Ces codes renfe, ment cinq ou fix femences ou
graines , femblables à de petits cylindres , d’une
ligne de lo n g , luifans, très-durs , & d’un jaune
rembruni. Le feuillage de cette efpèce foifonne
plus ën fécule , proportion gardée , que celui des
autres, & le grain qui la eompofe eft plus gros.
Je n’ajouterai point que la marchandife provenant
de l’indigo franc , eft néceffairement plus
belle que celle de l’indigo bâtard; car, on lou-
tient que la plus brillante qualité , telle que celle
du bleu flottant ou du violet , ne dépend point
de l’herbe, puifque les deux dont il eft queftion ,
donnent tantôt le bleu ou le violet , tantôt le
gorge de pigeon ou le cuivré , ’&c. mais feulement
de certaines circonftances plus aifées à foup-
çonner qu’à définir au jufte, au nombre defquellès
-on fait concourir la qualité du terrain, la coupe
de l’herbe avant fa maturité, l’imperfeâion de la
fermentation & du battage ; on peut ajouter la
chenille qui ronge l’indigo , & qu’on met fouvent
avec l’herbe dans la'cuve. Il faut dire encore que
le plus ou moins d’on&uofité dans le feuillage,
la manière de fécher fa fécule , la quantité &
l’efpèce d’huile qu’on répand dans la batterie ,
doivent contribuer à légèreté & à la qualité des
matières. -
L’indigo franc fe fait avec facilité, mais le fuç-
cès de fa plantation eft fort, douteux ; ayant une
tige tendre & délicate, expofée à tous les aoci-
dehs qui viennent de la nature du terrain , des
viciffitudes de l’air & des faifons, des attaques
des"chenilles , des punaifes , des vers & des animaux.
ïdindigo bâtard diffère de l’indigo franc, fur-?
tout par la fupériorité de fa grandeur, qui1 eft de
fix pieds & même plus. Sa feuille eft longue &
étroite , peu épaifie , d’un vert clair , & un peu
blanc par le deffous ; le revers de cette feuille
eft garni d’un poil fubtil, piquotant, facile à détacher,
& très-inquiétant pour les Nègres qui s’en
chargent. Ses filiques , plus courbées' que celles du
franc, font jaunes , fes graines noires, luifantes
comme de la poudre à feu , & de la forme ,de
petits cylindres.
On eft dans l’ufage de couper cet indigo, lorf-
qu’il approche de trois pieds & qu’il entre en
fleur , ^ont l’odeur fuave eft très - remarquable ,
& que , preffant légèrement une poignée de fon
feuillage , il eft aflëz roide pour fé rompre uo
peu,
peu, & faire un petit bruit comme s’il crioit dans
la main. ✓
La fabrique de l’indigo bâtard eft plus difficile
que celle du franc, & le grain de fa fécule n’eft
pas fi gros ; mais on eft dédommagé de ces in-
convéniens , par quelques avantages qui font particuliers
à cette efpèce. En effet, cet indigo vient
en tout temps & dans toutes fortes de terrains ;
fon herbe réfifte beaucoup plus aux infeâes & aux
pluies. Quelquefois on cultive l’un & l’autre indigo
, & il provient de ce mélange un grain ferme,
de bonne groffeur, & d’excellente qualité.
L’indigo qu’on appelle à Saint-Domingue gua-
timalo, eft une efpèce qui a tant de reffemblance
& de rapport au bâtard, qu’il ferait prefque im-
poflible de les diftinguer l’un de l’autre, fans fes
filiques & fa graine colorée de rouge bruni.
Le guatimalo rend beaucoup moins que le bâtard
; mais on a de la peine à les féparer , étant
très-fouvent mélangé avec les autres efpèces.
L’indigo fauvage ou maron croît dans les favanes
& les - terrains incultes ou abandonnés. Ilreffemble
à un petit arbriffeau dont le brin court & touffu,
eft fort gros en comparaifon des autres. Ses branches
font fouvent adhérentes à fa racine ; fes
feuilles font rondes , petites & très-minces : on le
regarde en général comme intraitable , ou peu
propre à récompenfer l’ouvrier de fon travail.
L’indigo mary reffemble au franc par fes feuilles,
excepté qu’elles font moins charnues ; il rend ,
dit-on, beaucoup, mais il s’en trouve rarement.
Parmi les habitans qui fabriquent de l’indigo ,
il y en a peu qui s’occupent à faire de la graine,
c’eft-à-dire, à planter de l’indigo pour en recueillir
la femence.
Ceux qui s’adonnent à la culture de la graine,
fe placent ordinairement dans les mornes. Les uns
récoltent la graine du franc , les autres celle du
bâtard ; quelques-uns font la graine des deux efpèces,
& jamais d’autres.
La graine de l’indigo franc & celle du bâtard,
ont exactement la même figure cylindrique ; c’eft-
à-dire -, ronde fur la longueur , & plate par les
deux bouts.
■ La couleur du franc eft d’ùn jaune rembruni ,
tirant un peu fur le v e r t, quelquefois fur le blanc ,
quand elle n’eft pas bien mûre.
La couleur de la graine du bâtard eft noire lorf-
qu’elle eft bien mûre, & ce noir tire un peu fur
le vert lorfqu’elle l’eft moins : la graine du franc
eft toujours un peu plus groffe que celle du bâtard.
Le Journal économique de 1755, dit que M. de
Saint-Pée , maître en chirurgie au quartier de la
rivière falée de la Martinique, a trouvé le fecret
de faire de l’indigo avec une plante différente de
celle dont on s’eft fervi jufqu’à préfent qu’elle
n’eft point fujette aux chenilles ; que les grandes
pluies n’en font pas tomber les feuilles , comme
celles de l’anil, & que l’indigo qui en eft provenu,
Arts 6» Métiers. Tome III. Partie //,
a été trouvé parfaitement beau. Cette plante, qu’on
ne nomme pas , eft vraifemblablement du nombre
de celles qui font beaucoup répandues dans les
îles de l’Amérique, dont la fermentation donne, à
la vérité, , une couleur bleue , fort belle, mais en
fi petite quantité , que les habitans la négligent
& la regardent comme une mauvaife herbe du
pays.
Fabrique de l’ Indigo.
La théorie de cette fabrique eft fondée fur la
fermentation des végétaux, qui font fujets à paffer
de l’état ardent ou fpiritueux , à l ’état aigre ou
acide , & de-là au putride, lorfqu’ils font longtemps
à infufer dans une certaine quantité d’eau.
L’indigo peut éprouver fuccèffivement ces trois
révolutions ; mais la pratique enfeigne que la fermentation
fpiritueufe, eft feule convenable à fa
manipulation.
Les indigotiers divifent cette fermentation ardente
en deux temps ou degrés : ils nomment le
premier degré , pourriture imparfaite ; & le fécond ,
bonne ou parfaite pourriture. Ils appellent pourriture
excédée, l’état de la fermentation putride ou alka-
lefcente, & ils n’omettent rien afin de l’éviter.
Pour tirer parti de l’extrait, il faut le foutirer
de la cuve où il eft confondu avec la plante, en-
fuite le battre & l’agiter, à l’effet de réduire tous
les principes propres à la fermentation de l’indigo ,
à l’état d’un petit grain diftind & facile à s’é-
gouter.
•Si l’on abandonnoit une cuve de l’extrait à elle-
même , à deffein d’obtenir la fécule fans le fe-
cours du battage, elle tomberait en putréfaâion,
& les principes imperceptibles du grain deftitués
de leur apprêt néceffaire pendant le temps convenable',
ne fe dépoferoient que fous la forme
d’une vafe fluide & incapable de s’égoutter ; e’eft
pourquoi on ne diffère guère le battage d’une cuvé.,
à moins qu’on ne foit dans le cas d’attendre l’extrait
d’une autre , pour les battre tous deux dans le
même vai fléau.
Le terme de la fermentation & du battage dépend
de plufieurs circonftances , fur-tout du temps
froid ou chaud, pluvieux ou f e c , & du degré de
chaleur ou de fraîcheur de l’eau dont on fe fert;
ce qui rend la pratique de cet art incertaine &
variable.
Quelques écrivains, entre autres Rumphe, Burck
& Hans Sloane, difent que la poudre de chaux-
vive paffée au tamis , entre dans la préparation
de l’indigo des Indes ; que l’on fe fert à la Caroline
d’eau de chaux pour la clarification de l’extrait
; & qu’à la Jamaïque on répand de l’urine
fur une petite partie de l’extrait, pour connoître
la difpofition des principes ou molécules, à une
agrégation qui conftitue le grain de l’indigo.
M. Duhamel, de l’académie royale des feien-
ees, penfe qu’une diffolution d’alkali phlogiftiqué ,
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