
fromage ; le petit-lait & l’évaporation caufent donc
une perte des quatre cinquièmes.
Les bonnes qualités du fromage de Roquefort,
font d’être frais , d’un goût fin & délicat , bien
perfdlé, c’eft - à - dire, parfemé dans l’intérieur de
“veines d’nn verd bleuâtre : il y en a d’une forme
cylindrique , dont l’èpaiffeur varie depuis deux
pouces jufqu’à un pied ; leur poids varie depuis
deux livres jufqu’à quarante : on en fait aufli en
forme de boule.
§ . IV. Commerce du fromage de Roquefort.
Il fè prépare tous les ans dans les caves de Roquefort,
environ fix mille quintaux de fromage ;
‘ce qui fait un objet de trois cents foixante mille
livres : aufli les habitans de toute cette contrée,
qui trouvent dans cette induftrie une fource de
richefles affurée, en font leur principale occupation
pendant toute l’année. L’éducation & la nourriture
des beftiaux, ainfi que les produits qu’on en retire,
font l’objet d’une attention foutenue de la part des
familles entières, qui trouvent dans ce travail une
honnête fubfiftance.
Les propriétaires ou les fermiers des caves, achètent
ordinairement les fromages qu’on y porte des
granges, à huit fols la livre , & les vendent enfuite à
des marchands épiciers de Nîmes , de Montpellier
8c de Touloufe : ceux-ci font porter ces fromages
, à dos de mulet, dans les entrepôts de ces
trois villes.
Les villes de Nîmes & de Montpellier , outre la
partie qui refte pour leur confommation , en font
paffer en Provence, dans le Dauphiné, à L y on , en
Savoie & en Italie.
La ville de Touloufe en foûhiit de même au
Haut-Languedoc , à la Gafcogne , au Rouflillon ,
au pays de Foix, & même à Paris, une quantité
confidérable. Outre cela, dès que les chaleurs font
finies, au mois d’oâobre , on envoie directement
de Roquefort à Paris, environ fix cents quintaux
de fromage, & deux Cents quintaux à Bordeaux ;
de ces deux dernières villes, il en paffe une partie
en Angleterre, en Hollande, & dans les Colonies
d’Amérique.,
Outre les fromages que fourniffent les caves de
Roquefort, on en tire aufli environ douze cents
quintaux des caves de Cornus , de Fondamente,
de S. Baulife, d’A lrie, 8c de Cotte - Rouge : pn
prétend que les fromages préparés dans ces dernières
caves, quoique faits de la même manière,
de la même pâte ,8 c de la même forme, ]*ferftllés
de même que ceux de Roquefort, font d’une qualité
inférieure ; il eft certain du moins que ceux de
Roquefort ont toujours la préférence fur tous les
autres : on dit que la peau de ces fromages , préparés
ailleurs qu’à Roquefort, eft blanchâtre, qu’ils
font plus facilement vermoulus , & moins propres
à être tranfportés au loin & à fe conferver un certain
temps. On dit aufli qu’ils éprouvent à la longue
*n déchet d’ènyiron huit livres par quintal, tandis
que ceux de Roquefort ne perdent guère que deux
livres fur la même quantité. En rapportant ces détails
, nous foinmes bien éloignés de les garantir.
Lorfque l’on confidère les profits confidérables
qu’on tire du lait des brebis dans un canton d’une
étendue médiocre, on regrette que dans un grand
nombre de nos provinces où fe trouvent de nombreux
troupeaux de bêtes à laine , les propriétaires
négligent même d?en tirer le lait. Cependant plu-
fleurs cantons de ces provinces offrent fans contredit
les mêmes reffources en pâturages & en fou-
terrains que celui du Larzac. Quand même les
fromages qu’on y feroit n’auroient pas des qualités
affez décidées pour former une branche de commerce
en concurrence avec celle-ci, du moins ils
feroient pour les propriétaiesr un profit de plus,
qui ne nuiroit pas aux autres qu’ils peuvent tirer
des bêtes à laines. Je ne doute pas qu’il n’y eût
fouvern plus d’empreffement de la part des cultivateurs,
pour élever 8c nourrir des brebis, fi au
profit de leur tonte , on ajoutoit celui de leur traite.
D ’ailleurs ces beftiaux , produifant davantage ,
feroient mieux foignés & mieux nourris , parce
qu’on eft toujours porté à proportionner les avances
primitives aux retours qu’on en efpère ou qu’on en
obtient.
A rt. II. Fromages du Mont-Dor, dans le voifinage
de Lyon.
La bonté des fromages du Mont-Dor eft connue:
lçur goût délicat les fait rechercher à Lyon, aux environs
, à Paris, 8cc. Ils font faits de lait de chèvres
qu’on nourrit avec foin : ainfi nous parlerons d’abord
de la nourriture des chèvres ; enfuite nous décrirons
les procédés qu’on fuit dans la fabrication &
la préparation de ces fromages.
§. I. De la nourriture des chèvres.
Les landes où il y a beaucoup de brouffailles font
les pâturages les plus convenables aux chèvres ;
elles s’y nourriffent d’une quantité de feuilles franches
& fèches, & y broutent même les herbes. Cet
animal femble proferit par les Coutumes de plu-
fieurs provinces, dont les rédafteurs n’avoient pas,
fans doute, été à portée d’apprécier les profits qu’on
peut en retirer : frappés des ravages que la dent de
cet animal fait dans les bois & au milieu des plantations
d’arbres utiles, ils n’avoient pas cru qu’un
furveillant exaél pût lui procurer, le long des haies
& des buiffons, une nourriture abondante, 8c le
ramener chez lui les mamelles pleines de lait de
manière à dédommager de cette attention.
Lorfqu’on a de nombreux troupeaux, 8c de vaftes
pâturages libres, on doit les conduire aux champs,
pendant l’été, foir 8c matin : la première fois, dès la
pointe du jour{, 8c jufqu’à dix heures ; 8c la fécondé
fois, depuis trois heures jufqu’à la nuit : on a foin
aufli de les faire boire au retour des pâturages.
Pendant l’hiver, on ne mène point paître les
chèvres lorfque la terre eft couverte de neige ©u
F r o
3e frimats ; St elles reftent peu dehors en tout autre
temps de cette faifon, parce qu’elles trouvent très-
peu de nourriture qui leur convienne. Il eft donc
mieux de les garder pour lors dans les étables, 8c
de les nourrir avec foin. On leur donne des feuillages
qu’on a coupés vers la fin d’août, 8c qu’on a
mis fécher au foleil. Les ormeaux, les peupliers ,
les frênes, les mûriers, en fourniffent abondamment
: d’ailleurs le foin peut fuppléer au défaut de
ces feuillages.
Comme les chèvres du Mont-Dor ne fortent jamais
, on a foin de leur fournir pendant toute l’année
la meilleure nourriture qu’il eft poflible ; Car
plus cet animal mange , plus fes mamelles fe rem-
pliffent de lait, 8c plus on en retire de profit : on
aiguifè même fon appétit en lui faifant lécher un
fac plein de fel marin qu’on fafpend près de fon
râtelier. On le nourrit de branchages de châtaigniers,
de chênes, d’aubépine, de genet, de
bruyère: on lui donne aufli les herbes qu’on arrache
'des vignes. Les plantes potagères ne lui conviennent
pas. _
Lorfque toutes ces reffources manquent, on a recours
au fon , qui eft une nourriture fort fubftan-
cielle ; on y mêle aufli avantageufement les grains
que les braffeurs tirent de leurs cuves, après en
avoir extrait la bière. Dès que ces grains ont été
braffés, 8c qu’ils font hors des cuves, on les met
dans des tonneaux, 8c on les lave avec de l’eau
fraîche, pour enlever les reftes de la liqueur fpi-
ritueufe. Ces grains peuvent fe conferver ainfi plus
de quinze jours , fi l’on a foin de changer l’eau dans
laquelle on les fait macérer. Tous les autres grains
peuvent être donnés avec le même fuccès aux chèvres
, l’été comme l’hiver , ou réduits en farine, ou
macérés dans l’eau, 8c ils leur procurent du lait en
abondance, 8c de bonne qualité.
Les chèvres exigent, outre cela , une grande
propreté, lorfqu’on les garde dans les étables. Il
faut monder l’étable chaque jour, faire une litière
fraîche, particulièrement l’hiver. Cette propreté
foutenue, influe fur la fanté 8c l’appétit des chèvres
, 8c fur la quantité de lait qu’elles donnent.
§• II. Manière de faire le fromage de chèvre.
La manière de faire les fromages de chèvres du
Mont-Dor eft fimple. On trait les chèvres de grand
matin; ©n coule le lait à travers un linge, 8c on le
met repofer deux ou trois heures dans des vafes de
terre ou dans des féaux de fapin ; enfuite on y
mêle de la préfure, quion remue avec une cuiller,
pour la diftribuer également dans toute la maffe du
lait; 8c au bout de neuf à dix heures, il eft entièrement
caillé.
La préfure fe fait avec du vin blanc fec : on en
prend une pinte ; on y ajoute deux verres de bon
vinaigre blanc ; puis on fait diffoudre dans ce mélange
une once de fel marin ou de cuifine, 8c enfin
©n y met tremper un morceau de veflie de cochon
F R O 93
féchée. Quand cette quantité de préfure eft épuifé*
à moitié , il eft bon d’ajouter dans ce qui refte la
même dofe de tous les ingrediens indiqués ci-def-
fus ; 8c c’efl: ainfi qu’on entretient la provifion de
préfure dont on peut avoir befoin.
Pour faire les fromages avec le Jait caillé, on
prend des éçuelles ou boîtes de fapin plattes, fèm-
blables à celles où l’on renferme des dragées : on
met ces boîtes fur de la paille, & on étend deffus
un linge bien blanc, bien propre, 8c d’une toile
affez nne. Au moyen d’une cuiller de bois plat,
on verfe dans ^:es boîtes une quantité de caillé fuf>
fifante pour les remplir. Ces boîtes n’ont guères
plus de trois à quatre pouces de diamètre, 8c deux
pouces environ de profondeur. On laiffe rapprocher
le caillé 8c égoutter lé petit-lait jufqu’à ce qu’il
n’en refte plus : c’eft alors qu’on retire les fromages
de l’écuelle , qu’on les place fur une petite claie
de paille, 8c qu’on les laie. Vingt-quatre heures
après on retourne les fromages fur un autre clayon
d é fa ille ; on enlève la toile qui a fervi à égoutter
le petit-lait, 8c on répand du fel fur le côté nouvellement
découvert, 8c qui n’en a pas encore reçu.
On laifle le fel fondu fur les deux faces du fromage
pénétrer dans l’intérieur, en le retournant
chaque jour d’un clayon fur un autre : on a foin
que les clayons foient bien nets 8c bien lavés chaque
fois qu’on en fait ufage ; 8c de même fi le fel
laiffoit quelques taches à leur furface par des parties
terreufes qni s’y trouvent mêlées, on a foin de les
enlever avec de l’eau. Une opération effentielle dans
la préparation de ces fromages, 8c qui vient à la
fuite de ces premières manipulations, eft de les placer
fur des tablettes bien propres, & en un lieu
tempéré, où ils ne lèchent ni trop ni trop peu.
Lorfqu’ils ont pris une certaine confiftance, 8c
qu’on veut les manger fous forme de crème, on les
met entre deux afliettes rondes , qu’on retourne
chaque jour , pour que le fromage repofe. fuccefli-
vement fur fes deux faces, 8c s’y ramolliffe.
Mais fi l’on ne veut pas faire ufage fur le champ
de ces fromages, on les fait fécher affez complètement
pour qu’on les puiffe conferver en cet état *
8c dès qu’on a befoin de les ramollir 8c de les faire
pajfer , on lès met tremper dans du vin blanc
enfuite on les place entre deux afliettes, comme
nous l’avons dit ci-deffus ; on réitère cette petite
manoeuvre jufqu’à ce qu’ils foient bien ramollis 8c
paffés; on obtient par là un fromage d’un goût
agréable 8c délicat. Pour en faire des envois à Paris
ou aux environs de L y on , on les renferme dans
des boîtes de fapin rondes 8c plattes , où ils fe conservent
affez bien ; 8c lorfqu’ils n’y contraâent pas
l’odeur du bois de fapin, ou qu’ils ne fe deffèchent
pas trop, on les mangé alors avec autant de plaiflr
qu’à Lyon.' r
A rt. III. Fromages de Gerardmer.
Jq parlerai ici par occafton des procédés qu’on