
quérir promptement la connoiffance de ces moyens I
de manoeuvre , & c’eft à ce but que nous avons
rapporté nos efforts.
( Article de M. A l l u T.}
Glaces fou fiées. • '
On vient de voir que les matières dont on fait
les glaces de miroirs , font la fonde & le fable.
• Le fable le plus convenable fe trouve en France
près de la petite ville de Creil, où il fe tire d’une
carrière. On le transporte dans des facs à la belle
manufacture de Saint-Gobin, & à Tour-la-Fille près
de Cherbourg.
Quant à la foude, c’eft de l’Efpagne qu’on la tire,
parce qu’on n’emploie que de la foude d’Alicante
dans ces deux manufactures.
La foude ou pierre fe forme par la combuftion
d’une plante appelée foude , qui croît le long des
côtes de la mer.
Il faut que la foude d’Alicante sèche foit fon-
nante, d’un gris blanchâtre en dedans , & percée
en dehors de petits trous en forme d’oeil de perdrix.
Elle ne doit pas donner, étant mouillée, une odeur
de marécage -, il eft eflèntiel qu’il n’y ait aucun mélange
d’autres pierres, & que celles de foude ne
foient pas couvertes d’une croûte verdâtre.
Lorlque la foude a été bien nettoyée de tous les
corps étrangers qui peuvent s’y trouver, on la con-
çafle, comme on vient de le dire, dans des moulins
à pilons,' enfuite on la paffe dans un tamis médiocrement
fin.
Pour le fable on le tamife, puis on le lave jufqu’à
ce que Peau en forte bien claire.
Quand le fable eft fec , on le mêle avec la foude
tamifée, en les faifant pafTer enfemble par un nouveau
tamis.
On met ce mélange dans le four à recuire, où il
doit refter environ huit heures , ou jufqu’à ce que
la matière foit devenue blanche & légère.
La foude & le fable en cet état portent le nom de
frittes ; on les conferve dans des lieux-fecs pour les
laiffer prendre corps : on efliine que les vieilles
frittes font les meilleures.
Quand on veut employer les frittes , on a coutume
de le s . faire encore paffer quelques heures
dans le four. On y mêle des caffons de verre provenant,
comme on l’a o b fe r v é d e s glaces mal
faites & des rognures.
•On fait auparavant calciner les caffons, c’eft-à-
dire, qu’on les fait rougir dans un fourneau ; puis
on les jette encore tout rouges dans l’eau.
On ajoute de la manganèfe pilée pour faciliter la
fiifion, & de l’azur pour en ôtèr la rougeur ; on
voit que cette matière ainfi préparée , eft la même
pour les glaces foufflées comme pour les glaces
coulées.
Les. ateliers des manufactures des glaces, font
des efpèces de grandes halles couvertes, fous lesquelles
font difpofées les différens fourneaux nécefTaires
pour la préparation des frittes, pour la
fonte du verre, & pour la recuite des glaces. •
Les pots à fondre les matières deftinèes au fouf-
flage des glaces, ont-trente-fept pouces de diamètre
& trente-quatre de hauteur.
Après que les matières ont été vitrifiées par l’ardeur
du feu , & que le verre eft affiné, après que
les felles font dreffées, que les baquets font remplis
d’eau, que la place eft bien arrofée & balayée,
que le four eft bien chaud , on appelle les ouvriers,
on commence par cueillir.
Pour cet effet, on chauffe un peu la felle qui eft
une efpèce de farbacane de fer.
On en plonge le bout dans le criftal, à la profondeur
de deux ou trois pouces ; on tourne la telle
pendant que le bout en eft dans le criftal liquide ;
on la retire doucement afin que le fil qu’elle entraîne
puiffe s’en féparer, & ne foit point amené
fur le ni de l’ouvroir ; on la porte au baquet ; on la
rafraîchit avec de l’eau ; on laiffe refroidir ce premier
cueillage ; on le répète en cette manière autant
de fois qu’il eft nèceffaire, félon la grandeur
de la glace qu’on fe propofe de fouffler l’avant-der- .
nier cueillage.
Lorfque la matière cueillie eft un peu froide, le
maître ouvrier monte fur un bloc ou fur une eftrade
de bois, à la hauteur d’environ cinq pieds, afin de
donner, avec plus de facilité, au verre le balancement
qui l’alonge à mefure qu’il eft fouffié.
En cet état, l’ouvrier fouffle la matière vitrifiée
avec la felle, à deffein de l’élargir & de prendre au.
dernier coup plus de criftal : ce cueillage s’appelle
la pofie.
Si la matière eft trop pefante pour que le verrier
puiffe foutenir feul la felle , plufieurs compagnons
lui portent du fecours , en paffant des morceaux de
bois par deffous la glace à mefure qu’elle s’alonge y
d’autant qu’il feroit à craindre que la matière ne fe
détachât de la felle par fon trop grand poids.
Quand la matière du dernier cueillage eft affez*
froide, on la replonge encore en tournant la felle
dans le criftal ; puis on la retire en baiflant la main,
■ doucement, afin de faire fêparèr le fil & arrondir
le cuëiïïage.
Cela fait, on va au baquet rafraîchir la canne ou
felle ; le paraifonnier la prend enfuite, & la porte
au marbre ou à la table : c’eft une plaque de fonte-
ou de cuivre , fur laquelle on roule le criftal en
fufion en le fouffiant en même temps , & lui donnant
la forme appelée paraifon.
Quelquefois la paraifon devient plus mince d’un
côté que de, l’autre : alors on continue à tourner
cette partie mince fur le marbre ou fur la table qui
la refroidit ; & fouffiant en même temps , l’autre-
partie épaiffe cède & l’égalité fe rétablit.
Après cette opération, on va au baquet rafraîchir
la felle, puis on la porte à l’ouvrier pour réchauffer
la paraifon égalifée. Quand elle y e ft, on
| la tourne d’abord doucement, mais on augmente
de vitefiè à mefure qu’elle s’amollit»
Quand la paraifon eft affez chaude, on la retire J
pour la faire alonger ; fi elle eft bien lourde, deux
ouvriers ou paraifonniers foutiennent la felle en
l’air; ce qui donne lieu à la paraifon de s’alônger.
On fouffle à mëfure qu’elle s’alonge, afin de lui
donner le diamètre qu’il faut; puis on la remet à
l’ouvroir pour la réchauffer, obfervant, comme auparavant
, de tourner d’autant plus vîte qu’elle s’amollit
davantage.
La paraifon étant affez chaude , on la retire ; on
achève de l’alonger jufqu’au point convenable. On
pofe la felle fur un tréteau : un autre ouvrier, avec
un poinçon & un maillet, y pratique un trou ; en-
fuite on le reporte à l’ouvroir, mais on n’en réchauffe
qu’environ la moitié. Quand elle eft chaude
on revient au tréteau, & un autre ouvrier avec le
procello, met d’abord la pointe de cet inftrument
dans le trou fait avec le poinçon ; on tourne la felle,
& , comme le procello eft à reffort, le trou s’élargit
peu-à-peu.
Quand toute l’ouverture eft faite, on reporte à
l ’ouvroir, on réchauffe comme auparavant', on revient,
on monte fur la chaife; alors un ouvrier
avec un cifeau, fend la pièce jufqu’à la moitié.
On defcend de deffus là chaife, on va au tréteau
; un autre ouvrier avec le pointil l’attache à
la pièce ; puis avec un fer trempé dans l’eau, dont
on pofe le bout fur la pièce, & dont il en tombe
fur elle quelques gouttes , .prépare la féparation .
de la felle qui fe fait d’un petit coup qu’on lui
donne.
La pièce féparée de la felle, on la porte avec le
pointil à l’ouvroir pour la chauffer comme auparavant.
On revient au tréteau, on achève d’ouvrir le
trou avec le procello ; un ouvrier alors monte fur
la chaife , & avec un cifeau on achève de fendre.
Un autre ouvrier s’approche avec un pelle : on
pofe la pièrre fur cette pelle : on détache le pointil
de la pièce par un petit coup. L’ouvrier à la pelle la
prend , & la porte dans l’arche à applatir.
La chaleur de l’arche commence à l’amollir ; on
pofe la pièce fur la table à applatir. L’ouvrier prend
le fer à applatir ; c’eft une tringle de fer d’environ
dix ou onze pieds de long, & il renverfe un
des bords de la pièce vers la table, enfuite l’autre ;
puis , avec la polilfoire, il frotte la glace par-tout
pour la rendre unie ; enfuite on pouffe la glace
fous l’arcade, afin de la faire entrer fous le fourneau
à recuire : ce fourneau s’appelle ejlrigue.
Les glaces font douze ou quinze jours à recuire ,
fuivant leur volume & leur épaiffeur.
A mefure que la glace fe refroidit, on la pouffe
vers le fond du fourneau. Quand elle eft encore
plus froide, c’eft - à - dire , lorfqu’il n’y a plus de
rifque qu’elle fe plie, on la dreffe ; & entre chaque
fept ou huit pouces ainfi dreffées , on met la barre
de travers pour les empêcher de courber.
Sans ces barres, les pièces poferoient les unes
fur lès autres, & plieroient.
Quelquefois la glace eft fi grande, qu’on ne peut
pas la dreffer; alors on la retire de l’arche, on la
prend fur une pelle, & on la met dans le fourneau.
.
Le fourneau étant plein, on le bouche, on marge
& on le laiffe refroidir ; mais on a grand foin de
tenir le fourneau dans une chaleur convenable ;
trop chaud les pièces plieroient ; trop froid elles fe
couperoient difficilement avec le diamant, & fe-
roient trop fujettes à caffer. Quand elles font froides,
on les retire & on les emmagafine.
Il y a deux fortes de pointils ; le travers en étant
un peu chaud , on les trempe dans le métal, ils
s’en couvrent, on les laiffe refroidir, puis on les
attache à la pièce.
Il faut remarquer que le travail des glaces foiif-
flées eft continuel, & que les ouvriers fe relayent
de fix en fix heures pour fouffler le verre.
Les glaces foufflées, pour être parfaites , ne peuvent
avoir au-delà de cinquante pouces environ de
hauteur fur une largeur proportionnée.
W M les planches X X X III, X X X IV , X X X V ,
X X X V I , X X X V I I & X X X V I II , tome I I des gravures,
& leur explication ci-après. .
Les glaces fouflées angloifes, dit M. d’A n tic ,
font d’une plus belle couleur que les coulées , elles
font auffi mieux affinées. Le verre, ajoute-t-il, des
unes & des autres ,' m’a paru un peu trop tendre,
& manquer de la folidité qu’exigent fur-tout les
grands volumes.
ManufaSlure de Saint-Gobin.
Les plus belles glaces fe font à la manufacture-
royale de Saint-Gobin, fituée dans la forêt de la
F ère, éleCtion de Laon , dans le Soiffônnois.
M. Allut a décrit, avec des détails fatisfaifans
dans fon Mémoire rapporté ci-deffùs , les opérations
des glaces coulées, qu’on fabrique principalement
dans la manufacture de Saint-Gobin ; cependant
nous devons, au rifque de faire quelques
légères répétitions , donner ici une efquiffe des
difpofitions de cet établiffement, qui fait également
honneur à l’induftrie françoife , & au gouvernement
qui le protège.
Le bâtiment de la manufacture de Saint-Gobin
où l’on coule les glaces, eft appelé halle ƒ il peut
avoir onze toifes de long fur dix & demie de large'
dans oeuvre. Le four eft au centre, & a trois toifes
de long fur deux & demie de large. Ce four eft
[ compofé de bonnes briques.
Il y .a deux portes de trois pieds de haut de chaque
côté de deux toifes & demie, & une porte de trois
pieds & demi fur le côté de trois troifes. Les deux
premières font pour jeter continuellement du bois
dans le four ; l’autre pour entrer & fortir les pots
& cuvettes.
Ce four eft fur de bonnes fondations , & carrelé
de terre bien cuite de la même qualité que les pots
où l’on met fondre la matière; il eft voûté en dedans
à la hauteur de dix pieds :1e tuyau pour la
fumée eft au centre.
C e ij