
exprimer l’eau & le rendre Toupie & maniable.
Enfuite il le ramaffe, l’étend tant qu’il peut avec,
les deux mains, le frappe plufieurs fois contre le
mur & le corroie encore. Il le met tremper une
ieconde fo is , & le corroie de la même manière.
11 le met tremper line troifième fois , s’il eft nè-
ceflaire , & le corroie , jufqu’à ce que prefque
toute l’humidité en foit exprimée , & qu'il Toit
doux & Toupie comme un gant. Il enduit enfuite
de petit vernis , qui eft de l’huile de noix ou de
lin recuite, le cuir du côté de la laine , & le laiffe
s’imbiber pendant quelque temps, enveloppé d’une
maculature humide fi c’eft l’été. Il en faut faire
autant à l’autre cuir.
En préparant ainft deux cuirs pour les deux
balles, on a foin de préparer aufli deux doublures
, qùi font ou deux autres cuirs plus minces
de même efpèce , & qui ne demandent d’autres
préparations que d’être Toupies & ramoitis , ou
deux vieux cuirs que l’on fait fervir en doublures,
après les avoir brofiès dans la Icilive pour en ôter
l’encre. Cette forte de doublure eft préférable &
conferve mieux les cuirs. La doublure maintient
le cuir dans une douce humidité pendant cinq ou
fix heures, plus ou moins félon la faifon, & l’em- I
pêche de fe racornir.
Il faut aufli de la laine telle qu’on l’achète chez
les marchands : on la tire quand elle eft neuve, ou
on la carde quand elle a fervi quelque temps. Il en
faut environ une demi-livre pour chaque pain. On I
appelle dans l’imprimerie un pain de laine, la quan- ;
tité de laine qui fe met dans chaque balle.
Monter les balles.
Quand les cuirs font bien préparés & qu’il y
a de la laine tirée ou cardée, un des ouvriers de
la preffe monte fes balles. Pour cela il commence
par attacher légèrement le cuir & la doublure au
bois de balle, avec un clou qu’il met fur le bord
du bois de balle , & au bord du cuir & de la doublure
, de façon que le côté de la laine fe trouve
en deffus ; puis il fait faire un demi-tour à fon bois
de balle, étale bien le cuir & la doublure , enfuite
le bois de balle couché & le manche tourné de fon
côté , il prend avec fes deux mains la quantité de
laine qu’il juge néceflaire pour former fon pain de
laine, & la met dans la capacité du bois de balle
appuyé contre fon eftomac. Il prend 1 extrémité du
cuir & de la doublure diamétralement oppofée à
celle qu’il a déjà attachée, & l’attache aufli.
Il examine enfuite s’il a pris affez de laine pour
donner à fa balle une figure ronde, & qu’elle foit
un peu ferme ; il attache un troifième clou au
milieu des deux qui viennent d’être attachés. Ces
trois clous font feulement pour maintenir le cuir
& la doublure, pendant que l’imprimeur les attache
plus folidement fur le bord de la balle, au
moyen de dix ou douze clous qu’il met à la dil-
tançe de trois doigts l’un de-1 autre, en pliftant
les extrémités du cuir & de la doublure l’un fur
l’autre, &. en les appliquant le plus ferme qu’il peut
defliis le bord du bois de Balle, afin qu’en touchant,
la laine ne forte pas.
Quand les balles font montées, il faut les ratifier
pour enlever les ordures qui fe font attachées
aux cuirs en les corroyant & en montant les balles:
l’imprimeur verfe fur le milieu du cuir d’une balle
environ plein une cuiller à bouche de petit vernis,
tourne la balle pour que le“ vernis ne tombe
point, prend l’autre balle, les met l’une fur l’autre,
& les diftribuecomme après avoir pris de l’encre,
pour que ce vernis s’étende bien fur toute la fur-
face des cuirs des deux balles, & en détache les
ordures. Enfuite il en met une fur les chevilles
de la preffe, prend un coûteau dont la lame foit
non tranchante , & avec cette lame il enlève le
petit vernis & toutes les ordures qui fe rencontrent
fur la fuperficie du cuir d’une balle.. Il met cette
balle aux chevilles & prend l’autre qu’il ratiffe de
même, puis la fufpend au deffus de la première
à une corde attachée à la jumelle.
L’imprimeur ratiffe les balles toutes les fois qu’il
les a montées ; il doit les ratifier aufii dans le courant
de la journée, pour enlever de deffus les cuirs
les ordures qui s’y attachent en travaillant, & qui
viennent de l’encre & du papier. En un mot il ne
doit rien négliger pour avoir de bonnes balles,
car elles font l’ame de l’ouvrage; & il eft impof-
fible de faire de bonne impreflion avec de mau-
vaifes balles.
Pendant la préparation des balles & du papier,
un des deux imprimeurs a dû coller une frifquctte,
c’eft-à-dire , coller au châflis de la frifquette un parchemin
ou deux ou trois feuilles de papier fort,
pour l’ufage dont nous allons parler. On fe fert
ordinairement des vieilles peaux de tympan ; on
colle par deffus une feuille de papier blanc.
Laver les formes.
L’imprimeur doit aufii laver lés formes avant
que de les mettre fous preffe. Comme il n’y a
point de forme prête fur laquelle il n’y ait eu
deux ou trois épreuves & même davantage , &
qu’il faut plus d’encre pour une épreuve que pour
une feuille ordinaire quand la forme eft en train,
l’oeil du caractère fe trouve encré; ce qui rendrait
l’imprefiion pâteufe, fi on n’avoit pas le foin de
laver les formes auparavant.
Un des deux imprimeurs prend donc une forme
une heure ou deux avant de la mettre fous preffe,
pour qu’elle ait le temps de fécher, la porte au
baquet, dont il bouche le trou avec un tampon , la
couche , verfe deffus une quantité de lefiive fuffi-
fante pour la couvrir , la broffe jufqu’à ce que l’oeil
du caractère foit net, & le châflis & la garniture
propres , débouche le trou pour laiffer écouler la
lefiive ; lève la forme , la laiffe égoutter quelque
temps, regarde attentivement s’il n’en eft rien
tombé „
tombé, la retire du baquet, la rince avec de l’eau
nette, & la laiffe fécher.
La lefiive dont on fe fert pour laver les formes
n’eft autre chofe que de la leffive de blanchiffeufe,
dans laquelle on met de la potaffe ou une efpèce
de fel blanc qu’on appelle drogue, qui fond dans
la lefiive , & qui la rend plus douce. Quand le tirage
d’une forme eft fini, l’imprimeur eft obligé
de la%ver. Il doit y avoir dans toutes les imprimeries
lin endroit deftiné à tremper le papier , laver
les formes, laiflér les formes de diftribution,
mettre les cuirs tremper, &c. ; on le nomme trem-
perie...
P réparer \V encre fur les balles.
Il doit enfuite préparer fon encre : cette foncr
tion n’eft pas longue ; il ne faut que bien nettoyer
Y encrier , prendre avec la palette une quantité
d’encre dans le baril, la mettre dans l’encrier ,
la bien broyer avec le broyon, la ramaffer avec la
palette , la broyer encore, puis la mettre dans lin \
des coins de l’encrier. Un ouvrier de la preffe curieux
de fon ouvrage , ne manque pas le matin
de broyer toute l’encre qu’il a dans fon encrier ,
avant que de fe mettre au travail, pour l’entretenir
dans un état de liquidité convenable.
Nous avons laiffé les balles, l’une aux chevilles
_de la preffe, & l’autre fufpendue à la jumelle ; il
faut leur faire prendre l’encre ; l’imprimeur en
broie fur le bord de l’encrier, & en prend avec une
de fes balles, puis avec l’autre, & les diftribue,
c’eft-à-dire, les fait paffer & repaffer l’une fur l’autre,
en les frottant & les appuyant avec force
l’une contre l’autre, jufqu’à ce que toute la fur-
face des deux cuirs, de grife qu’elle étoit, foit
d’un beau noir luifant, & également noire par-tout.
Si l’imprimeur voit qu’il y ait quelqu’endroit fur
les cuirs qui n’a pas bien pris l’encre, & qu’il s’ap-
perçoive que. cela vient de ce que les cuirs font
humides, il brûle une feuille de papier, & paffe
les cuirs par deffus la flamme, en diftribuant les
balles. Si après cela les cuirs refufent encore de
prendre, il les frotte fur une planche ou dans les
cendres, pour en difîiper l’humidité, puis y met
du petit vernis , les ratiffe , prend de l’encre , &
les diftribue jufqn’à ce que les cuirs paroiffent bien
pris également.
Quand les cuirs n’ont pas été bien corroyés, ils
ont de la peine à prendre , fur-tout l’hiver, temps
pendant lequel les imprimeries font fort humides ;
de façon que l’imprimeur eft quelquefois obligé
de les démonter, c’eft-à-dire , de les détacher
entièrement du bois de balle, & de les corroyer
de nouveau. Pour éviter cet inconvénient qui fait
perdre du temps, il ne s’ agit que de les bien corroyer
avant de les monter.
Dans les imprimeries où il y a d’autres ouvriers
de la preffe, ceux qui ont des cuirs bien pris,
pour faireplaifir à ceux qui en ont deux nouveaux,
prennent une de leurs balles, & leur en donnent
Arts 6* Métiers• Tome III. Partie II\
une des leurs ; au moyen de cet arrangement les
deux cuirs neufs font bientôt pris-, les dewx vieux
cuirs aidant à faire prendre les nouveaux.
Mettre en train.
Après que le compofiteur a corrige la dernière
épreuve d’une feuille, il porte les formes auprès
de la preffe des imprimeurs qui-doiyent les tirer,
& leur donne en même temps cette épreuve. Le
premier des deux ouvriers, qui eft celui qui doit
mettre en train, effuie le marbre de la preffe avec
un morceau de papier, prend une forme (on commence
ordinairement par le côté de deuxot trois ,)
la met fur la preffe, l ’ajufte bien au milieu de la
preffe & fous le milieu de la platine , & 1 arrête
avec fix coins par le moyen des cornières. Il abaiiie
enfuite le tympan fur la fornje, le mouille en
dedans avec une éponge , le laiffe quelque temps
prendre fon eau , pendant lequel il frotte fes blan-
chets ; puis, après avoir preffé fon éponge pour
en faire fortir l’eau, il ranîaffe avec cette épongé
toute l’eau qui peut être dans le.tympan , met de-,
dans les blanchets bien étendus, & le carton ,
& par deffus le petit tympan pour les maintenir
en état. '
L’imprimeur lève fon tympan & fait la marge.
Nous continuons de fuppofer que la forme eft in-o .
Il prend une feuille de fon\ papier , la plie en
deux, en marque bien le p li, la porte bien au
milieu fur un côté de la forme, de maniéré que
le pli de cette feuille fe trouve au milieu de ^la
barre du milieu du châflis, déplie la feuille & l’étend
, & tâte avec fon doigt u fa marge eft égale
tout autour. Il porte enfuite légèrement1 l’éponge
-fur le tympan, l’abaiffe fur la feuille, paffe la
main fur le petit tympan en appuyant un peu, afin
que la feuille s’attache au grand tympan, & enlève
la feuille.
C ’eft cette feuille qui règle la marge de toutes
I les autres, c’eft-à-dire , que c’ eft fur cette feuille
I que l’on pofe toutes les autres ayant que de les
imprimer en papier blanc ou du premier cote. Puis
il déchire deux doigts de l’angle de cette feuille qui
fe trouve en bas du tympan fous fa main gauche,
parce que cet angle l’empêcheroit d’enlever de
deffus le tympan les feuilles à mefure qu elles
s’impriment.
Il pofe fes pointures de. façon que l’ardillon fe
rencontre jufte fur le pli du milieu de la feuille ,
& réponde à la mortaife de la barre du milieu
du châflis. Pour en être sûr, il couvre fa marge
d’unè mauvaife feuille, abaifle le tympan fur la
forme, & appuie la main fur le petit tympan
vers le bout des pointures ; s’il ne trouve point
de réfiftance c’eft figne que l’aj-dillon répond jufte
à la mortaife du châflis. O n arrête les pointures
fur chaque côté du tympan au moyen d’une vis
& d’un écrou. Elles fervent, au moyen des trous
qu’elles font à chaque fouille qui s’imprime du
premier côté, à faire rencontrer les pages de la