
d’eau tiède, avec du fel & des morceaux d’eftomac
de boeufs, de veaux, de chèvres , de brebis, def-
féchés. Ils ne laiffent digérer l’eftomac rempli de
ferment que vingt-quatre heures, après quoi ils le
retirent, & il fert.encore trois ou quatre fois avec
la même efficacité ; mais les morceaux d’eftomac
deflechés, trempent pendant quinze jours l’été , &
pendant un mois l’hiver, jufqu’à ce qu’ils foient
épuifés de tous les principes dont l’eau peut fe
charger , & ils ne fervent plus. La liqueur qui
réfui te de toutes ces préparations , eft employée
avec fuccès comme une préfore forte,..
En certain temps , & fur-tout au commencement
du printemps, on emploie une préfure d’une vertu
médiocre ; pour cela on met tremper pendant vingt-
quatre heures dans de l’eau tiède , ou encore mieux
dans du petit lait aigri, qu’on nomme grappe, une
moitié d’eftomac de boeuf ou de vache defleché :
la liqueur fe charge , pendant ce court efpace, de
principes qui produifent fur le lait un eftet affez
confidérablç pour le temps ; car il eft bien important
de ménager pour lors la' préfure dans les fromages
: fans cette précaution, la pâte des fromages
où la fermentation continue par la chaleur de l’été
qui fe fait fentir même au fond des fouterrains , fe
réduiroit en grumeaux défunis, 8c n’auroit aucune
confiftance. J’ai obfervé que fouvent les fromages
d’Auvergne ont ce défaut de préparation , quoique
les vachers foient bien inftruits de l’inconvénient
dont je parle.
On verfe environ un tiers de chopine de préfure,-
fur quinze pintes de la it, c’eft-à-dire, un quarante-
cinquième. On remue le lait pour diftribuer ce
ferment uniformément dans toute la maffe, &pour
en hâter l’effet. Le lait fe prend ou fe caille en
moingi d’une demi-heure, à la faveur du repos &
d’une chaleur douce qu’on lui a communiquée en
l ’approchant du feu , fi la chaleur de la faifon n’eft
pas foffifante.
Lorfque le lait eft pris entièrement, on plonge
dans la maffe du caillé un bâton armé d’une planche
ronde trouée, qu’on nomme menole ou frefniau dans
le Cantal, fig. 3 : on agite la menole1 jufqu’à ce
qu’on ait bien divifé la maffe du caille , au milieu
de laquelle le petit lait fe trouve difperfé comme
dans une infinité de cellules : on les détruit par
cette agitation. Quelques-unes des parties du caillé
tendent à s’affaiffer au fond de la bafte, mais d’autres
nagent dans le petit lait. On rapproche toutes ces
parties avec la menole , à laquelle on adapte une
efpèce d’épée de bois , qu’on nomme Méfadou,
fig, 4. On tient cet équipage , fig-S , dans une fitua-
tion verticale, & on le promène dans tout le contour
de la bafte, en le portant du centre à la circonférence
: par ce moyen , on parvient à former de
tout le caillé un gâteau qui fe précipite au fond du
feau : le petit lait qui fumage , fe vide ou avec une
écuelle , ou par inclinaifon, dans d’autres baftes, ISMLe caillé qu’on laiffe au fond de la bafte, y prpnd
en peu de temps une certaine confiftance, qui fait
qu’il conferve la forme du fond de ce vaiffeau où
il s’eft moulé. On le retire de la bafte , & on le
ferre fortement avec,les deux mains fur une table,
fig. 8 y *8c dans une fefcelle { fig. 11 ) , pour en exprimer
le petit lait le plus qu’il eft poftible ; enfuite
on le met dans une bafte ( fig. 2 ) , de même forme
que la première, & ôn la tient'inclinée de telle
forte , que l’ouverture latérale, qu’on a foin de ne
pas boucher, puiffe laiffer échapper le petit lait à
mefure qu’il s’égoutte, & le verfer dans une auge
deftinée à le recevoir ( fig. 10, B ) ; c’eft ce que l’on
appelle laifier faufiler la tomme.
On a outre cela l’attention de placer le caillé fur
un lit de paille qui garniffe exactement tout le fond
de la bafte {fig. 7). Ce lit de paille a plufieurs avantages
; il empêche que le gâteau de caillé ne touche
immédiatement le fond de la bafte, &' ne bouche
l’ouverture latérale qui fert à l’écoulement du petit
lait; mais ce qui eft encore bien plus important,
cette paille , en laiffant échapper le petit lait à mefure
qu’il fe dégage du gâteau de tomme , fait qu’il
n’en imbibe pas les parties inférieures qu’il baigne-*
roit fans cette précaution. Lorfqu’on a plufieurs
gâteaux de caillé , on met deffous le plus nouveau ,
& on le charge de ceux qui font déjà égouttés. Enfin
l’on comprime le tout, en y ajoutant une pierre
d’un certain poids. Par cet arrangement, les gâteaux
remplis de petit lait s’égouttent fur la paille , fans
humeéter de nouveau les autres : d’ailleurs le poids
de ceux-ci, augmenté de celui des pierres , fervant
à comprimer les inférieurs, achève d’en dégager le
petit lait. Les gâteaux de caillé reftent dans cet
état deux ou trois fois vingt-quatre heures.
Lorfque la faifon n’eft pas chaude,s on place la
bafte près du feu ; & , dans l’efpaçe de temps dont
je viens de parler , toute la pâte du caillé , par- un
effet continué de la préfure aidée de la chaleur,
augmente, de volume affez confidérablement : on y
voit une infinité d’yeux , ,de vides , qui font dif-
perfés dans la maffe comme dans une pâte levée ;
on dit alors que le caillé eft pouffé ou faufilé, &
on l’appelle tomme. D ’après ce fait, je fuis très-tenté
d’attribuer à l’aâion de la préfure , les trous du fromage
cuit, dont je n’ai point développé la caufe.
Je dois faire remarquer qu’on lave foigneufement
de trois jours en trois jours, dans de l ’eau tiède , la
paille qui fert à foutenir les gâteaux de caillé, de
peur que le petit lait qui s’y attache , ne contraéte
un goût d’acide qu’il communiqueroit à la tomme.
On ne lave la paille qu’une fois , après quoi on en
met de nouvelle.
Dès que la tomme eft pouffée , on l’emploie à
faire des fromages. Pour cette grande opération , le
vacher fe met fur une table ovale , faite à peu près
comme la table d’un preffoir", avec une rigole tout
autour , & une goulerotte oppofée diamétralement
à la place qu’ il occupé {fig. 8 ,9 & 10). Cette table
eft foutenue fur trois pieds , & fe nomme chèvre.
I Le vacher met d’un côté une bafte pleine de gâteauxde
tomme, & de l’autre , les trois pièces qui I
eompofent le moule du fromage. Ces trois pièces
font, i°. la fefcelle { ficella ) ou le fond ( fig./ / ) ; I
a0. \z feuille {fig. 12 ) ; 3;0. la guirlande {fig. 13). La.
fefcelle eft une petite boîte cylindrique, de huit
pouces environ de diamètre intérieur , dont lé rebord
qui s’évafe a deux pouces & demi d’élévation :
le fond eft un peu élevé au centre {fig. 11, B ) , comme
dans la forme de Gerardmer ; on y a pratiqué cinq
trous , un dans le milieu , & quatre dans le contour.
La feuille eft un cercle de bois de hêtre ou de fer
blanc, dont une partie rentre fur elle-même, de
forte qu’elle s’engage à volonté . dans la fefcelle.
Cette lanre circulaire a quatre pouces 8c demi de
largeur. La guirlande eft une portion de cône évidé,
qui a deux pouces trois quarts de largeur, fur fept
pol|||:s.de petit diamètre fupérieür , & huit pouces ;
& demi de diamètre inférieur. Elle fe place fur la j
feuille, & termine la forme par le haut. Il faut ob- ;
ferver qne les dimenfions que nous donnons ic i , i
ne font pas’ confiantes , qu’elles changent fùivant
la groffeur des fromages ; mais ce font les plus communes
, & elles'varient peu.
Le vacher prend un gâteau de tomme , 8c en
coüpe un morceau qu’il pétrit dans la fefcelle ,
après y avoir jeté une petite poignée de fel. Il achève
dé remplir la capacité delà fefcelle avec4 de la tomme
pétrie , falée 8c réduite en pâte ,, qu’il comprime
lé plus exactement qu’il peut ; il en fait une couche
qu’il couvre d’une couche légère de fel ;enfuite il
engage dans lafefcelle le bord inférieur de la feuille,
& remplit cette feuille , avec le même foin, de
tomme pétrie , qu’il fale de même : il a l ’attention
de mêler enfemble les gâteaux de tomme produits
des différentes traites. Il place enfin la guirlande
qui maintient la feuille , parce qu’élle entre
dans la guirlande de la largeur d’un pouce ; il la
remplit jufqu’au bord ,. de la pâte du caillé qu’il
comprime fortement avec les poings, & y répand
du fel dans une proportion convenable. On voit
dans la fig.. 14 a , les pièces du moule en fitua-
tion : le vacher récouvre le tout d’un morceau de
toile , 8c tranfporte. le fromage avec fon moule,.
fous une preffe {fig. 14, B
Cette preffe eft compofée d’une table foutenué
fur quatre pieds ; une rigole circulaire environne
l’endroit où fe place lefromage {fig. 15 ). La planche
fupérieure & mobile, chargée dé groffes pierres,
eft établie fur deuxmontans placés à une extrémité;,
on la foulève de l’autre, 8c on l’arrête par le moyen
d’une: cheville qui-fe place dans .les trous d’un
troifième montant fixé à l’autre extrémité. Oh met
le fromage dans le milieu dé la table ; ôn'âbaiffe
deffus la planche fupérieure chargée de pierres,
en otant la cheville. Le fromage fe'Yefferre & fe
comprime par le rapprochement de' la fefcelle 8c
de la guirlande qui entrent dans la feüilfefi/zg. mm Le petit lait s.écoule par lès cinq troùs'de la fefcélle, 1
& par les intervalles des trois' pièces'. Ôfo CÔhîèrVe.
ce petit lait; & tômme il a dîffôuturiyèSeïfàihétpian- )
tité de f è l , il fert à humeéter la furfaee des fromage*'
qu’on garde à la cave.
Le fromage refte fous preffe pendant vingt-quatre
heures environ ; on le retourne enfuite dans le
moule , & on l’y laiffe encore quelques jours fous
preffe, en le retournant plufieurs fois, afin que le
fel qui fe fond dans là maffe du fromage ,- en pénètre
également toutes les parties. Cette attentiôfo
eft d’une conféquence extrême, & décide fouvent:
de la bonté des fromages : car le fel diftribué uniformément
par-tout, donne au froniage une faveur
.agréable. L’art de mêler le fel à la tomme , lors de
fa fabrication , eft: une dépendance de Cet effet:'
nous verrons par la fuite les inconvéniehs qui rê-
fultent du mélange de fél fait fans aucune proportion
convenable.
Le fromage, au fortir de la preffe , eft tranfp'ortè
dans la cave du bùron, où l’on a foin dé lé retourner'
tous les jours^ afin que le' fel continue à fe divifer
& à fe diftribuer également : cette attention eft ne-
ceffaire d’ailleurs pour que la tomme qui eft molle?
& gluante ne fe collé pas aux planches- du cfelliet*;.
Il y a dés vachers qui le mettent fécher fur- une?
planche à côté de la cheminée , pour éviter cet inconvénient.
Dans d^autres c a s , il faut lîhuniejfter
avec le petit lait chargé de fel*, dont j’ai parlé, particulièrement
lorfqu’oft s’âpperçoit que" fa* for face-
eft trop fèché : c’èft un fopplériient de‘fol .qu-orî lui-
adminiftre par là ; ca r , comme le fel marin eft dé--
liquèfcent, lorfquil a pénétré en quantité foffifante
la maffe du fromage , il fe montre à fa forface dans-
les premiers jours,, par une légère humidité': airïfii
un certain état dë fècheréffe dans les. fromages ,,
prouve qu’ils n’ont pas eü affez de fel , 8c qù’ïl:
convient de leur én donner -davantage. ‘ ,
Après que lés; fromages ont féjourné un certain
temps dans la cave du buron, on les effùie-, on les»
frotte pour enlever les parties butireiifes qui s’accumulent
à leur forface., 8c qui y forment une
croûte : elle eft d’abord mollaffé, mais elle contracte
infenfiblemêfît de la confiftance ; on effuie là moi-
fiffure qUi y croît, & qui empêcheroit qu’elle nê' fe
défféchât ; cette couche pleine de mouffe. s’enlève
toute entière , parce" que les marchands la rebü*-
teroient.
Sous les mouffes, il fë forme une autre croûte plus?
folide 8c blanchâtre , que les vachers ont encore"
foin dé racler avec un couteau mince, parce qu’elle '
préjudicieroit à là vente. Les marchands du dehors-
ne Veulent voir à la furfaee des fromages , qu’une
croûte de couleur orangée 48c qui eft formée pour"
la troifième fois , par les parties les plus fines & :
les plus atténuées, de la partie bUtireufe uo peu?
rancie.
C ’eft pour ménager ces différens effets dans lés
fromages d’Auvergne, que les burons ou la partie -
des burons où l’on conferve les fromages dans les -
premiers temps, eft tenue baffe 8c fraîche : ces opérations
demandent un réduit peu acceffiblè au vent
8t aux chaleurs.' Les' caves baffes 8c profondes foh&-