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fait préférer le ciment moyen , & me ramène, à
cet égard,à l ’opinion deM. Dantic. ( tome i,p. 77. )
I ly a pende provinces où l’on ne trouve de très-
bonne argile. Les meilleures font la grife & la blanche
: celles qui font diverfement colorées cèdent
avec facilité à l’aïlion du feu de verrerie..
Les argiles les plus pures contiennent des fubftances
hétérogènes; on y trouve des terres d’ef-
pèce différente, du fablon, du mica , des racines ,
une bafe martiale qui fe manifefte par fa couleur
rouge ou jaune, de l’acide vitriolique. On remarque
aufli. dans quelques-unes du charbon foflile ,
& des pyrites.
Il fuffit d’éplucher l’argile avec foin, lorfque les
corps étrangers qu’elle contient font en petit nombre
, & qu’ils font apperçus. .On la cafte en petits
morceaux; on en fépare attentivement les matières
hétérogènes , & on enlève fur-tout avec la
pointe d’un couteau , ou avec le tranchant d’un
petit marteau , la fubftanee martiale , qui la dif-
poferoit puiflamment à la fofion. On doit avoir attention
de laifler fécher l’argile , avant de l’éplucher
, parce que la différence des couleurs eft alors
plus fenfible.
Lorfque l’argile eft très-chargée de fubftances
étrangères, on eft obligé, pour la purifier , d’avoir
recours à d’autres procédés, dont le plus Ample
eft une lotion bien entendue.
On met une certaine quantité d’argile dans une
grande caille de bois qui a environ dix pouces de
profondeur : on répand de l’eau fur l’argile , fans
l’agiter, jufqu’à ce qu’elle en foit couverte d’environ
deux pouces, & on laifle les chofes dans
cet éta t, à peu près vingt-quatre heures. On voit
alors fur la furface de l’eau furnager comme de
l’huile , une matière grafle & ordinairement rougeâtre
, qui n’eft autre ehofe que lafubftance martiale
dont l’argile étpit colorée : la même opération
doit enlever l’acide vitriolique. On décante
l ’eau de la caiffe. Pour aflùrer d’autant plus le fuc-
cès, on peut répéter plufieurs fois ce procédé, qui
eft fufïifant fi l’argile ne contient que de l’acide
vitriolique & une fubftanee colorante. Mais fi l’on
doit en extraire d’autres corps étrangers,dl faut pouffer
plus loin l’opération.
Après avoir décanté l’eau dont l’argile étoit
couverte, on en met de nouvelle. On remue la
terre & on la réduit en coulis par ce mouvement.
Car il eft à<*obferver que l’argile , trempée aufli
long-temps qu’on voudra , dans quelque quantité
d’ eau que ce fo it, ne fera que s’y humetter fortement
, & qu’elle ne fe mêlera pas, o u , ce qui
eft la même chofe, ne fe réduira pas en coulis ,
tant qu’elle n’éprouvera pas d’agitation.
On décante le coulis dans une fécondé caifle
placée au deflous de la première, en le faifant paffèr
au travers d’un tamis de crin : on remet de l’eau
dans la première caifle , pour faire de nouveau
coulis qu’on décante encore de la même manière ;
ainfl de fuite, jufqu’à ce qu’on ait épuifé l’argile
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de la première caifle. Par cette manoeuvre, les
fubftances légères que le coulis pouvoit entraîner
avec lu i, demeurent fur le tapis ; les matières pe-
fantes & non folubles à l’eau reftent au fond de la
première caifle. Pour terminer cette préparation ,
on laifle dêpofer le coulis dans la fécondé caifle ; &
décantant l’eau claire , on obtient l’argile pure.
Il faut convenir cependant que cette méthode, excellente
en elle-même , entraîne des longueurs ,
exige un atelier confidérable , & augmente la main-
d’oeuvre. La terre que le coulis a dépofée sèche
lentement ; & , quelque précaution qu’on prenne,
il faut un aflez long efpace de temps , pour qu’elle
foit parvenue au point de pouvoir être travaillée.
Lorfque la terre eft d’affez bonne qualité pour
n’exiger que l’épluchage, on la met, après cette
opération , dans une grande caifle , où la répand
également ; on la couvre d’eau, & , après un temps
fufïifant pour qu’elle en foit bien imbibée, on enlève
l’eau fuperflue , & l’on ajoute la quantité convenable
de ciment. Si les circonftances ont obligé à la réduire
en coulisv, on la laifle fécher, jufqu’à ce qu’on
foit aflùré que l’addition du ciment la durcifle aflez-
pour qu’on puifle la marcher ou la corroyer.
Marcher la terre.
Des ouvriers entrent dans la caifle, & pétrifient
la terre avec leurs pieds. Le but de leur travail eft le
mélange égal du ciment à toutes les parties de l’argile.
Ils commencent par arranger la terre avec une
pelle , de manière qu’une petite partie de la caifle
qui la contient demeure vide : enluite portant leur
pied vers le milieu de la caifle, ils écrafent fous leur
talon une portion de terre. Ramenant leur pied à
eux , fans cefler d’exécuter la même manoeuvre ,
ils forment un bourrelet qui occupe toute la largeur
de la caifle : ils opèrent de même jufqu’à ce qu’ils
aient parcouru la longueur de celle-ci. Alors revenant
fur leurs pas , ils écrafent les bourrelets qu’ils
avoient faits , & ils en forment de nouveaux , ainfl
de fuite , jufqu’au parfait mélange du ciment.
Peur le fuecès de cette opération, U terre ne doit
pas être trop dure ; les pieds des ouvriers l’écrafe-
roient difficilement. Il ne faut pas qu’elle foit trop
molle : dans cet état, elle eft gliflante, & fe dérobe
aux efforts des ouvriers fans être écrafée.
Une des principales attentions qu’exige le corroî
de la terre, c’eft de faire les bourrelets très-minces ,
c’eft-à-dire , de faire pafler l’argile fous les pieds
des ouvriers fucceflivement & par petites parties. Il
eft aufli très-important que la bâtée * ne foit pas
trop force : l’argile à corroyer auroit trop d’épaifleur,
& les ouvriers auroient de la peine à l’ècrafer jufqu’au
fond de la caifle.
La vignette de la planche IV exprime l ’aétion de
marcher la terre , exécutée pat les ouvriers, fig. 1,
tandis que ceux , fig. 2 , apportent du ciment dans
une efpèce de caifle à brancard, & qu’on appelle
* Expreffion pour défigner la quantité de terre que l’on
marche à-la-fois dans la même caifle.
bar.
bar. La vue de cette vignette éclaire fuffifamment
fur les uftenfiles néceffaires à l’atelier où fe fait
cette opération. Ils fe réduifent à une petite futaille
F , propre à porter de l’eau aux caifles D , D , D ,
■ à des bars tels que G , & à quelques pelles & féaux
de bois.
Il fe trouve quelquefois des portions de terre
qui ne font pas corps avec la maffe totale, & qui
en paroiflent toujours diftinéfces. On les appelle
marrons. Ils nuifent à la liaifon & à la folidité des
ouvrages, & il eft par conféquent effentiel de les
éviter.
Les marrons proviennent de l’état où étoit l’argile
lorfqu’on l’a mife à tremper , ou de la manière
dont elle a été marchée. Quant à la première
caufe , il eft à obferver que l’argile ne trempe pas
lorfqu’elle eft humide , la furface extérieure s’hu-
meâe feule , l’intérieur n’eft pas atteint & demeure
plus dur. Si la terre a été marchée trop molle &
gliflante , qu’elle fe foit échappée de deflous les
pieds des ouvriers , ou qu’enfin ceux-ci aient corroyé
l’argile en trop gros bourrelets , il doit y avoir
des portions dé terre qui, ne participant pas du
mélange du ciment, forment des marrons. Il fuffit
donc , pour éviter ce défaut, de tremper l’argile
bien sèche, & de la marcher avec foin.
Il exifte nombre de moyens praticables de conf-
truire un four de fufion. On pourroit faire des
briques d’argile compofée , les recuire, & les employer
cuites. Il ne feroit pas moins aifé de fe fervir
d’argile encore molle, & de la façonner par le
même procédé qu’on met en ufage pour conftruire
les creufets à la main , & que nous décrirons dans
la fuite ; mais ces méthodes ont l’une & l’autre pré-
fenté des inconvéniens.
Il eft difficile, avec des tuiles cuites, de former
une courbe bien régulière, d’unir entre elles les
parties du four, de rectifier fans démolir les fautes
des conftru&eurs ; enfin, le mortier qu’on ne pourroit
fe difpenfer de mettre entre les aflifes des briques
, prendront de la retraite , laifleroit du vide
dans les joints, le feu dégraderoit d’autant plus aifé-
ment le four, & la voûte fourniroit abondamment,
dans les pots, des pierres & des larmes.
En conftruifant un four avec de l’argile molle,
comment fe promettre de fermer les parties de la
terre les unes contre les autres, aflez fortement,
pour compter fur la durée d’un pareil ouvrage? Je
me perfuade cependant qu’un peu de foin & un
appareil exécuté avec intelligence, aflùreroient la
rèuflite de cette méthode ; mais on s’eft arrêté à un
procédé plus Ample , dont l’expérience attelle le
luccès.
On moule l’argile compofée, en tuiles de divers
échantillons relatifs aux diverfes parties du four, par
le nom defquelles les tuiles différentes font communément
défignées. On attend , pour conftruire ,
que ces matériaux foient.à demi-fecs, c’eft-à-dire,
que les tuiles foient aflez dures pour qu’on puifle
les rabattre fans les écrafer. Alors on nettoie la
Arts 6* Métiers. Tome III. Partie I.
place qui doit recevoir la première aflife de tuiles,
& on la mouille avec du coulis, feul mortier dont
on 11 fe dans cette conftruétion : on pofe enfuite la
première tuile, qu’auparavànton a eu foin de racler
pour enlever fa furface trop sèche, ainfl que pour
prévenir toute faleté. On afliire la tuile en fa place
par de légers coups de batte, & on continue l’affife
avec les mêmes précautions.
La batte eft un outil de bois qui fert à battre les
tuiles pendant la conflruélion du four , pour en
augmenter l’union , & à rabattre le four après qu’il
eft conftruit. La batte a un manche de cinq à ftx
pouces. On lui donne une furface plane, pour travailler
dans les endroits dont la fuperficie eft plane,
& une furface convexe pour atteindre dans les
endroits concaves. Quant à fa longueur, elle eft
relative à la partie du four où la batte doit être
'employée. Voye^ diverfes battes E , E , E , pl. V .
Lorfqu’on a pofé une aflife de tuiles , on en
forme une fécondé, avec l’attention ufltée de faire
que les joints fe coupent, & l’on veille toujours à
ce que les tuiles foient ratifiées, & mouillées de
coulis, ainfl que la place qui doit les recevoir. On
procède de même jufqu’à ce que la conftruélion du
four foit achevée.
L’imprefîion que l’a&ion de la batte fait fur les
tuiles molles , fait déborder celles-ci de Ta place où
l’on les avoit pofêes. On ne pourroit laifler ces
bavures fans s^expofer à leur chute dans le verre ,
& fans altérer les dimenfions du fourneau,: il ne
feroit pas moins impraticable de les réfouler à coups
de batte contre les parois du four. Elles ne feroient
pas corps avec lui , & en .fe détachant,. elles in-
federoient la fabrication d’une énorme quantité de
pierres. On emporte ces bavures avec une gouge *.
La gouge , dont on voit la repréfentation en
G , g, pl. V , n’eft .qu’un petit fer carré d’environ
quatre pouces, armé d’un tranchant acéré, garni
par fes deux côtés d’un rebord de trois à quatre
lignes, & emmanché d’un manche de deux pieds. On
emploie des gouges plates , comme G , ou rondes,
comme g. Leur différence eft indiquée par le nom
qu’on leur donne , & la gouge ronde n’a point de
rebords. Avec la gouge plate, on recoupe les parties
du four, dont la furface eft plane : la gouge ronde
retaille les endroits concaves. La forme circulaire
de cette dernière, la rend d’un ufage fort commode
par la facilité d’emporter des morceaux plus ou
moins gros, en l’enfonçant plus ou moins à volonté.
Lorfi[u’après le recoupage le four eft dans les
dimenfions requifes, on attend, pour en faire ufage,
qu’il foit parfaitement feç : il eft toujours dangereux
de hâter artificiellement fa fécherefle. L’argile prend
de la retraite en fé chant, & il fe forme des gerçures
d’autant plus confidérables , que la deflic-
cation a été plus indiferettement précipitée : il faut
donc tout attendre du temps.
On rebat ipceflamment un four, depuis que fa
* C’eft ce qu’on appelle recouper ou retailler un four.