
beaucoup de juftefle, & même quelquefois, lorf-
qu elles font nouvellement nettoyées, & qu’il y
a de 1 huile fraîche au cylindre,. avec une juftefle
lupérieure à celle des montres à roues de rencontre
, parce qu’elles ne font fujettes alors à
d autres. irrégularités ( n’étant point ici queftiôn
de celles qui naiflent de l’a&ion de la chaleur
fur le reflort fpiral ) , qu’à celles qui font produites
par les inégalités de la force motrice ;
inégalités que cet échappement , comme nous
l ’avons remarqué plus haut, a la propriété de
compenfer.
Mais cette juftefle des montres à cylindre ne
fe foutient pas ; car les frottemens qui font dans
cet échappement, tant fur les lèvres du cylindre
que fur fes circonférences convexes & concaves,
augmentent dès que l’huile commence à fe def-
fécher , & produifent des variations qui diminuent
bientôt la juftefle de ces montres.
Devenus enfuite plus confidérables, ces frottemens
donnent lieu à l’ufure ; & à mefure qu’elle
fait^ du progrès , 8c que l’huile fe deffèche, les
variations augmentent , & quelquefois à un tel
point, qu’on a vu des montres à cylindre avancer
ou retarder de y ou 6 minutes & plus, en
24 heures, fans qu’il fut poffible de parvenir à
les régler.
O r , les montres à échappement à roue de
rencontre, bien faites, font exemptes de pareils
écarts; leur régularité eft plus durable, & elles
font moins fujettes aux influences du froid & du
chaud.
De tout cela il réfulte q ue , nonobftant que
leur juftefle ne foit pas fi grande, comme nous
l’avons dit, que celle que l’on obferve qu'elquefois
dans les bonnes montres à cylindre, cependant
on peut dire que dans un temps donné, pourvu
qu il foit un peu long, elles iront mieux que
celles-ci, c’efl-à-dire, que la fomme de leurs variations
fera moindre ; car rien n’eft plus commun
que de voir des montres à roue. de rencontre
aller très-bien pendant des deux ou trois ans
fans être nettoyées ; ce qui eft très-rare dans les
montres à cylindres, leur juftefle né fe foutenant
pas fi long-temps : il ne leur faut pas même
quelquefois un terme fi long pour qu’elles fe
mettent à varier.
On en voit q u i, ftx mois après avoir été nettoyées
, ont déjà perdu toute leur juftefle ; ce
qui arrive ordinairement lorfque l’échappement
n’eft pas bien fait, ou que le cylindre n’eft pas j
aufli dur qu’il pourroit l’ê trcj car alors il s’u fe ,
il fe tranche, & il n’y a plus à compter fur la
montre.
L’échappement à roue de rencontra a encore
cet avantage , qu’il eft facile à faire , & les montres
où on l’emploie, faciles à raccommoder.
L’échappement à cylindre eft au contraire très-
difficile à faire ; il y a très-peu d’horlogers en
état de l’exécuter dans le degré de perfection
requis, & conféquemment un fort petit nombre
capable de raccommoder les montres où il eft
adapté ; car, étant peu inftruits de ce qui peut
rendre cet échappement plus ou moins parfait,
ils font dans l’impoffibilité de remédier aux acci-
dens qui peuvent y arriver, & aux changemens
que l’ufure ou quelque autre caufe peut y produire.
Il y a en effet, ft peu d’horlogers en état de
bien raccommoder les montres à cylindre, qu’il
y en a un très-grand nombre du célèbre M.
Graham, qui font gâtées pour avoir paffé par
des mains peu habiles.
Il refulte de tout ce que nous venons dé dire
que les montres à échappement à verge ou h
roue de rencontre, font en général d’un meilleur
fervice que celles qui font à cylindre, & que ces
dernieres ne doivent être préférées que par des
aftronomes ou des perfonnes qui ont befoin d’une
montre qui aille avec beaucoup de juftefle pendant
quelque temps, & qui font à portée de les
faire nettoyer fouvent, & raccommoder par d’habiles
horlogers : encore, pour qu’ils en obtiennent
la juftefle dont nous venons de parler, faut-il
qu’elles foient très-bien faites.
Tel étoit donc l’état de l’échappement à cylin-
dre en 1750 quand nous écrivions cet article, que ,
tout bien examiné , nous croyions qu’il valoit
mieux en général faire ufage de l’échappement à
roue de rencontre. Depuis, c’eft-à-dire en 1753;*
M. Caron le fils l’a perfectionné, ou plutôt en a'
inventé un autre qui remédie fi bien à un des
principaux incpnvéniens qu’on lui reprochoit ;
que nous nous crayons obligés d’en' ajouter ici
la defcription.
Dans cet échappement, comme dans celui a
cylindre, la roue de rencontre eft parallèle aux
platines. On donne à cette roue tel nombre de
dents que l’on veut : ordinairement elle en a
trente. Ces dents font formées comme celles d’une
roue ordinaire, excepté qu’elles font un peu plus
longues & plus déliées ; elles portent à leur extrémité
des chevilles q u i, fituées perpendiculairement
à fes furfaces fupérieure & inférieure
font rangées alternativement fur ces deux furfaces,
de forte qu’il y en a quinze d’un côté de la roue ,
& quinze de l’autre.
L’axe du balancier eft une efpèce de cylindre
creux, entaillé de façon qu’il paroit compofé de
deux Amples portions de cylindre réunies par
une petite tige placée fort près de la circonférence
convexe. Cette tige porte une palette en
forme de virgule, dans laquelle on diftingue deux
parties : l’une circulaire & concave dans la fuite
de la concavité du cylindre , c’eft fur elle que
les chevilles 'de la roue de rencontre doivent fe
repofer ; l’autre eft droite, & fert de levée ou
de levier d’impulfion aux mêmes chevilles, pour
les vibrations du balancier. Au point diamétralement
oppofé à la tige, eft un pédicule qui porte
une -virgule ou croiffant femblable au premier,
placé de façon que la roué de rencontre paffe
entre les deux palettes , & les rencontre alternativement
par fes chevilles oppofées.
D ’après cette courte defcription, il eft facile
de concevoir comment fe fait le jeu decet.échappement.
On vo it, par exemple, qu’une cheville
de la roue agiffant fur la levée du pédicule, elle
la fait tourner de dehors en dedans ; enfuite de quoi
cette cheville échappant, celle qui la fuit tombe
fur la partie circulaire concave qui appartient à
l’autre croiffant, fur laquelle elle s’appuie ou fe
repofe jufqu’à ce que la vibration étant achevée,
elle giifî’e & paffe fur la levée de ce croiffant,
& la chaffe de dedans en dehors, & ainfi de
fuite.
Il eft clair, par la nature & la conftru&ion de
cet échappement, qu’il compenfe les inégalités
du rouage & de la force motrice, comme celui ,
de M. Graham , ou à cylindre , & ( ce qui le
rend de beaucoup fupérieur à ce dernier ) que
fes levées ne font point fujettes à l’ufure, comme
les lèvres du cylindre de M. Graham.
Cette ufure étant, comme nous l’avons ob-
fervé, un des plus grands inconvéniens de fon
échappement, on n’aura pas de peine à découvrir
la caufe de cet avantage du nouvel échappement,
fi l’on fait attention que l’ufure étant produite
uniquement par l’aâion répétée des dents de la
roue de rencontre fur les lèvres du cylindre,
elle ne peut avoir lieu dans l’échappement que
nous venons de décrire ; car les chevilles y parcourant
toute la le vé e , il s’enfuit que le frottement
qu'éprouve chacun des points de cette levée
dans le tour de la roue, eft à celui qu’éprouvent
les lèvres du cylindre dans le même tour de fa
rou e, comme la furfàce des points des chevilles
qui frottent fur cette levée, eft à celle des faces
des dents de cette même roue : o r , comme les
chevilles peuvent être très-fines, & qu ainfi cette
furface peut n’être pas la quarantième partie de
celle des faces des dents de la roue à cylindre,
le frottement fur ces levées ne fera pas la quarantième
partie de celui qui fe fait fur les lèvres
du cylindre ; & ainfi l’ufure qui pourroit en ré-
fulter , fera infenfible.
Cet échappement a encore un autre avantage fur ■
celui de M. Graham ; c’eft que les repos s’y font à
égale diftance du centre, puifqu’ils fe font fur la
circonférence concave du cylindre ; au lieu que ,
dans celui de ce célèbre horloger , ils fe font à différentes
diftances du centre , les dents repofant
tantôt fur la circonférence concave du cylindre, &
tantôt fur fa circonférence convexe.
On pourroit obje&er que dans cet échappement,
& on l’a même fait, le diamètre intérieur du cylindre
devant être égal à l’intervalle entre deux
chevilles, plus une de ces chevilles, il devient plus
gros par rapport à fa roue , que celui de l’échappement
de Graham ; mais on répondroit que cette
grofleur da Cylindre n’eft point déterminée par la
nature du nouvel échappement, & qu’on peut le-
faire plus petit ( ce qui eft encore un nouvel avantage
) , comme on l’a fait effectivement depuis qu il
a été découvert.
Il étoit bien flatteur pour un horloger d avoir
imaginé un pareil échappement ; mais plus il avoit
lieu de s’eri applaudir , plus il avoit lieu de craindre
que quelqu’un ne lui enlevât l’honneur de fa
découverte : c’eft aufli ce qui penfa arriver à
M. Caron. Cependant M. le comte de Saint-Florentin
ayant demandé à l’académie royale des
fciences fon jugement fur la conteftation élevée entre
lui & un autre horloger qui vouloit s’attribuer
l’invention du nouvel échappement, elle décida,
le 24 février 1754 , fur le rapport de MM. Camus
8c de Montigny ( commiffaires nommés pour examiner
les différens titres des contendans ) , que
M. Caron en étoit le véritable auteur, & que celui
qui lui difpütoit la gloire de cette découverte,
n’avoit fait que Limiter. C ’e ft, je crois, le premier
jugement de cette efpèce que l’académie ait prononcé
; cependant il feroit fort à fouhaiter qu’elle
décidât plus fouvent de pareilles difputes , ou qu’il
y eût dans la république des lettres un tribunal
femblable, qui, en mettant un frein à l’envie qu’ont
les plagiaires de s’approprier les inventions des
autres, encourageroit les génies véritablement capables
d’inventer, en leur aflùrantla propriété de
leurs découvertes.
Au refte , fi nous avons rapporté cette anecdote
au fujet de l’échappement de M. Caron , e’eft que
nous avons cru qu’elle ne feroit pas déplacée dans
un ouvrage confacré , comme, celui - c i , non-feulement,
à la defcription des arts, mais encore à
l’hiftoire des découvertes qu’on y a faites, 8c à en
aflùrer, autant qu’il eft poffible, la gloire à ceux
qui en font les véritables auteurs.
Echappement de M. Caron fi ls , corrigé*
Depuis la conteftation élevée entre M. Caron
& M. le Paute, fur l’invention de l’échappement
à virgules , il en eft furvenu une autre fur fa
perfe&ion , entre l’inventeur & M. de Romilly ,
habile horloger. Cette nouvelle conteftation a
été suffi portée au tribunal de l’académie des
fciences.
Voici en abrégé les prétentions de M. de Romilly.
i° . Dans l’échappement de M. Caron , l’axe
du balancier porte uh cylindre qui a v o it, lors de
l’invention , pour diamètre intérieur l’intervalle de
deux chevilles ; c’eft fur cette circonférence concave
que fe font les deux repos de l’échappement à
virgules. Le cylindre eft divifé en deux par une
entaille perpendiculaire à fon a x e , & l’on ne ré-
ferve qu’une petite colonne qui tient aflèmblés les
deux cylindres. M. de Romilly prétend avoir réduit
le diamètre intérieur du cylindre à n.admettre
qu’une cheville.
T t ij