
volumes, tous écrits fur du beau parchemin, &
gardés dans des étuis de foie. On ajoute que cette
bibliothèque doit fon origine à la reine de Saba,
qui vilita Salomon, & reçut de lui un grand nombre
de livres, particuliérement ceux d’Enoch fur
les élémens & fur d’autres fujets philofophiques,
avec ceux de Noé fur des fujets de mathématique
& fur le rit facré , & ceux qu’Abraham compofa
dans la vallée de Mambré, où il enfeigna la phi-
lofophie à ceux qui l’aidèrent à vaincre les rois
qui avoient fait prifonnier fon neveu L o t , avec
les livres de Job, & d’autres que quelques-uns
nous affurent être dans cette bibliothèque ; aufii-
bien que les livres d’Efdras, des Sibylles, des prophètes
& des grands prêtres des Juifs , outre ceux
qu’on fuppofe avoir été écrits par cette reine &
par fon fils Mémilech, qu’on prétend qu’elle eut de
Salomon. Nous rapportons ces opinions moins pour
les adopter , que pour montrer que de très-habiles
gens y ont donné leur créance, tels que le père
Kirker. Tout ce qu’on peut dire des Éthiopiens ,
c’eft qu’ils ne fe foucient guère de la littérature
profane, & par conféquent qu’ils n’ont guère de
livres grecs ni latins fur des fujets hiftoriques ;
car ils ne s’appliquent qu’à la littérature facrée,
qui fut d’abord extraite des livres grecs, & enfuite
traduite dans leur langue. Us font fchifmatiques &
feéfateurs d’Eutychès & de Neftorius.
Les Arabes d’aujourd’hui ne connoiffent nullement
les lettres ; mais vers le dixième fiècle, &
fur-tout fous le règne d’Almanzor, aucun peuple
ne les cultivoit avec plus de fuccès qu’eux.
Après l’ignorance qui régnoit en Arabie avant
le temps de Mahomet, le calife Almamon fut le
premier qui fit revivre les fciences chez les Arabes
: il fit traduire en leur langue un grand nombre
de livres, qu’il avoit forcé Michel I I I , empereur
de Conftantinople, de lui laifler choifir de
fa bibliothèque & par tout l’empire , après l’avoir
vaincu dans une bataille.
Le roi Manzor ne fut pas moins aflidu à cultiver
les lettres. Ce grand prince fonda plusieurs écoles
& bibliothèques publiques à Maroc, où les Arabes
fe vantent d’avoir la première copie du code de
Juftinien.
Eupennas dit que la bibliothèque de Fez eft
compofée de trente-deux mille volumes ; Si quelques
uns prétendent que toutes les décades de
Tite-Live y font, avec les ouvrages de Pappus
d’Alexandrie, fameux mathématicien, ceux d’Hippocrate,
de Galien, & de plufieurs autres bons
auteurs, dont les écrits ou ne font pas parvenus
jufqu’à nous, ou n’y font parvenus que très-imparfaits.
'Selon quelques voyageufs, il y a à Gaza une
autre belle bibliothèque d’anciens livres, dans la
plupart defquels on voit des figures d’animaux
& des chiffres à la manière des Egyptiens; ce
qui fait préfumer que c’eft quelque rente de la bibliothèque
d’Alexandrie.
Il y a une bibliothèque à Damas, où François
Rofa de Ravenne trouva la philofophie myftique
d’Ariftote en arabe, qu’il publia dans la fuite.
On a vii par ce que nous avons déjà dit, que
la bibliothèque des empereurs Grecs n’a point été
confervée, & que celle des fultans eft très-peu de
chofe ; ainfi, ce qu’on trouve à cet égard dans
Baudier Si d’autres auteurs, qui en racontent des
merveilles , ne doit point prévaloir fur le récit
fimple & fincère qu’ont fait fur le même fujet les
favans judicieux qu’on avoit envoyés à Conftan-
tinople, pour tenter s’il ne feroit pas poffible de
recueillir quelques lambeaux de ces précieufes
bibliothèques. D ’ailleurs, le mépris que les Turcs
en général ont toujours témoigné pour les fciences
des Européens, prouve allez le peu de cas qu’ils
feroient des auteurs grecs & latins : mais s ils les
avoient eus en leur poffeffion, on ne voit pas pourquoi
ils auroient refufé de les communiquer a la
requifition du premier prince de l’Europe.
Il y avoit anciennement une très-belle bibliothèque
dans la ville d’Ardwil en Perfe, où réfi-
dèrent les Mages, au rapport d’Oléarius dans fon
Itinéraire. La Boulaye le Goux, dit que les habi-
; tans deSabeane fe fervent que de trois livres, qui
i font le livre d’A dam, celui du Divan Si 1 Alco-
ran. Un écrivain jéfuite affure aufii avoir vu une
bibliothèque fuperbe à Alger.
L’ignorance des Turcs n’eft pas plus grande
que n’eft aujourd’hui celle des chrétiens grecs, ^qui
ont oublié jufqu’à la langue de leurs pères, l’ancien
grec. Leurs évêque^ leur défendent la lecture
des auteurs payens, comme fi c’étoit un crime
d’être favant ; de forte que toute leur étude eft
bornée à la leéture des aéles des fept fynodes de
la Grèce, Si des oeuvres de S. Bafile, de S. Chry-
foftôme , & de S. Jean de Damas. Ils ont cependant
nombre de bibliothèques, mais qui ne^ contiennent
que des manufcrits, l’impreffion n étant
point en ufage chez eux. Ils ont une bibliothèque
fur le mont Athos, Si plufieurs autres ou il y a
quantité de manufcrits, mais très-peu de livres
imprimés. Ceux qui voudront favcir quels font les
manufcrits qu’on a apportés de chez les Grecs en
France, en Italie & en Allemagne, Si ceux qui
reftent encore à Conftantinople entre les mains de
particuliers, & dans l ’île de Pathmos & les autres
îles de l’Archipel, dans le monaftère de S. Bafile
à Caffa, anciennement Théodofia, dans la Tar-
tarie Crimée, & dans les autres états du grand-
turc , peuvent s’inftruire a fond dans 1 excellent
traité du père Poffevin , intitulé Apparatus facer ,
& dans la relation du voyage que fit M. l’abbé
Sevin à Conftantinople en 1729 : elle eft inférée
dans les Mémoires de l’Académie des Belles-Lettres
de Paris, tome VII.
Bibliothèques modernes depuis Vinvention de Vimprimerie.
Le grand nombre des bibliothèques, tant publiques
que particulières, qui font aujourd’hui un des
principaux orncmens de l’Europe, nous entraîne-
roit dans un détail que ne nous permettent pas
les bornes que nous nous fommes prefcrites dans
cet ouvrage. Nous nous contenterons donc d’indiquer
les plus confidérables, foit par la quantité,
loit par le choix des livres qui les compofent,
après avoir fait fentir l’utilité des bibliothèques
publiques.
Il paroît qu’on a fenti de tout temps l’utilité de
ces tréfors littéraires ; mais c’eft fur-tout de nos
jours qu’on en a fait des fources d’inftru&ion toujours
ouvertes, qui ont beaucoup contribué aux
progrès des connoiffances Si aux fuccès des auteurs.
On peut bien faire les premières études,
ou même vaquer aux emplois, fans connoître ni
employer d’autres livres que ceux qui fe trouvent
par-tout. On peut même former un bibliothèque
pour fon ufage, la rendre bien choifie , nom-
breufe, y mettre des volumes imprimés, ou manufcrits
rares & curieux ; mais tout cela eft bien
éloigné de l’abondance & de la magnificence
de certaines bibliothèques publiques. Il en eft
comme des ameublemens d’un particulier comparés
à ceux d’un grand prince, ou de la maifon de.
campagne d’un leigneur en comparaifon de Ver-
failles. La permiflion de fréquenter une bibliothèque
publique, d’y confulter des ouvrages qu’on
n’eft pas en état de fe procurer, de les emporter
même chez fo i, eft un Pérou dont les mines iné-
puifables enrichiffent le littérateur, le favant qui
fait les exploiter. Quelquefois on trouve ce qu’on
ne cherchoit pas ; on fait des découvertes aufii
heureufes qu’imprévues. Toutes les communautés
de biens ne font pas poflibles : la plupart tourne-
roient même au détriment de la fociété. Le propriétaire
d’un beau jardin ne peut en laifler l’entrée
ouverte à tout le monde, fans s’expofer aux indifférions
les plus défagréables. On fe trouveroit
encore plus mal d’inviter les autres à puifer dans
fôn coffre-fort. Mais , pour les bibliothèques,
elles reflemblent à l’air que nous refpirons, aux
rayons qui nous éclairent. L’ufage quotidien, l’u-
fage commun , ne diminuent & ne gâtent rien.
Quand on diroit que les livres s’ufent un peu par
le maniement, cet objet n’eft pas confidérable :
la pou (fi ère & la moififlure feroient de plus grands
dommages.
Nous commencerons l’énumération des bibliothèques
publiques par celles qui fe trouvent à
Copenhague , c’eft-à-dire , la bibliothèque de l’u-
niverfité, & celle qu’y a fondée Henri Rantzau.
Celle que Chriftine, reine de Suède, fonda à
Stockholm, dans laquelle on voit, entr’autres curio-
fités ,une des premières copies de l’Alcoran ; quelques
uns veulent même que ce foit l’original qu’un
des fultans Turcs ait envoyé à l’empereur des
Romains : mais cela ne paroît guère probable.
La Pologne ne manque pas de bibliothèques ;
u y en a deux très-confîdérables, l’une à Viina.,
fondée par plufieurs rois de Pologne, félon Cro-
mer & Bozius, & l’autre à Cracovie.
Quant a la RuJJie, il eft certain qu’à l’exception
de quelques traités fur la religion en langue Sclavo-*
n e , il n’y avoit aucun livre de fciences , & même
prefque pas l’ombre de littérature avant le Czar
Pierre I qui, au milieu des armes, faifoit fleurir
les arts & les fciences , & fonda plufieurs académies
en différentes parties de fon empire. Ce grand
prince fit un fonds très-confidérable pour la bibliothèque
de fon académie de Pétersbourg, qui eft
très-fournie de livres dans toutes fortes de fciences.'
La bibliothèque royale de Pétershof eft une des
plus belles de l’Europe ; & le cabinet de bijoux
Si de curiofités eft ineftimable.
La bibliothèque publique d'AmJlerdam feroit
beaucoup plus utile, fi les livres étoient arrangés
avec plus d’ordre & de méthode: mais le malheur
eft qu’on ne fauroit les trouver fans une peine
extrême. La coiieétion eft au refte très-eftimable.
Il y en a dans les Pays-Bas plufieurs autres fort
curieufes ; telles que celles des jefuites & des
dominicains à Anvers ; celle des moines de faint
Pierre à Gand ; celle de Dunkerque ; celle de Gem-
blours, abondante en anciens manufcrits, auxquels
Erafme & plufieurs autres favans ont fou-
vent eu recours ; celles d’Harderwick , d’Ypres ,
de Liège, de Louvain, &c.
La bibliothèque de l’univerfitê de Leyde mérite
d’être rangée parmi les plus confidérables de l’Europe,
par le nombre des livres imprimés qui la
compofent & par celui de fes manufcrits. Depuis
fa fondation en 1575 , elle a été fuccefiïvement
enrichie tant par la libéralité des Etats de Hollande
que par les legs de plufieurs particuliers, Sc elle
s’augmente encore tous les jours. On en a un catalogue
in-foL de 534 pages, imprimé en 1716,
mais qui eft fort imparfait , parce que depuis ce
temps-là elle a fait de très-grandes acquifitions*
Comme elle eft deftinée à l’ufage des profef-
feurs & des étudians de l’académie, on a travaillé
à y raffembler tous les livres, que leur rareté ou
leur haut prix ne permet qu’à peu de perfbnnes
d’acheter, dans quelque genre de fciences que ce
foit.
La claffe des livres théologiques y eft très-bien
fournie. Il y a des tradu&ions de la bible dans
prefque toutes les langues connues, parmi lesquelles
il s’en trouve une extrêmement rare : c’eft celle
qui a été faite par ordre du Czar Pierre Ier en
langue ruffe : elle a été imprimée eii lettres capitales
à Amfterdam, Si tous les exemplaires furent
envoyés à Pétersbourg par un vaiffeau qui fit naufrage
: ainfi il ne refte que trois ou quatre exemplaires
de cette belle éditiou, qui avoit été exécutée
avec toute la magnificence poffible.
La colleâion des ouvrages des pères de l’églife *
des conciles , des commentateurs des livres facrés ,
& des hiftoriens eccléfiaftiques y eft complette,
Si elle renferme prefque tout ce qui a été écrit