
cieux, il n’y avoit point de livres avant le temps
de Moyfe, & les Hébreux ne purent avoir de bibliothèque
qu’après fa mort. Pour lors , fes écrits
furent recueillis avec beaucoup d’attention. Par la
fuite on y ajouta plufieurs autres ouvrages.
On peut diftinguer les livres des Hébreux en
livres facrés & profanes. Le feul objet des premiers
etoit la religion ; les derniers traitoient de
la philofophie naturelle, & des connoiffances phi-
lofophiques & politiques. .
Les livres facrés étoient confervés , ou dans des
endroits publics , ou dans des lieux particuliers. Par
endroits publics il faut entendre toutes les fyna^o-
gues, '& principalement le temple de Jérufalem,
°û l’on gardoit avec un refpeft infini les tables de
pierres fur lefquelles Dieu avoit écrit fes dix com-
mandemens, & qu’il ordonna à Moyfe de dépofer
dans l’arche d’alliance.
Outre les tables de la lo i, les livres de Moyfe &
ceux des prophètes furent confervés dans la partie
la plus fecrette du fanéhiaire, où il n’étoit permis
à perfonne de les lire ni d’y toucher; le grand-
prêtre feul avoit droit d’entrer dans ce lieu facré,
& cela feulement une fois par an : ainfi, ces livres
facrés furent à l’abri des corruptions & des
interprétations ; auflî^eioient - ils dans la fuite la
pierre de touche de tous les autres , comme Moyfe
le prédit au 3 2e chap. du Deuteronome, où il ordonna
aux Lévites de placer fes livres au dedans
de l’arche.
■ Quelques auteurs croient que Moyfe étant près
de mourir , ordonna qu’on fît douze copies de la
loi , qu’il diftribua aux douze tribus : mais Mài-
monides aflùre qu’il en fit faire treize copies, c’eft-
à-dire , douze pour les douze tribut & une pour les
lé v i t e s , & qu’il leur dit à tous en les leur donnant
, recevez le livre de la loi que Dieu lui - même
■ nous a donné. Les interprètes ne font pas d’accord
fi ce volume facré fut dépofé dans l’arche avec
les tables de pierre , ou bien dans un petit cabinet
féparé.
Quoi qu’il en foit, Jofué écrivit un livré qu’il ■
ajouta enfuite à ceux de Moyfe. (Jofué, XIV.) Tous
les prophètes firent auffi des copies de leurs fermons
& de leurs exhortations , comme on peut
le voir au chap. XV de Jérémie, & dans plufieurs
autres endroits de l’Ecriture : ces fermons & ces
exhortations furent confervés dans le temple pour
l’inftruâion de la pofiérité.
Tous ces ouvrages compofoientune bibliothèque
plus eftimable par fa valeur intrinfèque, • que par
le nombre des volumes.
Voilà tout ce qu’on fait de la bibliothèque facrée
qu’on gardoit dans le temple : mais il faut remarquer
qu’après le retour des Juifs de la captivité
de Bâbylone, Néhémie raflembla les livres
de Moyfe , & ceux des rois & des prophètes ,
dont il forma une bibliothèque ; il fyt aidé dans
çette entreprife par Efdras, qui, au fentiment de
guelques-uns , rétablit le Peiitateuque ? & toutes
les anciennes, écritures faintes qui avoient été dif-
perfées lorfque les Babyloniens prirent Jérufalem,
& brûlèrent le temple avec la bibliothèque qui y
étoit renfermée : mais c’eft fur quoi les favans ne
font pas d’accord. En effet, c’eft un point très-
difficile à décider.
Quelques auteurs prétendent que cette bibliothèque
fut de nouveau rétablie par Judas Macha-
b é e , parce que la plus grande partie en avoit été
brûlée par Antiochus, comme on le lit au chapitre I
du premier livre des Machabées Quand même on
conviendroit qu’elle eût fubfifté jufqu’à la deftruc-
tion du fécond temple, on ne fauroit cependant
déterminer le lieu où elle étoit dépofée : mais il
eft probable qu’elle eut le même fort que la ville.
C ar , quoique Rabbi Benjamin affirme que le tombeau
du prophète Ezéchiel, avec la bibliothèque
du premier & du fécond temple , fe voyoient encore
de fon temps dans, un lieu fitué fur les bords
de l’Euphrate , cependant Manaffés de Groningu©
& plufieurs autres perfonnes dont on ne fauroit
révoquer en doute le témoignage , & qui ont
fait exprès le voyage de Méfopotamie, affurent
qu’il ne refie aucun veftige de ce que prétend
avoir vu Rabbi Benjamin , & que dans tout le
pays il n’y a ni tombeau , ni bibliothèque hébraïque.
Outre la grande bibliothèque , qui étoit con-'.
fervée religieufemement dans le temple, il y en
avoit encore une dans'chaque fynagogue. Ailes des
Apôtres X V. Luc. IV. 16. 17. Les auteurs conviennent
prefque unanimement , que l’académie de
Jérufalem étoit compofée de quatre cents foixante
fynagogues ou collèges , dont chacune avoit fa
bibliothèque, où l’on alloit publiquement lire les
écritures faintes.
Après ces bibliothèques publiques qui étoient
dans le temple & dans les fynagogues, il y avoit
encore des bibliothèques facréés particulières.
Chaque Juif en avoit une, puifqu’ils étoient tous
obligés d’avoir les livres qui regardoient leur religion
, & même de tranferire chacun de fa propre
main une copie de la loi.
On voyoit encore des Bibliothèques dans les
célèbres univerfités ou écoles des Juifs. Ils avoient
auffi plufieurs villes fameufes par les fciences qu’on
y cultivoit, entre autres celle que l’on nomme /<$
ville des Lettres, & qu’on croit avoir été Cariatfe-
pher , fituée fur les cônfins de la tribu de Juda.
j Dans la fuite, celle de Tibériade ne fut pas moins
j fameufe par fon école ; & il eft probable que ces
fortes d’académies n’étoient point dépourvues de
bibliothèques.
Depuis l’entière difperfiôn des Juifs après la ruine
de Jérufalem & du temple par Tite , leurs doc-;
teurs particuliers ou rabins ont écrit prodigieufe-
! ment, & , comme l’on fait, un amas de rêveries
. & de contes ridicules : mais dans les pays où ils
1 font tolérés & où ils ont des fynagogues, on ne
I voit point dans çes lieux d’^ffembjées, d’autres
livre*
livres que ceux de la loi : le talmnd & les paraphra- :
fes , non plus que les recueils de traditions rab- ■
biniques , ne forment point de corps de bibliothèque.
Les Chaldéens & les Egyptiens étant les plus
proches voifins de la Judée, furent probablement
lespremiers que les Juifs inftruifirent de leurs fciences;
à ceux-là nous joindrons les Phéniciens & les
Arabes.
Il eft certain que les fciences furent portées à
une grande perfe&ion par toutes ces nations, &
fur-tout par les Egyptiens, que quelques auteurs
regardent comme la nation la plus favante du
monde, tant dans la théologie payenrie que dans
la phyfique. '
Il eft donc probable que leur grand amour pour
les lettres avoit produit de favans ouvrages & de
nombreufes collerions de livres.
Les auteurs ne parlent point des bibliothèques
de la Chaldée ; tout ce qu’on en peut dire, c’eft
qu’il y avoit dans ce pays des favans en plufieurs
genres , & fur-tout dans l’aftronomie, comme il
paroîtpar une,fuite d’obfervations de 1900 ans,
que Califthènes envoya à Ariftote après la prife
de Bâbylone par Alexandre.
Eufèbe , de Prctp. Evangel. dit que les Phéniciens
étoient très-curieüx dans leurs collerions de
livres , mais que les bibliothèques les plus nombreufes
& les mieux choifies étoient celles des
Egyptiens, qui furpafloient toutes lès autres nations
en bibliothèques auffi bien qu’en favoir.
Selon Diodore de Sicile, le premier qui fonda
une bibliothèque , fut Ofymandias, fucceffeur de
Prothée, & contemporain de Priam , roi de Troie.
Pierius dit que ce prince aimoit tant l’étude, qu’il
fit conftruire une bibliothèque magnifique, ornée
des ftatues de tous les dieux de l’Egypte, & fur
le frontifpice de laquelle il fit écrire ces mots , le
tréfor des remèdes de l’ame ; mais ni Diodore de
Sicile ni les autres hiftoriens ne difent rien du
nombre de volumes qu’elle contetjoit; autant qu’on
en peut juger, elle ne dèvoit pas être fort nom-
breufe, vu le peu de livres qui exiftoient alors,
& qui étoient tous écrits par les prêtres; car pour
ceux de leurs deux Mercures qu’on regardent
comme des ouvrages divins , on ne les connoît
que de nom, & ceux de Manethon font bien postérieurs
au temps dont nous parlons. Il y avoit une
très - belle bibliothèque à Memphis , aujourd’hui
le grand Caire , qui étoit dépofée dans le temple
de Vulcain : c’eft dans cette bibliothèque que
Naucrates accufe Homère d’avoir volé l’Iliade &
1 Odyffée, & de les avoir enfuite données comme
fes propres produélions.
Mais la plus grande & la plus magnifique bibliothèque
de l’Egypte , & peut-être du monde
entier , étoit celle des Ptolomées à Alexandrie;
elle fût commencée par Ptolomée Soter, & compofée
par lés foins de Démétrius de Phalere, qui
fit rechercher à grands frais des livres chez toutes
Arts & Métiers. Tome III, Partie 11.
les mitions', & en.forma, félon St. Epiphane,
une collection de- 54,800 volumes. Jofephe ■ dit
qu’il y en avoit 200 mille, & que Démétrius el-
péroit d’en avoir dans peu 500 mille; cependant
Enfebe aflùre qu’à la mort de Philadelphe , luc-
cefleur de Soter, cette bibliothèque h’étoit compofée
que de 100 mille volumes. Il eft vrai que
fbus fes fiicceflêüfs elles s’augmenta par dègrés;
& qù’énfin , on y compta jufqu’à 700,000 volumes
: mais par le terme de volumes, il faut entendre
des rouleaux beaucoup moins chargés que
ne font; nos volumes.
Il acheta de Nelée , à des prix exhcrbitans ,
une partie des ouvrages d’Ariftote , & un grand
nombre d’autres volumes qu’il fit chercher à Rome
& à Athènes, en Perfe & en Ethiopie.
Un des plus précieux morceaux de fa bibliothèque
étoit l’écriture fainte, qu’il fit dépofer dans
le principal appartement, après l’avoir fait traduire
en grec par les foixante-douze interprétés, que le
grand-prêtre Eléazar avoit envoyés pour cet effet
à Ptolomée , qui les avoit fait demander par
Ariftée , 'homme très - favant & capitaine de fes
gardes.
Un de fes fuccefleurs, nommé Ptolomée Phif-
coa , prince d’ailleurs cruel , ne témoigna pas
moins de paffion pour enrichir la bibliothèque
d’Alexandrie. On raconte de lui que, dans un tems
de famine, il refufa aux Athéniens les bleds qu ils
avoient coutume de tirer de l’Egypte , à moins
qu’ils ne lui remiffent les originaux des tragédies
d’E fchyle, de Sophocle & d’Euripide ,- & quâl les
garda en leur en renvoyant feulement des copies
fidèles , & leur abandonna quinze talens qu il
avoit confignés pour sûreté des originaux.
Tout le monde fait ce qui obliga Jules-Céfar,
affiégé dans un quartier d’Alexandrie , à faire
mettre le feu à la flotte qui étoit dans le port :
malheureufement le vent porta les flammes plus
loin que Géfar ne vôüloit , & le feu ayant pris
aux maifons voifines dû grand port, fe communiqua
de-là au quartier de Bruchioù, au maga-
fin de bled & à la bibliothèque qui en faifoient
partie, & caufa l’embrâfement de cette fameufe
bibliothèque.
Quelques auteurs croient qu’il n’y en eut que
400,000 volumes de brûlés, & que tant des autres
livres qu’on put fauverde l’incendie, que des débris
de la bibliothèque des rois de Pergame, dont
200,060 volumes furent donnés à Cléopâtre par
Antoine , on forma la nouvelle bibliothèque du
Serapion, qui devint en peu de temps plus nom-
breufe. Mais après diverfes révolutions des empereurs,
romains, pendant lefquelles la bibliothèque
fut tantôt pillée & tantôt rétablie, elle fut enfin
détruite l’an 650 de Jefus-Chrift, qu’Amry, général
des Sarrafins, fur un ordre du calife Omar,
commanda que les livres de la bibliothèque d’Alexandrie
fuflent diftribués dans les bains publics
A a a a