
votre paffoire, vous aurez l’attention d’examiner
fou vent par deffous s’il dégoutté également partout,
& s’il ne file point en quelques endroits; fi
vous remarquez de l’inégalité dans la foliation ,
vous écrafferez la chaudière avec votre cuiller, &
vous étendrez l’écume écraffée aux endroits de la
paffoire où le plomb vous paroîtra s’échapper trop
vite & couler fans fe granuler : vous rendrez ainli la
filtration plus lente, & votre grenaille plus ronde ,
plus égale, & fans aiguille.
Si vous avez commencé votre fonte de 1200 livres
dans une demi-queue, & que votre eau fe
trouve un peu trop tiède ; lorfque vous y aurez coulé
environ 600 livres de plomb, tranfportez votre
châilis & votre palToire fur un autre tonneau, &
achevez-y votre fonte. Il ne faut pas que vous négligiez
de donner attention à la chaleur de l’eau,
parce que le plomb fe fait moins rond dans une eau
trop chaude. Il en fera de même, fi vous tenez le
deffous de votre paffoire trop élevé au deffus de la
furface de l’eau. Alors la goutte de.plomb qui forme
la dragée, frappant apparemment avec trop de force
la furface de l’eau, ne manquera pas de s’applatir.
Ave c un peu de foin, vous préviendrez tous ces
petits inconvéniens.
Pour connoître dans le commencement de la fonte
la qualité & le plus ou moins de perfeâion du grain,
& ne pas vous expofer à couler une fonte toute dé-
feéhieufe , vous plongerez dans le tonneau, au deffous'
de la paffoire, à un pied de profondeur., une
poêle dans laquelle vous recevrez la première dragée
à mefure qu elle fe formera ; vous retirerez cette
poêle de temps en temps, & vous examinerez fi votre
travail réuflit, c’efoà-dire, fi votre plomb n’eft point
trop chaud ou trop froid, & s’il fe met en dragées
bien rondes.
Lorfque votre chaudière fera épuifée, vous ferez
fécher votre grenaille, foit en l’expo fant à l’air fur
des toiles , foit en vous fervant de la chaudière
même où votre plomb étoit en fufion , & que
vous tiendrez dans une chaleur douce & modérée.
Votre dragée sèche, vous la féparerez avec des
cribles de peau fufpendus : ce qui s’appelle mettre
d’échantillon.
Votre dragée mife d’échantillon fera terne. Pour
l ’éclaircir & lui donner l’oeil brillant qu’elle a chez
le marchand, vous en prendrez environ 300 livres
d’un même échantillon, que vous mettrez dans une
boîte à huit pans bien frettée, de la longueur de deux
pieds, d’un pied de diamètre, &traverfée d’un eflieu
de fer d’un pouce en carré, aux extrémités duquel
il y aura deux manivelles ; vous fupporterez cette
boîte iùr deux membrures fcellées d’un bout dans le
fo l, & fixées de l’autre bout aux folives du plancher.
Il y aura dans ces membrures ou jumelles, deux trous
OÙ feront placés les tourillons de l’eflîeu qui traverfe
la boîte, & où il tournera. C’eft par une ouverture
d’enyiron troîs pouces en carré, que vous introduirez
la dragée dans la capacité de la boîte : cette
.ouverture fera pratiquée dans le milieu d’une de fes
faces. Sur 300 livres de plomb, vous mettrez une
demi-livre de mine de plomb. Un ou deux hommes
feront tourner cette boîte fur elle-même pendant
l’efpace d’une bonne heure : c’eft par ce mouvement
que la dragée , mêlée avec la mine de plomb , s’éclaircira
, fe liftera, deviendra brillante; & c’eft par
cette raifon qu’en la maniant avec les doigts ; ils fe
chargeront d’une couleur de plomb.
De la dragée coulée au moule*
Pour fabriquer la dragée moulée, faites fondre
votre plomb dans une chaudière de fer, montée fur
un fourneau de brique , comme vous le voyez
planche I I I de la fonte du plomb en dragée moulée,
fig. /. C , eft le fourneau ; A , la chaudière, au tour
de laquelle font deux cercles de fer qui garantiffent
la maçonnerie du frottement des moules ; D , l’ouverture
du foyer ; E , la cheminée ; F , le manteau ;
B , un fondeur à l’ouvrage & ouvrant un moule ,
dont il fe difpofe à faire fortir la branche avec des
pinces qu’on appelle bequettes. Il faifira la branche
avec ces pinces, la tirera, & la pofera à terre „
comme vous en voyez en G à fes pieds.
Quant au moule dont il fe fert, il eft repréfenté
même planche, fig. y , & en voici la defcription. Il
eft compofé de deux parties A B , A C : ces parties
qui font de fe r , fe meuvent à charnière en A ; elles
font emmanchées en bois, en B D , C D. Vous remarquerez
à l’extrémité E de l’une, une éminence
ou tenon qui fe place dans l’ouverture C , corref-
pondante de l’autre. L’ufage de ce tenon eft de tenir
les deux parties du moule quand il eft fermé,
appliquées de manière que les cavités femi-fphéri-.
ques creufées d’un côté, tombent exactement fur
les cavités femi-fphériques creufées de l’autre ; fans
quoi les limites circulaires de ces cavités ne fe rencontrant
pas, le grain qui en fortir oit, au lieu d’être
rond, feroit compofé de deux demi-fphères, dont
l’une déborderoit l’autre : mais le tenon E pratiqué
d’un côté., & l’ouverture C où il en entre de l’autre
côté , empêchant les deux parties du moule de
vaciller, & leur ôtant la liberté de diverger, la
dragée vient néceffairement ronde, comme on le
voit par une portion du moule coupé, & repréfenté
f i s - 4-
Les deux parties du moule ont été ébifelées à
leurs arêtes iupérieures, inférieures & intérieures ;
enforte que quand le moule eft fermé, elles forment
deux gouttières, qu’on appercevra fig. 4 , en
fuppofant les deux coupes A , B , entièrement rapprochées
l’une de l’autre.
Au deffous des gouttières, font les cavités femi-
fphériques commencées avec une fraife, & finies à
l’eftampe avec un poinçon de meme forme : elles
font placées à égale diftance les unes des autres, &
difpofées fur une des parties, exactement de la
même manière qu’elles le font fur l’autre ; enforte
que quand le moule eft fermé, elles forment en fe
réunifiant des petites chambres concaves. C’eft-là le
lieu où le plomb fe moule en dragée ; il remplit en
coulant fondu dans le moule, toute? ces petites cavités
fphériques qu’on lui a ménagées.
Les chambres fphériques communiquent à la gouttière
pratiquée le long des branches., par des efpèces
d’entonnoirs formés , moitié fur une des branches ,
moitié fur l’autre. Ces petits canaux çw entonnoirs
fervent de jets au plomb que l’on verfe à un bout de
la gouttière, qui fe répand fur toute fa longueur ,
qui enfile, chemin faifant, tous-les petits jets qu’on
lui a ménagés, & qui va remplir*toutes les petites
chambres fphériques, & former autant de dragées
ou de grains qu’il trouve de chambres.
Lorfque le plomb verfé dans le moule eft pris ,
on l’ouvre ; on en tire un morceau de plomb, qui
porte fur toute fa longueur les grains ou les dragées
attachées ; & ce morceau de plomb qu’on voit fig. 6,
s’appelle une branche.
On donne le nom de tireur à celui qui coule les
branches1. Il puife dans la chaudière le plomb fondu
avec la cuiller A , fig- S 9 tnêmè< planche III. Vous
voyez qu’il eft à propos qu’on ait pratiqué un bec
à cette cuiller, oc qu’on lui ait fait un manche de
bois.
Le même moule ayant deux gouttières, l’une en
deffus, l’autre en deffous, & deux rangs de chambres
, donnera deux branches de dragées, ou de
même échantillon, ou d’échantillons différens.
Lorfque les branches font tirées du moule, elles
paffent entre les mains d’une coupeufe, c’eft-à-dire,
d’une ouvrière qu’on voit en A , fig. 2 de la vignette,
qui les en fépare avec la tenaille tranchante de la
fig. 7 du bas de la pl. I I I , à laquelle il n’y a rien
qui mérite d’être particulièrement remarqué , que
le talon D qui fert à limiter l’approche des poignées
B , C , & par conféquent à ménager les tranchans
des parties b, c.
L’ouvrière A de la fig. 2. de la vignette, eft aflife
devant fon établi ; elle a à fa portée G des branches
garnies de dragées : elle les prend de la main gauche,.
& les appuie d’un bout fur fon établi ; elle tient fes
cifeaux de la droite, dont elle tranche les jets qui
unifient les dragées à la branche. Les jets coupés ,
les dragées tombent dans un tablier de peau qui tient
d’un bout à fon établi, & qui de l’autre eft étendu
fur elle.
Lorfque la coupeufe a fon tablier affez chargé de
dragées, elles les ramafiè avec une febille de bois F ,
& les niet dans le calot D . Le calot eft un fond de
vieux chapeau. Elle a devant elle une autre febille E y
dans laquelle il y a une éponge imprégnée d’eau ;
elle a l’attention d’y mouiller de temps en temps les
tranchans de fon cifeau ou de fa tenaille : elle en
fépare plus facilement les dragées de la branche ,
le plomb devenant moins tenace ou moins gras ,
comme difent les ouvriers, fous les tranchans de la
tenaille mouillée, que fous les tranchans fecs. Les
branches dégarnies de dragées retournent au fourneau.,
Lorfque les dragées font coupées, elles paffent au
moulin ; c’eft-là qu’elles fe p oliffen tôc que s’affaiffent
ou du moins s’adouciffent les inégalités qui y
reftent de la coupe des j .ts , par lefquelles elles te-
noient à la branche ou à leur jet commun.
Le moulin que vous voyez figure S au bas de la
planche, eft une caiffe carrée, dont les ais font fortement
retenus par des frettes ou bandes de fer. Ils
ont chacun un pied de large fur quinze pouces de
long. La caiffe eft traverfée dans toute fa longueur
par un arbre terminé par deux tourillons; ces tourillons
roulent dans les coufiinets M des montanS
MN du pied de ce moulin : il eft évident, par l’affem-
blage des parties de ce pied , qu’il eft folide. L’arbre
eft terminé en F par un carré qui eft retenu à clavettes
dans l’oeil de la manivelle L K F. On met
dans cette caiffe trois à quatre cents de dragées ; on
la ferme avec le couvercle qu’on voit fig. 9, & qui
s’ajufte au refte par des charnières & des boulons de
fer : les boulons font arrêtés dans les charnières avec
des clavettes. Ces clavettes reçues dans un oeil ,
fixent les boulons d’un bout ; ils le font de l’autre
par une tête qu’on y a pratiquée. Les parois intérieures
de la boîte -font hérinées de grands clous.
Un homme tourne la boîte par le moyen de la manivelle.
Dans ce mouvement les dragées fe frottent
les unes contre les autres, & font à chaque inftant
jetées contre les clous; c’eft ain fi qu’elles s’achèvent
, & qu’elles deviennent propres à l’ufage auquel
elles font defonées.
La fabrique des balles ne diffère de celle des dragées,
que par la grandeur des moules dont on fe
fert. pour les fondre.
Ceux qui font ces fortes d’ouvrages s’appellent
bimblotiers ; ils font de la communauté des miroitiers.
Ils jettent encore en moule tous les colifichets en
plomb & en étain, dont lesenfans décorent ces chapelles
qu’on leur conftruit dans quelques maifons
domefoques , & où on leur permet de contrefaire
ridiculement les cérémonies de l’églife.
Il ne nous refte plus, pour finir cet article, qu’à
donner la table des différentes fortes de balles & de
dragées que les bimblotiers fabriquent au moule, &
que les fondeurs de dragées fabriquent à l ’eau.
La première forte, eft
la petite royale.
La fécondé, eft la bâtarde.
La troifième , eft la
groffe royale.
La quatrième eft appelée
de la fécondé forte.
La cinquième, de la
ti oifième forte.
La fixième, de la quatrième,
La feptième, de la cinquième.
La huitième , de la fixième.
La neuvième, de la feptième.
La dixième, de la huitième.
Les balles fe comptent par leur nombre à la livre.
La première forte eft La cinquième des- 24.
des 16 à la livre.
La fécondé des i-S à la
livre..
L a troifième des 20..
L a quatrième des 22».
La fixième des 26.
La feptième des 28».
La huitième des 30V
La neuvième des 52.
L a dixième dés 34,