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une addition que l’on croit y avoir été faite par
Pietro Ligorio ou Carlo Maderno. C ’eft auffi dans
cette galerie gauche que font les livres provenus
de la bibliothèque de l’éleâeur Palatin, du duc
d’Urbin & de la reine Chriftine.
La bibliothèque du Vatican n’a qu’environ 70
mille volumes, dont 40 mille font des manufcrits..;
mais elle eft unique pour le choix. & la rareté de
ces derniers. On y voit fur-tout beaucoup de bibles
hébraïques, fyriaques, arabes, arméniennes. Une
bible grecque du fixième fiècle, en lettres capitales,
écrite d’après la verfion des LX X , & qui a
fervi à l’édition de cette verfion. Une bible en j
hébreu d’une groffeur extraordinaire, qui vient des
ducs d’Urbin, dont les. juifs de Venife ont voulu
donner le poids de l’or. Un manufcrit grec qui contient
les aâes des apôtres, en lettres d’or , donné
à Innocent VIII par Charlotte reine de Chypre.
Un miffel très-ancien, écrit du temps de S. Gélafe
vers l’an 1118. Un autre miffel ou il y a des miniatures
de Giulio Clovio, élève de Jules-Romain.
Un grand bréviaire avec de belles miniatures, qui
vient de Mathias Corvinus., roi- de Hongrie. Les
-annales de Baronius , écrites de fa main, en douze
volumes. Plufieurs volumes fur l’hiftoire eccléfiaf-
tique, du favant Onofrio Panvinio, Auguftin. Un
martyrologe fingulier par fon ancienneté & par fes
miniatures. Des manufcrits de S. Thomas & de S.
Charles Borromée. Un manufcrit de Pline, avec
des miniatures où tous les animaux font figurés.
Un Virgile du cinquième fiècle, écrit en lettres capitales
, dont les miniaturesrepréfentent les Troyens
6 les Latins av'ec les habits de leur temps; les
peintures ne font pas bonnes , mais elles ont été
gravées admirablement bien par Santi Bartoli ; elles
font dans un livre ïn -fo l., qui fe vend à la calco-
graphie. Un Terence de la même ancienneté, qu’on
a fait imprimer il y a quelques années. Un autre Té-
rence du IXe fiècle, où font repréfentés les mafques
des anciens a&eurs dans de mauvaifes figures. Le
Taffe, manufcrit d’une beautéSingulière. Le Dante,
avec de belles miniatures, Le'traité desfept facre-
mens, compofé par Henri V I I I , roi d’Angleterre,
avant le fchimfe; il l’envoya à Léon X , avec ces
deux vers qui y font écrits de fa main. - Anglorum R e x K em t c u s , Z e o décimé, mittit
Hoc opus & fidei tejlcm & amicitîce.
Les lettres originales de ce prince à Anne de
Boulen ; plufieurs papiers écrits de la main de Luther
; les vies de Frédéric de Montefeltre, & de
François-Marie de laRovére, ducs d’Urbin, ornées
de miniatures.
On y conferve beaucoup de livres écrits fur l’écorce
du papyrus d’Egyte ; mais on n’y voit aucun
monument des premiers effais de l’imprimerie.
Il y avoit plufieurs autres belles bibliothèques
à Rome, particulièrement celle du cardinal François
Barberini, qui contenoit, à ce qu’on prétend,
.vingt-cinq mille vol unies imprimés , & cinq mille
manufcrits. Il y a auffi les bibliothèques du palais
Farnèfe, de Sainte-Marie in ara ccdit de Sainte-
Marie fur la Minerve, des Auguftins, des pères
de l’Oratoire, des Jéfuites, du feu cardinal Mon faite,
du cardinal Sforza;celles des églifes delà Sapien-
z a , de San-Ifidore , du collège romain , du prince
Borghéfe, du prince Pamphili, du connétable Co*
lonna, & de plufieurs autres princes, cardinaux ,
feigneurs , & communautés religieufes, dont quel»
ques-unes font publiques.
La première oc la plus eonfidérable des bibliothèques
d'Efpagne , eft celle de l’Efcurial au couvent
de S. Laurent, fondée par Charles V , mais
■ confidérablement augmentée par Philippe II. Les
ornemens de cette bibliothèque font fort beaux ;
la porte eft d’un travail exquis, & le pavé de
marbre ; les tablettes fur lefquelles les livres font
rangés font peintes d’une infinité de couleurs, &
toutes de bois des Indes : les livres font fuperbe-
ment dorés : il y a cinq rangs d’armoires les unes
au deffus des autres, où les livres font gardés ;
chaque rang a cent pieds de long. On y voit les
portraits de Charles V , de Philippe I I , Philippe III
& Philippe IV , & plufieurs globes dont l’un repréfente
avec beaucoup de précifionle cours des aftres,
eu égard aux différentes pofitions de la terre. Il y
a un nombre infini de manufcrits dans cette bibliothèque,
& entr’autres l’original du livre de faint
Auguftin fur le baptême. Quelques-uns penfent
que les originaux de tous les ouvragés de ce père
font à la bibliothèque de l’Efcurial, Philippe II les
ayant achetés de celui au fort de qui ils tombèrent
lors du pillage de la bibliothèque de Muley
Cydan, roi de Fez & de Maroc, quand les Efpa-
gnols prirent la forterefle-de Carache où étoit cette
bibliothèque. C ’eft du moins ce qu’aflùre Pierre
Daviti, dans fa généalogie des rois de Maroc ,
où il dit que cette bibliothèque contenoit plus de.
quatre mille volumes arabes fur différens fujets ;
& qu’ils furent portés à Paris pour y ' être vendus :
mais que les Parifiens n’ayant pas de goût pour cette
1 langue , ils furent enfuite portés à Madrid, où
Philippe II les acheta pour fa bibliothèque de l’Ef-
curial.
Il y avoit dans cette bibliothèque près de trois
mille manufcrits arabes. Mais l’incendie de 1671
' en confuma plus de 1200 ; de manière qu’au-
jourd’hui la colleftion des manufcrits arabes ne
monte qu’ à 1800. M. Cafiri, bibliothécaire, nous
en a donné un catalogue fous le titre de Bibliotheca
• Hifpano-Efcurialenf i s , dont le deuxième volume n’a
pas encore paru. Le premier tome contient les manufcrits
de rhétorique, de poéfie, de philofophie ,
de politique, de médecine, d’hiftoire naturelle,
de jurifprudence, de théologie, de philologie, &
les dictionnaires ; ce qui fait voir que les arabes
avoient auffi du goût pour les compilations alphabétiques.
Le tome II doit contenir les manufcrits
qui regardent la géographie & l’hiftoire. Il y a
i auffi nombre de manufcrits grecs & latins : en
un
tin mot,' c’eft une des plus belles bibliothèques
du monde.
Quelques-uns prétendent qu’elle a été augmentée
par les livres du cardinal Sirlet, archevêque de Sar-
ragoffe, & d’un ambaffadeur Efpagnol; ce qui l’a
rendue beaucoup plus parfaite : mais la plus grande
partie fut brûlée par l’incendie de 1671.
Il y avoit anciennement une très - magnifique
bibliothèque dans la ville de Cordoue, fondée1
par les Maures ; avec une célèbre académie où
l’on enfeignoit toutes les fciences en arabe. Elle fut
pillée par les Efpagnols lorfque Ferdinand chafla
les Maures d’Efpagne, où ils avoient régné plus
de 600 ans.
Ferdinand Colomb, fils de Chriftophe Colomb,
qui découvrit le premier l’Amérique, fonda une
très-belle bibliothèque, en quoi il fut aidé par le
célèbre Clénard.
Ferdinand Nonius, qu’on prétend avoir le premier
enfeigné le grec en Efpagne, fonda une grande
& curieufe bibliothèque, dans laquelle il y avoit
beaucoup de manufcrits grecs qu’il acheta fort cher
en Italie. D ’Italie il alla en Efpagne, où il enfei-
gna le grec & le latin à Alcala de Henarès, &
enfuite à Salamanque, & laiffa fa bibliothèque à
l’univerfité de cette ville.
L’Efpagne fut encore enrichie de la magnifique
bibliothèque du cardinal Ximenès à Alcala, où il
fonda auffi une univerfité qui-- eft devenue très-
célèbre. C ’eft au même cardinal qu’on a l’obligation
de la verfion de la bible connue fous le nom
de la. Complutenfienne.
Il y avoit auffi en Efpagne plufieurs particuliers
qui avoient de belles bibliothèques ; telles étoient
celles d’Arias Montanus, d’Antonius Auguftinus,
favant archevêque de Tarragone, de Michel To-
mafius, & autres.
Le grand nombre de favans & d’hommes verfés
dans les différens genres de littérature, qui ont de
tout temps fait regarder la France comme une des
nations les plus éclairées, ne laide aucun lieu de
douter qu’elle ait été auffi la plus riche en bibliothèques
: on ne s’y eft pas contenté d’entaffer des
livres, on les a choifis avec goût & difeernement.
Les auteurs les plus accrédités ont rendu ce témoignage
honorable aux bibliothèques des premiers
Gaulois : ceux qui voudroient en douter, en trouveront
des preuves înconteftables dans UHijloire
littéraire de la France par les RR. PP. Bénédi&ins,
ouvrage où règne la plus profonde érudition. Nous
pourrions faire ici une longue énumération de ces
anciennes bibliothèques : mais nous nous contenterons
d’en nommer quelques-unes, pour ne pas
entrer dans un détail peu intéreffant pour le plus
grand nombre de nos leâeurs. La plus riche &
la plus eonfidérable de ces anciennes bibliothèques,
étoit celle qu’avoit Tonance Ferréol dans
fa belle maifon de Prufiane, fur les bords de la
rivière du Gardon , entre Nifmes & Clermont en
Auvergne. Le choix & l’arrangement de cette biblio-
Arts & frfétiers. Tome III. Partie II,
thèque faifoit voir le bon goût de ce feigneur,
& fon amour pour le bel ordre : elle étoit partagée
en trois claffes avec beaucoup d’art ; la première
étoit compofée dès livres de piété à l’ufage
du fexe dévot, rangés aux côtés des fièges defti-
nés aux dames ; la fécondé contenoit des livres de
littérature, & fer voit aux hommes; enfin, dans la
troifième claffe étoient les livres communs aux
deux fexes. Il ne faut pas s’imaginer que cette
bibliothèque fut feulement pour une vaine parade ;
les perfonnes qui fe trouvoient dans la maifon en
faifoient un ufage réel & journalier : on y employait
à la leéhire une partie de la matinée, &
on s’entretenoit pendant le repas de ce qu’on avoit
lu, en joignant ainfi dans le difeours l’érudition à
la gaieté de la converfation;
Chaque monaftère avoit auffi dans fon établif-
fement une bibliothèque , & un moine prépofé
pour en prendre foin. C ’eft ce que portoit la règle
de Tarnat & celle de S. Benoît. Rien dans la fuite
des temps ne devint plus célèbre que les bibliothèques
dés moines : on y confervoit les livres de
plufieurs fiècles dont on avoit foin de renouveller
les exemplaires ; & fans ces bibliothèques il ne
nous refteroit guère d’ouvrages des anciens. C ’eft
de là en effet que font fortis prefque tous ces
excellens manufcrits qu’on voit aujourd’hui en
Europe ,& d’après lefquels on a donné au public,
depuis l’invention de l’imprimerie, tant d’excellens
ouvrages en tout genre de littérature.
Dès le V Ie. fiècle on commença dans quelques
monaftères à fubftituer au travail pénible de l’agriculture
, l’occupation de copier les anciens livres,
& d’en compofer de nouveaux. C ’étoit l’emploi
le plus ordinaire , & même l’unique, des premiers
cénobites de Marmoutier. On regardoit alors un
monaftere qui n’auroit pas eu de bibliothèque ,
comme un fort ou un camp dépourvu de ce qui
lui étoit le plus néceffaire pour fa défenfe : clauf-
trum fine armario , quafi cafirum fine armamentario.
Il nous refte encore de précieux monumens dé
cette fage & utile occupation dans les abbayes de
Cîteaux & de Clairvaux, ainfi que dans la plus
grande partie des abbayes de l’ordre de S. Benoît.
Les plus célébrés bibliothèques des derniers
temps ont été celles de M. T h ou , de M. le'Tellier,
archevêque de Reims , de M. Butteau, fort riche
en livres fur l’hiftoire de France, de M. de Coaf-
lin , abondante en manufcrits grecs ; de M. de
Balufe, dont il fera parlé tout-à-l’heure à l’occa-
fion de celle du roi ; de M. D u fa y , du cardinal
Dubois , de M. Colbert, du comte d’Hoym, de
M. le Maréchal d’Etrées, de Meffieurs Bigot, de
M. Danty d’Ifmard, de M. Turgot de S. Clair ,
de M. Burette , & de M.^l’abbé de Rothelin.
Nous n’entrons dans aucun détail fur le mérite de
ces différentes bibliothèques, parce que les catalogues
en exiftent, & qu’ils ont été faits par de
fort favans hommes. On a encore aujourd’hui en
C c c c