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parce que fes molécules feront tenues divifées ,
& que fi quelques-unes fe réunifient, elles doivent
demeurer foutenues dans cette liqueur pelante.
D ’acres ces idées , j’ai imaginé que le dépôt de
fel marin qui s’étoit fait dans les cuites, où les
cendres & la chaux étoient entrées , n’étoit dû qu'au
dégraiflage , où ces cuites étoient parvenues par cés
intermèdes. Auffi, ce que la cendre & la chaux
avoient produit dans mes terrines, la cendre feule
le produit dans le rapuroir du falpétrier de Lorraine.
La cuite, avant d’y avoir féjourné, ne rend jamais
de fel, à qUelque degré d’évaporation qu’on la
porte, J’en ai fait évaporer que je lavôis tenir
lùrement beaucoup de fel , ju('qu’au point d'en
briller le falpêtre ( terme que les ouvriers emploient
pour exprimer que la cuite eft defiechée au point
de ne pouvoir plus fournir de criftallifation. )
En effet le fel n’a point paru, & ce n’étoit pas l’ébu-
lition qui empêchoic la précipitation ; car la cuite
étant parvenue à Ion point ordinaire d’évaporation,
je n’avois laiflé de feu que pour continuer cette
évaporation fans le fecoms de l ’ébulition.
Çes cuites , qui ne rendent jamais de fel dans
la chaudièie, en dépofent dans le ‘rapuroir une
quantité affez foible à la vérité, mais une très-
çonfîd.é able dans les baflîns où,la cdftalisfation
de la cuite fè fait. Il eft évident, ce me femble,
que la taifon du dépôt dans ; le rapuroir
& dans les bafïïns, eft la même que celle du
dépôt qui rèftoit dans mes terrines.
Il eft facile maintenant d’expliquer pourquoi le
falpé- rier de Paris tire prefque toujours du fel de fa
cuite, & pourquoi le falpétrier de Lorra'ne n’en tire
jamais. Le premier dégraiffe fa cuite avant de la
tirer de la chaudiè'e , & l ’autre ne la dégraûTe
qu’après l’avoir tirée. Il eft inconteftable, qu’à Cet
ega-d , le premier opè e mieux que le fécond,
pa ce que fbn falpêtre fe trouve par-là beaucoup
moins chargé de fe1. Mais fa t- il bien d’employer
la colle pour fon dégraiflage ? &. ne feroit-il pas
mieux de fe fervir de cendres, comme le fait le
falpétrier Lorrain ?
Lequel vaut mieux des cendres ou de la colle pour
dégraiffer la première cuite.
La colle enlève bien les mat ères graffes ; mais
il me. femble que l’acide nitreux engagé dans ces
manières, n’ayant plus de bafe, doit fe diffiper, &
quece fera autant de perdu pour la: cuite. Au lieu
qu’en dégra dant avec de la cendre, il eft probable
que l ’acide nitreux qui fe trouveroir libre , venant
à rencontrer d e l’alkaii, s’y attachera & formera du
falpêtre.
L ’expérience ne m’a fourni aucune certitude' de
ce que j’avance. Mais je fuis fondé fur la do&rine
des affinités, qui paroît a fiez concluante fur cét
objet, Je le fuis encore fur l’oloferyation. que j’ai
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faite chez les falpètriers de Paris, de cefte odeuf
fade & nauféabonde qui règne dans leurs atteliers ; ;
odeur que je n’ai point remarquée au même point,
a beaucoup p;ès , chez les falpètriers de Lorraine.
On nauroic fûrement hefbin d’aucune expérience,
fi dans le rapuro r on employoit un alkali affez
abondant pour qu’il ne reftât point d’acide libre,
après que les gràiflès font emportées; Mais c’eft ce
qu’il ne faut pas penfer à obtenir; car j’ai eflayé de
forcer la dofe de cendres j’ai eu un déchet de
pfus de cinquante pour cent fur ce que j’aurois obtenu
de falpêtre par le traitement ordinaire. Au lieu de
forcer la dofe de cendres, on pourrait opérer avec
une feffive d’alkali fort rapprochée, telle que la
leffive des favoniers & la liqueur de la potaffe. Mais
il feroità craindre que les frais paffafient beaucoup
le profit. Peut-être cette idée feroit-éilê bonné dans
les pays tièi-abondant en bois , où l’oil fait la po-
ta Te.
Il refie à obje&er que deux livres & demie de
colle de Flandre que le falpétrier de Paris jette dans
fa cuite , lui coûtent beaucoup moins que ne feroit
la quantité de cendres qui’ remplaceroit cette
col'e.
Ceci eft une affaire de calcul, qu’il n’eft pa«
difficile de féfoudre , mais dont la loludon varie
fuivant les lieux. Deux ou trois épreuves eonftate-
roient l ’avantage ou la perte. Mais fi on réfléchit
que l ’on né rapure précisément que la po.tion de la
cuite qui doit'crift.illifer, c’eft-à-dire à Paris-, environ
le qu nzième de la cuite ,. on ne s’alarmera pas-
de cette dépenfe-; ne rétraochât - on pas même
l ’opération de coller, qui commence1 oit à enlever
les parties graffes les plus groffièïes, & qui difpo-
fe o t la eu te à recevoir avec plus d’efficacité l’action
de la cendre.
Au refie, on croira facilèment que cette augmentation
de dépenfe ne montera pas bien haut, fur-
tout fi (’expérience venoit à .prouver , ce que j’ai
avancé -touc-à-l’heure,.que le rapurage par la cendré-
avoit, fur celui par la colle, l ’avantage de préfente
t a l’acide nitreux, débarraffé des matières
graffes , une bafe qui le'fixoit & qui le faifoit fal-
pê:re. Car il y auroic alors bénéfice à cet égard furie
rapurage par la colle.
D’ailleurs, y eût-il pour falpétrier augmenta*
don de dépenfe,. ce ne feroit,pas une raifon de rej,.t-
t ’t ï’ufage du rapuroir, une fois prouvé qu’il eft
avantageux.. C a r , fî cet ouvrier préfente moins de
falpêtre, mais que fon falpêtre foit plu<- beau , on
ne doit pas craind-e de le payer davantage. Ceux a
qui il le vend, en le payant plus cher, y gagne-
roient plus qiiedui, par la facilité dont les raffinages
leur deviendroient. Il eft vrai qu’il Ludroit fuppo-
fer qu’ils fe piquaffent d’obtenir des falpêtres très-
purs après ces raffinages;
Voilà tout ce que j’ai obfervé & eflayé de nour
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«frcàu ftir les opérations du falpétrier. Les ïdées que
j’ai préfentées, d’après les expériences réitérées
qui les appuient,.me pnroiffent décifives pour la
perfedion de. falpêtres de première cuite. Mais on
va voir qu’elles offrent des:*conféquences plus importantes
dans le travail du raffinage , puifque c’cft
de lui que dépend le degré'de pureté où le fal-
: pêtre fe trouve dans la fabrication dé la poudre.
Des raffinages.
Quoique le raffinage fefaffe en Lorraine comme
à Paris , quant au fond du procédé , il ne laiffe pas
de régner des différences , lefquelles décident de la
pureté des falpêtres, qui en effet font plus beaux en
Lorraine qu’à Paris.
L e raffineur de Paris donne à tr ds mdle fix cens
livres de falpêtre trois heures pour fondre; 8c lorf-
qu’il a emporté les matières graffes que l’ ébùlit on
a fait monter en écumes, il jette dans fon bain-une
diffolution de colle de Flandre > qui, en fe coagulant,
ramène à la furface de nouvelles matières
graffes.
Ces écumes enlevées, il jette quatre féaux d’eau
froide; il écume encore une fois ; il laifle enfuite
raffeoir fon bain , puis il tire fa cuite.
Ces opérations durent deux heures ; en comptant
les trois autres heures qu’il emploie à fondre , il fe
trouve qu’en cinq heures il a raffiné trois mille fix
cens livres de filpêti e.
L e raffineur de Lorraine fepreffe beaucoup moin*.
I l emploie huit à neuf heures pour raffinerdeux mibe
quatre cens livr es de falpêtre, fans compter le temps
qu’il lui donne pour fondre. Quand il a emporté les
écumes, que la fufion & l’ébulition ont amenées,
il ne jette point fa diffolution de collé & fon eau
de rafraîchiffement en uneifèis, comme le raffineur
de Paris, ü les jette-de quart-d heure en quart-
d’heure', faifant fuccéder l’un à l’autre ; il ménage
beaucoup plus fon feu ; ' les collages & les rafrai- {
chilfemens réitérés donnent plus de temps, aux
graiffes de fe détacher, & l’on fait que dans toutes
les opérations où il s’agit de féparér des fubftances
hétérogènes qui ont çontrafté une union forte, il
vaut infiniment mieux opérer lentement & par
fucceffiôn;
Cette marche approche plus de celle de la nature.
Son raffinage en total dure douze à quatorze heures.
Auffi lés falpêtre-s dé Lorraine font beaucoup mieux
purgés de graiffes que ceux de Paris on peut dire-
même qu’ils n’ont rien à défîrer à cet égard. A «fi,
par-tout où on voudra les avoir auffi blancs & auffi
nets, on n’a qu’a opérer de même.
; Je n’entre pas dans le détail des différences du
premier & du fécond raffinage , parce que ces diffé-;
ye»ces, foi-kà -Paris, fort en Lorraine, portent plus
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fur la matière du travail que fur lè travail lui-
même , qui eft abfolument femblable ; à cela près,
qu’on met moins deau pour le fécond raffinage
que pour le premier. Nous parlerons de cette différence
au fujet de la fépa: ation -du fel.
Il ne s’agit point ici -de donner les dé rails des opérations,
mais de rendre compte des obf rvationsque
ces détails ont fait naître, & qu’on croit tendre.à Ja
perfcâioh des raffinage». Or , quant à ce qui concerne
le dégraiffage , Ja méthode de Lorraine a paru
ne mériter que l’approbation.
De Vufage de l ’alun pour degraijfer le falpêtre,
' Quelques raffineurs font dans l’ufage de jetter
gros comme un oeuf d’alun dans leur cuite, imaginant
que cette drogue contribue beaucoup à faire
monter les matières graffes ; mais il eft évident
qu’une pareille quantité, queiqu’efficacîté qu’on
fuppofe à J ’alun, ne peut pas agir fur une liqueur
chargée de tro:s mille de fa!pêt<é.
Il eft enedre plus évident que l’alun venant à ie
fondre, fon acide, vitriolique s’uniroit à l’aikali da
falpêtre, formeroit un tirtre vitriolé, lequel eft un
fel étranger à ce dernier, & incapable de-s’enSam-
• mer; & que la terre-argileufe qui lui fert de bafe,
ne feroit pas une matière moins . étrangère au fal-
pêfre -, foit qu’elle s’unilfe à l ’acide ritreux pour
former un fel déliqucfcent, foit qu’elle aille fe
depofer au fond de la chaiilière. C ’eft une de ces
épreuves dont les' premières notions de chimie
difpenfent.
Du dégra’ffagë du falpêtre par l’alun , nous pourrions
paftër à celui qu’on feroit par la chaux; J eu
au rois fait répreuve., fî ce que j’ en avois eflayé au
fujet du. rapurage, n’avo:t fuffi pour me convaincre
combien ce procédé étoit mal eirendu. Je renvoie'
donc à ce que j’en ai dit en cet endroit.
De l’ufage de la ’chaux.
Si les falpêtres de Lorraine font au-deffus de
ceux de Paris pour le dégraiffage , ils n’ont fur
ces derifers aucun avantage à l’égard du fel marin
dont ils font également infa&és; peut être
même à cet égaïd leur font-ils inférieurs ?
De la féparation du fe l marin dans le rafinage du
falpêtre.
La réparation du fel dans le travail du falpêtre,
préfente bien plus de difficulté que celle des matières
grafiès, par l’affinité- bien plus grande qui
exifte entre des madères falines; elle n’eft cependant
pas moins importante, non-feulement à titre
de matière étrangère & non inflammable, mais
] fur -tout comme attirant l ’humidité avec une très-
1 grande force fur le falpêtre, qui s’effieurit alors-à
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