
R O U E S .
( Art Sc théorie du mécanifme des )
X j A roue efi une machine qui tient fi efientiellement
au fervice de la plupart des arts utiles, que nous
devons confacrer dans ce dictionnaire , un article
particulier à l ’explication de fa théorie, S de fon
mécanifme.
On donne le nom de roue à une machine fîmple
conliftaht en une pièce ronde de bois, de métal,
ou d’autre matière qui tourne autour d’un aifîîeu
ou axe.
L a roue eft une des principales puifïances employées
dans la mécanique : elle eft d’ufage dans
la plupart des machines ; & en effet les principales
machines dont nous nous fervons, comme horloges,
moulins , ne font que des aflemblages de roues,
L a forme des roues eft différente liiivant le
mouvement qu’on veut leur donner 3 & l’ufage
qu’on en veut faire.
On les diftingue en roues, fîmples & en roues
dentées.
L a roue Jimple ©ü la roue proprement dre., eft
celle dont la circonférence eft uniforme aînfï que
celle de fon effieu ou arbre ,. & qui tl’eft point
combinée avec d’autres roues.
Telles font les roues des voitures faites pour
avoir un mouvement double ; l’un circulaire autour
de l’axe, l ’autre re&iligne pour a’ier en avant ,
quoique, à la vérité , ces deux mouvemens ne
foient qu’apparens, puifqu'il eft impofïible qu’un
corps puiffe avoir à la fois deux directions.
Le feul & unique mouvement qu’ait la roue eft
eft un mouvement curviligne , compofé du mouvement
progreffif & du mouvement circulaire 5 ce
qu’on peut voir aifément en fixant un crayon fur
la roue de maniète qu’il marque fa trace fur la
muraille pendant que la roue tourne; car la ligne
qui fè trouve tracée alors eft une vraie courbe;
cette courbe s’appelle, par les géomètres , cycloïde;
& el'e eft d’au'ant moins courte , que le crayon
a été placé plus proche de l’axe.
Dans les roues fînipifs la hauteur doit toujours
être proportonnée à la hauteur de l’animal qui
les fait mouvoir.
La réglé qu’il faut fuivre c’eft que la charge
& l’axe de la roue foient de même hauteur que
la puifïance V car fi l ’axe étpit plus haut que la
puiflànce qui tire, une pairie de la charge porterait
fur elle; & fi l’axe étoit plus bas, la puiflànce
tirerait d’une manière défavantagéufe , & aurait
befoin d’une plus giande force. Cependant Stevin ,
Wallis, &c. prétendent que pour tirer un fardeau
fur un terrein inégal, il eft plus avantageux, de
placer les traits des roues au-deflous de la poitrine •
du cheval.
La force des roues fîmples réfulte de la différence
entre le rayon de l’eflieu & celui de la roue. Cette
force fe mefure par cette règle : le rayon de l’axe
ou de l’aiflïeu eft à celui de la roue,comme la puif-
fance au poids à foutenir.
Une roue qui tourne doit être regardée, le plus
fouvent, comme un levier du fécond genre qui fe
répété amant de fois qu’on peut imaginer de points
à la circonférence. Car chacun dé ces points eft
1 l ’extrémité d’un rayon appuyé d’une part fur le
terrein , & dont l’autre bout chargé de l’effieu
qui porte la voiture, eft en même temps tiré par
la puiflànce qui le mene; déferré que fi le plan
étoit parfaitement uni & de niveau, fi la circonférence
dès roues étoit bien ronde & fans inégalités ,
s’il n’y,avoît aucun frottement de l ’axe au moyeu ,
& fi la diredion de la puifïance étoit toujours appliquée
parallèlement au plan , une pe ite force
mènerait une charge très-pefànte.'En effet la réfîf-
tance qui vient de fon poids, repofe, pour ainfî dire,
entièrement fur lé terrein par le rayon vertical de
la roue dont l ’extrémité eft appuyée fur ce même
terrein.
Mais de toutes les conditions que nous venons
de fuppofer, 8c dont le concours ferait néceflàire
pour produire un tel effet, à peine s’en rencontre-
t-il quelqu’une dans l’ufage ordinaire. Les roues des
charrettes font groffièrement arrond:es & garnies
de gros cloux; les chemins font inégaux par eux-*
mêmes, ou ils le deviennent par le poids de la
voiture qui les enfonce.
Ces inégalités , Toit des roues , foit du terrein,
font que la roue s’appuie fur le terrein par un rayon
oblique à la diie&ion de la puifïance ou de la
I réfiftance ; de forte que la puiffance eft obligée
de foutenir une partie du poids , comme fi le
I poids étoit ptecé fur un plan incliné. D’ailleurs
ï l fe fait toujours, à l ’endroit du moyeu, un frottement
très-confidérablè.
Enfin, les creux & les hauteurs qui fe trouvent
fouvent fur les chemins, changent auffi la diJ-
reôion de la puiffance, & l ’obligent à foutenir
«ne partie du poids, c’eft de quoi ovn peut s affurer
journellement : car une chârette qui fe meut allez
facilement fur un terrein horifontal, a fouvent
befoip-d’un plus grand nombre de chevaux pour
être tirée fur ùn plan qui va tant foit peu en
montant.
Mais s’il n’eft pas pofïible de fe mettre au-deflûs
de toutes ces difficultés, on peut cependant les
prévenir en partie, en employant de grandes
roues : car il eft certain que les petites roues s’engagent
plus que les grandes dans les inégalités
du terrein ; de plus, comme la circonférence d’une
grande roue mefure en roulant plus de chemin
que celle d’une petite, elle tourne moins vite ,
©u elle fait un moindre nombre de tours pour
parcourir un efpace donné, ce qui épargne une partie,
des frottemens.
©n entend par grandes roues celles qui ont cinq
ou fîx pieds de diamètre : dans cette, grandeur
elles ont encore l ’avantage d’avoir leur centre à-
peu-près à la hauteur d’un trait de cheval, ce qui
met fon effort dans une dire&ion perpendiculaire
au rayon qui porte verticalement fur le terrein ,
c’eft-à-dire, dans la direction la plus favorable, au
moins dans les cas les plus ordinaires.
C ’eft la même règle pour ces fortes de roues
que pour la machine appelée axis in peritrochio ,
c’eft-à-dire, tour ou treuil. En effet, la roue, fîmple
n’eft autre chofe qu’une efpèce dé 'treuil, dont
l ’effieu ou l’axe eft repréfênté par .l’eflieu même de
la roue, & dont le tambour ou pefîtrockium eft re-
préfenté par la circonférence de la roue.
Les roues dentées font celles dont les circonférences
ou les eflïeux font partagés en dents afin
qu’elles puiiïent agir l'es unes fur les autres & fe
combiner. L ’ufage de ces roues eft vifîble dans
les horloges ,les tourue-broches, &c.
On donne le nom de pignons aux petites roues
qui engrènent dans les grandes. On les appelle
aufli quelquefois lanternes. Ces petites roues fervent
beaucoup à accélérer le mouvement, comme il
n’eft perfonne quj ne l ’ait remarqué.
Les roues dentées ne font autre chofe que des
léviers du premier genre multipliés, & qui agiffent
les urts par les autres; c’eft pourvoi la fhéorie
des leviers peut s’appliquer facilement aux roues ,
& on trouvera par ce moyen le rapport qui doit
être entre la puiffance & le poids pour être en
équilibre.
La force de la roue dentée dépend du même
principe que celle de la roue fîmple. Cette roue
eft par’ rapport à l ’autre ce qu’un levier compofé
eft à un levier fîmple.
La théorie des roues dentées peut être renfermée
dans la règle fuivante. La raifon de la puiffance
au poids pour qu’il y ait équilibre, doit être
'compofée de la raifort du diamètre du pignon de
la dernière roue au diamètre de la première roue a
& de laraiïon du nombre des révolutions de la dernière
roue au nombre des révolutions de la pre-t
1 mière , faites dans le même temps.
Ainfi lorfqu’une puifïance meut un poids par le
moyen de plufîeurs roues, l’efpace parcouru par le
poids eft à l ’efpace parcouru par la puiffance ,
comme la puiffance au poids. Donc(, plus la puiffance
fera grande, plus le poids aura dé vîteffe BC
réciproquement.
Les efpaces parcourus par le poids & la puifi«
fànce, fpnt entr’eux dans la rajfon compofée du
nombre des révolutions de la roue la plus lente, au
nombre des révolutions de la roue la plus prompte 9
& de la circonférence du pignon de la roue la plue
lente, à la circonférence de la roue la plus prompte.
L a circonférence du pignon de la roue la plus
lente, & la circonférence de la roue la plus prompte
étant données, auflj bien que la raifon qui eft
entre les nombres des révolutions de la première de
ces roues à l ’autre, il eft aifé de trouverl’efpace que
doit parcourir la. puiflànce , afin que le poids
parcoure un efpace donné.
A cet effet multipliez la circonférence du pignon
de la roue la plus lente par l’antécédent de la
raifon donnée, & la circonférence de la roue la
plus prompte par le conféquent de la même raifon.
Trouvez erifuite une quatrième proportionnelle à
ces deux produits & à l’efpace qu’on veut faire décrire
au poids, & vous aurez l’efpace que doit
parcourir la puiffafice.
Supposons, par exemple , que la raifon des révolutions
de la roue la plus lente à celle de la plus
prompte, foit celle de deux à fept, que l’efpace à
faire parcourir au poids foit de 30 pieds, le rapport de
la circonférence du pignon de la roue la plus lente à
la circonférence de la roue la plus prompte étant
fuppofé celui de 3 à 8 , on aura, avec ces condi-r
rions, 280 pieds pour l’elpace que doit pareouric
la puifïance.
. Enfuite la raifon de la circonférence de la roue
là plus prompte, à celle du pignon de la plus lente,
& la raifon des révolutions de ces roues, & le poids
étant donnés ;'"pour trouver la puiffance multipliez
les antécédens de ces deux raifons l ’un
par l’autre ; & faites de même des conféquens ;
trouvez enfuite au produit des antécédens, à celui
des conféquens & au poids donné, une quatrième
proportionnelle, & vous aurez ia puiffance cherchée
«