
R A C I N E S ,
( Art de récolter Se de préparer les )
T j A récolte des racines peut fe faire au prin-
temps ou en automne lorfqu’elles font fans tiges.
C ’eft dans cet état qu’on doit fe les procurer, autrement
les racines font ligneufes & de mauvaifo
qualité.
Dans l ’une & dans l’autre de ces deux faifons,
îl y a un intervalle à-peu-près égal où les plantes
nej végètent que dans l ’intérieur de la terre , 8c
point pour l’ordinaire à fa iurface.
Les auteurs ne s’accordent point fur le choix
de la faifon, & forment deux fentimens.
Le premier eft celui d'Avicenne, de Diofooride
& -de Galien : ils recommandent d’arracher les
racines en automne & au commencement de l ’hi
v e r , lorfque Jes feuilles des tiges commencent à
tomber , i s difojit qu’à mefure que les plantes fe
delTechent, la sève retombe en grande partie dans
Iæs racines , qui demeurent vivantes dans la terre,
& font toutes prêtes à végéter, comme ori le voit
en effet daqs certaines plantes qui pouffent des
paquets de feuilles fur la fin de l’automne qu au
commencement de l ’hiver 5 & dans certains arbres
qui apres la chute des feuilles pouffent des bourgeons
dans le milieu de leur hauteur .& point aux
extrémités du tronc : enfin comme on le voit encore
aux r-cines bulbeufes & aux plantes graffès
qui abondent en nourriture & végètent dafls l ’ar-
rière-faifon.
Ces mêmes auteurs difent auffi, pour mieux établir
leur fentiment , que leurs racines pendant l’hi- *
v e r , 11e tirent rien de la terre, qu’elles fouflrent
cenfidérablement, & que ce n’eft qu’à la faveur dé
la grande quantité de .sève quelles ont pr-ife en
en automne., qu’elles fe confervent, dans là terre
pendant l’hiver.'
Mais Malpighi plufieurs bons auteurs qui ont
écrit fur la végétation, ont obfervé que l’état d’en-
gourdiffement où font les végétaux pendant l’hiver
11’eft qu’à l ’extérieur & qu’ils végètent dans l’intérieur
de la terre : c’eft-là peut-être ce qui a donné
lieu a certains auteurs de préférer le printemps à
l ’automne pour la récolte des racines.
Ceux^ qui préfèrent le printemps pour la récolte
des racines difent qu’on doit choifîr le teins où les
paquets des feuilles commencent à fe développer
& à fortir de terre , parce que la rigueur dé l’hiver
^aqt empêché la difîipation de la sçve, que les
racines ont retenue dans l’automne, & de celles
qu’elles ont acquife pendant l’hyver, elle commence
a fo développer au printems , à s’élaborer & à.
donner une nouvelle vigueur aux racines. Celles
du printems font groffes, bien nourries , fucculen-
tes , charnues , & leur fubflance efiT tendre , au
lieu que les racines d’automne qui fo font épuifées
pendant l’été à fournir des fucs végétatifs aux differentes
parties des plantes font dures, ligneufos
& de moindre qualité. Enfin ils allèguent pour
dernière raifon que lorfqu’oii arrache les racines
de terre en automne, dans le temps que les feuilles
commencent, à tomber, elles font comme les
animaux qui fe trouvent épuifés immédiatement
après avoir produit leurs petits, à l ’exception des
racines bulbeufes, qui contiennent une fi grande
quantité de fève, qu’elles font, pour ainfî dire,
également bonnes dans toutes les faifons de
l’année.
Les racines des plantes annuellès, comme par
exemple les raves, les navets, &c. font bonnes
dans toutes les faifons, pourvu que ces plantes
aient été plantées ou femées dans un temps favorable
, qu’elles ne foient pas venues forcément,
& qu’elles foient encore jeunes & tendres.
On doit, autant qu’on le peut, avoir les racines
entières, bien nourries, fans qu’elles le foient
trop.
Les racines annuelles deviennent ligneufes fur
leur ^rcière-faifon.
Lorlqu’on eft obligé de les employer , on en
fépare le coeur qui n’eft que du bois, & de peu
ou point de vertu. .
Il refulte de tout ce qui vient d’être expofé
furie temps où l’on doit faire la récolte des racines,
qu’il'eft bien difficile d’établir des règles géné^
raies fur cette matière, puifque dans le nombre
des racines que nous offre la nature, on en recueille
de bonnes dans prefque toutes les faifons.
Tout ce que l ’on peut dire de plus général fur
cet objet, & d’après des obfervations multipliées,
eft qu’il vaut mieux les arracher de terre en automne
ou au commencement de l ’hiver. Ce n’eft
pas qu’on doive penfër que les racines de printemps
fe foient épuifées dans la terre pendant les
rigueurs de l’hiver qui a précédé, puifque, comme
je l ’ai déjà fait obferver, elles tirent pendant
feette faifon tant de nourriture que l ’écorce de
plufieurs crève de plénitude ; mais les racines de
printemps font abreuvées d’une grande quantité
de fucs aqueux qui n’a fùbi encore aucune élaboration
5 leur fubftance eft molle, pulpeufe, &
prefque fans vertu. -
L e célèbre Boerhaave compare les racines de
printemps aux jeunes animaux ; leurs fibres 11’ont
point encore affez, de force ni de vigueur & d’elaf-
ticité pour élaborer les fucs nourriciers, & pour
les ammiler à leur fubftance. Les fluides des
jeunes animaux qui fe nourriffent de végétauxf
ne font pas bien animalifés ; on y retrouve encore
les principes des fubftances qui les ont nourris
avec une grande partie de leurs propriétés. 11 en
eft de même des végétaux dans leur jeuneffe,
fur-tout des racines dont nous .parlons ; les fucs
qu’elles contiennent font peu falins , peu réfineux
& peu extradifs; c’eft le principe aqueux qui y
domine.
Auffi l’expérience nous apprend que les racines
de printemps diminuent, à l’exfîccation, de prelque
moitié plus que les racines d’automne. D’ailleurs,
en féchant, elles fouffrent un léger degré de fermentation
à caufe de cette grande quantité d humidité
qu’elles contiennent, ce -qui eft caufe que
les vers s’y mettent promptement, & qu’elles ne
peuvent fe garder en bon état auffi long- temps
que celles qui ont été arrachées, de terre en automne,
quelque foin'''qu’on prenne pendant la
defficcation. Ainfî, comme on voit. , la fuccu-
lence n’eft point une qûalîté effentielle qu’on doive
rechercher dans les racines', 8c cette observation eft
prefque. générale pour toutes.
Lorfque les vers fe mettent aux racines, ils
n’attaquent & ne fe nourriffent que de la partie
purement iigneufe, fans altérer ni endommager
la fubftance réfîneufe. M. Beaumé obferve que
M. Gèoffroi, apothicaire, s’étant apperçu de ce
phénomène, avoit conforvé pendant plus de vingt
ans un petit barril de jalap , qu’il facrifia a la
pâture des vers. Ces inférés moururent après s’être
nourris de tout ce que ces racines contenoient de
ligneux. Nous examinâmes, dit M. Beaume, ce
jalap, nous le vannâmes pour en féparer le fque-
lette réfineux d’avec le bois réduit en pouffière
par les vers; ce jalap ainfî préparé par les vers,
rendit, par le moyen de Fefprit-de-vin, prefque
fôn poids égal de réfîne. D’où il réfulte que ce
moyen peut être employé avec fuceès pour féparer
les fubftances réfineufes de beaucoup de végétaux,
comme font les ahatomiftes pour fe procurer des
fquelettes de petits animaux qu’ils auroient beaucoup
de peine à difféquer : ils expofent les cadavres
des petits animaux aux infedes qui rongent tout
ce qu’il y a de charnu, & laiffent les os parfaitement
nétoyés.
Defficcation des racines,
Les racines doivent être féchées promptement,
& d’autant plus rapidement qu’elles contiennent
davantage d’humidité : il faut ôter les filamens
des racines, & les effuyer avec un linge rude;
afin d’enlever la première écorce , & h terre qui
peut y adhérer. O11 fend celles qui/contiennent
un coeur ligneux pour le féparer : on coupe par
tranches les groffes racines qui font charnues,
comme celles de bryonne , d’énula - campana,
lorfqu’elles font trop greffes ; on les enfile avec
une ficelle à la manière d’un chapelet ; on les
expofe à l ’ardeur du foleil, ou fur le four d’un
boulanger, pour les faire fécher, & on les y
laiffe jufqu’à ce qu’elles foient parfaitement
sèches.
Beaucoup dé racines, après avoir été féchées ,
attirent puiffamment l’humidité de l’air; elle fe
ramoliffent, 8c elles moififfent au bout d’un certain
temps à leur furface, comme , par exemple,
celles de guimauve, d’enula-campana, &c. cette
propriété leur vient de la grande quantité de
parties extradives 8c mucilagineufes qu’elles con-:
tiennent.
Plufieurs perfonnes recommandent de laver les
racines qu’on veut faire fécher, afin de les mieux
nétoyer ; il faut alors que cela fe faffe promptement
, & lorfqu’elles font entières & point entamées >
fans quoi l’eau, pendant le lavage, fe charge d’une
affez. grande quantité, de parties falines & extractives.,
ce qui diminue les effets de ces racines;
telles font, par exemple, celles de guimauve &
d’énula-campana. Ces racines font beaucoup moins
fujettes à attirer l’humidité de l’air, 8c à moifîr
lorfqu’elles font léchées, & qu’elles ont été bien
lavées après avoir été coupées.
A Pégard des racines qui font trop petites pour
être coupées par tranches ou pour être enfilées ,
on les fait fécher fur des toiles de la même ma-,
nière que les plantes.
On ne devroît jamais employer les racines que
les herboriftes confervent fraîches à la eave 8c dans
le fable pour y avoir' recours pendant l ’hyver :
telles font les racines de raifort fauvage, celles
de guimauve, &c. Ces racines végètent pendant
l’hiver à la faveur de la température douce qui règne
dans les caves : de charnues qu’elles étoient d’abord,
elles deviennent ligneufos 8c fans vertu.
Les oignons font les racines les plus difficiles à
faire fécher : il faut de néceffité les effeuiller &
employer la chaleur du bain-marie, fi on veut les
avoir parfaitement privés de toute humidité.