fe titre du fein de la terre, & pour le dîffïnguer
de celui qui s’obtient par l’évaporation de l’eau de
la mer, & des lacs falés.
Le fe l gemme ne diffère du fel marin ordinaire,
que parce qu’il a plus de peine à fe difloudre dans
l'eau que ce dernief, ce qui vient des parties ter-
rëftres & des pierres avec qui il eft combiné.
L e fe l gemme fe trouve en beaucoup d’endroits
du monde. On en rencontre en Catalogne, en Calabre
, en Hongrie, en Tranfîlvanie, en Tyrol,
en Mofcovie, & même dans la Chine, &c. Mais les
mines les plus fameufes & les plus abondantes que
nous connoiflions, font celles qui fe trouvent en Pologne
* dans le voifinage de Cracovie, près de deux
endroits nommés Wielicçka 8c Bochnia ; nous allons
en donner la defcription d’après M. Schober, qui
a long-tems eu la direétion de ces mines , & qui a
inféré dans le magafîn de Hambourg deux mémoires
fort curieux à leur fuiet.
Wîeliczka, eft une petite ville de Pologne, fituée
au-pied des monts Crapacks , à environ deux lieues
de Cracovie; elle eft bâtie dans une plaine bornée au
nord& au midi, par des montagnes d’une hauteur
médiocre; le terrain où elle fe trouve peut être environ
de 159 à zoo pieds plus élevé que le niveau des
eaux de la Viftule, qui n’en eft pas fort éloignée;
la ville de Bochnia eft environnée de montagnes &
de collines, & placée dans un lieu plus élevé que
le précédent.
Le terrain eft glaifeux dans les environs de ces
deux villes ; à la diftance d’une demi-lieue, on ne
trouve que très-peu de pierres, fînon près de Bochnia,
où l’on voit quelques couches d’albâtre qui fe montrent
à la furfaçe de la terre ; plus loin cette pierre
devient moins rare , & au midi de W'ieliczka on en
' trouve une affez grande quantité, qui ne paroît
point former de banc fuivi, mais qui lemble avoir
été dérangée de fa place.
Vers le nord on trouve des amas de pierres arrondies
, & de gallets ou cailloux, qui paroiftènt
n’avoir pu y être tranlportés que de fort loin ; on y
voit aufli du grais, qui eft la pierre la plus commune
des environs; on a remarqué quelquefois dans ce
grais , des maffes allez groflès de charbon de terre :
au couchant on rencontre differentes couches. Le
terrein y eft fabloneux; an-delTous du fable, dont
î ’cpaiffeur varie , on trouve une pierre compofée
d’un amas de petits c a i llo t & de coquilles , liés
enlemble par du quartz , qui en fait des couches
tiès-folides ; cette pierre compofée forme un l i t ,
qui a depuis un jufqu’à trois pieds d’épaiffeur : au-
deflous, eft une nouvelle couche de fable qui n’eft
point par-tout également épaillè , mais qui contient,
auffi des coquilles de mer, dont plulîeurs font dans
un état de deftru&ion , tandis que d’autres n’ont
éprouvé aucune altération..On donne enftiite fur un
banc d’un grais quartzeux‘& bleuâtre, qui a de 6 à
8 pouces d'épaUTeuï, & qui eft d’une dureté extraoN
dinairè. Ce banc eft fuivi d'une nouvelle couche de
fable, dont on n’a point encore pu fonder la profondeur.
A environ une lieu de Wieliczka, on rencontre
une grande quantité de foufre natif; près de-là eft
aufli une fource d’eau minérale d’une odeur tiès-
fétide. Le foufre eft répandu en petites maffes, delà
groffeur d’un pois, dans une pierre d’un gris cendré,
femblabie à delà pierre ponce, & remplie de
trous comme elle.
Toutes ces circonftances prouvent que le terrain
qui,renferme ces fameufes mines de fel, a éprouvé
des révolutions trè.-confïdérables, tant de la part
des eaux, que.de celle des feux fouterrains.
Les mines deWieliczka font très-étendues; tout
le terrain fur lequel cette ville eft bâtie , eft creufé
par-deflbus, & même les galeries fouterraines vont
beaucoup au-delà des bornes delà ville 5 450 ouvriers
font employés à l’exp oitation de ces mines. D’orient
en occident elles entienviron 600 lachters ou
verges , c’eft-à-dire 6000 pieds de longueur ; du
4iord au midi, elles ont zoo verges, ou aooo pieds;
leur plus grande profondeur eft de 80 lachters, ou
800 pieds. On y trbuve encore à cette profondeur
des couches immenfts du fel gemme, qui vont d’o^
rient en occident, & dont on ignore l ’étendue.
Voici les differentes couches dont la terre efl
compofée en cet endroit. i° . La terre franche.
i° . De la glaifè. 30; Un fable très-fin mêlé d’eau,
que l'on nomme \yc, 40. Une argile noire très-
compa&e ; enfin on trouve la couche qui renferme
le fe l gemme.
Ces mines ont dix puits ©u ouvertures quarrées ,
tant pour y defcendr'e, que pour épuifer les eaux,
& pour faire monter le fel gemme que l ’on a détaché
fous terre. On defeend dans l’un de ces puits par
. un efcalier qui a 470 marches ; tous font revêtus de
charpente, pour empêcher l’éboulement des terres.
Quand on eft parvenu à cette profondeur, on
rencontre une infinité de chemins ou de galeries qui
fe croifent, & qui forment un labyrinthe, où les
peifônnes les plus habituées courent rifque de
s’égarer.
Ces galeries font étayées par des charpentes ; en
de certains endroits on laiffè des maffes de roches
pour foutenir les terres qui font en deflus. Lon a
pratiqué dans quelques fputerrains des niches , des
chapelles & des ftatues taillées dans le fel même.
Quand on eft arrivé dans ces galeries, on n’eft encore
qu’au premier étage, on defeend plus bas par de
nouveaux puits; dans un de ces puits nommé janina,
on a fait un efcalier qui a dix pieds de large, 8c dont
la pente eft fi douce, que les chevaux y peuvent
monter & defcendie fans peine.
'Au premier étage des ces mines} le fe l gemme fe
-trouve
trouve pat bloc d’une grandeur prodtgieufe ; mats au
fécond étage, U fe trouve par couches f u m e s &
dans une quantité inépuifable. On fe fert de pio-
ches de cizeaux & de maillets pour détacher le
fel • on détache fouvent des maffes de fel en prifmes-
„narrés, de 7 à 8 pieds de longueur, & de deux
pieds & demi d’épaiffeur; on nomme ces paralle-
lipipedes batawanes ; on efl quelquefois parvenu a
en détacher qui avoient 31 & même 48 pieds de
longueur.
Les ouvriers s’acquittent de leur travail avec beaucoup
de facilité ; par le fon que rendent ces malles,
ils connoiflent le moment où elles vont fe détacher;
gc alors ils pourvoient à leur furete.
Ces blocs fe roulent fur des cylindres de bois,
iufqu’aux puits qui descendent dans les galeries »
d’ou ils font élevés par des machines a moulettes
très-fortes, & tournées par douze chevaux. Quant
aux petits morceaux , on les met dans des tonneaux.
On a fait des excavations fi prodigieufes dans
le fond de ccs mines, pour en retirer \e fe l gemme,
qu’on y voit des cavités affez amples pour contenir
une très-grande églife, & pour y ranger plufîeurs
milliers d’hommes ; ces fortes d’endroits fervent de
raagafin pour les conneaux, & d’écurie pour les chevaux,
qui relient toujours dans les mines, & qui
font au nombre de quatre-vingt.
On trouve quelquefois des creux qui font remplis
d'eaux fi chargées de fe l, que lorfqu’on vient a les
faire' fortir, les roches environnantes relient comme
tapifle.esde cryftaux, quipréfenteot le coup d’oeil le
plus agréable.
Un phénomène très-remarquable pour les natu-
raliftes, c’eft que les maffes falines’qui fe trouvent
dans cès mines, renferment fouvent des galets ou
des cailloux arrondis , femblables à ceux que roulent
la mer & les rivières; on y rencontre des coquilles
& d’autres corps marins ; & fouvent on
trouve au milieu des couches de fe l gemme, des
malles énormes d’une roche compofée de couches ou
de bandes de. différentes efpèces de pierres.
De plus on voit fouvent dans le fe l, aufli bien
que dans lafubflance qui l’environne, des morceaux
ie bois, femblables à de fortes branches d arbres,
brifées & morcelées ; ce bois eft noir comme du
charbon ; ces fraflures font remplies de fe l, qut
fert pour ainfi dire à recoller les diffirens morceaux ;
ce bo’s eft d’une odeur très-défagréable & tres-tn-
commode pour les ouvriers , fur-tout , lorfque le
renouvellement de l’air 11e fe fait point convenablement.
Ce bois s’appelle dans ocs mines ur agti-Jolm,
C’eft à-diie charbon de fel.
Un autre inconvénient de ces mines, c’eft qu’elles
font fujettes à des exhalaifons minérales ou moufettes
tres-dangreufos ; elles fortent avecfifflemcnc
par les fentes des rochers , s allument fubjtempu;
Arcs Cf Métiers. Ton:. V l lM
d la lampe des ouvriers, font des exploitons fembla-
blesà celles du tonnerre, & p ;oduifent des effets aufli
funeftes.
Ces vapeurs inflammables s’amaflent fur-tout dans
les fouterrains, lotfque les jours de fêtés ont empêché
qu’on y travaillât : alors il eft dangereux de
defeendre dtns les puits avec de lalumrere, parce que
la vapeur venant â s’enflammer tout d un coup ,
fait un ravage épouventable. Même fans s allumer,
ces. vapeurs font capables d’étouffer les ouvriers
qui s’y expof-nt imprudemment ; elle font plus
fréquentes dans l.s mines de fe l de Bochnia , que
dans cellesde Wieliczka.
On retire de ces mines du fe l gemme de différentes
qualités,•& à qui on donne des noms différons. La
première efpèce fe nomme ^ielona, ce qui lignifie fe l
verd-, ce fe l n’eft qu’un amas de cryftaux cubiques ,
. forme qui eft propre au fe l marin ; 1rs côtés de
ces cryftaux ont quelquefois deux a trois pouces ,
r ils font fort impurs & entremêlés de parties ter-
reftres& de glaife. Le prix du quintal du fè l, appelle
xielona, eft de 3 y* florins de Pologne, ( environ’
4P fols) en blocs, & de zz florins ( treize livres!
dix f. le tonneau. Le fel que l’on nommeffybikova,
eft plus pur que le prent’er, il n’en diffère qu.
parce qu’il n’cft point en cryftaux; le tonneau fb
vend z . florins, & le quintal en bloc pour 4
florins de Pologne.
La fécondé efpèce fe nomme mahowkaj elle n’eft
point en cryftaux, & reflèmble affez a du grès;
c’eft un amas confus de petits grains de fe l, dont
on ne peut point diflinguer les figures.
L a troifième efpèce fe nomme jarka ; elle fe
trouve mêlée avec les deux efpèces précédentes,
qu’elle traverfe comme des veines ; ce font de*
petits grains de fel blanc, peu lies les uns aux autres
; 'â qui font caufe que les blocs de fe l fe
brifent dans les endroits où ils font traverfés par
cette forte de fe l■ Le jarka fait aufli des couches
fuivies.
On donne pareillement différons noms aux
fubftances, qui fervent de gangue ou d’enveloppe
au fel. La première fo nomme halda ; c’eft une
argille d’un gris foncé , fort humide, entremêlé
de grains de fel, dont quelques-uns font en cryftaux,
La fécondé s’appelle midlarka , c’eft une av ilie
noiiâtre , grade au toucher comme du favon ; on
y trouve fréquemment des coquilles dans leur état
naturel, dont la cavité s’eft remplie de fe l. La troifième
efpèce de fubftance fe nomme Tçuber ;
c’eft un mélange de fable , de terre , d’albâtre &
de fel; C’eft dans cette fubftance que l’on trouve
le vrai fol gemme , en grands cryftaux blancs &
tranfparens comme du verre; lorfqu’on 1= carte, 4
fe divîfe toujours par cubes à angles droits î le»
Polonais le nomment oeffovatae. C|eft aufli dan»