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Quand on veut avoir du fèl à l ’ufàge de la
table , oa lève la crème qui fe forme fur l ’eau >
ce fel eft d’un grain très-fin, & blanc comme de
la neige.
Lorfqu’il ne (aie plus , on laboure & on en-
femençe les terres : cet ouvrage fe fait à bras,
parce qu’on ne peut le faire autrement.
Dans l’ufage du marais, on fe fert d’un outil
appelle ferrée K , que le faunier nomme la clé du
marais, parce. qu’effedivement c’eft l’inftrument
le plus utile à fa conftrudion. Il efî d égale grof-
feur d’un bout à l’autre ; & de plus il a des pointes
à l’un de fes bouts qui vont en s’élargifiant ; voilà
fa vraie forme , & non celle que des auteurs diffé-
rens de plans de marais lui ont donnée. On doit
remarquer encore qu ils ont mis leur échelle de
2,00 toifes -, quoiqu'elle ne foit que de 33 toifes 4
pieds ; en outre, fur leur plan, ils prennent la
folle du gourmas R , pour le jas ou jars; ils pofent
la vareigne T , où elle ne peut être; -parce que
où eft S , doit être un morceau du jas, & non à l’endroit
marqué R. Par conféquent ils mettent un
chenal à l ’autre bout du marais 3 & c’eft celui qui
doit répondre à l’éclufe qui va au jas. Ces auteurs
ont été mal inftruits; d’ailleurs, tout leur marais -
eft fort bon en corrigeant ces fautes d’explication.
-
De plus ils font encore voir le bout du braflour
ouvert en correfpondance des aires, ce qui n’ eft
•pas ; c’eft avec le piquet que l’on communique
l ’eau, comme je l ’ai dit ailleurs ; fa coupe ne
doit avoir que 5 pouces au plus d’élévat on ; & fa
hauteur environ 5 pieds ; les piles de fel doivent
avoir 10 8c 12 pieds pour les plus hautes ; la leur
feroit de 25 pieds ; ou luivant leur échelle de
2,e toifes; ce qui ne peut être.
On aura dans nos planches la prife du marais
de Chatelars qu’on a levée fur les lieux avec les
jnefures les p>us juftes ; l’on y voit où la vareigne
eft pofée , le tour que les eaux font pour fe rendre
au muant ; c’eft le vrai chenal, le jas , & tout
ce qui en dépend. On apperçoit fur notre plan
régulier, la courfe des eaux , à commencer à la
vareigne, jufqu’à la coiment où elle va fe rendre:
l ’eau parcourt 2380 toifes fur un feul coté du marais,
& autant, à quelque chofe près, de l ’autre
côté.
L e jas contient 2,406 toifes 54 pieds cubes .
d’eau, ou environ, en fuppofant que le jas a
deux pieds.
Explication des outils.
L e rouable eft un morceau de planche long de
a pieds, & large de 3 pouces & demi, Au milieu
eft une mortaife quarrée où l’on fait entrer de forces
jm manche , nommé queue de rouable, long de ,
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10 à i i pieds; on s’en fert pour nettoyer le marais, S
pour pouffer les boues ou faignes au bord du marais
: il fert aufft à braffer le fel quand il fe forme ,
& à le pouffer au bord de la vie.
Le fervion eft un morceau de planche , large
de dix pouces, fur un pied de haut mis en pente ;
le manche à 4 pieds & demi ou 5 pieùs de long ;
11 a de plus un fupport qui le traverfe, $ & qui va
aboutir par un bout à l’autre extrémité de la
planche ; on s'en fert à retirer le fel .du., bord de
la vie ; on met le fel en pile deffus pour egoutter ;
c’eft pour cela qu’il eft percé de plufieurs trous.
Le boguet eft une pelle de deux morceaux,
comme on .le voit au plan ; le manche a 4 à 4
pied .& demi de long; on s’en fert pour jet ter fur
les côtés .des boffes , les i b.oues qpi leur fervent de
fumier; ces terres d e marais étant. grafîes ou ar-
gilleufes font aufli très-légères, 8c par coiiféquent
très-bonnes pour les femences.
Les faugeoires font deux petits morceaux de
planche longs de 9 à 10 pouces, fur' 1 8c demi
de large ; fur le milieu de l’extrémité du haut
font cloués deux petits morceaux de bois, longs de
4 pouces ; ils fervent de manche pour les prendre
de plat en chaque main ; c’eft avec quoi on met
le fel dans le panier, •
Le panier eft grand de deux pieds ; il en a un
de largeur, & fept de profondeur; on en a plufieurs;
il fert.à prendre.le fel fur la vie pour
le porter fur la pile, piiôt , cône, ou vache de
fel. .
Le bourreau eft un fac où l ’on met un peu de
paille; cëlüi qui porte le fel le met fur fbn épaulé
pour empêcher le panier de le Jfleffèr.
La ferrée R , que le fommier nomme la clef du.
marais y fert à le eonftruire, à boucher & déboucher
les pertuis, à raccommoder les veJles lorsque
l’eau les gâte, ou à raccommoder les trous
que les cancres pourraient faire au chantier des
claires ou levées. -
Le picquet eft un morceau de bois pointu, long
de 10 à 11 pouces, fur. 10 à 11 lignes de diame-
’ tre; il fert à faire les trous, au bout du braffour,
pour faire entrer l’eau aux aires.
L a patelle y fert à reboucher la fuperfîcie des
L trous du côté du braflour ; elle fert aufli à déboucher
les lames d’eau qui prennent l’eau des tables
au muant & ailleurs.
La bêche fert à donner le premier labour aux
boffes ; le vrai terme eft rompre les bojfes ; 7 on le
fert au fécond labour d’un ;0Util appelle féfour ou
marre•
La pelle-& d’un feul morceau, longue de 3
pieds I , le bas eft large de 9 pouces fyr un pied
de long; elle eft creufe en dedans, .& arrondie
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vers le manche; elle fert à prendre le fel à la
pile pour le mettre dans des facs, où fe fait
le charroi, & à jetter le fel de la barque à
bord du navire, c’eft ce que l ’on nomme leiriper.
Il tombe fur le. pont, d’où on le met dans le boifi-
feau pour le mefurer, avant de le laifîer tomber
dans le panneau du navire pour aller à fond ae
cale; alors on fe fert de pelles pour le jetter également
en avant & en arrière du navire , pour faire
fbn chargement.
Le boiffeau eft une mefure qui peut avoir en
hautèur 17 pouces, fur 11 £ de large par en naut,
& 11 pouces par en bas; il tient, mefure de
B rouage , 3 1 pintes £ d’eau, il eft fait de mairaîn &
cerclé comme un tonneau ; il a de plus, deux
oreilles, où' eft attaché ou amarré un bout de corde
long de 2 pieds., que deux hommes tiennent pour
le renverfer.en préfence d’un commis des fermes
& du mefureur. L e mefureur eft un homme qui
a prêté ferment à l’amirauté en préfence de deux j
aégocians.
Les gaffes font de divers grandeurs, il y en a
de zo. a z ƒ pieds de long , elles fervent aü tranf-
port du fel j les barques, par exemple, qui le
tranfportent s’en fervent pour pouffer, quand elles
veulent monter ou defeendre d’un chenal; on dit
monter un chenal, pour dire y entrer, & defeendre
un chenal pour en for tir, il y a une petite gaffe de
6 à 7 pieds de long qui fert au bateau de la barque
; la fourche fert au même ufage.
L e falé ou trident eft un infiniment très-propre
à prendre des anguilles au jas & aux conches.
Le fart blanc eft une herbe dont on• nourrit les
chevaux, c’efl: celle que l ’on met fur les huîtres
qu’on-porte à Paris.
Sârt ou félin eft un fart qui eft rond, plein
d’eau & de noeuds, j.
Autre efpèçe qu’on appelle fart brandier ; le
faunier en fait des balais pour nettoyer les aires où
il bat fon grain.
Autre efpèce nommée fart lïfop , il eft bon pour
les douleurs & pour prendre les bains;
Le tamarin eft une plante dont le bois brûle
tout verd-, il fert aux fauniers pour fe chauffer;
ils en font aufli des cercles pour les petits barils
dans lefquels ils portent leur boifîon à l ’ouvrage.
Du charrois du fel.
Les piles de fel font de diverfês formes ; les
unes font rondes , les autres longues, arrondies
fur les bouts , & couvertes avec de la paille
dont on a retiré le grain, eu avec une herbe qui
vient dans les marais, jas ou perdus, que l’on
aemnae ronche; oa a foin de la tremper aupara-
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vant dans l’eaufalée , pour empêcher les corbeaux
ou grôles de les découvrir l ’hiver.
On ne découvre que le côté de la pile qu’on
veut entamer , ce que fon fait au nord de la pile
autant qu'on le peut : par ce moyen on perd moins
de fe l, fi on eft furprls par le mauvais temps ; c’eft
une précaution-que doit avoir le jure.
Lé juré eft le maître du charroi, ceft lui qui
fait agir & qui paye ; il tient un livre cotté & paraphé
qui fe nomme l iv r e de r e ta llem en t ; il y écrit
le jour qu’a commencé & fini le charroi, la quantité
de muids, de bofles ou ras, & les facs qui
font de furplùs du muid ; oe livre fait foi en juftice ,
parce que le juré a prêté ferment.
Le charroi fe fait en préfence du commis des fermes
qui en prend compte , pour être d’accord avec
celui du bord du navire ; il met un homme a
bêcher le f e l , un autre à remplir les facs, &
un trojfieme pour les charger & les arranger fur les
chevaux dont le nombre eft limité par le juré ,
fuivant le chemin qu’il y a à faire; les chevaux
font conduits par des jeunes gens de douze a treize
ans, on les nomme a fn ie f s ; l’endroit où on prend
le fel fe nomme ia t t e l i e r ; l’afnier à pied conduit
les chevaux au bord de la barque, là un homme
exprès pour cela ouvre un peu le fac & le laifle
tomber dans une poche que lui préfente -un autre
homme, pour pouvoir prendre le fac de deffus le
cheval fans qu’il fbit lié ; cela fait, un troifieme
vient par derrière & renverfe lé fac fur celui qu’on
nomme le déch argeu r , celui qui renverfe fe nômrae
le p o u f fe - c u l y & celui qui reçoit le fel dans fon
poch'on., le por teur d e g a g n e . Le pouffe-cul fuit le
déchargeur.fur la planche, & lorfqu’il eft au bout,,
il faifit les extrémités du fac qu’il foutient ; alors '
le déchargeur largue ou lâche fon bout, & tout
le fel tombe; aufli-tôt le pouffe-cul rapporte le
fàc à l’afnier, qui monte fur le eheval & retourne
en courant à l ’attelier.
On fe fert de la planche 0 au plan pour aller
de la barque à terre & pour le charroi du fel ; on
la nomme planche de charge3 elle a d'ordinaire
36 à 40 pieds de longs , fur 18 à> o pouces de
large, & 3 à 3 pouces \ depaiifeur.
Une barque à charge eft une barque vuide ®u
qui vient de vuider, qui a ihomé à la charge que
le marchand lui a indiqué.-
Il y a plufieurs barques dans un feul chenal; on
eft quelquefois obligé de les haler , fbit parce que
le vent eft contraire , foit parce qu’il n’en fait point
du tout ; pour y fuppléer, ces barques ont un petit
bateau que le moufle mène pour paffer celui qui
haie, lorfque la mer eft haute & qu’il fe rencontre
un ruifleau qu’ il ae fauroit paffer fans çe fecours,
comme on le voit au plan; jj la barque, 16.
l’hpmme, 17 le bateau & Je moufle.