
i i g S A E
fois toutes les grandes mers, plus ou moins, Suivant
que les Jauneries font placées; mais il faut
que la marée couvre les grèves au moins toutes
les pleines mers, c’eft - à - dire, tous les -quinze
.jours.
Lorfque ceux qui veulent établir une fàunerie
ont trouvé une place convenable , ils la bnfent
& la rendent la plus plate & h'orifontale qu’il eft
poflible ; foit que cette place foit ancienne ou nouvelle,
on la laboure avec une charrue ordinaire
attelée de chevaux ou de boeufs, en
commençant par le bord de la greve & finiffant
dans le contre, toujours en tournant; après quoi
on la herfe comme une autre terre, en l’unifiant
le plus qu’il eft poflible avec un inftrument qu’ils
nomment haveau.
On fait ordinairement cette préparation la veille
de la grande mer de Mars, afin que la marée qui
doit couvrir la greve, le gravo s ou terroir de la
faiine puiflê y mieux opérer en s’imbibant d’autant
plus dans le fond qu’elle fale davantage , & qu’elle
unit d’autant plus qu’elle y rapporte beaucoup de
fable & de fédiment; ce qu’elle a fait aufli tour
l ’hiver qu’elle a couvert les grèves des falines toutes
les grandes mers.
Quand la greve eft ainfi préparée , 8c que les
chaleurs Font deflechée, on voit aux beaux romps
• clairs & du foleil v if, la fuperficie du fable ou
greve toute blanche de fel, pour lors on releve
cette fuperficie environ quelque,lignes d’épaifleur,
fùivant le degré de blancheur qu on y remarque ;
on releve aufli le fable par ondées ou petits filions
que les fauniers nomment havelées t éloignées les
unes des autres de fix à fept pieds au plus ; on fait
cette manoeuvre qu’on appelle haveler, avec les
haveaux dont on s’eft déjà fervi pour unir le fond
à la première préparation , il faut une perlonne
pour conduire la tête du haveau, & une autie
pour conduire & lever le haveau en mettant toujours
les ramafîees au bout des dernières ondées.
Après les havelées finies, on les coupe par
petits monceaux, que l’on appelle mêlées, éloignées
les unes des autres de fix à fept pieds; après
quoi on attele un petit tombereau qu’ils' nomment
banneau , d’une ou de deux bêtes, îe plus Ibuvent
d’un ou deux boeufs, que l ’on conduit entre les
ételées; pour lors quatre perfonnes, deux avant &
deux arrière, ramaflent ou chargent le fable des
ételées dans le banneau qu’un cinquième conduit
au gros monceau, qui eft le magafin des fauneries
ou des falines.
Près du grand monceau eft le quin, le réfervoir
ou baftin dans lequel les fauniers prennent l’eau
dont ils lavent le fable ; cette eau du quin eft
celle que la marée y rapporte joutes les grandes
mers, où elle couvre les grèves 8c remplit le
quin.
SAE
Lorfque les ételées font relevées, on repafle
de nouveau le haveau fur la greve, . comme on
l’a fait ci-devant à fa première préparation, & on
continue la même manoeuvre autant de temps que
le foleil & la chaleur en font fortir le fel ; les
heures les plus propres font depuis dix heures du
ma in jufqua deux ou trois heures apres midi; on
ne peut-être trop prompt à haveler ou relever les
ételées.
Quand les fauniers veulent faire leur eau de fel,
ils prennent au gros monceau le fable que l’on met
dans les fojfes, qui font de petits creux ronds d’environ
deux pieds 8c demi de diamettre, profonds
de 12 à 14 pouces au plus;- le fond de ces fofies
eft cimenté de glafie & de foin haché, pour que
l’eau qui coule défiés ne dévoie point, mais qu elle
tombe directement dans le tuyau qui conduit de
chaque fofie au canal du réfervoir, qui eft la tonee
de la faiine ; autour du fond il y a des petites
jentes ou douvelles de hêtre d’un pouce de haut,
qui entourent le fond de la fofie , & fur lefquelles
font placées des douves à deux chanteaux , éloignés
l’un de l ’autre au plus d’une ligne; on place
. fur les douves du glu de l’épaifieur d’environ un
pouce , fur quoi on met le fable que l’ on re-pafîe en
l'unifiant autant qu’il eft poflible.
< Quand la fofie eft ainfi préparée 8c pleine de
fable, on prend dans un tonneau enfoui à. portée
i des fofies de l ’eau que l ’on a tirée du fable pré-
. cèdent de la fécondé mouillée, c’eft-à dire, des
fables que l ’on a rechargé d’eau après que la première
propre à faire le fel en a été tirée.
On charge les fofies ordinairement deux fois pat
■ jour; la première eau, qui eft la franche faumm.e,
ou la bonne eau eft quelquefois 4 à 6 heures à paffer,
I fuivant que le fable eft bien uni & fort prefie ,
après quoi on appelle du relai la fécondé eau que
| l ’on fait pafier fur le même fable des fofies, St
i qui devient la bonne eau au faunier des premières
fofies que l ’on recharge enfuite ; l ’eau filtre a:-nfi
au travers du glu du fond des fofies, autant de
jour comme de nuit.
Il faut pour faire toutes les préparations un
temps fec& chaud; car on ne. peut travailler-aux
grèves , & ramaffer le fable fans foleil & fans chaleur.
Les fauniers font du fel toute l’année lorfqu’ils
ont provifîon de fable ; mais on n’en ramafie ordinairement
que depuis le commencement de Mai
jufqu’à la fin d’Aoûc, fuivant que la faifon eft fa-,
vorable.
On a dit que la première eau eft la vraie fau-
mure; elle coule diredement par les canaux de
chaque fofie dans le tonneau de la faiine, qui eft
placé à côté des fourneaux;' quand on fait le relai
ou la fécondé eau, on perce le tuyau pour que cette
eau ne tombe que dans le tonneau du relai voifiii
des fofies ; les pluies, comme on le peut voir ,
S A U
fon* beaucoup de tort à cette manufacture ; elles
détruiferit aufli les havelées. & ételées des grèves,
qui font ainfi entièrement perdues,,
Quand on a tiré la faumure & le relai des grèves,
qui font dans les fofies, il ne refte plus qu’une ef-
pèce de vafe que les fauniers rejettent, & que la
marée, remporte.
Pour vérifier fi la faumure eft bonne & forte, on
a une petite-balle de plomb, greffe au plus comme -
une pofte àJoup, couverte de cire, qui la rend
groffe comme une balle de moufquet ■ ; il faut qu elle j
fumage fur cette eau ou première faumure ; alors ,
on la jette dans des plombs placés fur des fourneaux ,
dans la faiine.
Les plombs ou chaudières qui font au nombre
de trois* ( & même le plus fouvent quelques fauner
ie sn’en,, ont que deux), font de forme parallélogramme,
ayant 1 fxpieds de long, fut deux pieds
de large , & le rebord 1 pouces d épaifteur, & le
tout environ. 6 lignes d’épaifieur ; ils font peu élevés
au-deffus de l’âtre du fourneau qui eft enfoncé,
& dont l’ouverture eft par-devant, Ils ont chacun
deux évens par derrière : le feu eft continuel depuis
le lundi, foleil levant, jufqu’au dimanche, foleil
levant.
Quand on commence la femaine, & que l’on a
allumé le feu au fourneau, on remplit les plombs
dfi faumure que l’on fait bouillir fans discontinuer
jufqu’à ce que le fel foit achevé, ce qui dure environ
deux heures & demie a .trots-heures au plus.
Après que toure l’eau eft évaporée, on ramafie
promptement le fel avec un rabot, & on 1 enleve
avec une petite pelle femblable7a celles aveckfquelleo
on leve le fable des havelées, & on jette le fel
dans des, corbeilles, que l’on nomme fnarvaux à
égoutter ; ces marvaux font faits en pointes comme
les formes où l’on met egoutter les fucr.es ; apres
que lé fel eft égoutté, on le trouve en p:erre-que
l ’on met dans les colombiers: les pierres font plufieurs
mois à fe former ; un plomb n en peut fait e au plus
que deux par an.
On laifîe egouttér- Je fel qu’on releve des plombs
environ 5 ou 6 heures; aptes quoi on le jette en
grenier. Une erre ou relai de fel des plombs ne
peut emplir h 11e de ces corbeilles, . chaque erre 11e
formant qu’un carre de plus de boiffeau.
Il faut relever les plombs -tous les deux jours au
moins pour les rebattre, & les repoufler, parce
que l’aâivicé du feu & la crafle qui fe forme fur les
plombs les fait enfoncer, & qu’il faut les redrefîer
8c les nettoyer pour qu’ils bouillent plus aifement.
Les fauniers appellent ce travail corroyer les plombs-,
ce qui fe fait au marteau.
Les fourneaux ne peuvent durer au plus que deux
mois, après quoi on les démollit pour les rebâtir
de nouveau, garce que les premiers fe fout engrail-
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fés des écumes du fel ; on en brife les matériaux le
plus menu qu’il eft poflible , & 011 en met la valeur
dé deux corbeilléts dans une mouquée ou relevée
de fable dans les fofies, lorfque les fauniers s’apper-
çoivent qu’elle 11’eft pas afiez force.
On brûle dans les fourneaux de petites bûches &
des fagots. Le bois de hêtre pour les bûches & de
chêne, pour les fagots font eftimés les meilleurs
bois ; dans les lieux où le bois eft rare , on fe fert
au 'même ufage de joncs marins.
Les . fauniers fe relaient les uns les autres pour
veiller fur les fourneaux, 8c entretenir toujours le
feu en état de faire bouillir également la faumure
des différens plombs ; on écume le fel quand il
commence à bouillir avec le même rabot, avec
lequel on le ramafie quand il-eft achevé.
L ’ufage ctes propriétaires de ces falines & des
fauniers qui y travaillent eft de partager ; de cette
manière : le propriétaire fournit tous les uftenfiles &
inftrumens & le fable, & les fauniers n’ont que la
feptieme partie du prix de la vente.; il fournit ou
fournifloit en argent au receveur de la gabelle la
valeur d’un boiffeau & demi de fel au prix qu’il eft
quêté ou fixé , en outre les 4 fols pour livre du prix
du boiffeau & demi; mais cet ufage eft particulier
à quelques falines.
Le fel fabriqué, comme nous venons de dire4
devoit fe confommer dans les pays des environs,
étant ailleurs défendu & de contrebande, il ne va
guère que 4 à { lieues au plus.
Il eft de mauvaife qualité, ce qui fe recbnnoît
fur-tout dans les chairs qui en font préparées, &
qui ne fe peuvent bien conferver ; c’eft pourquoi
quand on veut.faire des falaifons d’une bonne qualité
, on ne fe fert, quand on le peut, que des fels de
brouage qui font bien plus doux, au lieu que ceux-
ci. font très-âcres & très-corrofîfs.
Des inftrumens nécejfaires au fauniers, fabrica^
teurs de fe l blanc ramaffé des grèves.
Les charrues font femblables à celles de terre; les
herfes femblables. Les haveaux font compofés d’une
1 planche d’environ 4 pieds de long , de i o a n pouces
de hautpofée de champ ou cant, le bas en droite ligne
& le haut chantourné. Dans cette planche font emmanchés
deux bâtons qui forment le brancart où
on atelle la bête qui doit tirer cette machine;
Il y a encore deux autres morceaux de bois
qui fervent de poignées pour gouverner cette mar
chine.
Banneau ou tombereau, eft un tombereau dont
les côtés ou bords font fort bas ; le tombereau même
eft petit.
Les tonnes font de grofles futailles qui fpnt ch£
terrées,