
RÉGLEMENS CONCERNANT LES PAUVRES,
d ( Art & projet dé )
ï L eft bien Important pour le bonheur d’une grande
population, ainfî que pour la gloire d’un puifianc
empire, de trouver l’art ou les moyens d’arrêter
dans fa fburce les progrès défâffreiix de la pauvreté
, & de prévenir par des établiffemens patriotiques,
la honte & les ravages de ce fléau. C ’eft
dans cette vue que nous avons confîgné au rang
des arts utiles à l ’humanité le traité fuivant, qui
nous a été remis par M. de Rot ours, premier
commis de l’adminiftration générale des finances,
au departement desmonnoies : ce généreux citoyen
n’ayant communiqué que peu d’exemplaires de cet
excellent mémoire , imprimé en 1788 , fous le titre
de Notice des principaux Réglemens publiés en Angleterre
, concernant les pauvres ,• a laquelle on a
joint quelques, réjlexions qui peuvent la rendre utile
aux ajfemb!êes provinciales.
Un des principaux avantages que la génération
préfente & la poftérité recueilleront des progrès
que l’efprit- public & les lumières ont fait dans
le cours de ce fiècle, fera, fans doute, leur influence
fur l’adminiflraîion des hôpitaux, ainfî que fur l’emploi
des fonds confacrés, par la bienfaifance, au
foulagement de l ’humanité.
On commence à s’appercevoir que les fondations,
les aumônes verfées dans le fein de quelques
fainéans, quî fe revêtiffent des apparences de
la misère pour exciter notre pitiés peuvent bien
Satisfaire au précepte de la charité , mais qu’elles
ne nous acquittent pas envers la fociété ,- qui,
loin de fe trouver délivrée de ces mendians
importuns, les voit au contraire fe multiplier chaque
jour.
On eft parvenu à démontrer, par les comptes de
l ’hofpice de charité , imprimés au Louvre depuis
1780 jufqu’en 1787 , qu’avec une dépenfe beaucoup
moins confîdérable > mais mieux dirigée, il^étoit
poflible de traiter, dans nos hôpitaux, ’tiji pW'v
grand nombre de malades , & d’une manière plus |
conforme au voeu de l’humanité.
On s’ efl convaincu qu’il n*y avoit aucune proportion
entre la dépenfe qu’exigeoit la fubfîftance
d’une famille réduite à la mendicité, & les légers
facrifices au moyen defquels on l ’eût préfervée de
ce malheur, foit en alimentant fon trai /ail, foit |
en fuppléant, par quelques fecours, à la modicité J
de fes produits, ce qui efl cenflaté dans les réfultats J
des maifons philantropiques de Paris & d’Orléans ,
& d’autres maifons de bienfaifance.
On a reconnu enfin, que cette manière d^exer-
cer la bienfaifance avoit encore l’avantage de con-
ferver à l’état des fujets utiles , au lieu qu’en
n’accordant des fecours aux malheureux qu’à l ’infi-
tant où la misère les contraignoit d’aller les mendier,
on provoquoit néceffairement l ’accroiflement
de cette horde de fainéans, qui récèle, fuivant
Platon , tous les genres de vices.
L e gouvernement a ceffé de çonfîdérer l ’oifiveté
comme n’étant pas un crime; il n’a plus vu dans les
pauvres errans que des enfans de la parefle ou de la
débauche, qui avoient plus befoin d’être corrigés
que punis : il s’efl déterminé, en conféquence , à
établir des dépôts dans chaque province , afin de
les% y renfermer , 8c de les forcer à reprendre
l’habitude du travail, pour lequel la nature les
avoit fait naître.
Ces mefures ont eu d’abord 1 quelque fuccès ;
mais le plus grand nombre des individus qui en
étoient l’objet, efl parvenu à en éluder l ’effet ;
au lieu de cinquante mille mendians qui furent
renfermés dans ces dépôts en 1 7 6 7 , il ne s’y en
efl trouvé, à la vérité , quejîx ou fept mille ; mais
il s’en faut bien que la mendicité foit diminuée
dans la même proportion; les véritables pauvres,
qui font toujours timides, n’ofent plus .venir implorer
la charité publique , ils fouffrent, ils gé-
mifîent dans leurs galetas ou leurs chaumières :
ceux qui mendient, beaucoup plus par goût que par
néceflîté, fe font reproduits fous d’autres formes,
& ce font eux qui profitent des mouvemens de com-
paffion que les autres feuls auroient droit d’exciter.
Tout annonce l’infuffifànce des moyens adoptés :
le peu de bénéfice que rend le travail des pauvres
que l’on renferme dans ces maifons, démontre
jpon^etv i l efl difficile de faire d’un mendiant de
pr,pfç$ion pn hpny#ie laborieux.
Te! à été, dans tous les fiècles & dans tous les
pays, le caradère attaché à la mendicité. On en
trouve une preuve remarquable dans Je difcours
que Eurymaque tient à Ulyfle > lorfqu’il fe préfente
devant lui en habit de mendiant. « Am i,
» lui dit-il j. veux-tu entrer à mon fèrvice ? Je t’en-
» verrai à l’extrémité de mes champs rétablir mes
» haies & planter des arbres ; tu auras un falaire
» convenable ; je te fournirai tout ce qui fera né-
ceflaire pour te nourrir, te chaufferSi te vêtir :
mais non ; tu ne confentiras jamais a travailler ;
accoutumé à vivre dans le vice , tu préférés fans
doute d'aller mendier de porte en porte pour
affouvir ta faim dévorante. »
Les dépôts peuvent être utiles pour nous mettre
à l’abri des perfécutions de la génération prefente
de ces oififs errans; mais ils n’empecheront pas
qu’elle ne fe renouvelle, & ils ne rempliront ^ par
»
»» 3D
»
La mendicité eft une épidémie qui devient incurable
lorfqu’elle eft parvenue à un certain période;
i l eft cependant très-facile d’en garantir les malheureux
qui s’y trouvent expofés ; il fuffit de les
traiter avec foin désole moment ou us en reli entent
les premières atteintes ; les remèdes les plus fimples
1 __SsfëSælJîaa.w tvr/-.rlnifpnr alors les dIus
Plufîeurs des affemblées provinciale^ paroiftent
pénétrées de ees vérités, ainfi que de l’inemcacite
des remèdes dont on a fait ufage^ jufques a pre-
fent pour guérir cette maladie politique ; d autres
fe font montrées difpofées a adopter les moyens
que les Anglois emploient depuis près de deux
fiècles, parce que vraifemblablement elles n’en ont
apperçu que les avantages, façs en avoir examine
les inconvéniens.
Cette notice mettra ces affemblées à portée de
faire cet examen. Celui qui men a fourni les
premiers élémens , également diflingue par fa
naiffance' & fon patriotifme , a exigé de moi de
taire fon nom ; fa modeftie ne peut^ pas du moins
m’empêcher de déclarer que s’il refaite quelque
utilité de ce petit ouvrage , elle lui fera particulièrement
due j puifqu’en m enfaifant naître 1 idee,
il a bien voulu encore me communiquer les ren-
fèignemens qu’il a recueillis fur cette g partie de
Fadminiftration de nos voifins , & m’aider de fes
confeils & de fes lumières.
Les réglemens concernant la mendicité ^publiés
en Angleterre antérieurement au feizième fiècle , ne
contiennent que deux difpofîtions intereffàntes :
l’une défend aux pauvres valides de mendier;
l ’autre accorde aux malheureux qui fe trouvent dans
l ’impoffibilité de pourvoir, par le travail, à leur
fubfiflance,. la permiflion d’implorer la charité publique;
mais à la charge de refter dans la paroiffe
où ils font nés , & de ne pas mendier hors des
limites du canton dans rarrondifTement duquei ils
fiant domiciliés.
Un réglement publié dans la vingt-deuxième
année du règne d’Henri VIII '1^31), autorifa les
juges de paix à fe partager encre eux les différentes
provinces du roy aume , & à donner, chacun dans
le diftrid qui lui feroit échu, des permiffions de
mendier.
Peu de temps après (en 1 y 3 6) parut un nouveau
réglement qui, en invitant tous les habitans du
royaume à contribuer à la fubfiflance des pauvres
par des aumônes qui feraient verfées entre les
mains de certaines perfonnes prépofées pour les
recevoir, fit défenfes de donner aux pauvres des
fecours direds, & d’en accorder à ceux qui feroient
inconnus ou étrangers.
Il fut ordonné , en 1^47 , par un autrç réglement
publié dans la première année du règne d’Edouard
V f , que le produit de ces aumônes feroit employé
à fe procurer des maifons, dans lefquelles
on raffembleroit les pauvres pour les faire travailler.
Les pafleurs furent chargés d’exhorter leurs paroif-
fiens à accélérer, par des contributions plus abondantes
, l’établiflfement de ces maifons.
A ces mefures, les feules que la juftice & la
bienfaifance pufient avouer, on en fubflitua bientôt
après qui leur étoient abfolument oppofées : on
publia, dans la fixième année du règne de ce
même roi (en 1 5 5 1 ) , une ordonnance, portant
qu’à un certain dimanche de l’année les colledeurs
prendroient une note de ce que chacun feroit en
état de donner dans le cours de l’année fuivante
pour fubvenir aux frais de Tétâbliflement des
maifons de travail ; & que celui qui, fans avoir
égard aux preliantes invitatioiis du pafteur, refu-
ferpit de payer la fomme pour laquelle il auroit
,été employé dans cette note, feroit traduit devant
l’évêque diocéfàin, qui mettrait en ufàge tous les
moyens que fon zèle lui fuggéreroit pour le déterminer
à effeduer ce paiement.
Bientôt après, dans la fixième année du règne
d’Elifabeth (en 1563 on ordonna que, dans le
cas où l’évêque ne pourrait pas parvenir à vaincre,
par fes remontrances, la réfiflance de ce citoyen
opiniâtre, celui-ci ferait traduit devant les juges
de paix, qui pourraient le condamner à payer telle
fomme qu’ils jugeraient convenable de fixer, &
l ’envoyer en prifon s’il réfutait de fe conformer à
leur ordonnance.
Enfin , neuf ans après ( en 1571 ) , ces magiffrats
furent autorifés à impofer, lorfque les officiers des
paroiffes le requerraient, une taxe générale fur les
habitans de chacune defdités paroiffes, pour fubvenir
aux befoins des pauvres, ainfî qu’à l ’entretien
& au paiement des loyers des maifons de travail.
Les difpofîtions de ce réglement furent confirmées
par un ade de la trente-quatrième année de ce
même règne (1 On les a conftamment exécutées
depuis cette époque jufques à ce jour; il
a feulement été ordonné en 17 13, que le juge de
paix ne pourrait enjoindre à une paroiffe de pourvoir
à la fubfiflance d’un pauvre qui auroit recours à fon
autorité , que dans le cas ou ce pauvre trouverait
quelqu’un qui atteflât, par ferment, l ’urgence & la
réalité de fes befoins.