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qu’il y ait des lambeaux d’emportés, je la remplis
avec des bourdonnets garnis de fuppuratif. A me-
fiire que les chairs reviennent, je les brûle de
nouveau avec le beurre d’antimoine : j’applique
aufïi le véfîcatoire à différentes reprifes, enfin , je
ne permets à la plaie de fe cicatrifer qu’après quarante
jours révolus.
Je donne pour tout remède interne i’alkali volatil
fluor, dans une infufion de fleurs de fureau, à la
dofe, pour les adultes, de douze gouttes matin
& loir, que je diminue pour les enfans à proportion
de l ’âge. Je n'attribue à ce remède aucune
vertu pour guérir la rage, mais je l ’emploie comme
tonique & fudorifique. rlufîeurs de mes bleffés n’fen
ont point pris., & ne s’en font pas plus mal
trouvés*
Les alimens doux & de facile digeftion compo-
fènt le régime des malades ; on doit les engager
à fe difïiper & à fe réjouir.
M. Le Roux entre en fuite dans le détail de plu-
(ieurs obfervations qui lui font particulières, & qui
prouvent évidemment la sûreté de fa pratique &
la jufteffe des réflexions qu'elle lui a fuggérées. Il
faut lire dans l’ouvrage même le compte qu’il
rend de l’état de neuf perfonnes, mordues par une
louve enragée , qu’il a traitées en 1780 ,
& dont deux feulement font péries de la rage.
Je n’en citerai qu’un trait qui fait l’éloge de l ’humanité
de M. Le Roux, & de fâ follicitude pour
fes malades*
L a mort de deux des bleffés jeta tous Iss autres
élans la plus grande frayeur. L ’un d’eux devint rêveur
& trille , il fuyoit la compagnie de fes camarades
, fe réfugioit dans des lieux obfcurs & écartés,
où M. Le Roux efl allé le trouver plufîeurs fois.
On l'entendoit foupirer profondément dans la nuit;
& , lorfqu’il dormoit, il faifoit des rêves fâcheux,
ï l refufoit d’un ton brufque ce qu’on lui préfen-
to it, & ne vouloit ni boire’ ni manger : tout le
inonde le crayoit hydrophobe*
Cependant, dit M. Le Roux, quoique je n’euflè
pas fait encore mes remarques fur lés périodes de
la rage, la fîtuation de fes plaies, faites fur des
parties couvertes d’habillemens, me raffuroit : elles
ne changèrent point de couleur, pe devinrent
point douloureufes, & elles alloient toujours d’une
marche égaler à la cicatrifatiop.
Tous les fÿmptdmes qu’il éprouvoit n’étoient
produits que par la frayeur ; p’eft ce que je lui
fis remarquer , en lui parlant avec bonté ; je lui
fis en outre toutes les repréfentations dont je fus
capable, & j’allai même jufqu’à l ’embraffer le
troifième jour. Cette marque de fécurité de ma
part fut ce qui le raflura, & il fe détermina à
boire fur le'champ; cependant la fièvre s’.étoit
allumée , & continua pendant huit jours,
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Deux autres perfonnes mordues par un chien
enragé, en 17 8 1 , ont encore été traitées & guéries
par fauteur.
M. Le Roux fait enfuîte le parallèle du traitement
fait à Senlis par les commifTaires de la fociété
royale de médecine , & de celui fait à-peu-près
dans le mêmp temps à Dijon , fur les neuf fujets
dont il a été parlé.
J’avois neuf bleffés, dit—I l , j’en ai préfervé fept
de la rage, c§ qui fait plus des trois quarts. A
Senlis, il y en avoit quinze, & on n’en a cop-
fervé que les deux tiers. J’avois fix perfonnes
mordues à n u, j’en ai préfervé les deux tiers :
à Senlis, il y en avoit d ix , il en eft mort la
moitié. J’avois cinq perfonnes bleffées au vifâge,
& j’en ai fauve trois. A Senlis , il n’y en avoit
que trois mordues au vifage, & elles font mortes
toutes les trois.
On ne peut pas dire, continue M. Le Roux ,
que notre traitement ait manqué fur les deux fù-
jets qui nous font morts de la ragé ; c’eft l ’artifte
qui^ a manqué. Si j’avois brûlé à Jean Petit la
plaie qu’il avoit au grand angle de l’oeil, je Pau-
rois préfervé comme les autres : il eft évident que
j’ai commis la même faute fur Jean Arbelot ; je
n’ai pas allez dilaté fes plaies, je ne lgs ai pas
cautérifées profondément ; j’ai laifïè dans les blef-
fures de ces deux fujets le virus rabifique qui s’eft
développé dans fon temps , & qui s’eft annoncé
dans le lieu même où il étoit en réferve, par
des fymptômes non équivoques.
Pour bien entendre ce que dit ici M. L e
Roux , il faut favoir que chez c'es deux fujets morts
de la rage, les cicatrices des plaies de l’oeil du
premier & celles de la joue du fécond fe font
gonflées , font devenues douloureufes avant le
développement des accidens de la rage, tandis
que les autres cicatrices des mêmes fujets , & les
plaies même encore ouvertes , n’ont point changé ;
ce qui prouve que le virus en avoit été extirpé,
& qu’il n’étoit refté que dans la plaie de l’oeil de
Jean Petit & dans celle de la joue de Jean Arbelot.
Confirmation de l’efficacité du traitement de la rage
par la çautérifation défi plçiits.
Quoique le confeii de cautérifer les plaies faites
par des animaux enragés, fe trouve dans beaucoup
d’auteurs anciens & modernes, & ait été
même employé avec fûccès de temps en temps,
on négligeoit ce traitement, ou même on le
rejettoit pour faire ufage de remèdes dont Fadion
eft infiniment trop foible pour combattre ou détruire
un mal auffi violent. Enfin l’inutilité de ces
remedes a fait revenir, en Allemagne & en Frange
, au traitement par la cautérifatiou. Voici jmk
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obfemtîo'n d’un célèbre chirurgien > «pii èfc Con-
fifm'e l’efficacité.
Observation de M. Sabatier«
L e ï.7 Février 1784, un chien de garde d’une
«naifon devient enragé, fe jette fur le jardinier,
& le bleffe à la lèvre fupérieure. On enferme l’a-
nmïal dans le jardin où on lui defcend des alimens
par une fenêtre. On crut qu’il buvoit & mangeoit ;
d’ailleurs ilvenoit à la voix.. Un jeune homme de
vingt-deux ans, grand & robufte , entre dans le
jardin. Le chien s’élance fuir lu i, le terralfe. Le
maître arrive armé d’un couteau de chaffe, & égorge
le chien. Le jeune homme étoit couvert de blel-
fures, dont quelques-unes confîdérables. Le jardinier
étoit fans inquiétude; mais le jeune homme
en avoit. M. Sabatier eft appellé, & propofe d’élargir
celles des bleffures qui en avoient befoin ,
& de les cautérifer toutes à une fuffifante profondeur.
Ces bleffures étoient au nombre de vingt-
cinq , & les égratignures remarquables au nombre
de cinquante. L ’opération fut remife au lendemain.
Lès ouvertures faites par les dents de l’animal,
les égratignures furent toutes inc.ifées en étoile à
plus ou moins de profondeur. Les premières furent
cautérifées ayec le beurre d’antimeine 3 les fécondés
avec de groffes aiguilles rougies à la flamme d’une
bougie. Le cauftique fut porté fur tous les points
de la furface & du bord des plaies. Les efearres
ne tardèrent pas à tomber ; les plus légères furent
promptement cicatrifées , & - fucceffivement les
plaies plus confîdérables.'Le jeune homme jouit
maintenant ( l e 13 novembre .1784 ) de la meilleure
fanté.
Dans,cet intervalle , cinquante-cinq jours après
celui de l’accident, le jardinier fi tranquille fur
fon fort, ne tarda pas à éprouver des fymptônies
'effrayans , avant-coureurs de l’hydrophobie ; ‘bientôt
elle fut déclarée, & il périt.
M. Sabatier avoit permis au jeune homme, qui
le défîroit, quelques gouttes d’alkali volatil, mais
par complaifance , parce qu’il avoit reconnu l’inutilité
de ce remède dans d’autres occafîorts.
Le cauftique, le feu , ajoute i’ôbfervateur, dé-
truifent, en pareil cas, le virus , en même temps
que lé tiffu des parties qui en font imprégnées ;
alors il n’a pas le temps de déployer.fon énergie
& de l’exercer fur l ’économie animale ; car la
longueur du temps qui s’écoule avant que la rage
fe déclare, prouve qu’il eft d’abord fans adion :
en effet , ce n’eft guères qu’au bout de trente ou
quarante jours qu’on co'mmenge à éprouver des accident
H
Avis fur le traitement de la rage, par M, Portai,
Médecin.
L a rage peut-être contradée par les voies faU-
vaires ou par des morfures. Il y a , dans les deux
cas un traitement commun à adminiftrer ; mais
dans le !_dernier, il faut de plus panfer les morfures
, & c’eft par-là même qu’il faut commencer.
Ce traitement local confifte, i° . à laver les plaies
avec de l’eau tiède, chargée de fel marin ; i ° . appliquer
cinq à fix fang-fues par-deffus & tout autour
, pour tirer, par leur moyen , deux bonnes
palettes de fang , afin de dégorger la partie , &
pour donner iffue au virus de la rage. S’il n’y avoit
que quelques morfures , on 11’appüqueroit que deux
ou trois fang-fues fur chacune, & l’on évalueroit
à trois ou quatre palettes , la quantité de fang
que l ’on tirerait par ce moyen. 30. Il faudroit appliquer
fur chaque plaie une emplâtre véfîcatoire ;
011 les panferoit enfuite avec un mélange de ftyrax
& d’onguent de la mère , animé avec fix ou fept
grains de cantharides par once d’onguent ; on entretiendrait
les plaies ouvertes pendant une quarantaine
de jours. Si les chairs étoient meurtries,
il faudrait laver la plaie avec de l ’eau-de-vie
camphrée, animée avec l’efprit de fel ammoniac.
On ferait encore fur la plaie des fearifiçations ,
& on la couvrirait d’un véfîcatoire , api% avoir
laiffé bien dégorger, & on la panferoit comme
dans le cas précédent.
2,0. De quelque nature que foit la plaie faite
par un animal enragé, il faut étendre tout autour ,
par de douces fridions, un gros de pommade
mercurielle, faite avec parties égales de mercure
& de graiffe.
30. Indépendamment de cette fridion locale,
il faut faire d’autres fridions fur les autres parties
du corps avec le même onguent, & de deux gros
chacune, jufqu’à ce qu’on ait employé trois onces
d’onguent mercuriel. On commencera ces fridions-
avec le premier panfement, pour les continuer
tous les jours ; on ne les fufpendra que lorfqu’il
y aura un commencement de falivation ; on diminuera
alors la dofe des fridîons pour entretenir
un léger crachottement, & jufqu’à ce qu’on
ait employé les trais onces de pommade mercurielle.
4°. Si l’on craîgnoit que la rage eût été communiquée
par la voie de la falive , alors on ferait
les fridions de cette manière : on diftribùeroit tons
les jours trois gros de pommade, tantôt fur un
membre, tantôt fur un autre, comme dans le
traitement des maladies vénériennes : la falivation
furyenant, on fe comportera comme or» l ’a preferit
dans l ’article précédent.
j° . Le? bajçs ne doivent pas être négligés dans