
luï offrirent, à certains égards,.lui autre exemple 4 e cette vérité«
L e journalier , l ’ouvrier, le matelot j qu’une
mort prématurée enlève à une femme & à des en-
fans , qui n’avoient d’autre reffource que fes fa-
laires, les laiffè nécèfTairement dans le plus grand
des embarras; l’humanité exige qu’on vienne à
leur fecours : fi vous les envoyez à la maifon
de charité, les enfans y contracteront l ’habitude
d’un travail monotone, plus propre à étouffer qu’à
exciter l’émulation dont ils auroient été fufcepti-
bles j vous en ferez des parelfeux, qui,. pendant
toute leur v ie , feront, ainfi que leur mère , à la
charge de la fociété.
Si , au lieu de prendre ce parti, qu’une charité
froide & peu patriotique v.ous infpire, vous fuivez
les impulsions d’une bienfaifance peu éclairée,
elle i^jus conduira dans la chaumière qu’habite
cette mère défolée, pour lui offrir des confolations
& des fecours : -vous calculerez avec elle ce que
peut produire fon travail & celui de fes enfans ,
& à quelle fomme s’élève la dépenfe qu’exige leur
fubfîftance & leur entretien ; le réfiiltat de ce calcul
fera la mefure de vos bienfaits ; vous les diminuerez
fucceffivement d’année en année , en
raifon de l’augmentation des produits du travail
de fes enfans ; cette augmentation fera proportionnée
à celle de leurs forces ; & lorfque la nature
ne leur laiffèra plus rien à defîrer à cet égard, l’amour
du travail, dont ils auront Jènti la néceffité
& contradé l ’habitude, leur fera bientôt trouver
les moyens de fubvenir à leurs befoins, & de
nourrir, à leur tour, celle qui leur aura confervé
la vie : c’eft alors que leurs fuccès multiplieront
vos jouiflances , en vous permettant d’employer au
l'oulagement d’une autre famille la fomme que vous
leur aviez confacrée.
Je ne crois pas qu’il faille, à l’exemple de
Henri V I I I , fupprimer tous les hôpitaux , ils peuvent
être néceffaires dans les villes, mai§ ils me
paroiffent ablolument inutiles pour les campagnes;
non-feulement à caufe-des inconyéniens que iVIontef-
quieu leur reproche , & qui font démontrés par
l ’expérience, mais encore parce que les dépenfes
\qu’exigent leur conftru&ion & leur.entretien, les
honoraires & la nourriture des perfonnes employées
tant à la diredion qu’au fervice de ces maifons ,
abforbent une portion très-çonfîdérable de leurs
revenus, & privent ainfi les pauvres d’une partie
des fonds qui étoient deftinés à leur procurer des
fécours.
On m’a communiqué un état des revenus & dé- .
penfes de tous les hôpitaux du royauîne, & du
nombre des pauvres qui y étoient entretenus en
175z , & un compte que les adininiflrateurs de
l ’hôpital général de Rouen ont rendu. & fait imprimer
, en, i'y-77, contenant l’état de fituation de I
&ette mailbn à cette époque. On voit par la pre- ]
flaière de Ces deux pièces, que la dépenfe de tous
les hôpitaux du royaume s’élevoît, en 17 5 1 , à 5»
millions 3oy mille 431 livres, dont 471 mille
376 étoient employées en réparations de bâtimens ,
& 947 mille 315 en frais d’appointemens , gages &
nourriture des perfonnes attachées à la direction
& au fervice de ces maifons. L ’entretien & la nourriture
d’un pauvre valide ne coutoient, fuivant ce
meme état, qu’environ 89 livres par an : on auroit
donc pu nourrir & entrenir iç mille 940 pauvres
de plus avec les 14 cents r8 mille 691 livres,
qui étoient abforbées, tant par les réparations des
bâtimens j que par les appointemensgages & nour-r
ritures des prépofés.
Les honoraires & gages, ainfi que les réparations,
coutoient, en 17 77, à l’hôpital général de
Rouen, 39 mille 75^ livres : les frais de nourrie
ture & d’entretien de chaque pauvre valide ou
infirme, s’élevoient alors à n o livres 17 fols m
deniers par an'; 011 auroit conféquemment pu entretenir
& nourrir 154pauvres de plus awee les fonds
que l’on dépenfoit en réparations, appointemens, &c.
Les rapports concernant la taxe des pauvres , qui
ont été mis fous les yeux du parlement d’Angleterre
, dans les années 1777 & 1787, ne contiennent
aucun article de dépenfe qui foit relatif
aux honoraires & gages des perfonnes employées,
foità la direction, foit au fervice des maifons de
travail; le rapport de 1777 fait feulement mention
des frais de loyer de ces maifons, qui s’élevoient ,
en 1776, à 18 cents 76 mille 224 livres. MTown-
fend évalue à 180 livres la dépenfe annuelle de
chaque pauvre dans ces maifons ; ainfi on en auroit
nourri & entretenu 10 mille 42 3 de plus aveÇ
les fonds qui étoient abforbés par ces loyers.
Cette économie n’eft pas la feule qui fe préfente
dans l'hypothèfe de la fuppreflion de ces mai-
fons ; il en eft Une autre beaucoup plus importante
par fon objet & par fes réfultats.
Au lieu de recevoir ce vieillard infirme dans
votre hôpital, où l ’extrême misère de fes enfans
les force de le conduire , fi vous propofez à fon fils
defe charger de pourvoir à fa fubfiffance, au moyen1
d’un fecours de 80 ou 90 livres que vous lui ferez
compter annuellement, il n’héfitera pas d’y con-*
fentir ; cette fomme répandra dans fon ménage une '
aifance qui en fera le bonheur; vous acquerrez,
par cette mefure, la poflibilité de fubvenir aux
befoins de trois malheureux avec la meme fomme
que vous dépenfez pour en faire vivre deux dans
vos maifons de charité ; vous entretiendrez ce feu
facré de l’amour filial, que vos hôpitaux auroient
bientôt éteint, en accoutumant les enfans à s’ifbler
de leurs parens ; les parens , à leur tour, confer-
veront l’efpoir d’être fecourus dans leur vieil! efïè,
par ceux même à quiils auront donné le jour; &cet
efpoir contribuera, non-feulement à l’accroiflement
de la population, parce que, comme le dit M,
R É G
Smith', « le plus grand des encouragement pour le
» mariage, eft la valeur des enfans » ; mais il
contribuera encore aux progrès des arts & de 1111-
duftrie, parce qu’il excite les pères a procurer a
leurs enfans des talens qui les rendent egalement
miles à leurs familles & à la patrie.
Le réformateur des loix d’Athènes , ce fage qui
avoit une fi haute opinion de la piété filiale, que
l ’exiftence d’un parricide lui paroiffoit impoflible,
Solon, crut pouvoir concilier les droits de la nature
avec les intérêts de la république, en^ ordonnant
qu’un fils feroit* difpenfé de pourvoir a la fubfîftance
de fon' père, fi ce père ne lui avoit fait
apprendre aucun métier.
On comptoit 19 mille 311 pauvres valides dans
le nombre des malheureux auxquels tous les hôpitaux
du royaume fervoient d’afyle en 175.^ '■> ^es-
bénéfices de leur travail ne rendoient-que 32,1
mille y75 livres .par an ; ce qui revient a i£
livres 13 fols par tête. O11 a vu ci-devant que la
dépenfe de chacun de ces pauvres s élevoît a 89
livres ; elle excédoit conféquemment de 72 livres
7 fols le produit de leur travail.
L ’hôpital de Rouen entretënoit, en 17 7 7 , z
mille 100 pauvres, dont i l cents étoient habituellement
alités : en fuppofant que, des mille reftans,
il n’y en eût que 500 qui travaillaffènt, leur travail
ne rendoit que 17 livres 9 fols 1 denier de
bénéfice par an, attendu que le'produit net des
ouvrages & manufactures de cette maifon ne s’éle-
voit qu’à 15 mille 718 livres ; ainfi, la dépenfe d’un
pauvre validé , qui s’élevoit alors à 1 zo^ livres
17 fols 11 deniers par an, excédoit de 93 livres 8
fols 10 deniers le produit de fon travail.
S i , au lieu de recevoir dans votre hôpital 3 ou
dans votre maifon de travail, les enfans de cet ouvrier
, qui ne les y conduit quepareeque leur nourriture
Scieur entretien lui coûte cinq fols par jour ,
& qu’il n’en retire^que trois de leur travail, vous
lui propofez de le garder chez lu i , en lui promet-^
tant un fecours de deux fols par jour, jufqu’à ce
que raccroiffement de leurs forces, ou une plus
grande abondance de travail porte fa recette au
niveau de fa dépenfe, il acceptera votre prôpofî-
tion avec autant (je joie qüe de reconnoiflànce ; 1
ce fecours ne vous coûtera que 30 livres par an
pour chaque enfant^ tandis que la nourriture &
l ’entretien de chacun de ces enfans vous auroit
coûté, dans les hôpitaux , 7z livres 7 fols en 1752,
ou 93 liv. 8 .fols 10 deniers en 1777 ; leur père
veillera fur leurs moeurs , il leur infpirera le goût
du travail, il en fera des citoyens utiles à l’état j
vos maifons de charité n’en feront, au contraire ,
que des parefîèux , qui feront, pendant toute leur
v ie , à charge à la fociété.
Les comptes que rendent annuellement les maifons
philantropiques & d’autres alïbciations de bien-
RE G &
fài-fatice, de l ’emploi des fonds qu’elles Cohfacrent
au' foulagement de l ’humanité., mettent tout le
monde à portée de fe convaincre des avantages de
ce genre d’économie.
Le compte que la maifon philantropique de Paris
a publié à la fin de décembre , prouve qu’avec 44
mille 784 livres qu’elle a diftribuées , pendant le
cours de l’année 1787 3 à 4Z4 vieillards, dont Z4
nonagénaires , elle les a foutenus & empêchés d’aller
chercher un afyle dans les hôpitaux.
Le prix des loyers & des denrées étant moins
cher à Orléans , les penfions que la maifon philantropique
établie dans cette ville accorde à fes vieillards
* font moins çonfîdérables, au moyen de quoi
elle auroit foutenu ce même nombre de nonagénaires
& d’oCtogénaires avec une fomme de 31 mille
680 livres.
La nourriture & l’entretien , feulement, de ces
4Z 4 vieillards auroient coûté., en 1777 , à l ’hôpital
de Rouen 51 mille 159 livres 1 6 fols 8 deniers. Indépendamment
de tous les frais de la direction ,
du fervice & des réparations de cette maifon, &
leur dépenfe, en Angleterre, auroit abfdrbé 76
mille 320 livres des produits de la taxe*
Il eft donc démontré que les fecours adminiftrés
aux pauvres chez eux, coûtent infiniment moins
que ceux qu’ils reçoivent dans les maifons de charité
; ces fecours ont un autre avantage qu’il eft
impoflible' d’apprécier ; c’eft l’aifance qu’ils répandent
dans; l ’intérieur des ménages de chacun de
ces malheureux : le bois que vous diftribuez à ce
vieillard fert à chauffer fes enfans & fes petits en-
fans , il les difpenfe d’en acheter ; fa lumière les.
éclaire ; il partage avec eux les alimens qu’il prépare
pour fa nourriture : tous les enfans de cétte
veuve chargée de famille participent à la gratification
que vous lui accordez en faveur de celui
d’entr’eux qui excède le nombre que vous avez
fixé.
En fecourant aînfi le chef de la famille, vous
empêchez ^fbuvent que tous'les individus qui la
compofent ne' fe trouvent réduits à la mendicité :
;les hôpitaux n’ont pas le même avantage ; ils peuvent
bien foulager les malheureux que la mifère
(accable, mais ils n’ont aucun moyen de les en
garantir.
Les en garantir ! voilà lê chef-d’oeuvre de la bienfaifance
! c’eft ainfi que Dieu l ’exerce à notre égard,
& c’eft en l ’exertant ainfi que nous nous élevons
jufqu’à lui : De us chariids eft. Les philantropes, qui
répandent tant de lumières fur cette manière de fer-
vir à la fois la patrie & l’humanité , feront comptés ,
comme Vincent' de Paul, au nombre des plus célèbres
bienfaiteurs du genre humain.
Le moins dîfpendieux de tous les moyens dont la
maifon philantropique d’Orléans a fait ufage jufqu’à