
S U C C I N.
( Art de récolter & de préparer le )
fuccin ou Karabé èft une fubftance réfîneufe,
dure mais caftante, qui s’enflamme en répandant
une odeur agréable : elle eft d’un jaune plus ou
moins foncé ; il y en a d’opaque & de tranfpnrente :
on la trouve en maffes plus ou moins groftes.
Cette fubftance eft la même que celle qu’on
appelle ambre jaune.
Le fuccîn fe trouve par couchés fuivies , en plu-
fîeurs endroits de la terre, & fur-tout dans le
royaume de Prufle, furies bords de la mer Baltique.
Aux endroits où il fe rencontre on voit d’abord
à la furface de la terre une couche de fable ,
il vient enfuite une couche de glaife qui couvre
une couche de bois réfîneux , prefque entièrement
pourri & réduit en terre, mais qui a encore la
propriété de s’enflammer.
Au-deflous de ce bois fe trouve une couche de
terre alumineufe & vitriolique; enfin on rencontre
une nouvelle couche de fable, dans laquelle le
fuccîn eft répandu par maffes détachées, & en morceaux
plus ou moins gros.
M. Hellwing , qui a eu occafîon-d’obferver par
lui-même la Situation de cette fubftance dans le
fein de la terre , remarque dans fon ouvrage qui
a pour titre : Licograpkia angerburgica , que l ’on
trouve toujours du bois bitumineux , de la terre
bitumineufe noire, & du gravier, dans le voifî-.
nage du fùccin , & que l ’on y rencontre aüfli du
vitriol & du foufre 5 d’où il conclud, avec beaucoup
de raifon, que c’eft un bois foftile & bitumineux
qui doit être regardé comme la fource d’où
eft venu le fuccin , qui fe tire du fein de 'a terre ,
& que l’on nomme fuccin foffile , pour le diftin-
guer de celui qui fe tire de la mer ; cependant
cette diftindion eft mal fondée, vu que le fuccin
qui fe pêche avec des filets dans la mer, & que '
pour cette raifon l’on nomme fuccinum hauflile ,
eft précifément de la meme nature que celui qui
fe tire de la terre.
En effet, il ne fe trouve dans la mer que parce
que fes eaux pouflees par les vents ont été frapper
avec violence les côtes, ont miné le terréin, &
©nt arraché des maffes de fuccin qu’elles ont entraînées
plus loin dans la nier.
Ce qui prouve cette vérité, c’eft qu’on ne trouve
le fuccin en grande abondance dans la mer, qu a
la fuite des fortes tempêtes, & fur-tout de celles
qui ont porté les flots avec violence contre les
côtes qui contiennent des couches de cette fubftance
: ainfi c’eft une erreur de croire que le fuccin
ait été produit dans le lit de la mer, fes eaux
ne font que la détacher, & fouvent 011 en trouve
des morceaux qu’edes ont rejette fur les bords.
En 1731 , on «découvrit une mine de fuccin en
Saxe, dans le yoifinage de Pretfch.
L e terrein où l’on fit cette découverte eft aflez
uni, quoique l’on y rencontre quelques buttes ou
inégalités; il eft compofé d’un fable rougeâtre ,
mêlé de cailloux & de gallets.
Le fable rougeâtre peut avoir environ deux toï-
fes d’épaifleur , & couvre une couche de terre
noire, qui eft elle-même compofée de deux bancs ;
le premier eft un limon mêlé de fable & de parties
talqueufes ; en la portant fur la langue, on
lui trouve un goût de vitriol, & en en jettant
fur ie feu il en part une fumée épaifle , & une odeur
de bitume.
Le fécond banc eft une glaife grife, dans laquelle
on trouve des morceaux de bois & des
racines ; e lle . eft aufli vitriolique ,' mais moins
que le baai précédent. Le fuccin fe trouvoit à
la partie®Tupérîeure du banc noir , qui ren-
fermoit aufli une fubftance femblable a du^ jais,
& à qui, pour cette rai'on , on donnoit mal-a-pro-
pos le nom de fuccin noir, dont elle différé con-
fidérablement; ce banc cOntenoit aufli différentes
éfpèces de bois bitumineux. Au delfous de ces
deux bancs étoit une glaife verdâtre qui ne con-
tenoit rien de particulier.
Suivant le rapport de plufieurs auteurs, le ter-
rein qui renferme ce fuccin de Saxe a fouvent brûle,
& s’eft.embrafé, foit de lui-même, foit par différons
accidens ; on affure que pendant les grandes
chaleurs de l’été , on s’apperçoit en ce lieu d’une
odeur très-agréable.
Tout ce qui vient d’être rapporté" prouve que
le fuccin eft une vraie réfîne , qui tire fon origine
du règne végétal , & qui vient des arbres réfîneux,
qui par quelque inondation, ou quelque révolution
du globe, ont été enfevelis dans le fein de la terre ;
origine qui lui eft commune avec le charbon de
terre, le jais > & tous les bitumes.
La différence que l ’analyfe chimique fait trou- ?
ver entre le fuccin & les réfînes ordinaires , ne
paroit venir que du féjour qu’il a fait dans le fein l
de la terre, où les exhalaifons minérales fulfureufes (
& vitrioliques peuvent lui avoir donné des qualités |
que n’a point une réfîne purement végétale, &
qui n’a q>oint été enfouie en terre pendant plufieurs
fiècles.
G’eft à ces mêmes vapeurs que le fuccin paroit
être redevable de fa dureté ; car on nç peut douter
que cétte fubftance réfîneufe -n’ait été molle ou
fluide dans fon origine, comme toutes les réfînes
que nous connoiffons ; ce qui prouve cette vérité,
c’eft que les morceaux de fuccin que l’on trouve
dans le fable, font remplis de petits trous qui y
ont été formés par les grains de gravier, lorfque
cette matière étoit encore molle; ces petits trous,
ou ces inégalités ne; Te trouvent point fur les morceaux
de fuccin que l’on tire de la mer, parce
qu’ils ont été roulés, & pour ainfi dire, polis par
le mouvement des eaux.
Ce qui démontre encore plus la fluidité primitive
du fuccin, ce font les infedes, les mouches,
les araignées, &c. qui s’y trouvt nt renfermés, &
comme embaumés; nous voyolns tous les jours que
la même chofe arrive aux infedes qui s’attachent
aux arbres d’où il découle de la gomme ou de la
refîne.
Concluons dnne de tous ces faits que le fuccin
eft une véritable réfîne, qui a découlé des bois,
réfîneux & bitumineux qui fe trouvent dans la
couche qui eft au-deffus ; cette réfîne s’eft filtrée
au-travers de la couche alumineufe ou vitriolique
d’où fa partie la plus pure a paffé dans la couche
de fable, ou l’on trouve aduellement le fuccin,
qui par la fuite des temps, foit par une évaporation
lente, foit par le concours des exhalaifons de
la terre, a acquis une confîftence dure qu’il n’a-
voit pas originairement.
On demandera peut-être quel eft l’arbre qui a produit
cette réfîne ? Il y a tout lieu de croire que cet
arbre eft étranger à ce climat où l ’on trouve aujourd’hui
le fuccin. Ce fera peut-être dans les Indes
ou dans quelque pays lointain qu’il faudra chercher
une réfîne végétale analogue.
Çela ne paroîtra point abfurde ,pour peu que l’on
faffe attention que les bois & les plantes , dont on
trouve les empreintes dans les pierres feuilletées
qùi accompagnoient nos mines de charbons de terre,
font entièrement étrangères à nos climats ; c’eft
u;ic obfervation. que M. de Juffieu a faite dans les
mines de charbon de terre do S. Chaumont en
Lyonnois, où ii a trouvé le fruit de l’arbre trifte,
qin croît actuellement dans le Malabar.
D ailleurs plufieurs naturaliftes qui ne fe bornent
point à obferver les chofes fuperficiellement, ont
remarqué que les infèêtes qui font renfermés dans
le fuccin, different de ceux de nos climats, &
ont leurs analogues vivans dans des pays éloignés.
Ainfi, pour rendre raifon des événemens qui ont
enterré les arbres d’oùi eft provenu le fuccin , il
faut recourir aux révolutions générales du glo e qui
ont bouleverfé fa furface, & changé la pofition de
fes parties. Ces infedes font des mouches , des ver-
miffèaux, des papillons, des chenilles, &c.
Quelques auteurs ont été jufqu’à dire qu’il y avoit
des morceaux de fuccin où l ’on trouvoit des grenouilles,
des'vipères, des lézards , mais il paroit
confiant que c’eft lart qui les a produits; en effet,
quelques perfonnes ont eu le fecret de fondre le
fuccin fans lui Ôter fa tranfparence, qui même devient
par là plus grande,
On a encore des morceaux de fuccin qui renferment
du bois, des feuilles d’arbres, de la moufle, &c.
On fent aiféméne que plufieurs de ceS morceaux
peuvent être fadices, & que ceux qui ont le feci et
d e ‘ramollir le fuccin, peuvent aufli y introduite
tour ce qui leur plaie.
O11 prétend que Stenon & Kerckring ont eu le
fecret de réunir enfemble plufieurs petits morceaux
de fuccin pour en faire un gros. Glauber faifoit
pour cet effet difloudre le fuccin dans de l ’efprie-
de-vin , que l ’on enlève enfuite par la diftillation,
mais la fnafle qui refte eft molle. On aflure qu’en
faifant bouillir le fuccin dans de l ’huile de raves , '
il fe durcit & perd fa couleur, ce qui peut venir
de l’alkali volatil contenu dans cètte huile.
Quelques artiftès ont aufli le fecret d’introduire
dans le fuccin toutes les couleurs qui leur plai-
fent, & de contrefaire par-là les pierres précieufes.
Dans le royaume de Prufle la pêche du fuccin
appartient au roi fcul , qui l’afferme à des particuliers.
On trouve encore du fuccin dans plufieurs
autres parties de l’Europe: en 1738 on en a découvert
une couche abondante en Ukraine à peu
de diftance. de Kiow. ; il étoit, ainfi que celui de
Prufle, dans du fable. On en a trouvé en France ,
près de Soiflons, dans les fouilles qui ont été faites
pour le canal de Picardie. On en a aufli trouvé
eh Sicile , & dans quelques endroits de l’Afie mineure.
Le fuccin varie pour la couleur ; il y en a d’un
jaune de citron, d’un jauné d’o r, d’orangé, de
rouge, de blanc, de bleuârre. Quelques auteurs
font mention d’un fuccin noir ; mais il paroît qu’ils
ont voulu défîgner par-là du jais.
Le fucG'n a la propriété de devenir trèt-éleélri-
que , comme beaucoup d’autres corps réfîneux , par
le frottement, & d’a'tirer enfuite les corps légers.
Quoique les anciens ne connuffent point l’éléâricité,
ils avaient obfervé cependant cette vertu attradive