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S A V O N N I E R .
( Art du )
L e favon eft une fubftance plus gu moins fo-
lide , qui réfulte de î’epaîftîffement d’une huile ou
d’une graiffe par un fel alkali cauftique.
Il y a différentes efpèces de favon•
Celui qui fert communément pour les blanchiffa-
ges & les foulons eft fait avec des huiles , foit animales,
foit végétales, ou des .graiffès qui, étant
pénétrées par des fels alkalis cauftiques, forment
une pâte plus ou moins fetrae , ou un corps aflez
dur qui a des propriétés fîngulières ; car les huiles
& les grailles qui font immifcibles avec l’eau, s’y
unifient intimement quand elles ont été converties
en favon , fans néanmoins perdre la propriété
qu’elles avoicnt de difloudre les fubftances grattes ;
ce qui tend les Javons très-propres à dégraiffer les
laines, à blanchir le linge, & à enlever quantité de
taches.
M. Machy, dans un mémoire qu’il a lu à l’académie
des fciences en 1768, fur la caufe immédiate
de la faponification, penfe, comme tous les-Chy-
miftes, que les matières cffentielles à la formation
des favons, font un fel alkali cauftique & une fubftance
huileufe* telle <^ue les’huiles, les graifles, &c.
Mais il s’ eft propofe d’examiner quelles font les
parties conftîtuantes de ces fubftances, qui produî-
fent dans la compofîtion du favon l’effet qu’on en
atrend, & auffi ce qui établit dans l ’alkali fixe fa
plus grande caufticité.
Il commence d’abord par examiner ce qui regarde
l ’alkali cauftique ; & après avoir rapporté plufieurs
expériences qui établittent que l ’alkali fixe , combiné
par la voie sèche avec des terres abforbantes
ou métalliques , devient plus cauftique qu’il ne
l ’étoit, de forte néanmoins que le degré de caufticité
eft différent fuivant la nature de ces terres , &
la violence du feu qu’on a employé pour les unir ;
M. Machy , d’après lès expériences, ne fait aucune
difficulté de conclure que la caufticicé des fels alkalis
fixes eft due, au moins en grande partie, à la
préfence d’une terre furabondante ; d’où il fuit que
le grand effet des leffives fortes des favonniers , réfulte
du mélange de la chaux avec un fêl alkali :
il confirme cette idée en faifant remarquer que
quand, par des folutions répétées, on parvient à
décompofer les fels alkalis , ils perdent une partie
de leur caufticité , à mefure qu’on leur enlève une
portion de la terre qui leur etoit unie ; & c’eft ce
qui arrive en-effet aux leffives qu’on a confervées
fort long temps : il fe précipite un peu de terre, &
la leflive s’affoiblit.
Après avoir examiné comment la chaux augmente
la caufticité des fels alkalis qffion emploie dans les
favonnerhs, M. Machy patte à ce qui regarde les
fubftances huileufcs , qui font le fécond ingrédient
du favon ; il ne penfe pas, comme quelques Chy-
miftes , que la formation du favon foit due à l’union
de l’alkali de la leffîve des favonniers avec l ’acide
des huiles qffiils emploient , ce qui formeroit, fuivant
eux, une fa tu ration faline : il 11’adopte pas
cette-façon de penfer,. parce qu’il a remarqué qu’il
eft d’autant plus difficile d’épaiffiir .les huiles en
favon, qu’elh s font plus acides ,.mais qu’on rcri;d
ces huiles acides propres à faire du favon, foit en
les épaiffiffant par une-évaporation lente, foit en
les rendant plus muqueufes, en y dittblvant quel-»
que baume qui les épaiffiffe, tel que la térébenthine ;
& Cette addition de matière vifqueufe fe peut faire
dans l ’huile., ou en donnant au fel alkali cct état
yifqueux, & ne lui ajoutant que très-péü d’eau, ce
: qui remplit la même intention pour toutes les huiles
eflèntielles, qui ne prennent pas volontiers la con-
fiftance des favons, mais qui, comme on le voit
dans le fap0 tartareus , ont des propriétés particulières
aux favons.
Partant de cette théorie, M. Machy dît avoir fait
un vrai corps favonneux avec des fubftances qu’on
n’avoit pas (oupçonné propres à cette combinaifon ,
& dans lefquelles on ne connoît pas d’huile déve^
loppée ; telle eft l’ivoire, la corne de cerf, la gomme
adragant, la pouffièrc du lycoperdon qui', étant
triturées avec la lcffive des favonniers , puis digérées
foit. dans l ’eau, foit dans l’efprit de vin, donnent,
des diffolutions qu’ôft ne peut pas méconnoître
pour être favonneufes.
M, Machy conclud de fes expériences & de fes
obfervations dont nous ne donnons qu’une légère
idée, & que nous invitons à lire en entier dans le volume
des lavants étrangers, où elles font imprimées,
il conclud, dis-je, i° . que la caufticité néceffaire aux
leffives des favonniers a pour caufe immédiate &
palpable la terre de la chaux ; i° , que la meilleure
huile pour faire du favon, eft ce'le qui eft la plus
vifqueufe; 30. qu’on peut procurer cette vifcofité
aux huiles qui ne l’auroient pas naturellement par
l’addition de fubftances capables de fè difibudre
S A V S à V
dans l ’huile, ou en ajoutant aux fels alkalis feulement
ce qu’il faut d’eau pour en faire un corps
pâteux. -
En partant des mêmes principes , je me fuis pro-
pofé de faire du favon avec de l’huile d’olive & de
la pierre à cautere ; pour cela j’ai broyé de l’huile
d’olive avec de la pierre à cautcré un peu humedée
d’eau : je m’apperçus fur le champ que l ’huile s’é-
paiflifibit : je fus obligé d’abandonner mon expérience
pour'revenir à Paris; mais À mon retour,
je trouvai dans ma capfule un favon très-folide qui
s?étoit fait fans feu. .
Je parlerai dans la fuite de la façon de faire le
làvon fans le fecours du feu ; il luffit pour le préfênt
qü’ôn fâche que ce fel très-cauftique s’étoit allié
av£c l ’huile, & avoit fait un favon , à la vérité brun
& très-vilain, mais c’étoit du favon, & cela me
füffit.
Sans parler, ici des fubftances favonneufes qu’on
p.çut faire avec les fels alkalis & les huiles eflen-
- tiellesN, non plus que de l ’épaifliffiement des huiles
par les chaux métalliques, il y a différentes efpcces
defavon , fuivant les fubftances grattés &,vifqueufes
qu’on a employées, & auffi füivant' les différtnts
fels alkalis dont on a fait ufage.
1. Des fubjlances avec lefquelles on fait du favon, G"
particuliérement des. huiles,
On peut fa?re dû favon avec les huiles tirées par
expreffion des amandes, des noifettes, des noix ,
du rhenevis , des1 graines de lin , de colza , de
pavot, & aulfi avec des fubftances anmales , telles
que l ’huile de poiffon ; ainft que les graiffies des animaux
; mais ces favons font de qualités fort differentes
; celui qu’on fait avec les femences huileufes
dont je viens de parler, eft allez bon quand ces femences
font bien conditionnées; & quand on èxtrait
l ’huile prefque fan? feu , la plupart font liquides ou
plutôt pâteux.
Le favon qu’on fait avec l’huiîè de poiffon, blanchit
très-bien le linge, mais il lùi communique une
odeur défagréàble , qu’on peut à la vérité diffiper en
rétendant:quelques jours fur le pré, comme on le
fait pour les toiles écrues qu’on veut-blanehir j il en
eft de même quand on a mêlé dé l ’huile de poiffon
ayec celle des démences, ou avec les graiffies, dont,
comme nous l’avons dit, on peut faire du favon.
Ge favèn- qu’on fait avec les graiffes, a peu de
mauvaife odeur quand elles font fraîches ; & fi étant
vieilles égayant acquis un commencement de corruption
le favon fent mauvais , on fait perdre cette
odeur défagréable au linge en l’étendant fur le pré ,
ce qui augmente fa blancheur.
. C ’ e ft a v e c l ’h u i le d ’ o li v e p u r e q u ’ o n f a i t l e m e i l l
e u r f a v o n , f o i t c e l u i q u ’ o n n o u s a p p o r te d ’A l i c a n t e , ,
foit celui qu’on fait en Provence : il y en a de blanc
& de marbré.
L e fà v o n r b la n c e ft c om m u n ém e n t p lu s t e n d r e q u e
l e m a rb r é ; n é a n m o in s i l d e v ie n t affiez d u r lo r s q u ’ o n
l e g a r d e l o n g t em p s d an s u n l ie u f e c : o n le p r é f
è r e p o u r l e b la n c b if f ia g e d u l in g e f in .
L e fa v o n m a r b r é e f t c om m u n ém e n t p lu s , d u r 8c
p lu s â c r e q u e l e b l a n c : o n l ’ em p lo i e p o u r b l a n c h i r
l e l in g e d e m é n a g e .
_ L e s h u i le s t r è s - f in e s n e f e c o n v e r t iff ie n t p a s a u ff i
a i f ém e n t e n fa v o n q u e c e l l e s q u i fo n t g r a t t e s &•
épaiffies ; & l ’ o d e u r q u e c e s h u i le s c om m u n e « o n t 1
c o n t r a d é e , n e le s f a i t p a s r e b u t e r p a r l e s favonniers,
o n e x i g e fe u lem e n t q u ’ e l l e s fo ie n t c l a i r e s , &
c om m e l ’ o n d i t ,. lampantes ; o n m é t p o u r c e ’a l e s
l ie s d a n s d e s t o n n e s , & l ’o n n e f a i t e n c r e r d a n « l e .
fa v o n q u e c e q u i f u m a g e l a l i e , q u ’ o n c u i t q u e l q
u e fo i s à p a r t , p o u r f a i r e d u fa v o n m o u & f o r t
e om m u n .
O n - t i r e d e F l a n d r e s l e s h u i le s d e g r a in e s ; m a i s
p o u r l ’ h u i le d ’ o l i v e l e s favonniers e n a c h è t e n t d e
c om m u n e e n L a n g u e d o c & e n P r o v e n c e ; & c o m m e
i l s’ e n fa u t b e a u c o u p q u e c e s p r o v in c e s p u iffie n t e n
fo u r n i r a f le z p o u r l a c o n fom m a t io n de ro u te s l e s
fa v o n n e r ie s q u i f o n t é t a b l ie s e n F r a n c e , e n e n t i r e
d e T u n i s , d e S i c i l e , d e C a n d i e , d e l a M o r é e , d e
q u e lq u e s i f le s d e l ’A r c h i p e l , d u r o y a um e d e N a p l e s ,
d e s c ô t e s d ’E fp a g n e & d e G ê n e s , & c .
L a - p lu p a r t d e c e s h u i le s n ’é t a n t p a s p r o p r e s p o u r
l e s a l im e r t s , f o n t à m e i l l e u r m a r c fh é q u e le s fin e s ,-
& fo n t d e b o n ; f a v o n .
V o i l à à p e u -p r è s c e q u e n o u s a v io n s à d i r e fu r
l e s h u i k s ; i l f a u t m a in t e n a n t p a r le r d e s f e l s â c r e s
q u e le s favonniers E m p l o i e n t .
II. Des fels alkalis dont on fe fert pour faire le
favon.
L e s f e l s a lk a l i s q u ’ o n em p lo i e p o u r fa i r e l e fa v o n
e n p a :n , f o n t l a b a r i l l e ou. l a f o u d e , l a b o u r d e & l e s
c e n d r e s d u l e v a n t , d o n t o n a u gm e n t e l ’ à c r e t é p a r l a
c h a u x ; p o u r l e fa v o n m o u o u e n p â t e , o n em p lo i e
v o l o n t i e r s l a p o ta f fie -b la n c h e o u g r i f e , d o n t o n a u g m
e n t e l ’ a d i v i t é a v e c d e l a c h a u x v i v e . *
J ’a i r a ff iem b lé b e a u c o u p de m a t é r ia u x p o u r étas-
b l i r l e c a r a d è r e d e c e s d i f f é r e n t s f e l s , & d é c a i f ie r
c om m e n t o n l e s o b t ie n t ; m a is c om m e c e t a r t i c l e
m ’ é n g a g e r o i t d a n s d e g r a n d e s d i fe u f f io n s q u i p e u v
e n t f a i r e l e f t i je t d ’u n e d ïf f e r ta t io n . p a r t i c u l i è r e , je
m e r e f t r a i s d r a i à d o n n e r - u n e id é e d é c e s d i f f e r
e n t e s f u b f t a n c e s , q u i n é a n m o in s , fe r# fu f f r a n t e
p o u r r in t e l l i g e n e e d ë c e 'q u e j a u r a i à d i r e fu r l a
f a ç o n d e f a i r e le f a v o n .
M. Geoffroy dit dans les Mémoires de: l’Académie,
année 173p , que Ja^foude d’Alicante, la
barille, la bourde & les cendres du Levant con