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Ces trois matières ainfî étendues l’une fur l’autre,
un ferviteur verfe encore par delTus quelques caffe-
ro!es d’eau claire , pour empêcher que et s poudres
ne fe diffipent. Enfuiie avec une pelle de fer on
remue le tout enfemble, en forte que les trois matières
(oient bien mêlées.
Quand le maitre-fa.briquanr le juge à propos, on
apporte des couffins d’auffe ou des paniers, qu’on
emplit de ces fubftances alkalines, & on jatte ce
mélange dans une des bügadieres, au fond ^de laquelle
on met quelques tuileaux pour faciliter l ’e-
coulement de la leffive.
On .arrange avec foin dans la bugadic e les matières
alkalines ,& on met delTus ce qu'on nomme
un fàrion, qui eft une natejqui a je.rvi d’e.nve-j
loppe à la barille, Tout étant ainfî dif-ofe, on ver e
de l ’eau dans la bugadière pour difloudre les Tels
âcres &' former une leffive qui s’écoule dans le reci-
bidou par un des robinets qui eft en bas.
On tire de chaque bugadière, comme nous l’avons
déjà d it, trois fortes de leffive, qu’on diftingue par
première, (econde & troifième.
Il faut fe fouvenir que chaque bugadière a , au-
defTous d’e lle , deux récibidous , aut ement dit,
deux pi!es ; & chacun des robinets qui font au bas
de la bugadiè>e , répond à un de ces récibidous.
Comme on n'ouvre à Ta fois qu’un robinet , celui
qu’on ouvre le premier répand la première ltffive,
qui eft la plus forte : elle s’amafTc dans le récibidou
auquel le robinet répond.
Cette première leffive eft celle qui produit ’e plus
grand effet, étant, à caufe de fa grande âcreté, très-
propre à épaiffir l’huile ; c’eft pourquoi Le maître
la regarde comme une liqueur auffi piécieufe que
du favon, & il ia conferve avec foin.
Quand la leffive éft trop affoib'ie pour être reçue .
comme première, on ferme le robinet par lequel
elle s’écouloit , & on ouvre l’autre robinet par où
coule la fécondé leffive qui vient de la même b#ga-
«lière, & fe rend dans un autre récibidou attenant
le premier. /
Quoique cette leffive ne foit pas auffi aâive que
la première , elle fert au bcioiti à abreûver la cuire
de favon , comme nous le dirons.
La troifième & dernière leffive découle auffi de
cette bugadière dans le même récibidou où l’on a
reçu la fécondé ; mais c’eft après qu’on en a retiré
cette fécondé, pour rec-evo r la troifième ; de (orte
que quand le maître fabrquan1. juge que la première
leffive a affez perdu de fa force, il fait fermer le
robinet ou dégo-geoir qui répond au premier récibidou
deftiné à recevair la première leffive, & il
fait ouvrir le robinet qui répond à l’autre récibidou
qui eft deftiné à recevoir la fécondé leffive.
Quand la fécondé leffive eft ainfî écoulée , il
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ferme le dégorg'oir qui répond au fertond récibî-
ciou, & il attend que cette fécondé leffive foit con-
fommêe peur, par le même dégorgeoir, & de la
même bugadière, tirer la troifième leffive dans le
même récibidou où étoit la fécondé.
On conçoit qu’il eft. impo tant de favoir diftin-
guer la force des leffives, pour faire fémur à propos
les dégorgeoirs.
Comme les bugadières contiennent toujours une
même quantité de fubftances falmes, il y a ai x
récibidous des marques qui indiquent à-peu-piès
quand on a tiré une quantité convenable de chaque
leffive ; mais les matières n’étant pas toujours de la
même qualité , un fabdquant expérimenté juge de
la bonté, forcé & vertii rte la première, (econde
& troifième leffive par la couleur : celle de la première
eft à-peu-près femblable à celle d’un vin
d’Efpagne foncé en couleur 5 la couleur de la (econde
eft moins jaune , & la troifième n'en a prefque
pas.
On conçoit encore leur force en en mettant fur
la langue : mais la première leffive étant très-forte,
elle fait enfler & peler la langue : c’eft pouiquoile
;,maître-fabriquant fe fert d’un oeuf de poule frais,
1 pour juger de la force de cette leffive : il attache
! l ’oeuf..à un fil, & le jette fur la leffive; s’il flotte
delTus, elle a une force convenable ; s'il entre dans
.la leffive plus que de la moitié de' fon volume, il
ferme le robinet de la première lèffive , & ouviee
celui de la fécondé ; quand il entre prefque entièrement
dans la leffive, on ne peut obtenir que delà
troifième leffive, dent on reconnoîc la force en en
mettant fur la langue ; car la fécondé leffive doit
avoir une faveur piquante ; quand cette faveur eft
très-foible, on femie le dégorgeoir, qui répond au
fécond récibidou, & on ne l’ouvre pour lai lier couler
la troifième leffive, que quand on a vuidé toute
la (econde leffive qui eft dans le (econd récibidou.
Le fabriquant fait tirer de cette troifième leffive ,
qui eft srès-foible-, tant qu’il juge en avoir befoin
pour ache ver fa cuite ; s’il en avoit trop , il en
verferoit fur les bugadières remplies de nouvelles
matières : elle vaudroit mieux que de l’eau pure.
Ap;ès que ces leffives ont été extraites , un do-
meftique prend des fabots & entre dans la buga-
diere avec une bêche ou une pelle de fer, pour en
tirer la matière épuifee de fel< , ou, en quelque
façon, édulcorée, qu’il jette à la rue , d’où on la
fait porter enfiiite par des beftiaux aux lieux defti-
. nés à recevoir les immondices qui (ont absolument
inutiles; car quoique les terres aient été lavées,
elles confervent une telle âcr- té qu’on ne peut les
employer pour engrais; ni dans les vignes, ni fur
les prés ; elle brûle tout ce qu’elie touche par la
grande âcreté qu’elle conferve, à ce qu’on prétend,
J durant-des fiècles entiers.
Cette
S A v.
Cette âcreté des vieilîês cendres me fait penfêr
que ifî on les Gonfesvoit long-temps fous un hângard ,
comme les falpêtrie’s font leurs plâtras, & qu’en-
fu te ou les fit calciner , comme nous avons die
qu’on fait la-potaffe, on pourrait, après les avoir
pilées & mêlées avec ut. peu de chaux nouvelle ,
en-rc.tirer une aiïez bonne leffive: il refte à lavoir
(î elle indemniferoit des frais de la calcination.
Il y a des fabriquants qui repaient fur les bugadières
épuifées de f i s , les leftiv.es grades : c’eft
ainfî qu’ils nomment celles qui s’écoulent du favon
qù’011 a mis aux mifés. Il y a quelque apparence
qu’on rendrait la trofîème leffive meilleure, fi, au
lieu d’eau (impie, on y verfoit de l ’eau de chaux
ou de la leffive ufeè qu’o.n lai fie écouler par -1 epine.
Des fabriquants întdligcnis devroient faire fur cela
des épreuves; fax nous ne donnons pas ces liées
comme des chofcs cé/taines.
Il eft bon de (e reflouvenir qu’en hiver, il entre
dans la composition de la leffive J a même quantité
de chaux qu’en été; mais on y met cinq a fîx.
quintaux de cendre de moins, qu’on fupplée par
cinq à fîx quintaux de bar rille qu’ou y emploie de
plus que ce que nous avons marqué. ’
Ce n’cft pas qu’on ne put émployër les mêmes
dofes de matière toute l’année ; mais comme la
cendre eft plus,chere que la barille*- & que cette
dernière matière produit une auffi bonne lTïïve ,
tant en hiver qu’en été,, avec cette différence que
le favon eft plutôt fe e l hiver que l’ été , les fabriquants
font ordinairement la petite épargne, de
ftibfr.ituer l’hiver , de la barbie à la cendre.
Ils feraient néanmoins du (avoii plus blanc 8c de
meilleure qua'ité , fi en toutes'faifons ils employoient
de bonnes cendres , & ne faifôiènt eut ter dans leur
leffive que peu dé barille.
Il y a , il eft v rai, des barilles de fi bonne qualité
, qu’elles, opèrent le même effet que la cendre ;
mais elles font fi rares & fi difficiles à connoître,
qu’on ne doit pas efpérer de s’en procurer.
, IX . De la cuite du favon.
O11 fait, après ce que nous avons dit plus haut,
que iesTels alkaiis,rendus.âcres par la chaux, ont la
propriété de s’unir avec les huiles & les corps ^ras,
au point de faire une malle affezTolide, qU on nomme
favon.
L ’affinité entre les Tels alkaiis âcres & les corps
gras eft fi grande , que lès Tels alkaiis abandonnent
une grande partie de l’eau qui les tenoit en diffoiu-
tion pour s’unir aux corps gras„, & que cette com-
bmàiîon peut f faire a froid; nous leprouverens
dan la/utë : mas l'un ion fe fait plus aifément pax
la cuiflcjnf c’eft auffi le moyen qu’on emploie dans
les fabriquas , comme nous" allons* l'expliquer.
Arts & Métiers, Tome VII%
S A V 241
Q u a n d un fa b riq u a n t eft équ ip é d e tous les uften -
files' d o n t nous v en o n s de donn- f lé d éta il , p arti- '
eu lier ornent de ch au d ières de g ran d eu r p ro p o rtio n n
ée au tra v a il qu ’il fe propofe d e fa ire , & qu ’il eft
app rov ifîon né d ’h u ile & d e b on ne leffive , i l eft en
é ta t de faire u n e cuite.
P o u r d o n n e r u n e id é e de ce tte o p é ra tio n , je v ais
rap p o rter fom m airem en t ce qu’on fa it dans lés p e tites
fa b riq u e s, m ais il n e fa u t regard er ce que nous
èn d irons q ue com m e un p ré lim in a ire ; car n o u s
com ptons exp ofer en d éta il Ce qu ’on fa it d ns les
g ran des favo nn eries d e M arfeille.
N o u s nous propofons de p a rle r d’abo d du favon
b la n c , q ui ex ig e plus d’atten tio n q u e le m a rb ré , 8c
pou r leq u e l les fabriqu ants cho ifîflen t ce q u 'ils o n t
de p lus p a rfa it; & q u an d ils re n c o n tre n t des m a tières
d éfed ueu fes , ils les réfe rv e n t p ou r faire le
favon m arb ré.
X. Fdfon de cuire le favon dans une petite
fabrique..
S u r d eu x cen ts liv res d’h u ile on m et q u atre où
cin q féaux de la plus fo ib le leffive , com m e d é c é lle
q u i 11e p o u rro it fo u tén ir u n oe u f e n tiè rem e n t fu b -
.m ergé , a fin , d lie n t l s fa b riq u a n ts,, d e n o u rrir
l ’h u ile p eu à p e u , & de n e la pas fu rp ren d -e.
J e erbis qu ’il eft très-b ien , q u an d on a des huiles,
trè s-c o u la n te s, de les c u ire d ’a b o rj u n tem p s allez
confîdé-rable avec d e la leffive trè > fo ib le , prefque
av ec d e l ’eau p u /e , fim p lem en t pou r lés rm ttré
dans l ’é ta t dés h u iles g raffe^, q u i , com m e nous
■ l ’avons d i t , fo n t les p lus difpofées à s’u n ir avec
les fels.
Il y a à c rain d re q u an d on em p lo ie d’abord de la
leffive fo rte , d e g re n é r l’h u ile , & il fau t dè l’h ab ile
té & du tra v a il p ou r les ré d u ire en p âte u nifo rm e ^
c e p en d an t il y a dés fab riq u an ts q u i com m en cen t
p ar em p lo y er de la leffive fo rte ; p eu t e tre q ue là
différer te q u a lité des h u ilés exigen ces d ifférences
dans le u r cul (Ton.
O n fait b o u illir ce m é la n g e , 81 com m e le s .m a tières
s’élè v e n t q u an d elles, com m en cen t à s’éçhau -
f e r , il eft bon que la chau dière n e fo it p le in e qu’aux
d eux tiers : à m efure q ue le fel s 'u n it à l’h u ile , .1
s'éch app e b eaucoup d’h um id ité de la leffiv e, ce qui
form e u ne fum ée épaille ; & p o u r rép arer ce qui re
diffipe p ar ce tte évap oratio n , on jette de tem ps, en
tem p s dans la chau dière quelq ues féaux de leffive.
A u b o u t d e quelq ues h eu res d ’éb u llitio n la m a tière
fe l i e ; elle d v ie n t b lan ch e & form e com m e
u ne b o u illie trè s-liq u id e : on .fondent l’ê b u litio ti
p en d an t h u it h eu re s, ajo u tan t de t m ps en tem p s de
la leffiv e 'fo ib le ; e n fu ite , d u ran t q u atre où c 'n q
h e u re s , on m e t de la leffive p lus fo rte ,- que n-'us
avons app éllée la fécondé, dans laq u e lle l’oe u f n’en tré
qu’au x d eu x tie rs de fon vo'lùm j : le favon fe