
abondamment, & il prétend que les cobalts ne
l'ont propres à donner du bleu que lorfqu’ils
contiennent une jufte proportion de fer & d’arsenic
à la fois ; le cobalt noir du petit Zell don-
noit a la vérité tout foui une affez bonne couleur;
mais elle devenoit infiniment plus belle , lorfqu’on
faifoit calciner ce cobalt avec un autre cobalt
chargé d’arfénic.
De plus, M. de Jufti allure qu’il ne s’eft point
encore trouvé jufqu’ici de cobalt qui ne contînt
une portion d’argent ; d’où il conjecture que l’argent
pourroit contribuer* à la couleur bleue que
produit le cobalt.
Ajoutez à ces faits que l’on a donné à M. de
Montamy un morceau de cobalt noir trouvé en
Efpagne , près de la ville d’Aranda dans la vieille
Caftiile. Cette mine de cobalt calcinée ne donnoit
que peu d’indice d’arféniç , cependant M. de
Montamy n’a pas laide d’en tirer un bleu de la
plus grande beauté qu’il a1 employé dans les couleurs
pour i’émail. Ce cobalt a donné un bleu
irès-fupérieurà celui des cobalts de Saxe & des
autres pays d’Allemagne.
Dans la vie du célèbre Becher, on rapporte que
ce favant chymifte ayant pris du mécontentement
des faxons , les menaça de faire tomber leurs
manufactures de fafre, en donnant aux anglois le
fecret d’en faire avec du bronze ou de l ’alliage
métallique dont on fait les cloches, appellé en
anglois bell-métal j peut être aufli que le bell-
métal, dont Becher vouloit parler , étoit un minéral
qu’il favoit contenir du cobalt.
On peut conclure de tous les faits qui viennent
d’être rapportés que la vraie nature du cobalt
n’eft point encore parfaitement connue; que l ’on
ne connoît point toutes fes mines, & qu’il pourroit
y avoir plufîeurs manières de faire du fafre.
Quoiqu’il en foit, nous devons rapporter les
procédés qui fe pratiquent à Schneeberg en Mifnie ,
qui eft l’endroit de toute l’Europe où l’on fait la
plus grande quantité àefafre, ce qui produit un revenu
confidérable pour l’éle&eur de Saxe, & pour
ceux qui font intéjeffés dans fes manufactures.
Comme les mines de cobalt qui le trouvent en
Mifnie font accompagnées d’une très-grande quantité
de bifmuth , on eft obligé d’en- féparer ce
demi métal qui donnoit une mauvaife couleur au
fafre.
Pour cet effet on forme une aire, on y place deux
grands morceaux de bois, le long delqueis on arrange
des petits morceaux de bois minces fore proches
les uns des autres; on jette la mine par-deffus,
on allume le bois lorfqu’il fait du vent, & le
bifinuth qui eft aifé à fondre fe fépare de la mine.
Quant à la calciTiation du cobalt, elle fe fait
dans un fourneau deftiné à cet ufage ; on étend le
colbat pulvérifé grofliérement fur l’aire de ce
fourneau qui a environ fopt pieds de long & autant
de large. On ne le chauffe qu’avec de bon
bois bien £èc : la flamme roule fur le cobalt que
l’on remue de temps en temps avec un rable de
fer : par ce moyen l’arfenic s’en dégage & il eft
,»eçu dans un long tuyau ou dans une cheminée
horizontale.
On continue' cette calcination pendant quatre,
cinq, fîx & même pendant neuf heures confécutives,
fuivant que la miné eft plus ou moins chargée
d’arfénic.
Le cobalt grillé fe paffe par un tamis de fil de
laiton, & l ’on écrafe de nouveau les parties qui
n’ont point pu paffer au travers du tamis:
Cependant il faut obferver qu’il y a des mines
de cobalt qui n’oiit pas befoio d’être calcinées,
& qui ne laiffent pas de donner de trbs-boii-fafre. Le
cobalt noir dont nous avons parlé eft dans ce cas,
vu qu’il ne s’en dégage que très-peu, ou même
point du tout d’arfénic ; alors le travail eft plus
facile & moins coûteux puifque l’on épargne les
frais & le travail de la calcination.
L e cobalt ayant été calciné & pulvérifé , le
mêle avec de la potaffe bien purifiée & calcinée
dans un fourneau , pour en dégager' toutes les
ordures & les matières étrangères qui peuvent y
être jointes.
On y ajoute des cailloux ou du quartz calcinés
& pulvérifés, & paffés au tamis.
Pour pouvoir plus facilement réduire ces cailloux
en poudre , on les fait rougir & on les éteint
dans l ’eau froide à plufîeurs reprifes : ce font-la
les trois matières qui entrent dans la compofîtion
du fafre.
On prend ordinairement parties égales de cobalt,
de potaffe , & de cailloux pulvérifés ; cependant il
faut confulter la nature du cobalt, qui donne
tantôt plus, tantôt moins de couleur. C ’efl: pourquoi
il faut s’aflùrer d’abord par des effais en petit
de la.qualité du cobalt, par la couleur qu’il donne
avant que de le travailler en grand.
\ Si l ’on n’avoit point de cailloux convenables; on
pourroit faire la frite dii verre, avec du fable blanc ,
femblable à celui.dont on fe fert dan« les verreries.
Lorfqu’on a pris ces précautions, on mêle exactement
enfemble la fritte, c’eft-à-dire, la com-
pofîtmn dont on doit faire le fafre. Ce mélange
fe fait dans des* caiffes de bois, où il demeure
pour en faire ulàge au befoin.
Le fourneau dont on fe fert pour faire fondre
le mélangé, reffemble à ceux des verreries ordinaires
; il a environ fîx pieds de long fur «ois
de large & fîx de haut.
Les pots ou creufets dans lefquels on met le
mélange qui doit faire du verre bleu ou du fafre,
fe placent fur des murs qui font environ à la
moitié de la hauteur du fourneau.
L’entrée tlu fourneau par où l’on y place les
creufets, fe ferme avec une plaque de terre
cuite que l’on peut ôter à volonté; au milieu de
cfette porte eft: une petite ouverture qui fert à
recuire les effais ou échantillons de la matière
vitrifiée que l ’on a puifée dans les creufets au bout
d’une baguette de fet. Durant le travail cette
ouverture fe bouche avec de la terre gla'fe.
Sur chacun des côtés du fourneau font trois
ouvreaux qui fervent à mettre la fritte dans les
creufets, & à la puifer lorfqu’elle eft fondue.
Pendant qu’on fait fondre la matière, on bouche
ces ouvreaux à environ un pouce près, & alors
ils fervent de regîtres au fourneau , & donnent
un pafiâge libre à l’air.
Au-deffous des ouvreaux, il y a encore trois
portes ou ouvertures que l’on ne débouche que
îorlqu’il y a quelque réparation à faire aux creufots, i
ou lorîqu’on veut en remettre de nouveaux.
Au pied du fourneau eft: le cendrier , & une
autre ouverture qui fert à retirer le verre qui a
pû forrir des creufets que l ’on remet à fondre.
Les creufots font faits de bonne terre ; on les met
fécher dans tm fourneau fait exprès, qui eft à
côté du fourneau de verrerie; on place fîx creufots
à là fois dans le fourneau. Comme il faut que la
chaleur foit très-forte , on ne le chauffe qu’avec du
bois que l ’on a fa t fécher prefque au point de le
réduire en charbon , dans un fourneau qui communique
avec le premier ; lës bûches doivent être
très-minces.
Lorfque le mélange a £té expofé pendant fîx
heures à -l’adion du feu , on le remue dans les
creufets avec une baguette de fer ; on continue
à faire la même chofe de quart-d’heure en quart-
d’heure, & on laiffe le mélange expofé au feu
encore pendant fîx heures. Ainfî il faut douze heures
pour que la fufîon foit parfaite ; on n’en emploie que
huit lorfqu’on fait du fafre commun.
On reconnoîtque le fafre eft allez cuit aux mêmes
lignes que tout le, verre, c’eft-à-dirë, ori trempe
une baguette de fer dans la matière fondue ; lorsqu’elle
s’attache à la baguette, & forme des fila-
mens, c’eft un ligne que la matière eft aflèz
cuite.
Au bout de ce temps on puife la matière fondue
qui eft dajis les creufets avec une cuillère de
fe r , & ori la jette dans des cuves ou dans
baquets .pleins d’eau très-pure , afin d’étonner le
veire'êc de le rendre plus facile à s’écrafer: cette
opération eft très-importante.
Au fond des creufets dans lefjuels on a fa t la
fonte, il s’araafle du ’bifinuth, vu que ce demi
métal accompagne prefque toujours les mines
de cobalt qu’on trouve en Mifnie, & il n'a pu
en être totalement féparé par le grillage.
Au-deffus de ce bifmuth fe trouve une matière
réguline que les allemands nomment fpeijf. Cette
matière a été peu connue jufqu’à préfent.
M. Géllert, dans le temps qu’il a publié fa chimie
métallurgique, regardait le fpeijf' comme un
vrai régule de cobalt pur; il dit qu’en faifant calciner
cette matière , un quintal de cette fubftancç
fufïit pour colorer en bleu 30 ou 40 quintaux
de verre , au lieu que la mine de cohalt grillée
de la manière ordinaire, ne peut colorer en bleu
que de huit à quinze fois fon poids de verre. Mais
M. Gellert ayant fait de nouvelles expériences,
s’eft retradé fur cet article, & avec tous les'mé-
tallurgiftes faxons, il a regardé Le fpeijf comme
une combinaifon de fe r , de cuitre, & d’arieniç,
& non comme un régule de cobalt.
Voici comme on fépare ce fpeijf d’avec le bif-
muth. Lorfqu’on laiffe éteindre le feu du fourneau,
& que l’on veut facrifîer les creufets,.on les remplit
des réfidus qui ont été retirés de ces c<eu-
fets, & qui étoient au fond du verre. On les fait
fondre, alors le bifmuth , qui eft le plus péfant
tombe au fond, & le fpeijf qui e(l plus léger eft
aù-deflùs ; lorfque le tout eft réfrôidi on fépare aifé-
ment ces deux fubftances. Mais la féparation s’en fait
encore mieux lorfqu’on allume fimp em nt du feu
autour de ces maffes regulinesqui font en forme de
gâteau ; par-là le bifmuth qui fe dégage eft plus pur
& fe fond plus promptement,
Lorfque l’on fait Fextindion du fafre dans
l’eau, il tombe aufli quelques particules de fpeijf
au fond des cuves, dans lefquelles ou éteint le
fafre dont on fépare ces particules.
Après que le verre-bleu a été éteint dans l’eau,
on le retire & on le porte pour être écrafé, fous
lës pilons du boccard : au fortir du pilon on le
paiïe par un tamis de fils de laiton , & on le porte
au moulin. \
C ’eft une pierre fort dure , placée ho ifontale-
ment & entourée de douves, qui forme ainfî Ùqe
efpèce de cuve. Au milieu de cette pierre qui
fert de fond à la cuve, eft un trou garni, d’un
morceau de fer bien trempé; dans lequel eft
porté le pivot d’un eflieu de fer qui fait tourner
verticalement deux meules de pierres : ces meules
fervenr à écrafer & pulvérifer encore plus
parfaitement le verre-bleu ou le fafre qui a été
t.amifé, & qui a été étendu fur le fond de la grande
cuve & recouvert avec de l ’eau.
On broie aufli ce verre pendant fîx heures : alors
on lâche des robinets qui font aux côtés de la
cuve du moulin ; & l’eau qui eft devenue d’une
couleur bleue en paffant par ces robir.ets , découle
dans des baquets ou féaux qui font placés
, au-deffous.
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