
bas eft une fource d’eau douce fort abondante,
que l ’on force à remonter fur elle-même pour la
conduire au puifard. 11 eft fort à craindre que les
fources falées continuent à defcendre , & s’enfonçant
davantage, ne fe perdent entièrement dans
les eaux douces. Il faudroit donc chercher à parer
cet accident, qui ébranleroit la faline, & faire
de nouvelles fouilles, pour tâcher de découvrir
de nouvelles fources.
Les bâtimens de graduation ont été inventés
pour épargner la grande quantité de bois que l ’on
confommeroit en faifant entièrement évaporer par
le feu les eaux à un foible degré de falure ; car fur
100 livres d’eau, il y en aura 98 à évaporer, fi
elles ne contiennent que a livres de fel. Si au
contraire elles en renferment 16 , il n’y aura que
$4 livres d’eau à évaporer. Par conféquent dans
ce dernier cas on brûlera un feptième de bois de
moins que dans le premier* pour avoir 7 fois plus
de fel.
Ainfî, fuppofôns qu’il faille 3 pieds de bois cubes
pour évaporer un muid d’eau, on ne brûlera que
252 pieds de bois pour avoir 16 muids de l e l ,
fi on Ce fert d’une eau à 16 degtés. Si au contraire
elle n’eft qu’à 2 feulement, pour avoir la
même quantité de fe l, il faudra brûler 1353 pieds
de bois. La raifon en e(l fenfîble. Dans le premier
c a s , 100 muids d’eau contenant 16 muids de fel,- 51 n’en relie que 84 à évapoier ; mais dans le
fécond, il faut 800 muids d’eau pour en avoir 1 6
de fe l; & l’on a par conféquent 784 muids à
évaporer. Voilà donc 700 muids de plus , pour
lefquels il faut confommer n o o pieds de bois, que
l ’on eût épargnés dans la totalité en fe fer van c
d’une eau à 16 degrés.
Ce léger calcul fuffit pour démonter que fi l’on
bouilli doit des eaux à 2 , 3 & 4 degrés, la dépenfe
en beis excéderoit de beaucoup la valeur du fel
que l’on retireroit. Mais on a trouvé le moyen de
les employer avantagenfement, en les faifant pafler
par des bâtimens de graduations; ainfî nommés,
parce que les eaux s’y graduent, c’efl-à-dire, y
acquièrent de nouveaux degrés de falure, à mefure
que l ’a ir , emportant leurs parties douces , qui font
'les plus légères , les fait diminuer en volume.
Les bârimens de graduation de la faline deMont-
morot font divifés en trois ailes, ou corps féparés ,
étendus fur quatre niveaux, & placés à differentes
expofitions.
L’aile de Lons-le-Saunier, alignée de l’eft-fud-eft
à l’oueft-nord-oueft, a 147 fermes, ou 1764 pieds-
de longueur. Elle - ne reçoit uniquement que les
eaux à 2 degrés, provenant de Lons-le-Saunier.
On appelle ferme une étendue de 12 pieds rènfermée
entre deux pilliers.
L ’ a i le d u p u i t s C o r n o z , a l i g n é e d u fu d a u n o r d ,
contient 78 fermes, ou 513 6 pieds. Elle reçoit les eaux
des deux puits Cornoz & de l ’étang du Saloir.
L ’aile de Montmorot, alignée du fud-fud-oueft
au nord-nord-eft, a fur deux diffé ens niveaux 162
fermes ou 1544 pieds : plus balle que les deux
autres ailes, elle reçoit leurs eaux, déjà graduées
en partie, & achève de leur faire acquérir le
dernier degré de falure qu’elles doivent avoir,
pour être de-là renvoyées aux baifl'oirs ou bafTms
conftruits près des poêles.
Ces trois , ailes ont enfemble 1544 pieds de
longueur, fur la hauteur commune de 25 pieds,
& communiquent l ’une à l’autre par des canaux
de bois qui conduifent les eaux à- proportion des
befoins & de la graduation plus ou moins favorable.
Dans toute la longueur de chaque bâtiment règne
un bafïin ou réfervoir conftruit en madriers de fapin
joints & ferrés avec foin , pour recevoir & îetenir
les eaux falées. Il eft pofé horifontalement fur des
piliers de pierre , & a 24 pieds de largeur dans
oeuvre fur 1 pied fîx pouces de profondeur : les
trois contiennent enfemble 17688 muids d’eau.
Au-deflus &d_ans le milieu des baffins font élevées
deux malfes parallèles d’épines , diftantes de
trois pieds l'une de l’autre ; elles ont chacune 4
pieds 9 pouces de largeur dans le bas, & 3 p:eds
3 pouces dans le hauc, & forment une ligne de
22 pieds & demi de hauteur fui* la même longueur
que les baffins.
L’on a placé au fbmmet de chaque colonne
d’épines, des cheneaux de 10 pouces de profondeur
, fur un pied de largeur. Ils font percés des
deux cotés de 3 en 3 pieds, & diftribuent par
des robinets les eaux qui coulent dans d’autres
petits cheneaux, creufés de 6 lignes, longs de 3
pieds, fur 2 à 3 pouces de large, & crénelés
par les^ bords.- C'eft par ces p:tites entailles que
ceux-ci partagent les eaux qu’ils reçoivent, & les
étendent gouLe à goutte fur toutes les furfaces
d’épir.es, dont les pointes les fubdivifent encore
& les atténuent à l’infini.
Au milieu de ces deux rangs de cheneaux, & fur
le vuide qui f. trouve entre les deux martes d’épines,
eft un plancher pour faire le fervice des graduations,
ouvrir & fermer les robinets-, fuivant le vent p us ou
moins fore, & le côté d’où jl vient. Tout l’édifice
eft furmonté d’un couvert , pour empêcher les
eaux pluviales de fe mêler avec les falées.
Cinq roues de 28 pieds de diamètre , que fait
mouvoir fuccefïivement la pecire rivière de Valière,
portent à- leur axe des manivelles de fonte qui,
en tournant, tirent & poulî'ent des balanciers,
dont le mouvement prolongé jufque dans les bâtimens,
y fa:t jouer 40 pompes. Elles font dreffées
dans les bafîins, d’où elles élèvent les eaux falées
dans les cheneaux graduans, & leur en fournilTent
à proportion de ce qu’ils en diflribueht fur les
épines.
L’art de-graduer confiftè donc attendre les fur-
faces des eaux, & à les expôfer à l’air, ponr les faire
tomber en pluie à travers une longue marte d’épines.
Par-là les parties lès plus légères,, qui font les
douces, fe volatilif nt & fe diffipent, tandis que
les autres, plus pefantes par le fel quelles con-
tiennent, fe précipitent dans le badin, d’ou elfes
font remontées pour être de nouveau expofées à
l ’air, jnfqu’à ce qu’elles aient acquis le d'gté^de
falure que Pon fe propofe. Celui auquel on les
bouillit communément à Montmorot , eft de n à
13; lorfqu’on leur en fait acquérir davantage,
elles 11’onc pas le temps de fe dégager entièrement
des parties étrangères, grades & terreufes, qui
doivent tomber au fond de la poêle avant que le
fel fe déclare.
Il entre ordinairement par jour aux bâtimens de
graduation 1200 muids d’eau , & il s’en évaporé
5>oo, ce qui feroit par 100 pieds de bâtiment', une
évaporation d’environ 18 muids d’eau : on a tire
ce jour commun fur l’année entière de 175?,.
Il faut obferver qu’il y a des temps, tels que ceux
des fortes gelées , où. l ’on ne gradue point du tout,
parce que l’eau fe gelant dans Tes pompes & fur les
épines, fero't brifer toute la machine. Mais la vio^-
lence même du froid qui empêche l’évaporation des
eaux, y fuppléeen les graduant par congélation. On
perd alors en entier les eaux foibles du puits de
Lons-le-Saunier, & l’on remplit les baffins avec
celles des puits Cornox. & de L'étang du Saloir, qui
font à 6 & à 9 degrés.
Il n’y a que le flegme, ou les parties douces
qu’ elles contiennent qui fe gèlent. Quand elles le
font', on cafte la glace , & l’on renvoie aux baifoirs ,
ou réfyvoirs établis près des poêles, l ’eaufalée, qui
dans les grands froids acquiert ainfî par la feule congélation
jufqu’à 4 & 5; degrés de plus. Mais le
degré n’eft pas égal dans tous les baffins ; il eft
toujours relatif à la quantité des parties douces
contenues1 dans l’eau, & qui font les feules fuf-
eeptibles de gelée : en forte que l’on acquiert quelquefois.
du degré fur les eaux foiblement falées,
tandis qu’011 n’en acquiert point de fenfibie fur
celles qui le font beaucoup.
Les temps les plus favorables pour la graduation,
font les temps fecs avec un air modéré. Les grands
vents perdent beaucoup d’eau, ils la jettent hors
des bâtimens, & emportrnt à la fois les parties
falées & les douces. Lorfque l’air eft trè.-humide,
& pendant les brouillards forr épais , l’eau, loin
d’acquérir de nouveaux degrés , perd quelquefois
un peu de ceux qu’elle avo t déjà. Elle fe gradue ,
mais foiblement, par les temps prefque calmes.
L ’ a i r , c om m e u n c o r p s f p o n g i e u x , p a r ta n t fu s
les furfaces de l’eau, s’imbibe & fe charge de leurs
parties les plus légères. A'uffi les grandes chaleurs
né produifent-el!es pas la graduation la plus avanta-
geule, parce que l’air fe trouvant alors condenfé par
les exhalaisons de la terre, perd de fa porofîté, &
conféquemment de~fon effet.
Nous penfons qii’il y auroit un moyen de ti er
encore un plus grand avantage des différentes
températures de l’air, dont dépend abfolument la
graduation. Il faudroit conftruire un bâtiment à trois
rangs parallèles d’épines, où les vents les p'us
violens gradueroient toutes les eaux, fans les perdre#
S’ils emportoient celles de la première & de la fécondé
ligne, ils les laifferoient tomber à la troi-
fième, qui achevant de rompre leur impétuofîté déjà
affaiblie, ne leur laifleroit plus jetter au-dehors que
les parties de l ’eau les plus légères.
Un fécond bâtiment à deux rangs d’épines, fer-
viroit pour les temps où l ’air eft médiocrement agité#
Enfin il y en auroit un troifîème à un feul rang ,
& c’eft fur celui-ci que l’on gradueroit les eaux,
lorfque l’air prefque tranqu l i e , ne pouvant agir
qu’à travers une feule maffe d’épines, perdroit
ent èrement fa force s’il en rencont oit une fécondé,
& y laifleroit retomber les parties douces qu’il auioit
emportées'de la première.
Les eaux en coulant fur les épines, y laiflent une
matière terreufe, fans falure & fans goût, qui s’y
durcit tellement au bout de 7 à 8 ans, que l ’air
11’y pouvant plus paffer; on eft: obligé de les re-
nouveller. Les épines de leur côté rendent l ’eait
graiffeufe , & lui donnent une couleur rouffe. C’eft
pour cette raifon que dans les Jalines où il y a des
bâtimenè de graduation, le fel n’eft jamas fi blanç
que lorfqu’on bouillit les eaux telles qu’elles fortent
de leurs foui ces.-
Les eaux graduées au degré qu’on Ce propofe,
ou auquel l’on peut les amener , font conduites par
des tuyaux de fapin, dans deux réfervoirs placés
derrière les berne«, & de là font diftribuées aux
poêles qui y répondent. Ces baffins que l ’on nomme
bfùfoirs, forment un quarré long de 44 pieds , fur
1© de large & 5 de profondeur 5 ils contiennent
chacun 262 muids d’eau.
Il y a fix poêles à Montmorot, donc chacune
forme auffi un quarré long de 26 pieds, fur 22 de
largeur & 18 pouces de profondeur , & contient
environ 100 muids d’eau. C ’eft dans les angles oii
l’eau ne bouillit jamüs , que le fchelot s’amafle
en plus grande quantité. La première poêle eft la
feule qui ait derrière elle un poêlon : encore le
fel que l’on y forme eft-il fi brun, & fi chargé
de parties étrangères, que l’on eft ordinairement
obligé de le refondre.
La cuite ne Ce divife dans cette faline, qu’en
deux opérations ; le falinage & le foccage%