
D e l? , on porte cette eau dans des cuves où
èlle féjouriie pendant quelques heures : par ce
moyen la couleur dont elle étoit chargée , fe dépofe
peu-à-peu au fond des cuves.
On puife l’eau qui fumage , on la verfe dans
des auges qui la conduifent à un réfer voir ou'elle
achevé de fe dégager de la partie colorante dont
elle eft encore chargée.
L’eau qui fumage dans ce premier réfervoir,
retombe dans un fécond, & de là dans un troifième,
èù elle a le temps de devenir parfaitement claire,
8c la couleur de fe dépofer entièrement.
On met la couleur qui s’ eft dépofée , dans des
baquets où on la lave avec de nouvelle eau pour
en l'éparer les faletés qu’elle peut avoir contractées.
Cela fe fait en la remuant avec une fpatule
de bois. On réitère ce lavage à plufîeurs repri-
fes; âpres quoi on puife cette eau agitée, on la
paflè par un tamis de crin fort ferré ; & cette eau
qui a ainfî palfé, féjourne pendant quelque heures
dans un nouveau vai fléau.
Au bout de ce temps , on décante l ’eau claire,
& on a du fifre qui fera «tune grande finelfe &
.d’une belle couleur.
On étend également cette couleur fur des tables
garnies de rebords : on la fait fécher dans des
étuves bien échauffées. Lorfque la couleur eft bien
feche, on la met dans une grande caiffe garnie
de toile, & on la fafTe au travers d’un tamis de
crin fort ferré.
L’ouvrier qui fait ce travail ; eft obligé de ie
bander la bouche avec un linge, pour ne point
avaler la poudre fine qui voltige.
On met ainfî plufîeurs. quintaux' de fafre dans
la cafte, on l’hume&e avec de l'eau, on le pétrit
avec les mains pour le mouiller également 5 on
\e pefe : alors un infpeéleur examine fi la nuance
de la couleur eft telle qu’elle doit être. Lorf-
qu’elle eft ou plus claire, ou plus foncée qu’il ne
faut, il y remédie en mêlant enfèmble differents
fifres\ & pat-là il donne la nuance requife.
Après que cette couleur a été pefée, on l’en-
lafîe fortement dans les barils , fur lefquels on
imprime ayec un fer chaud une marque qûi indique
la qualité du fafre qui y eft contenue.
Les Saxons nomment efchel, la couleur la plus
fine & la plus belle, fuivant fes différents degrés
de fineffe & de beautév on la défigne par diffé--
rentes marques. H E F défigne la plus parfaite.
E F E eft d une qualité au-defious. F E eft encore
inférieure. ME fignifie efchel médiocre.
O E efchel, ou couleur Ordinaire. O C marque
une couleur claire ordinaire. O H annonce un
bleu^vif. M C claire moyen. F C cocfteûr fine.
F F C une couleur très fine.
Les barils ainfî prépa- éis fe'vendent en rai Ton de
la beauté & de la finefTe de la couleur ; & fe tranfportent
dans toutes les parties de l’Europe. On aflurfc
même que les chinois en tirent une grande, quan*
tîté.
Telle elle la manière dont on fait le fafée en
Mifnie, où il y en a quatre manufactures qui font
une fource de richefTe pour le pays.
Les Saxons oht fait long-temps un très-grand
myftère de ce travail. Le célèbre Kunckel efl
le premier qui en ait donné une defeription dans fes
notes fur l’art de la verrerie d’Antoine Néri. D puis,
M. Zimmermann en a donné un détail très-cîr-
' conftancié dans un ouvrage allemand, qu’il a intitulé
académie minéralogique de Saxe. Son mémoire
a été traduit en françois, & fe trouve à la fuite
de Y art de la •verrerie de Néri & de Kunckel, publié
à Paris en 1752.
Cependant il eft certain que les Saxons ont
toujours fait des efforts pour cacher leur procédé ,
A jamais ils n’ont communiqué au public les or-
donnmees & les réglemens de leurs manufadures
de fafre qui font de l ’année 1617 , non plus que
les divers changemens qu’on y a faits depuis ce
temps.
Quoi qu’il ea foit on fait du fafre en Bohême,
dans le duché de Wirtemberg, à Sainte-Marie-
aux-Mines en Lorraine, &c. Il eft vrai qu’oa
donne la préférence .à celui des Saxons : il y a
lieu de croire que cela vient de leur grande expérience
, de la bonté du cobalt qu’ils emploient,
& du choix des matières dont ils font le verre.
Comme le cobalt eft une fubftance minérale qui
fe trouve très-abondamment prefque par tout où
il y a des mines, il eft à préfumer qu’on réuffira
auffi bien que les Saxons, en apportant à ce travail
la même attention qu’eux.
i° . Il faut bien choifîr les cailloux dont on fera
la fritte du verre. Souvent des cailloux qui paraîtront
parfaitement blancs & purs , contiennent des
parties ferrug neufes que l’adion du feu développe :
alors ces cailloux rougiront ou jauniront par la
calcination & ils pourront nuire à la beauté de
la couleur du fifre.
D’un autre côté il y a des cailloux qui, quoique
naturellement colorés, perdent cette couleur
dans le feu : ceux-là pourront être employés avec
fuccès.
On voit par-là qu’il faut s’aflurer par des expérien*'
ces, de la qualité des cailloux qu’on emplpycra.
'A u défaut de cailloux, on pourra fe fervir d’u»
fable bien blanc & bien pur.
x9. Il faut que la potafîe , la foudë, ou le feL
alkali fixe que l ’on mêlera dans la fritte du
verre, foit auffi parfaitement pure.
30. Il ne faut point négliger l’eiu dans laquelle
on éteint le verre bleu au fortir du fourneau,
afin de pouvoir le pulvérifer plus aifément. Si
cette eau étoit impure. & mêlée de quelques parties
étrangères , elle pourroit nuire à la beauté du fafre.
En général ce travail exige beaucoup de netteté &
de précaution.
SAGOU e x SALEP o u SALOP.
( Art de préparer ces plantes. )
L * fag°a unc feuî!le defRch- ' ’ OU une pâte
végétale, moëlleufe, alimentaire, faite en petits
crains qu’on nous apporte des îles Moluques y des
fies Célèbes 8c de Java. Elle fe tire d’une efpece
fingulièbe de palmier, oufagoUtier, qui eft le landan
des Moluques.
On dirtingue pUifieurs fortes de fagoutiers ou
pa’mi-rs 3. Jagou qui croifTent dans les lieux marécageux.
Le fagou fe prépare avec la moelle farineufe du
tronc de l ’arbre. Cetté moelle eft plus ou moins ■
tran'parente-, blanche, fongueufe, fuivant lage du
palmier .à fagou. Elle fe conferve très-long-temps.
Les animaux vont fouvent endommager 1 e.p°rcf de
ces palmiers épineux pour en tirer la moelle dont
ils font très-friands.
Lorfque les feuilles de ces palmiers fagou feres fe
couvrent d’une poudre blanchâtre, & que plufîeurs
épines tant du fommet que des feuilLs commencent
à tomber , alors on peut retirer abondamment
la moelle.
Pour cette opération l’on abat le palmier landan
; ect arbre eft quelquefois fi gros, qu’un homme
peut à peine l’embrafler. Cependant oiv le coupe
fore aifément, parce qu’il 11’eft compofé que d’e-
corce & de moelle. On le partage en plufieurs
tronçons ou morceaux de fe;t pieds de longueur,
& on le fend par quartiers à l’aide d’un inftru-
ment rond appelle nany & qui eft fait de ro- jj
feau de bambou.
On arrache la moelle : on la dépouille de fes
enveloppes; on l’écrafe & ,on la met dans un trou
©u moule fait d’écorce d’arbre que l’on appelle
coercerongy & dont l'orifice eft plus large d’un bout
que de l’autre.
On Taflujettit fur un tamis de crin, on agire
fortement la pâte qui eft dans le moule avec de
l’eau, jufqu’à ce que cette eau'foit devenue lai-
teufe; enfin on la reti e , & on fait paffer cette
bouillie ainfî préparée & délayée au travers des
trous du tamis.
On jette aux pourceaux les filandres qui relient
fur la toüe : c’eft ce qu’on appe lé ella. On met
la colature dans un pot, afin que la farine s y
dépofe ; on décante l’eau, foit en inclinant le vafe,
foit au moyen d’un trou qu’on a ménagé exprès
fur les côtés.
On retire cette fécule très-blancbe, très-fine,
& on la fait delfécher par portions dans de petites
corbeilles couvertes de feuillages. Cette pâte fe
nomme alors fagumenta ; mais afin qu’elle fe conferve
dans les voyages de long cours fur mer
& fur terre , on eft obligé de la paffer & mouler
avec des platines perforées faites de terre cuite,
& appellées dans le paps battu papondi, enfuite
on les defsèche dans le feu.
La pâte eft alors en petits grains. Par le moyen
du feu elle s’eft un peu gonflée, & a pris extérieurement
une petite couleur rouffe. Telle eft la
manière de préparer le fagou en grains.
Dans toutes les ifles Moluques, aux Manilles
! aux Philippines, &c. on en forme auffi
avec la pâte molle, des pains mollets de demi
pied en quarré, & d’un doigt d’épaiffeur. Oik fait
cuire le pain de fagou y fur des platanes où fur des
pierres comme l’on fait le pain de caffave. On
en attache en forme de chapelets, dix ou vingt
enfemble, & on les vend ainfî par les rues des
villes & fauxbourgs d’Amboine«,
Les habitans de cette contrée font une efpèce
de poudingue affez agréable pour les convalefcens,
avec cette pâte encore molle , mélangée de jus
de poiffon & de fuc de limon, & de quelques
aromates.
Ils cint auffi l’art de réduire cetté pâte en grains,
& c’eft la véritable préparation du fagou médicinal
qu’ils devroient vendre aux Européens : mais les
Hollandais qui trafiquent particuliérement dans
cette contrée, ne nous apportent guère que celui
qui n’ eft point aromatisé, parce qji’ii leur, coûte
moins : ils l’acbetent fous le nom de pappeda ou
de Zuppia.
Ces grain s prennent dans leurs mai ns, le nom de vrai
fagou. 11 y en a dont la groffeur eftfemblable à des
grains de coriandre, & d’autres à ceux de millet. Ils
font d’une couleur fauve à l’extérieur, blanchâtres
en dedans, fans odeur, mais d’upe faveur d’orge,
fort durs, tenaces, fe réduifant difficilement
en poudre, fe corrompant dans un lieu humide,
mais fe confervant plufieurs aimées dans un endroit
fec.