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Gu 'rifott de plujiews animaux mordus par des chiens
itifeSèés de la rage y extrait (tune lettre deM. Cha-
• ben aux Auteurs du Journal de Paris.
L ’infidélité^ malheureufement trop reconnue ,
de toù's lés fpécifiqiies employés jufqu’à ce jour
contre la rage, me fait un devoir de publier les
fuccès qu’a eus dans le traitement de cette maladie
le fleur Doufiot, élève de l’école vétérinaire de
Paris, & la méthode qui les lui a obtenus. Je me
bornerai à l’expofîtion fîmple des faitsi
Dans le courant de juillet dernier ( 1 7 8 1 ) ,
rintend nt de Paris fut inforrné par fon fubdélégué
à Courtenay, que plufîeurs vaches de fa fub-
dclégation avoient été mordues par des chiens
enrages : il me chargea d’envoyer un élève à leur
fecours. Je fis choix du fîèur Doufiot, dont je con-
noifibis l’intelligence & les talens.
La première vache qu’il traita appartenoit ail fyn-
diç de S. Loùp Dordon ; elle avoit été mordue en
plufîeurs endroits à la jambe gauche de derrière :
quarante-trois jours s’étoient déjà écoulés depuis
cette époque; lès plaies étoient cicatrifées ; mais
un flux extrêmement abondant de falive, fur-
venu depuis quelques jours, allarmoit, & avec
raifon, le propriétaire. L ’élève ouvre toutes les
plaies , il les cautérife , & les couvre d’onguent
mercuriel ; il pafie un feton au fanon., il donne le
matin en breuvage trois gros d’alkali volatil concret
dans une pinte d’infufîon d’anagallis : des fîgnes non
équivoques lui ayant fait foupçonner i’exiftence de
vers dans la première voie, il donne à midi une
pinte d’infufîon de farriette, avec addition de deux
gros d’huile empyreumatique. Il fait prendre le foir
une pinte d’infufîon d’anagallis pure.
Ce traitement fut continué quinze jours de
fuite , pendant lefquels les plaies furent fridion-
nées tous les matins avec l’onguent mercuriel, &
le 'feton onâiônnrié avec partie égale d’onguent
bafîlicum & d’onguent mercuriel.
Pendant tout le traitement, on ne donna à
î ’animal que la moitié de la ration ordinaire de
fourrages, 6n les choifît feulement plus fubfîantiels
& de meilleure qualité: l ’élève crut devoir prof-
crire la pâture, parce que, outre les inconvé-
niens qui âuroient pu- réfulter du développement
de la rage dans un animal de cette force abandonné
, la nourriture verte contient une quantité
de parties aqueùfes, capables d’annuler les effets
des médicamens.
Au bout de quelques'jours de traitement, le
fleur Doufiot eut la.fatisfadion de voir le flux de
falive s’arrêter, & tous les fymptômes inquiétans
s’évanouir & difparoîfre absolument ; & ce ne fut
que pour plus g--ande sûreté qu’il crut devoir prolonger
fon traitement.
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Onze autres vaches de la paroifle de Courtenay»
avoient été mordues par un chien, qui l’avsit été
lui-même par celui qui avoit lacéré la jambe de
la vache qui fait le fujet de l’obfervation précédente.
L ’une de ces vaches, appartenante au nommé
Couturier, avoit été mordue en quatre endroits à
la jambe gauche! de derrière,. à la face externe
du tibia. Quatre autres appartenoient à Etienne
Renaud : l ’une avoit deux morfures fur le tendon,
près du jarret ; l ’autre avoit quatre morfures à la
cuifiegauche ; la troifîème avoit été mordue à Lavant*
bras gauche ; la quatrième ne portoit aucune
bleflùre, mais elle s’étoit trouvée avec les autres,
lorfqu’elles avoient été mordues, & il étoit à
préfumer que le chien s’étoit aufli précipité fut
elle.
Cinq autres appartenoient à Antoine Copin »
deux avoient été mordues à la jambe gauche ;
les trois autres ne portoient aucune morfure fen-
fîble.
La onzième appartenoit à Nicolas Cheneday;
elle avoit été mordue à la partie fupérieure du
genou droit.
Toutes ces vaches furent fôumifes au même
traitement que la première, à l’exception de celles
qui ne préfentèrent aucune morfure , qui ne prirent
l’alkali qu’à demi-dofe ; mais on leur j>afla un
féton, & on les. mit également à l ’ufâge de l ’huile
empyreumatique, étendue ’dans l’infufîon de fa’fc-
riette, pour les raifbns que nous avons indiquées,
raifons dont l ’émiflïon par l’anus d’un grand nombre
dé vers, démontrera la folidité.
Pendant que le fleur Doufiot fuivoit ce traitement,
des chiens, qui avoient été mordus par
ceux qui avoient b!elfe les vaches, & qui ayoîent
été négligés2, eurent des accès d’hydrophobie, &
merdirent deux vaches & trois cochons.
L ’une de ces vaches avoifc été mordue à la
partie inférieure de fa cuifie droite ; les plaies ,
au nombre de cinq, étoient très-profondes ; l’autre
avoit trois morfures à la partie inférieure du tibia,
& trois autres à la partie lupérieure de la cuifie
gauche. Ces deux vaches furent traitées comme les
premières.
Les trois cochons furent fournis au même traitement;
l’un d’eux avoit été mordu au bout du
nez ; les deux autres avoient feulement été ter-
raffés & foulés par le chien..
Plus de deux mois fe font écoulés dépuis que
ces animaux ont été traités ; aucun n’a donné le
moindre fymptome inquiétant, & il ne me paroît
pas poflïble de douter qu’ils n’ayent été bien
préfervés.
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Méthode de traiter la rage, par M, le Roux, habile
chirurgien y extrait du Journal de Médecine,
feptembre 1784,
La difiertation de M. le Roux a remporté le
premier prix de la Société Royale de Médecine
de Paris, le 11 mars 1.783 , & elle a été réimprimée
par les ordres des états de la province de
Bourgogne, pour être répandue dans les campagnes.
M. Thomafîin, chirurgien-major de l’hôpital militaire
de Neuf-Brifack, a donné un e'xtrait de
cette difiertation, dont voici la fécondé partie,
dans laquelle les vues de pratique de M. le Roux
font expofées de manière qu’on pourra facilement
les fuivre à l’égard de ceux qui auroient le malheur
d’être mordus par un animal enragé.
M. Le Roux conftamment attaché à fa théorie
déduite de l ’obfervation, & bien convaincu de fa
folidité, met tout fon efpoir dans le traitement
lo ca l, & il n’emploie de remèdes internes que
comme des accefloires , defquels cependant il ne
femble pas faire grand cas. Sa méthode curative
forme la troifîème partie de Ion Mémoire.
Il met la rage lpontanéè au rang des maux
incurables, & qui éludent toptes les refiources
de l’art. La caufe, quoique locale, n’eft pas ac-
ceflible aux moyens qui pourroient la détruire,
parce qu’elle a fon fîége intérieurement, & que
d’ailleurs on ne connoît le mal que quand il n’y
a plus de reffburce.
L a doârîne de M. le Roux eft lumineufe &
Confolante. Quant au traitement de la rage de
caufe externe, il eft fî bien conçu & fî bien motivé,
qu’en le faîfànt connoître, il peut prévenir bien
des malheurs.
Dès qu’un homme aura été mordu par un animal
enragé, il faudra examiner attentivement fes
bleïïures, s’aflurer même, par la fonde, de leur
profondeur, qui Va prefque toujours au-delà des
apparences : il faut enfuite les dilater avec le
bifto.uri, dans toute leur circonférence & en forme
d’étoile, afin que l’entrée foit plus large que le
fond.
C ’eft ici l’opération la plus efientielle, celle
qu’il faut faire avec le plus de foin : il vaut mieux
porteries incifîons un peu plus profondément qu’il
ne faudroit, en évitant toutefois les tendons , les
gros vaifleaux, les principaux nerfs , que de courir
les rifques de les faire trop fuperficielles ; il faut
pourfuivre le virus jufques dans fes derniers re-
tranchemens : s’il refie caché dans un feul endroit,
on n’a rien fait, & la rage fe développe.
Les incifîons étant pratiquées de la manière &
avec les attentions preferites , on laiflèfaigner la
plaie, on la lave bien avec de l’eau de favon,
on la trempe même dans un bain de même na-
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ture : on la tampone enfuite de charpie 5 cché :
on l’enveloppe de compreflès & de bandes jufqu’au
lendemain.
A la levée de cet appareil, on découvre le fond
de la plaie , on voit les vaifleaux, les nerfs, les
tendons , s’il s’en trouve dans fon trajet ; c’eft
alors que M. le Roux cautérife la plaie avec le
beurre d’antimoine tombé en déliqyefcence; il
l’applique au moyen d’une fonde de bois qu’il y
trempe , & qu’il porte enfuite jufqu’au fond de la
plaie ; il l’étend fpécialement fur les bords, &
même fur la peau environnante' : on met par-deffiis
une large emplâtre véfîcatoire qui s’étend bien au-
delà de la plaie, & le fécond panfement eft
-fait.
Toutes les parties touchées de beurre d’antimoine
deviennent blanches fur le champ, & font brûlées
quelquefois à plufîeurs lignes de profondeur.
Je n’ai pas employé le fer ardent pour cau-
térifer les plaies, dit.M, le Roux; il effraie trop
les malades ; il 11’eft pas aufli facile à manier, &
ne brûle ..pas avec autant de préeifion que les caufc
tiques. Parmi ceux-ci, j’ai choifî le beurre d’antimoine
liquide, parce qu’il brûle plus profondément
& avec moins de douleurs ; que les efearres
qu’i l forme tombent plus promptement , & qu’il
n’occafionne aucun des accidens qu’on a quelquefois
à redouter des autres.
Je n’applique pas le beurre d’antimoine au premier
panfement, parce que j’ai remarqué qu’il étoit
décompofé par le fang, qui s’écoule en plus ou
moins grande quantité , & qu’il fe précipitoit fous
la forme dune efpèce de poudre d’algaroth, qui
n’eft plus corrofif; & effeâivement les efearres qui
en refultent ont beaucoup moins d’épaifieur : en
ce cas^ aufli-tpt après leur chute, il faut recommencer
l’application.
Je n’ai rencontré que deux fois des parties dan-
gereufes à brûler, & je me fuis repenti de les avoir
ménagées. Quand on a une maladie aufli grave
& aufli dangereufe que la rage à redouter, il faut
faire des facrifices. Si l’ocçafion fe préfente de
nouveau , je ne ménagerai rien que les artères
confîdérables, dont l’ouverture pourroît entraîner en
peu de temps la perte du malade.
Au troifîème panfement, j’enlève les veflxes que
le veflicatoire a produites, & j’applique en place
un linge garni d’onguent de la mère, ou recouvert
de beurre frais; je continue ce panfement jufqu’à
ce que l’efcarre foit détachée, ce qui arrive le fîx
ou le fept au plus tard.
Lorfque l’efcarre eft tombée, je mets dans
lu it ère, fuivant fa grandeur, un ou plufîeurs pois,
ou des morceaux de racine de gentianne, ou d’irjs
de Florence , pour entretenir la fuppuratiomcomme
celle d’ un cautère. Si la plafe çft fort large , &