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S A F R A N .
( Art de ïécolter & de préparer le )
L ’ u s a g e & I-milité du fafran, foit pour la
médecine, foit _ dans plufîeurs arts, doivent lui
affigncr fon rang dans ce did onnaire'.
Le fafran eft un genre de plante à fleur liliaeée
& monOj é ale. Sa partie inférieure eft en forme de
tuyau qui a un pédicule ; ce tuyau s’évafe par le
Faut, & il eft divifé. en flx parties*
L a racine du fafran eft t'ubéreufe, charnue,
de la g.o fleur d'une aveline, & quelquefois d’une
noix , revêtue de. quelques tiges arides, rouflacres.
De cette racine s’élèvent cinq ou huit feuilles
longues de fîx ou huit pouces très-étioites, d’un
Ycrd foncé.
Parmi ces feuilles on voit fortir une tige courte
qui foutient une fleur en 'lys' d'une feule pièce,
évafée à fa partie fupérieure, & divifée en fîx
iegm ns arrondis, de couleur de gris-dë-lm fort
tendre. Les champs qui en font remplis font très-.
. agréables à la vue.
Du fond de cette fleur partent trois étanrnes
dont les fommets font jaunâtres, & un jpiftil blanchâtre
qui fe partage comme en trois branches, j
large s à leur extrémité fupérieure, & découpées j
en forme de crête, charnues, d’un rouge foncé,
& comme de couleur vive d’orange , 1. fqùelles font
appelées, par excellence , du nom de fafran. C’eft
pour là récolte de cette feule pattie.que l ’on cultive
cette plante.
L embrion qui foutient la fleur fe change en* un
fruit oblong à trois angles, partagé en trois loges
qui contiennent des fonences arrondies.
Culture.
Il y a plufîeurs efpèces de fafransqwûeunfîent
au printemps, & qu’on ne cultive dans les parterres
que pour en avoir les fleurs qui font
agréables.
Mai: 1’ f ece dont il eft ici queftion, eft principalement
r cherchée à caufe de fon utilité, &.ne
fleurit guère qu’en automne.
Ce fafran fe multiplie très - aifément par le
moyen de fes bulbes, qui croiflcnt tous les -ans
en grande quantité.
Après avoir choifî un terrein bien uni, & qui
s’eft repofé pendant un an, on le laboure vers le
commencement du mois d’avril, après quoi on le
fume bien , & on l ’entoure d’une haie fort épaifle,
afin d’écârtcr les beftiaux, & fur-tout les lièvres,
qui en maageroient les feuilles pendant rhiver.
On plante ces bulbes au printemps dans une
terre bien ameublie, dans des filions parallèles
efpacés de fîx ou fept pouces.
On met ces bulbes en terre à un pouce de
diftance les unes des autres, & on les recouvre
de fîx pouces de terre.
En feptembre on farcie les mauvaîfès herbes
par un temps qui foit beau, de peur d’oftènfer
les oignons, 8f. avec la pioche on donne le troi-;
fième labour.
Il y a des cultivateurs qui partagent en quatre
parties le terrein qu’i's veulent mettre en fafran ,
afin de faire plus commodément leur récolte, parce
qu’une partie fleurit ' pendant qu’ils dépouillent
l ’autre.
Les terres dans lefquëîles ,1e fafran fe plaît le
plus, font les terres noires, légères, un peu fa-
blonneufes, & les terres rouffâtres. *
Les o:gnors du fafran, ainfî que ceux de toutes
les fleurs, fe fortifient dans les terres fortes qui
ont de la fubftance ; mais les fleurs deviennent
plus belles dans les terres légères & maigres. '
On trouve dans la même terre deux fortes d’ oignon,
les uns larges & applatis fourniflent plus
de caieux ; les autres arrondis donnent pluç de
fleurs.
Les bulbes ne produifent que des feuilles dans
l ’année où elles ont été plantées, & des fleurs
l ’année fuivan e au mois d’odçbre. Ces fleurs ne
durent qu’un ou deux jours après qu’elles font
épanouies,
S A F S A F
Quand les fleurs font tombées, il^ naît des
feuilles qui font vertes pendant tout l ’hiver ; elles
sèchent & fe perdent au printemps & ne paroiffent
jamais pendant l ’été en forte qu’un champ de
fafran, dans ces faifons, paroît comme une
jachère.
Maladies du fafran.
On diflingue trois principales maladies qui
attaquent les oignons de fafran, favoir : le fiajjet^
le tacon, la. mort.
i°. L e f au f et eft une produdion monftrueufc
en forme de navet qui arrête la végétat'on du
jeune oignon, dont elle s’approprie la , fubftance.
Cette maladie fait parconféquent un obftacle à
la multiplication "des oignons; mais on peut enlever
ce mal par l ’amputation, lorfqu’on lève les
oignons au bout de trois ans, pour féparcr les
bulbes.
1 ° . Le tacon eft. une carie qui attaque le corps
même de 1 oignon , & qui ne Tè manifefie pas
fur les enveloppes. Les oignons font plus fujets à
être attaqués de cette maladie dans les terres
roufsâtres. On peut enlever la partie ulcérée lbrfque
le mal n’a point pénétré trop avant.
3°. La mort s’annonce par des fymptômes bien
fînguliers ; elle efl à l ’égard de plusieurs plantes,
ce que la pefte èft aux hommes & aux autres
animaux.
Elle attaque, d’abord les enveloppe qu’elle rend
. violettes & hériflées de petits filamens; elle at aque
enfuite l’oignon même qu'elle, fait périr. On s’ap-
perçoit' aifément du défordre qu’elle y caufe , car
on voit les feuilles qui jaunifTent & fe deflecHenc.
Dès qu’un oignon eft attaqué de cette maladie
il devient contagieux pour les oignons voifîns.
Cette maladie fe communiquant de proche en
proche , fait périr tous les oignons dans un efpace
circulaire dont le premier oignon attaqué eft le
centre & en même tems le foyer.
Si on- plante par mégarde un oignon malade,
dans un champ fain , la maladie s’y établit en peu
de tems, & elle y fait les I plus grands rayages.
Une feule pelée de terre prife dans un endroit
infedé, & jettée fur un champ, dont _les plantes
font faines, y porte la contagion.
On ne çonnoît point de remede" pour les oignons
attaqués de cet!e maladie. On fait feulement les
en préferver par la même précaution qu’on emploie
pour arrêter les progrès de la pefte.
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' Pouf cet effet on; ouvre autour des endroits infectés
des tranchées profondes d’un pied, & l'on
jette la terre que l’on en tire fur celle ou les oignons
font morts.
Une circonftance bien fîngulière, c’eft que l’im-
preffipn de cette contagion refte tellement adhérente
au terrein de la fafraniere, que les oignons fains qu’on
y plante, au bout de douze , quinze & vingt-ans ,
fe trouveraient en peu de tems attaqués de cette
maladie.
La vraie caufe de cette maladie fîngulière devoit
fans doute exciter l’attention d’un favant obfervateirr.
Elle n’a pas échappé à la fagaciié de M. Duhamel.
Ce célèbre académicien a" remarqué des corps
glanduleux, refie mbl ans aflez à de petites truffes,
dont la fuperficie eft velue. Leur grofleur n’excède
pas- celle d’une noifette : ils ont l’odeur du champignon
; les uns font adhérens aux oignons de
fafran-, & les autres en font éloignés de deux ou
trois pouces.
De ces glandes partent des filets ordinairement
de la grofleur d’un fil fin, & de couleur violette
velus comme les corps glanduleux. Quelques-uns
s’étendent d’une glande à l’autre ; d’autres vont
s’inférer entre les.tégumens des oignons ; fe partagent
en plufieurs ramifications, & pénètrent
jufqu’au corps de la bulbe fans paraître fènfîbie-
ment y entrer.
Ces obfervàtions prouvent que ces tubercules font
des plantes parafîtes qui, comme les truffes, fe
multiplient dans l’intérieur de la terre, fans fe
montrer à fa fuperficie
Cette plante parafîte £e nourrit aux dépens de
l’oignon de fafran, puifque ces racines pénètrent
les enveloppes, & s'attachent à fa propre fubf-*
tance.
M. Duhamel s’eft afluré de la vérité de ce fait
en plantant quelques tubercules dè mort de fafran
dans des , pots ou il avoit planté dans de la terre
faine des oignons de différentes fleurs. En un an ces
tubercules fe font multipliés dans le pot & ont attaqué
les oignons.
Depuis ce tems , M. Duhamel a obfervé cette
même plante parafîte qui faifoit le même dommage
à des kiebleSy à de l'arrête-breuf, à des plantes d*af-
perges, Cette petite truffe parafîte n’attaque point
les plantes annuelles, ni celles qui n’ont leurs
racines qu’à la fuperficie de la terre»
Ces obfervàtions expliquent pourquoi îa maladie
s’étend circulai renient, puifque les oignons ne font
attaqués que par les racines de la plante parafîte
qui étend ? comme toutes les plantes , fes racine«