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chaque particulier p<mrroit former chez lui du
falpêtre, & en retirer®un certain bénéfice , fur-
tout dans ce pays où la poudre pour la challe eft
cftimée, & où on en fait un grand commerce avec
l*étranger.
Il faudroit que chaque particulier choisît un
petit efpace ifolé près de la maifon pour y dépofer
tous les excrémens d’animaux , les mauvaifes plantes
, particuliérement les herbes amères, les débris
des vieilles murailles, de la marne , de la
chaux , eendres, fumier de cheval, arrofer le tout
avec les eaux de leffive & de l urine, & abritter
avec un petit toit de paille. Ainfi chaque,particulier
pourroit recueillir une allez grande quantité
de falpêtre. .
Recherches fur la formation du nitre Vètabliffement
des nitrieres.
M. Turgot , Miniftre des finances de France ,
frappé de la gêne qu’entraînoient la recherche, la
fouille & l ’extradion du falpêtre chez les paui-
culiers, propofa en 177$ , un prix extraordinaire
fur la formation du nitre & l’établi]}ement des
nitrieres.
L ’académie royale des fcienees * qui en fut
chargée, reçut trente huit mémoires fur ce fujet
intéreflant; mais aucun ne lui parut fatisfaifant:
en conféquence le prix qui devoit être diftribué
à la féance publique de Pâques 1778 , fut renvoyé
a celle de la S. Martin 1781; elle reçut dans cet
intervalle vingt-huit mémoires.
L’académîe couronna le mémoire de Meffieurs
Thouvenel frères , l'un dodeur en médecine ,
l ’autre commiffaire des poudres & falpêtres au
département de Nanci. Elle adjugea en fuite, comme
fécond p rix , une fomme de 1200 liv. à chacun
des auteurs de deux autres mémoires ; l ’un eft de
M . de Lorgna, le fécond eft de M. Cheyrand ,
infpedeur des poudres en Franche-Comté, & de
M. Gavimt, commiffaire des poudres à Befançon.
Enfin deux autres mémoires, dont l ’un eft de M. de
Beunie, médecin à Anvers, & l’autre de M.Tho-
maffin de Saint-Omer, ont mérité des acceffit.
L’académie a encore fait d s mentions honorables
des mémoires de_M.Foreftier.de Vereux, de
M. Rome, & de plusieurs autres.
Tous ces mémoires jettent un grand jour fur la
formation du falpêtre, quoiqu’ils laliïent encore
beaucoup à defîrer.-
On va faire connoître ce qu’ils contiennent de
plus eflentiel & de plus intéreflant, fur-tout celui
de MM. Thouvenel.
L ’expérience avoit appris qu’on retirait de certaines
terrés par un fimple lavage 9 une grande
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qüantite de différens fels, fur-tout des fcls nitreuH
& marin.
Ces terres bien épuifées de tous fèls, expofees
de nouveau a l’rir, fe trouvoient après un certain
temps imprégnées des mêmes fels. Il s’agidoit de
favoir ce qui fe pafioit dans cette opération.,
Beccher, Sthal & toute leur école admettoient un
acide univerfel a l ’acide vitr;clique, qu’ils croyoient
répandu dans l ’air, & ils penfoient que cet acide
pouvoit fe convertir en tous les autres.
Mais , i° . on a prouvé que l ’acide vitrioliqu®
nexifte pas ordinairement dans J’atmofphèie. Des
linges imbibés de leffive alkaline & expofés à 1 air,
n’ont donné enfùite qu’un alkali aéré , & point de
tartre vitriolé. Ce qui prouve que l’acide vitrio-
lique , ni les autres acides, excepté peut-être l’air
acide , 11’exiftent dans l’atmofphère.
Cependant un des concurrens a prétendu qu’il
exiftoit du nitre dans l ’a ir, parce qu’il en- a trouvé
fouvent fur les tuiles à la partie du crochet. Mais
ce nitre peut avoir été formé en place, obfervent
meilleurs les commiifaires, -
z°. MM. Thouvenel, Lorgna., Chevrant, Ga-
vinet, de Beunie & la plupart des concurrens, ont
euaye fi en arrofant avec des fels vitrioliqucs des
terres qui fe nitrifient , on obtiendrait une plus
grande quantité de nitre & de fel marin; & ils
ont trouvé que non feu’ement on n’en obtenoit
pas davantage, mais fouvent on en obtenoit moins.
La meme expérience faite avec l ’acide matin n’a
pas eu plus de fuccès. Ainfi cette prétendue tranf-
mutation des fels les uns dans les autres ne paraît
nullement établie.
Une autre hypothèfe attribue exclufivement à la
végétation la formation de l’acide nitreux & la
production des fels nitreux au pur développement
qu amene la décompofition putréfadive des végétaux
8t des^ animaux. On a cherché à s’en aduler
par l’expérience.
Nous avons vu, difent MM. Thouvenel', qu’une
plante elevée dans un terrain imprégné de tel ou
tel fe l, n’en fournilToit jo in t dans Ton analyfe
tandis qu’une autre plante venue'fur une autre
terre exempte de fels , en donnôit de plùfieurs
elpeces.
Meilleurs le! Régiffeurs des poudres, MM. Nadal
Gornand & autres,,ont fait la même expérience’
& difent avoir eu d’autres réfultats. Ils ont Cerné
des p’a-ites qui donnent beaucoup de nitre, telles
que le tou nefol <n pleine terre, & «x autres dans
des pots. Trois de ces derniers ont été arrofés
avec un: eau légèrement nitreufe, & les autres
avec 1 eau de fontaine. Ces derniers tfont point
donné de nitre, & les autres en ont donné; mais
ceux arrofés d’eau nit eufe une plus grande quantité
; d ou ils ont conclu que le nitre qui fe trouve
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dans les plantes ne s’y forme point , mais y eft
porté avec la sève.
Cependant on ne fauroit guère dourer qu’il ne
fe foi me dans certaines circonftances des fels nitreux
& marin dans l ’air. M. Margraf ayant ra-
mafle avec beaucoup de foin de l’eau de plu e ,
en retira des fels nitreux & marins terreux.
Quoi qu’il en foit de ces expériences contra-
didoirès , on ne peut pas s’empêcher de reeon-
noître que la plus grande partie des fels qu’on
retire des n trières ne foit de nouvelle forma-
tion. Il s’agiljoit de favoir quels font les agens ,
qu’emploie la nature dans cette produdion nouvelle.
C’eft fur quoi le mémoire de MM. Thouvenel
a répandu de grandes lumières.
Ils ont pris , i 0.: la terre calcaire, la magnéfie,
la terre alumîneufe , bien pures & bien lavees.
20. Ces mêmes terres foumTes a 1 adion du feu
& ca'cinées.
30. Les deux alkalis fixes, cauftiques & non ;
cauftiques. '
4°. Ces mêmes alkalis phlogiftiqués.
5°. Divers foies de foufre alkalin & terreux.
6°. L a t e r r e a n im a le c a l c u le u f e & o f fe u f e .
7°. Différens fels neutres, vitrioliqucs, marins,
acéteux, tartareux & phofphoriques , à bafes alka-
lines, terreufes & métalliques.
Toutes ces fubftances ont été expofées avec les
précautions convenables pour la nitrification. Celles
des numéros 3 , 4 5 11 ont donne aucun
veftige de falpêtre , ce qui confirme l’immutabilité:
de toutes ces fubftances falines.
La chaux vive n’a fourni de l ’acide nitreux que
dans quelques expériences , & en très-petite quantité.
N’auroit-elle pas befoîn pour redevenir propre
à la n'trifiçation , de répader à fon premier état
de terre calcaire, ce qu’elle fait jufqu’à un certain
point avec le temps ? K - -
La terre fediiztienne ou magnéfie, & la terre
alumîneufe ont encore donné plus rarement, de
l ’acide nitreux que les précédentes. Ce produit a
été encore moindre lorfqu’elles ont été calcinées.
Les épreuves où elles en ont le plus donné , c’eft
lorfqu’elles fe font couvertes de moififfure. Cette
efpèce de végétation, née de la putréfadion eft
devenue alors, ainfi que cette dernière, une caufe
génératrice de l ’acide nitreux.
La véritable craie ou la ter;e calcaire pure, eft
celle qui a le plus conftamroênt réufli pour la formation
de l'acide nitreux. L e nitre s’y forme, foit
en plein air., mais, plus encore dans les lieux couverts
&' habités, oü l’air extérieur eft à-peu-près
ftagnant.
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Enfin, la terre animale retirée des os fe nitrifie
difficilement.
Mais une chofe digne de remarque dans la com-
paraifon des trais efpèces de nitre terreux provenant
de nos expériences, difent MM. Thouvenel,
c’eft que ceux qui ont pour bafe les trois terres non
calcinées, éprouvent fur les charbons ardens une
demi-déflagration, ou plutôt une forte de fcintilla-
tion plus ou moins marquée, laquelle n’a pas lieu
avec ceux à .bafes terreufes calcinées. La calcination
opère donc fur ces terres un changement qui
paraîtrait les éloigner de la nature alkaline, & les
rend moins propres à la nitrification.
Ce qu’il y a de certain , c’eft que quoique les
quatre efpèces de terres défignées femblent fufeep-
tibles de fe prêter à la génération des deux parties
conftituantes du falpêtre, l ’acide nitreux & l’alkali,
cependant la terre animale paraît plus propre" à la
formation de l’alkali la terre calcaLe pure à
celle de l’acide. Peut-être cela vient-il de ce que
celle-là contient plus d’acide phofphoriqùe , Sc
celle-ci plus d’acide gazeux.
La manière la.plus ordinaire dont les auteurs
emploient ces différentes fubftances qu’ils cherchent
à nitrifier, eft de les mettre dans de grands
vafes de grès ou de verre avec de l’eau & fans
eau,, de mettre dans d’autres vafes à côté les matières
en putréfadion , & de conduire par des tuyaux
de communication les vapeurs de ces féconds vafes
dans les premiers.
La nitrification fe commence & s’achève durant
la décompofition fpontanée. putréfadive des fubftances
animales & végétales, & fon double produit
réfulté j comme dans la végétation , de tous les
matériaux défunis de ces fubftances, lefquels fe
recombinent de nouveau entr’eux & avec des matières
terreufes appropriées.
Il paraît que l’acide nitreux fe forme le premier
, en fe combinant à mefure avec une bafe
ten eufe , & que ce n’eft qu’au dernier temps de la
décompofition putréfadive que s’engendre l’alkalt
j deftiné enfiiice à précipiter le nitre terreux.
De même que dans toute putréfadion il y a une
première époque d’accefcence & une autre d’alka-
lefcence, de même auffi dans la décompofition rar
dicale des. fubftances- putrefcibles , il y a une
époque pour la formation de l ’acide nitreux , &
une autre pour celle de fa bafe a kaline.
L ’acide nitreux n’eft pas le feul acide qui ré-
ful;e de la décompofition des corps organiques. Il
s’y engendre aufli de l’acide marin. Par-tout ou
il fe formé du falpêtre, on y trouve auffi du fel
marin en des proportions bien différentes. Ma-'s il
n’eft pas vrai que par-tout ou il fe forme du Tel marin
il T y engendre auffi du nitre.
L’acide marin paroît fe former plus volontiers