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SIGNAUX DE COMMUNICAT ION.
( Art des )
I l a rriv e très fréqu emmen t à la camp agne que les
mauvais temps interrompent toutes communications
fu r - to y t pendant la nuit : i l ne peut d onc qu ’ê tre
tr è s -a g r é ab le à c eu x qu i fe trou v en t dans c e c a s ,
d e con noître des mo yens in g én ieu x & fa c ile s pour
fo rm er alors une e fp è c e de con verfation.
On a imaginé différens moyens de communiquer
fes penfées , indépendamment de la voix ou
de l ’écriture, mais la plupart ne fervent qu’à une
diftance très-bornée. Les Dames de Gênes fe communiquent
leurs penfées d’un belvedère à l’autre,
par le moyen de p'ufteurs petits pavillons.
1 Ceux qui font ici rapportés font d’une nature
différente, & peuvent faire connoître les intentions
d’une perfonne qui feroit à plus de dix lieues d’une
autre: il faut diflinguer différens cas,
i ° . S’il y a un obftacle invincible, tel qu’une
montagne, une colline entre deux fortS', par
exemple , dont les commandants font obligés d’entretenir
une forre de correfpondance, ces deux
officiers îc muniront chacun d’un pendule de même
groffeur & de même longueur.
T o u t le monde fa it que fi l ’on me t Ces petits
g lo b e s dans la même lig n e h o r ifo n ta le , a v e c leurs
p o in 's de fulpenfîon , & qu’on le s abandonne en -
fu ite à le u r g r a v i t é , ils d écriront l ’un & l ’autre
l e même nombre de v ibra rion s dans un temps
d onné : on con vien d ra en fu ite d’un certa in n om b
r e d’ o fc illa t io n s , pour défigner te lle s ou te lle s
l e t t r e s , te l ou te l mot effentiel dans le cas de
f iè g e ; te ls que je manque de vivres i de poudres 3
de foldats , & c .
C e s a r ra n g e ro n s pris de part & d’a u t r e , c e lu i des
eommandans qui voudra pa rler le prem ie r fera tirer
un coup de fanon ou de fauconneau ; fon co llè g u e
en fe a tir e r un autre , pour lu i apprendre qu’i l efi
p r ê t à l ’emend e. L’o fficier qu i v eu t parler tirera
un fé cond coup de canon , & l ’un & l ’autre fe ro n t
v ib r e r leu r p .n d u le : lorfque le nombre d ’o fc illa tio
n s con venu pour la le ttre ou pour le mo t qu’on
v eu t e x p lim e r fera é cou lé , on tirera un fécond
cou p de Canon ou de fau co n n e au , & l ’on con tinu era
autant qu’ i l fera né c effa ire .
On aura toujours grand foin de bien féparer les
mots : la différence qui fe trouve entre le moment
où l’on voit le fe u , & celui où l’on entènd le
bruit, ne fauroit caufer aucune erreur, étant toujours
le meme pendant tout le temps que durera
la converfation.
i ° . Si l’on peut fe voir des deux tours ou châteaux,
on tirera d’abord un coup de canon, pour
avertir de l ’inflant où l ’on veut fe parler, & l ’on
montrera une torche allumée au lieu de tirer ; on
la cachera enfuite , de forte que l ’apparition de
torches fervira à diflinguer les mots , & l ’on comptera
toujours les ofcillations du pendule comme à
l’ordinaire.
Le P. Lana indique un autre moyen, page 4?
de fon Prodromo a l'arte maejlra. Il confeille de fe
pourvoir d’autant de tables de fapin d’environ trois
pieds en quarré qu’il y a de lettres dans l ’alphabet,
& de tracer une lettre fur chaque table ; on fera
enfuite des fentes de deux pouces de large dans
le fens de ces lettres, que l ’on couvrira avec du
bon papier , qu’on imbibera d’huile pour le rendre
tranfparent: on placera ces tables à une fenêtre,
& l’on tiendra une torche allumée derrière elles.
Le commandant avec lequel on voudra eorrefpon-
dre étant averti par un coup de canon ou par une
fufée, fe munira d’une excellente lunette pour
regarder la lettre en queftion. Si c’eft de jour , on
fe fervira de petits pavillons : on peut encore employer
le fecours de la lumière & de l ’ombre.
On prend à cet effet une lentille de cryfial d’un
très-grand diamètre, afin que l ’on puiffe écrire
deffus tout ce que l’on défire.
On aura foin de faire les caractères d*autant
plus petits que la diftance de l’endroit où ils doivent
être projetés eft confîdérable ; on renverfe
enfuite cette lentille, qui doit avoir environ un
pied 1 demi de diamètre ; on place une lumière
à cinq ou fix pouces de diffance, & l’on met une
fécondé lentille un peu plus grande devant la première
, pour redreffer les objets : ceux-ci forment
un g'and cercle lumineux fur la muraille oppofée
après avoir pafle par les deux verres.
Comme il eft effentiel que les deux caractères
paroiffent
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paroiffent bien diftinCb , & par confisquent que la
lumière foit très-vive , on'aura attention de mettre
devant le flambeau un miroir concave dont la réflexion
frappera les lentilles, & fera un foyer de
lumière qui rendra l ’écriture très-lifîble feulement.
Si l ’on veut fe difpenfêr d’écrire fur la lentille,
on tracera les caractères fur une vître très-tranf-
parente que l ’on placera devant elle.
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Cette expérience qui eft fingulière devient très-
facile depuis que l’on a trouve l’art de courber les
glaces & d’en faite des lentilles du plus grand diamètre
que l’on remplit d’eau. Un prifonnier d’état
trouva le moyen de s’entretenir ’ainfî avec un de
fes^ camarades d’infortune qui étoit dans le même
château au-deflous de lui.
■ Arts & Métiers. Ton?. V i l. Z z 2