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Qu’arriveroit il fi ces falpêtres qui n’ont pas rendu
de Tel marin, étoient bien traités ? Ce feroient ceux
qui en rendroient davantage aux raffinages. Car s’ils
s’ils n’en ont pas rendu, ce n’étoit pas qu’ils n’en
tinflent point, puifqu’ils étoient tirés des mêmes
matériaux que ceux qui en rendoient.
I!s n’en ont pas rendu, parce que la cuite s’étant
trouvée plus chargée de grailles qu’à l’ordinaire, le
falpêtrier n’a rien change à fa manière d'opérer, &
le fel marin eft relié enfeveli dans les matières
grades, comme il y relie dans la cuite du falpétrief
de Lorraine.
Mais s’il ne s’agilToit que de bien dégrailfer pour
faire précipiter le lèl dans le premier raffinage, il
devroit fe précipiter dans ceux de Verdun; car je
fuis convenu que le raffineur y dégrailïoit bien fes
çuites,
Aufli les premiers raffinages y donnent-ils quelquefois
des précipités ; cela eft fort rare, mais j’ai
été témoin d’un premier raffinage, qui, lur deux
m;lle quatre cents livres de matières, a donné quatre
cents livres de précipité.
' L ’explication de ce cas extraordinaire rentre dans
ce que je propofe, & loin de combattre mes idées,
ne fert qu’à les appuyer. Voici comment.
L e falpêtre qui faifoit la matière de ce raffinage ,
avo:t été tiré d’un leffivage de terres arrofées depuis
cinq ans par les rifidus de la raffinerie, lefquels
étoient pour la plupart des diHolutions de fel
marin.
Ce falpêtre avoit fort peu de grailTes, ma:s iléroit
horriblement chargé de fel marin, vu fon origine.
Un feul raffinage le mettoit, pour le dégraiflàge ,
de pair avec les falpêtres de trois cuites. Il étoit
donc naturel que le fel marin n’ayant point dans ce
falpêtre de matières gralfes, qui, enveloppant fes
molécules, les empêchalfent de fe réunir, fe précipitât
en abondance.
Et ce qui appuyeroit encore l’idée que la graiffè
eft le feul obfiacle à ta précipitation du fel marin
dans !e premier raffinage , iï elle avoit befoin d’être
appuyée, c’eft que ce même falpêtre, qui, au premier
raffinage donna un précipité falin de plus que
la cinquième partie de Ion poids, & qui en garda
encore au moins un feptième de çe poids dans fa
criftallifation & dans fes eaux, n’avoit donné aucun
précipité dans la première cuite , & qu’avant de
pafler dans le rapuroir, il n’avoit donné aucun ligne
de fel marin.
Ce qui eft arrivé au Raffineur de Verdun dans
cette occafîon, étoit, donc dû moins à l ’abondance
du fel marin, qu’au peu de matières gralfes dans
lefqueiles ce fel fe trouvoit lié ; & s’il y a quelquefois
des précipités dans fon premier raffinage avec
falpêtres aufli gras que ceux qu’il reçoit dans
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la raffinerie, tandis que le raffineur de Paris n*en £
jamais , c’eft qu’il dégraille mieux que lui.
Lorfqu’il a de ces précipités, que fait il ? il les
enlèvè avec fon écumoire à mefute qu’il les fent
dans le fond de fa chaudière , & il pourfuit la
cuite. Quand il la décante , il trouve un dépôt con-
fidérable qu’il fe garde de troubler, & qu’il met à
part quand il a decanté.
Mais comme tous ces précipités ne tiennent guerres
que moitié de fel marin , fouvent un tiers, 8c
même un quart, ils doivent faire un déchet très-
confîdérable, fans que la cuite en foit guères plus
épurée. Car il le formera au fond des baffins de nouveaux
dépôts occalîonnés par le refroidilferaent &
par l ’évaporation.
La bafe des pains fera chargée de ces dépôts , & le
corps de la criftallifation fera encore infe&é de fel
marin.
Enfin il arrive à ces raffinages, où le fel marin le
précipite , précifément ce qui a eu Heu dans l’expérience
, par laquellè j’ai imaginé de les repré«
fenter.
Que doit faire le raffineur pour obvier à l’inconvénient
de ces déchets confidérables qni ne rendent
guères fon falpêtre plus pur ? Il faut qu’il-donne a fa
cuite aiïez d’ea i pour que les molécules du fel marin
aient la facilité de fe détacher de celles du falpêtre ,
qui les enveloppent, & pour relier diiïbutes,mêmo
lorfque la cuite fera refroidie dans les baffins. Il
faut qu’il opère, en un mot , comme j’ai fait, dans
les deux expériences où j’ai donné un poids d’eau
égal à celui des matières.
Je n’ai point eu de précipité dans les premières
cuites de ces expériences , & il n’en faut pas avoir
dans les raffinages, fi l’on veut bien opérer : j’en ai
allez fait voir les conléquences.
Il faut donc que le raffineur, par des rafraîchifle-
mens répétés,.rende à là chaudière la quantité d’eau
que l’évaporation emportera, afin que les matières y
trouvent toujours leur poids d’eau. Car malgré cette
quantité d’eau, & quoique les pains provenans de
la première cuite, eulfent criftallifé au milieu d’une
quantité d’eaux-mères , égale à-peu-près à leur
poids, on a vu que leur bafe n’annonça aucune précipitation
de fel marin ; ils en tenoient cependant
la moitié environ de ce que la cuite en avoit
porté.
On demandera maintenant fï le fécond raffinage
qui ne trouvera plus à emporter du falpêtre ,
que la moitié de fel marin que le premier lui a enlevé,
doit avoir autant d’eàu, c’eft-à-dire, le poids
des matières*
Je réponds par le réfaltat des expériences faites
a trente onces de falpêtre , fïx de fêl marin & trente-
fix onces d’eau, & par l’obiervation neuvième à la
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Tuïte cle ces dernières expériences, dans laquelle
j’ai fait voir que c’eft moins la quantité de fel marin
qu’on veut extraire , que la malle de falpêtre fur laquelle
on opère, qui doit décider de la quantité d’eau
gu’on doit donner à la cuite.
D’après tout c e c i, je crois qu’on ne doit pas
Craindre d’établir pouf règle générale de donner
dans tous les raffinages une quantité d’eau égalé
au poids-des matières, 8c de la maintenir» par des
rafraîchiflemens continuels.
Indépendamment de la sûreté où l’on fera d’un
plus patfait dépouillement du fel marin, les criftal-
lifations en feront plus belles ; & s’il eft vrai qu’un
fel jouit plus de les propriétés à mefure qu’il eftv
mieux criftallifé, les falpêtres feront à cet égard
bien fupérieurs pour la fabrication de la poudre à
ceux des raffinages aôluels, qui font plutôt des congélations
que dos Ciiftallifations,
Du falpêtre en baguettes.
Je fais que les maîtres poudriers nç feront pas de
mon avis ; car ils rejettent foigneufement le falpê-
tre bien criftallifé, qu’ils appèllent en baguettes, &
qu’ils abandonnent aux apothicaires, prétendant
qu’il ne peut faire que de mauvaife poudre.
Mais comme le lalpêtre fortiroit alors de la règle
généiale de tous les fe's neutres , je ne puis adopter
ce fentiment extraordinaire, fans que l’expérience
me l’ait prouvé.
O r , je doute que cette expérience ait été faite;
& fi elle l’a été , il fe peut fort bien qu’on ait attribué
à la ct iftal ifation ce qu’on auroit dû attribuer à
l’humidité de ces criftiux. Car il eft tout fîmple
qu’étant plus épais, ils foient plus difficiles àfécher ;
mais il ne feroit pas difficile de prendre plus de»
précautions pour le fêchement, fi réellement le falpêtre
bien crifta'lifé valoit mieux pour la poudre ,
comme il eft naturel de le préfumer, à moifls qu’on
ne croie que l’eau de fa criftallifarion eft étrangère
de même embarrafiante dans la détonation.
Au relie, lî l ’expérience, qui eft au-deflùs des
raifonnemens , venoit à démontrer que le falpêtre
bien crift.illifé & parfaitement fec , eft inférieur
pour la fabrication de la poudre à celui de trois
cuites ordinaires, on en fera quitte pour donner
un troifîème raffinage , où l'on ne donnera que
cinquante pour cent d’eau , & même vingt-cinq,
& même point du tout; ou l’on réduiroit le falpêtre.
en criftal minéral, fi l’expérience démontroit que
c’eft la forte, de falpêtre préférable pour la fabrication
de la poud e ; ce qu’on ne peut pas préfumer.
Tout cela fans doute méritoit des expériences;
*je ne lâche pas qu’on les ait jamais faites. Je les
aurois tentées, fi j’avois eu la difpofition d’un moulin
à poudre & du temps.
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Expériences réflexions fur le fêchement des falpêtres.
Je ne dois pas oublier de parler à cette occafion
de ce que l’expérience m’a appris lur le fêchement
des falpêtres. Il arrive fouvent que dans les raffineries
on entonne les pains après deux mois dë fc-
joujr dans un féchoir fouvent mal difpofé, humide
& mal aéré. J’ai eflayé de ces falpêtres fur le feu ;
ils cràchoienr avëbriorce. Le raffineur croyoit que-
j’avois rencontré des endroits marqués de fel marin.
J’ai fait fécher le falpêtre fur ma cheminée après
l’avoir écrafé ; & il n’a plus craché.
Il faut encore prévenir que l’adion du feu ne
fupplée pas à celle de l ’air du moins en peu de
temps, quelque violente même qu’elle foit. J’ai
mis du falpêtre tout humide en criftal minéral, je
l'ai tenu fondu pendant un quart-d’heure & même
deux fois entr’autres.pendant une demi heure ; ce
criftal minéral refroidi & eflayé fur les charbons ,
crachoit encore. On peut juger de la force avec
laquelle le falpêtre retient l’humidité, & quelles
précautions on doit prendre pour s'aflùrer de fon
sèchement. Aufli je voudrois que tous les lechoirs
fuffentbien aërés comme celui de Paris, mais plan-
chéiés 8c allez vaftes , à proportion du travail dë la
raffinerie, pour que les falpê res y fufient aumpins
un an avant d être entonnés.
Dans les cas prefles, je crois- qu il faudroit
concafler les pains, étendre le lalpêtre dans des
greniers bien ouverts, & le retourner comme on
fait le bled.
De quelle manière on doit traiter les eaux de fécondé
& de trpifieme cuite.
Les raffinages la'flènt des écumes 8c des eaux.
Toutes cés dejc&ions fe mettent à part, & lorsqu’on
a une certaine quantité de chacune, on les
traite. Je n’ai rien à dire fur le traitement des
écumes, qui re rentre dans ce que j’ai dit du premier
raffinage ; mais les eaux demandent un ar-<
ticle à part.
En donnant cent pour cent d’eau dans les raffinages
, mon objet principal, relativement au fel
marin , étoit d’en empêcher la précipitation & de
le tenir dans la cuite. Mais dans le traitement des
eaux il n’eft pas queftion d’empêcher ce précipité
, puifque ce n’eft que par-là qu’on peut réparer
le fel marin du falpêtre qui eft diflous avec
lui.
D’après les expériences & les réflexions précé-
1 den-tes, voici la manière que je crois la meilleur
pour diriger ce traitement.
Après qu’on aura bien dégraifle par la colle ou pat
le rapuroir, ou par J’un & par l ’autre, ce qui eft