
après avoir confidéré les entre-noeuds de la J
comme le fruit muqueux par excellence, il etoit I
naturel de croire que fon fuc exprime abandonne ^
à lui-même devoit, comme celui-de prefque tous'
les fruits muqueux, fubir la ferme tation fpiri-
tueufe; cependant l’expérience démontre^ tous les:
jours que ce fuc, exprimé de cannes fraîchement
coupées, pafle conftamment à la décompofîtion acé--
teufe.
Surpris autant que certain de ce fait, je dus
conclure que le mouvement de la fermentation
acide étoit imprimé au fucre dans le fuc exprimé,
par l’efpèce de décompofîtion qu’éprouvent les fubfî-
tances avec lefquelles il eft uni, & j obfervai que
les fécules de la première forte font les premières
parties de ce fuc qui fe décompofent, & que le
produit de leur décompofîtion étant toujours acide ,
celle du fucre le devient néceffairement.
J’avois oblervé, en Normandie, que, pour obtenir
de bon cidre des diverfes fortes de pommes,
on eft obligé de les laifler en grenier pendant un
temps plus ou moins long. D’après cette obfer-
vadon, j’abandonnai des cannes à elles-mêmes,
& après huit à dix jours , elles prirent une odeur
de pommes forte & vineufe; je les fis exprimer,
& la fermentation fpiritueufe déjà très-avancée,
fe continua dans leur fuc exprimé.
Lorfqu’on obferve avec attention ce qui fe paffe
dans la fermentation du fuc des diverfes fortes de
fruits, on eft tenté de croire que les divers êtres
qui réfultent de- la fermentation fpiritueufe, ne
font que fe féparer & qu’ils exiftoient tout formés
dans le fruit .avant l’expreflion; car fi l ’ai-,
. koel étoit un produit de la décompofîtion du corps
muqueux, il devroit arriver que le fuc des fruits
les plus doux donneroit, dans (a fermentation ,
la plus for e proportion d’alkool, & cependant l ’ob-
fervation femble prouver le contraire. Toujours
paroît-il certain que la fermentation du fuc exprimé
d’un fruit, eft une fuite du mouvement
& des combinaifons qui ont commencé dans ce
fruit même, & qui s’achèvent dans fon fuc exprimé.
On fait que les poires les plus propres à faire
du poiré riche en alkool, font fi âcres que per-
fonne ne peut en manger une feule bouchée fans
éprouver dans les organes du goût, une aftriétipn
très^forte qui dure pendant plufieurs heures.
Ces poires font exprimées à l’inftant qu’on
les récolte, & leur fuc qui eft légèrement doux,
eft mis dans des tonneaux fans avoir cuvé avec
le marc : toutes les parties de ce fuc fe féparent,
la chaleur & le gaz acide carbonique s’échappent
comme volatils, & tandis que les parties fol'ides
fe précipitent, l ’alkool & le corps muqueux s’unifient
pour former le poiré qu’on foutire alors,
pour le mettre dans d’autres tonneaux.
Les -diverfes fortes de poires douces & agréables
qu’on fert fur nos tables, donnent un fuc
très doux, dont le poiré eft pauvre en alkool &
en corps muqueux; aufti tourne-t-il promptement
à l ’acide, & le vinaigre en eft plat.
Si on obferve ce qui fe paffè dans la fermentation
des pommes, on voit qu’en général celles
qui font les plps propres à donner du cidre riche
en alkool & eti corps mnqueux, font douces &
amères. Prefque toutes exigent d’être mites au
grenier pendant un temps plus où moins long,
& il en eft qui y reftent trois à quatre mois. Elles
y prennent une odeur vineufe très-forte, & quoiqu’il
s’en trouve quelqùefôis la moitié de pourries,
le cidre qu’elles donnent n’en eft pas moins riche
en alkool & en corps muqueux. La réparation
des diverfes parties qui réfultent de la fermentation
fpiritueufe de leur fuc, fe fait fouvent
à une température au-defîous de dix degrés, &
même quelquefois au deffous de zéro, à la vé-
.rité elle fe fait alors un peu plus lentemenr.
Il refte encore dans les*cidres, ainfî que dans
les poirées, lorfqu’on les foutire, quoique clairs,
une portion de Fécules qui fe décompofent plus
ou moins lentement, & femblent prolonger d’une
manière infenfible le mouvement de fermentation.
Le vinaigre qu’ils donnent en fe décompofant,
eft bon & généreux.
Si ces fortes de pommes étoient exprimées à
l’înftant qu’elles ont été récoltées, leur fuc fer oit
doux, mais fa fermentation s’établiroit difficilement
& le produit en feroit très-pauvre en alkocl
& en corps muqueux; celui-ci palfero t promptement
à la décompofîtion acide & donneroit de
mauvais vinaigre.
Si on obferve encore ce qui fe pafle dans la
fermentation des diverfes fortes de raifîns, on
voit que ceux qui font les plus douk au goût &
qui femblent contenir beaucoup de corps muqueux,
ne donnent dans les provinces du nord de la France,
qu’un vin pauvre en alkool, qui ne fe garde pas
long-temps & qui donne de mauvais vinaigre.
On voit dans les provinces moyennes de la France,
que quoique le raifîn ne femble pas être plus doux
que celui des environs de Paris,- les vins 'font
neanmoins riches en gaz acide carbonique, en alkool
& en corps muqueux, & que la proportion
de ces deux dernières parties fe trouve dans un
rapport allez égal. Le vinaigre que donnent ces
vins dans leur décompofirion, eft fort & généreux.
Enfin dans les provinces Méridionales, le corps
muqueux femble s’être élevé à l’état fucré & l'emporter
dans fa proportion fur l ’alkool'. En Efpagne,
à Chypre, à Madère, l’état fucré du corps muqueux
e.ft • bien marqué, & la furabondance de fa
proportion bien déterminée«
D'après l’obfervation des' perfonnes qui diftillent
le poiré, le Jcidre & les vins, la quantité
d’alkool qu’on en retire, eft fouvent aufli abondante
& quelquefois plus, lorfqu’ori les diftiile
peu de temps après la fermentation. Or fî l ’alkool
n’exiftoit pas tout formé dans le fruit au moment
ou won l’exprime, s’il étoit le produit de la dé-
compofîtion du corps muqueux, les vins qui con-
tiendroient le plus de ce corps, donneroient de
l’aikool en plus grande proportion , & on gagne-
roit à attendre qu’il fût tout décompofé pour les
difîifer. Il paroît au contraire que les vins les
plus riches -en corps muqueux après la fermentation
, fe confervent d’autant plus long-temps
que ce corps eft plus élevé vers l ’état fucré, &
que fa proportion eft plus abondante, tels font
les vins d’Efpagne, de Chypre, de Madère, &c;
Il paroît aufti que dans la décompofîtion acide
de toutes fortes de vins, la proportion du vinaigre
qui fe forme , eft en raifon & de la quantité
& de la qualité du corps muqueux qui fe dé-
compofè. Aufti le vina’gre du vin de canne eft-
il très fo:t & très-genéreux.
Si maintenant on obferve ce qui fe pafle dans
le marc de poires , de pommes, de raifîns, dans
les bagafles de cannes fermentées., on voit qu’il
s’en dégage de la cha’eur, du gaz acide carbonique,
de l ’alkool & du gaz inflammable.
Nous conclurons de ces obfèrvations que dans
les fruits, foit fur l’arbre, (tels la poire, le raifîn)
fpit en tas, (tels la pomme, la canne) les
divers principes qu’ils ont tirés de l’air, de la lumière
& du'foleii, & qui font renfermés dans leurs
vaiffeaux, venant à rOmpre ces vaiffeaux; rencontrent
le corps muqueux doux, ou fucré, ou
fel elfentiel, s’y unifient & forment avec lui l ’alkool
, & que la proportion de ce corps qui n’a
point trouvé à fe faturer de ces principes , refte
dans l’état muqueux jüfqu’à ce qu’elle fe décom-
pofe pour donner du vina gre.
Ce font donc les parties folides du fruit (fes
Vaiffeaux ) qui en fe div fant, en fe défbrganifant,
donnent les principes qui s’ unifient au corps muqueux,
plus ou moins élevé déjà dans l’ordre des
diverfes modifications que nous avons fuivies , pour
en faire de 1 aikool.
C ’eft aufti ce qui arrive lorfqu’on mêle de la
levure de bière à une diftoluti >o de fucre. La le-
Vare en fe décomp fant, donne au torp' muqueux
elevé déjà (-comme fucre ) à un très-haut degré de
pro portion dans la . combinaifon de es principes,
Une nouvelle proportion de ces mêmes principes,
propre à le monter à 1 état d’alkool. C^eft aufti ce
qui lui arrive da- s la canne, lorfqu’on la laiffe en
tas pendair p udeurs jours.
La canne fermentée donne, après huit à dix
jours, une odeur de pommes forte & vineufe; i
fî oo l’exprime à cette époque, la* fermentation
fe continue dans fon fuc exprimé ; & après cinq
à fîx jours, on obtient un vin parfaitement analogue
au cidre.
Si la canne eft abandonnée quelques jours de
plus, l’odeur & la faveur de pommes difparoif-
fent ou au moins diminuent confîdérablement,
le fuc qu’elles donnent alors eft très-vineux; 8c
la fermentation fpiritueufe qui eft fort avancée,
s’achève en peu de jours, & on obtient un vin
très-analogue au vin blanc de raifîn.
Comme les noeuds de la canne fucrée n’arrivent
que fucceftivement à maturité, ceux qui y
font depuis long-temps, finit les plus fufceptibles
de fermenter, & paftènt au point où il convien-
droit de les exprimer long-temps avant ceux de
la partie füpérieure de la canne ; il eft donc, à
propos de la partager en plufîeurs tronçons qu’on
met à fermenter féparément.
Le moût de canne ( nous nommerons de ce nom
le fuc exprimé de cannes fermentées) mis dans
des tonneaux, continue de fermenter comme les
fucs-de poires de pommes, &c. Les matières féculentes
fe féparent par l’aétion même de la fermentation;
une partie fe ptécipite, l’autre eft re-
jettée fous la forme d’une écume moufleufe très-
abondante; une portion de fuc eft aufli rejettée
& il fe fait un vuide, qu’il faut avoir foin de
remplir un ou deux fois par jour, foit avec de
l’eau fucrée, foit avec du fable bien lavé.
Après plufîeurs jours, la fermentation étant tombée
au point convenable, on perce le tonneau à
4 à 5 pouces au-deflbus du fond, & fî le vin eft
clair, il convient de le foutirer dans un tonneau
propre qu’il faut remplir en entier. S'il eft un peu
trouble, ce qui arrive quand la matière féculente
eft très abondante, il faut le coller & le fouii-
rer après vingt-quatre heures de repos.
Ce vin feroit alors trop doux pour en faire ufage
comme boiflon ordinaire, a-»fli convient-il de l ’abandonner
à lui-même pendant quelque temps ,
ainfî qu’on le pratique pour le vin & le cidre.
Si on le met tout de fuite en bouteilles, après peu
de temps de féjour, il mouffè & pétille à Finfi
tar du vin de champagne. Sa couleur eft plus ou
moins ambrée fuivant l’état & • la qualité des
cannes.
Pour obtenir de bon v in , le choix des cannes
n’eft point indiffèrent; celles qui font dans les
conditions les plus propres pour donner du fucre
font aufli les meilleures pour donner un vin de
bonne qualité.
J’ai obtenu de cannes récoltées dans un marais
fangeux & trop mauvaifes pour qu’on pût les
exploiter, même pour faire de la mciafle fîrop,
un moût qui, après le compte tiem eut de la fer