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Cette excellen'e fâuce que les Grecs & Jfis
Latins nom moi en t gamin , & à laquelle ils don-
noient i’éfi.hcte de très-précieufe, n’éioit autre
choie que des anchois confits, foudus & liquéfiés
dans leur faumure, ap è; en avoir ôté la que^-e, les
nageoires & les arrêtes.
Cela fe faifoit ordinairement en expo faut au
foie il le vaiffeau qui les contenoit ; ou bien quand
ils voüloient en avoir plus promptement, ils mec-
toient dans un plat des anchois fansjes laver, avec
du vinaigre & du periil, & expofoient enfuite le
plat'fur la bra-fe bien al umée, remuoient le tout
jufqu’a ce que les anchois fulfent fondus ; & ils nom-
pioient cette fauce. acetogarum.
On fe fervolt du g arum. & de l'acètogarwn pour
afla'fonner. d’autres poilfons & quelquefois même
la viande.
P e / ‘ apprêt des Jardines £r* des anchois , comme on
le fait en Provence 0 * en Languedoo.
Il n’y a que peu d’années que les fa'aifons des
Jardines font p;atiquées le long des côtes de la
Bretagne méridionale ; il ne s’y en prépare guère
*3ue lur l ' s côtes de l’amirauté de. Quimper , à
Concarneau , & à Belle- Iflc fur celle de Vannes.
L a peche de ces poifîons étant devenue ingrate
& fterile iur les côtes du Levant, les Provençaux
mft uits de »’abondance de cette pêche en Bretagne,
y viennent à préfent chaque année. Ils y arrivent
vers le commencement du mois de mai, & s’en retournent
à la fin d Octobre.
Ils mettent dans une barrique de f i l , du poids
de deux cents livres au moins, deux livres d ocre
rouge ou bol arnjénique en poudre;' ils ôtent des
anchois la tete & les entra lies; ils falent enfuite
par lits leurs anchois, ou ils ar; angent le dos en
haut, dans de grands & pi tirs barris qu’ils (nom-
ment barrots ; fis grands peuvent contenir enviion
• f a 6oo poilfons, & les demi à proportion.
Ces fortes de barrils font fabriqués à Cette,
jaugés par la police, & manques à feu. Il y a à
Cette un infpe&eur pour cet e jauge, & peine d’amende
& de confifcation des barrots qui n’y feroient
pas conformes.
Les grands- oarrots pleins peuvent pefer vingt-
qùaf e a vingt-cinq livres.
Quand le barril eft rempli de pôïlTons alités ,
«n l’enfonce, en lai (tant u.< trou au milieu du fend
du defTus ; on l’txpcle ainfi débouché au foleil pendant
plufieurs ju r s ; ce que I on répète trois à quatre
fois de quinze jours en quinze jours pepdant
$ue Ion fçit -erte forte de p:cparatxon?
La chaleur fait fermenter la faumure que le
pprffon forme de fou fur & de. la foute du f i l ;
$11$ aide à epufisç lç poiffon.
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I a faumure fumage au-d- lfus du fond, on n’y
en met pas de nou'■ è le qu?nd elle dmirwey on a
min de temps en ternes de douiller les barri s. 11
faut faire attertion de boucher avec une cheviile
les ban ifs ex; ofés au foleil, pour peu que l ’on
C'aigne a pluie, qui aiteieroit la faumure & feroit
tort au poiflbn.
La fardrne anckoitce, c’eft-;r-dire , préparée avec
le meme fiel rouge, s’accommo 'e de’ même , excepte
qu’on ne lui ôte que la tête & qu’on lui laifïè
les entrailles.
Les Jardines les plus peifies qui font ordinairement
ce les de primeur , font cel'es qui conviennent
le mieux à cette préparation, & même les
Jardines que l’on rebute dans les preffes s’emploient
dans ces barrots, tant les étêtces ou celles auxquelles
on a coupé la ,tête, que' les égueulées &
e,ventrées qui ne peuvent fervir aux Jardine s falées &
preffées.
Tous les anchois le mettent dans les petits barrils :
on fa'e peu de Jardines dans ces fins : on fe feri
ordinairement de barriques, vuidange de Bordeaux
ou Mantes.
Lorfque ces Jardines font arrivées en Languedoc
ou en Provence, les négociants qui font ce commerce
les îranfvafent dans de petits barrils que
l’on fabrique chez eux pour cet ufage.
Cette efpèce de falaifon n’eft marchande que la
fécondé annee. four lors elle fe trouve de bonnè
qualité. Celle de l ’année n’eft poinf bonne à
manger.
Lorfoue les falaifon s font bien faites , cel’es de
a troiueme. & de la quatrième années font les plus
recherchées, parcequ’alo s le poifion fé trouve confit
dans fà. faumure.
On tranfporte ces falaifons à Nantes & à Bordeaux
par ia mer, d’où e les palTent jufqû’à'Cette
& a Montpellier par le canal. On en charge encore
quelquefois des bât-mens, qui vont en droiture par
le détroit a Ma feille, à Cette, & autres côtes du
Levant.'
La grande vente de ces anch.ois & Jardines fe
fa t à la foire de Beaucaire, d’où elles palTent dans
les lieux de lei r confommation.
Avant la venue des Provençaux en Bretagne ,
ôn n’y faifoit aucun cas des anchois. Les pêcheurs
les rejett* ient à. la mer auffi tôt quils les avoient
pris : depuis leur arrivée , on a acheté les. anchois
le.quadruple des Jardines, & quelquefois fïx fois
plus, & quoiquils ne prennent que les plus petits
de ces derniers po fions que 1rs pêcheurs Bretons
méprifoîent, leur choix n’a pas 3aifïe que de doubler
le prix oidîna re- des Jardines, tn quoi les in-
tereffes à cette pêche & les pêcheurs trouvent aujourd’hui
un profit Confidérable fur. leurs poifîons *
dajis les 1 jeux où pn les foj.e eu rouge*
s A R s A R.
Les marchands prefieurs de Jardines de l’amirauté
de Quinver, demandent que les barrils de
Jardines foient marqués à feu , tant du lieu de la
falaifon , que de celui du preffeur qui les aura préparés
, & cela conformement à ce qui fe pratique
le long des côt-s de la Normandie & de lr Pi-
car ü e , pour les harengs blancs. .:É,è difif-jentes
qualités.
Cette police fi néceflà’re aux marchands corfi-
miffionnàires , auxquels les négocions forains &
etrangers ordonnent de gros achats de ces falaifons.,
empêche la fraude des petits preffiurs , fo;t par
rapport aux Tels ufés dont ils fi fervent contre la
définie, que peur empêcher le mélange d s Jardines
dé mauvaife qualité , ou de celles qui font
furaimées,,qu’ils mettent au milieu de leurs barrils
, & qu’il n'eft pas poffible de vérifier quand une
fois ils font preffes ; elle met aufïi en réputation les
marchands prefieurs qui préparent leurs falaifons
loyalés & marchandes, & empêche les commiffioti-
naires d’être trompé comme ils le feroient fouvent,
en contenant les prefieurs, uoiit les fraudes, fe çlé-
coùviroient aifément.
On prétend q e le produit de la Jardine qui fe
pêche fur les côtes de Bretigne va à deux millions
par an , & qu’il iroit beaucoup plus loin, fans les
abus qui s’y- glifient, & les gênes qui en arrêtent le
progrès.
La Jardine paie ou payoit conformement à l’arrêt
du confeil d’état du Roi du juin 17^7 , 10 fols
par barril pour droit d’entrée. Il n’eft pas permis
de faire veifr des Jardines étrangères fans mie per-
mifïion expreffe , & fans payer les droits d’entrée
beaucoup plus confîdérables.
S O R R E T E R I E .
On appelle forreterie le lieu où l’on fait forrer
les Jardines.
Prefque routes les Jardines de Donamenez , dans
le refl'ort de l’amirauté de Quimper en Bretagne ,
fe preffent; on ne les faloit pas autrefois en barril
comme on fait à préfent, on les ferroit de la même
manière dont on boucane encore aujourd’hui les
harengs-fors en Picardie & en Normandie.
Il s’en faifoit un grand commerce le long des
côtes d’Efpagne & d’Italie. Depuis qu’on s’eft mis à
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les faler en barril, ce premier commerce eft tom-
bé', de manière qu’on ne fort plus guères de Jardines ;
à préfent les Jardines f:lées fe mangent pour là
plupart crues par. les berg rs & les garçons des
vignobles où l’on les fait paffer*
Les lieux ou l’on fait for eter les Jardines font établis
à peu près de la meme maille: e. que fis rouf-
fibles -U l’on fait fumer -en Normandie les ba-
îengs fors.
On fale à terre les Jardines en tas ou en grenier,
oU les arrange de tête en queue en forme dé demi-
ovale ; on sème encre chaque lit du Tel comme
0n J?** aux Jardines que l'on prépare pour ê re
preffees ; on les laiffi ainfi en tas p ndant deux oit
trois jours au plus.
Quan 1 on veut que cet apprêt f it doux &
mo.ns âcre, on fale les Jardines avec de vieux
feîA r#ePofé dune année, parce que le poiftbn apprêté
de f il neuf ou nouveau eft bien moins
délicat.
Après qu’il eft r.fié fufijfrmment au ffelyoïï pafle
dans de pet:tes‘ brochettes de bois les Jardines de là
même manière que celles qu’on , met en prefîe ; on
les.lave de même dans i’<au de mer, &/ehfüite dans
leau douce; après quoi on les pend dans la forre^-
terie., comme on^ fait les harengs; 0n les laiffa
égoutter pendant vingt-quatre heures avant d’y faire
le feu , qui dure ordinairement fept à huit jours' fi je
temps eft fec ; finon pendant dix jours & plus sqi
humide. •
Le feu qu’on fait pour forrerer les Jardines eft
fait avec, du bois de chêne , des copeaux de tonnelier
ou de menuifier, que, l’on recouvre enfuit-
de cendres des landes brûlées.
Pour lui faire rendre plus-de fumée on met le feu
le long des pentes des brochettes.
Le lieu qui fert à cette préparation eft une 4 i4
ou efpece de fellier, fans,étage au deffus avec une
cheminee dont ,l’embouchure occupe toute là iar-
geur.de k pièce le long de laquelle font pendues
les Jardines.
On ne commence guère à forreter à Donamenez
que vers la fin de la pêche , parce quYors ce font
les plus grolies Jardines qui viennent à la côte
qu'elles rangent toujours, pour paffer l ’embouchure
du canal vers la-fin de décembre , ou au plus tard
vers la fin de janvier.
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