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mentation fpi*itueufe, m’a donné un yin d’un goût
de fange déteftable.
C e fait démontre que le vin de canne, comme
le vin de raifîns & le cidre, a non-feulement la
faveur propre à la çannè-fucrée , ( çonfi.dérée par
rapport à fon analogie avec les fruits muqueux )
mais encore celle relative aux circonftances ou
elle fe trouve. (; confîdérée comme plante) par
rapport à la nature, à la pofition & à la fituation
du fol où elle croît. Saveur connue fous le nom
de goût de terroir.
L ’état du moût de cannes eft tel que fa fermentation
fe continue & s’achève avec fuccès même
dans les plus petits vafes; j’en ai mis dans des
dames-jeannes 8c même dans une caraffe dont j’ai
'obtenu de très-bon vin. En ajoutant à ce moût
le fuc d'un fruit tel que l ’ananas^ l’orange, le
citron, la gouyave, l'abricot, &c. on. obtient un
vin qui a la faveur & le parfum du fruit que l’on
a employé : on peut aufli lui donner une couleur
rouge plus ou moins forte & très-agréable, avec
le fuc du fruit de la raquette fauvage.
Si on foumet le vin de canne à la diftillation,
on en retire une-eau-de-vie que nous nommons
eau-de-vïè de vin de cannes. Nous avons diftillé
dix pintes de v in , fait avec les plus mauvaifes
cannes.poflîb'les, & nous avons obtenu quatre pintes
d’eau-de vie portant 17 degrés à l ’aréomètre de
Baume. Nous fommes bien perfuadés qu’on reti-
reroit du vin fait avec de bonnes cannes, une
proportion d’eau-de-vie plus grande encore.
L ’eau-de-vie de canne eft très- agréable, & le
difpute au plus excellent rhum.
On voit que la nature bien loin d’avoir privé,
comme on l’avoit cru jüfqu’à ce jour la z.ône tor»
ride de fruits propres à faire une- boilfon vineufe
& agréable capable de tempérer l’ardeur qu’eprou-
vent les habitans de fes contrées brûlantes, l’a
enrichie de la canne .à fucre qui . offre à ces habitans,
dans fon fel eflentiel, l’aliment le plus
pur, & dans fon fuc fermenté, la fource, la plu?
abondante d’une bpiffon falutaire,
La canne fe prête *à tous les goûts : pomme ou
raifîn, elle donne à volonté -ou du cidre, où du
vin. Elle croît en tout temps , prefqu’en tous lieux,
Si elle peut êtie*récoltée dans toute - faifon .
En confidérant la canne à fuCre par rapport aux
produits ipiritueiix qu’on en peut tirer, elle ©fifre
au cultivateur des avantages plus certains 8c plus
grands qu’aucune autre denrée Coloniale.
Un carreau de terre qui préfente une furface
de 3400 quelques toifes, peut produire 2 à 300
cabrouettées de cannes pefant 1000 livres chacune.
L» canne lucre e donne ordinairement moitié de
fon poids en fuc exprimé. En fuppofant un cinquième
de perte dans la confection du vin pour
s u c
le coulage 8c pour la lie , il refleroit 400 livres
d’une liqueur cidre ou vin, produit d’une cabrouétee
de cannes. Trois cent ' cabrouétées donneroient donç
1 20,000 livres devin, ou 60,000 pintes, mefure
de Paris, dont le produit diftillé feroit 24,000
pintes d’eau-de-vie; mais en réduifant ce produit
à moitié & n’eftimant l’eau-de-vie qu’à 10
fols la pinte, un carreau de terre produiroit au
moins 6000 livres en argent.
Le coton, l ’indigo, le café, la canne exploitée
pour faire du fucre, ne donnent jamais, dans les
circonflances les plus heureufes, par carreau de
terre, un produit de 6000 livres en argent.
La confeâion & la difiillation du vin de cannes
n’exigent pas plus de peines, ni de foins que la
fermentation & la diftillation des mélalTcs.
Comme la culture de la canne n’eft fujette à
aucun accident, cette plante n’ayant rien à craindre
des infedes, comme elle peut être récoltée tous
i les jours de l’année, & que pour être exploitée
I en vin & en eau-de-vie, elle ne demanderoit pour
I toute dépenfe qu’un petit moulin & un alambic,
I que d’ailleurs toutes les opérations de cette forte
j d’explo-ta^ion peuvent fe faire fuccefllvement, il
feroit poflible de commencer cette culture avec
une dixaine de nègres.
Sucre ds érable G* <£autres plantes.
Les fauvages du Canada & des autres parties
de l’Amérique feptentrionale , font une efpèce de
fucre avec une liqueur qu’ils tirent d’une forte d’Erable
que les Anglois nomment pour cette raifon
Sugar-Muple.
L ’Erable fournît donc aux habitans de ces climats
vigoureux, un fucre qui les dédommage en partie
de ce que les cannes de fucre ne croifleot pas
chez eux, les François nomment cet arbre Erable
rouge; plaine, ou plant ; 8c les Anglois Maple.
Le fucre qui en provient eft d’une très-bonne qualité,
& on le regarde comme fort fain. Mais
c’eft l'Erable de fucre qui en donne le plus abondamment.
Il fe plaît dans les parties les plus fep-
tentrionales & les plus froides de l ’Amérique &
devient plus rare à mefure qu’on s’approche du
midi, alors on 11e le rencontré, que fur. de très-
hautes montagnes, & du côté qui eft expofé au
nord. D’où l’on voit que cet arbre exige un pays
•très-froid. .
Voici la manière dont les fauvages & les fran-
çois s’y prennent pour en tirer le lucre: au printemps,
lorfque les neiges commencent à difpa-
roître, ces arbres font pleins de fuc, alors on y
fait des incifîons, ou bien on les perce avec un
forêt ; & l ’on y fait des trous ovales, par ce moyen
, il en fort une liqueur très-abondante j qui découlé
j ordinairement pendant i ’efpace de trois feiTiaiqes ;
cependant
cepéndant cela dépend du temps qu’il fait*, cai*
]a liqueur coule en plus grande abondance y lorfque
la neige commence à fondre & lorfque le
temps eft doux ; & l ’arbre ceffe d’en fournir lorf-
qu’il vient à geler, & quand les- chaleurs fe font
fentir.
La liqueur qui découle eft reçue dans un auget
de bois qui la conduit à un baquet ; quand on en
a amaffé une quantité fuffifante , on la met'
dans une chaudière de fer ou de cuivre que l’on
place fur le feu; on y fait évaporer la liqueur,
jufqu’à ce qu’elle devienne épaifie pour ne pouvoir
point être remuée facilement. Alors on retire
la chaudière du feu & on remue le réfidu qui,
en refroidilTant devient folide, concret & femblabje
à du lucre-brut ou à de la mélafle.
L ’on peut donner telle forme qu’on voudra à
ce fucre en le verfant dans des moules après qu’il
a été épailïi.
On reconnoît que la liqueur eft prête à fe cryf-
tallifer ou à donner du fucre, lorfqu’on s’apper-
çok qu’il ceffe de fe former de l’écume à fa fur-
face. Il y en a beaucoup au commencement de
la cuiffon ; mais on a foin de l ’enlever aufli-tôt
qu’elle fe.forme, on prend aufli du fîrop épaifli
avec une cuillère, & l ’on obfervé fl en refroi-
diffant il fe convertit en fuc. Alors on ôte la chaudière
de deffus le feu & on la place fur des charbons
; on remue fans ceffe, afin que le fucre ne
s’attache point à la chaudière & ne foit point
brûlé.
En fe continuant ainfî le fîrop le change en
une matière femblable à de la farine, alors on le
mec dans un lieu fiais & l’on a du fucre qui ref-
femble à la mélaflè. Il eft d’une couleur brune,
avant que d’être raffiné, & communément on lui
donne la forme de petits pains plats de la grandeur
de la. main.
' Ceux qui font ce fucre avec plus de foin, le clarifient
avec du blanc d’oeufs pendant la cuiffon, &
alors ils ont un Lucre parfaitement blanc.
On regarde le fucre d’Erable comme beaucoup
plus fain que le fucre ordinaire & l’on en vante
l’ufage pour les rhumes & pour les maladies de
la poitrine. Mais d’un autre côté il ne fe diffout
pas aufli aifément dans l ’eau que le fuciedes cannes,
& il en faut une plus grande quantité pour fu-
crer.
Il ÿ a lieu de croire que fi on le preparoît avec
p]us de foin que ne font les . fauvages & les har
bitans du Canada on pourroit tirer de ce fucre
d’Erable un plus grand parti qu’on ne fa it , & on
le perfedionneroit confîdérablemént.
La liqueur que fournit LErable mife dan s un
barril & expofée au foleil d’été fait un très bon
vinaigre.
Arts G* Métiers 'lome V I I ,
Les colons du Canada mêlent quelque fois l e
fucre d’Erable avec de la farine de froment & de
maïs & en font une pâte dont ils font une pro-
vifîon pour lès grands voyages qu’ils entreprennent.
Ils trouvent que ce mélange qu’ils nomment quit-
fera leur fournit un aliment très-nourriflànt dans
un pays où l ’on ne trouve point de provifions.
Les habitans de ce pays mangent aufli ce fucre
étendu fur leur pain : chacun en fait fa provifîon
au printemps pour toute l’année.
On fait encore une efpèce de fîrop avec la l i queur
qui découle de l’Erable ; pour cet effet on
ne la fait point bouillir auffi fortement que lorfqu’on
veut la réduire en fucre. Ce fîrop eft très-
doux, très-rafraîchiffant & très-agréable au goût,
lorfqu’on en mêë avec de l ’eau; mais il eft fujet
à s’aigrir, & ne peut être tranfporté au loin. On
s’en fert auffi pour faire différentes efpèces" de
confitures.
La liqueur telle qu’elle fort de l’arbre, eft elle
même très-bonne à boire, & elle paffe pour faine.
Celle qui découle des incifîons faites à l’arbre au
commencement du printemps eft plus abondante
& plus fucrée que celle qui vient lorfque la faifon
eft plus avancée & plus chaude : on n’en obtient
jamais une plus grande quantité qu’à la fuite
d’un hyver .aride & où il eft tombé beaucoup de,
neige, & lorfque le printemps eft froid, & quand
il^efte encore de la neige fur la terre, ou lorfque
les nuits’ font froides & accompagnées de gelée.
On a remarqué que durant les vents d’eft, ces
arbres ceffent bientôt de donner de la liqueur. Ils
en fourniffent plus dans un temps ferein que lorfque
le temps eft couvert, & jamais on n’en obtient plui
que Iorfqu’une nuit froide eft fuivie d’un jour clair
& doux.
Les Erables d’une grandeur moyenne fourniffent
le plus de liqueur, ceux qui font dans les endroits
pierreux & montueux donnent une liqueur plus fucrée
que ceux de la plaine.
Un bel arbre produit de 4 à 8 pintes de liqueur
en un jour & lorfque le printemps eft frais, uh
feul arbre fournira de 30 à 60 pintes de liqueur
dont 1 6 pintes donnent communément une livre de
fucre.
Un même arbre fournit de la liqueur pendant
plufîeurs années, mais il faudra pour cela faire
les incifîons ou percer les trous toujours du même
côté & les faire de bas en haut & non de haut
en bas fans quoi l ’eau de la pluie féjournant dans
l ’ouverture feroit périr l’arbre.
Tous ces détails font dus à M. Pierre Kalm , de
l ’académie de Stockholm, qui a vu par lui même
le travail qui vient d’être .décrit & en a rendu
compte à Tacadémie. Il conclut de ces faits que T tttl’on pourroit avec