
C’eft un homme qui fait mouvoir la roue en
marchant dedans : cet homme s’appelle le tireur.
Les eaux de ce puits fe rendent dan$ les baiiïoirs *
& fortifient celles du grand puits ; de manière que 1
leur mélange eft de 15 degrés 5 de falure.
On entend par baiffoirs, des refervoirs ou des
magafins d’eau ; le bâtis en eft de bois de chêne,
& de madriers fort épais -contenus par des pièces de
chêne d’environ un pied d’équarriffage , Toutenus
par de pareilles pièces de bois qui leur font adoffées •
parle milieu. La fuperfic é de ces magafîns eft
g<arn;e & liée de poutres auffi de chêne , d’un pied
d’épailîèur, & placées à un pied de diftançe les
unes des autres. Les planches & madiers qui les
compofent font garnis dans leurs joints de chan-
touiiles de fe r , de moufle, & d’étoupe pouffées
a force & avec le cifeau, & gâudronnées.
Le bâtis eft élevé au-deflus du niveau des poêles.
C e magafin d’eau eft divifé en deux bai Hoirs ou parties
inégales; la plus grande a S2 pieds 4 pouces
8 lignes de longueurfur 2 1 pieds 6 pouces de largeur
; la petite, 48 pieds 8 pouces de longueur,
l'ur 21 pieds 6 pouces de largeur: & 1,’une & l ’autre 4 pieds 11 pouces de haut, qui ne peuvent donner
que 4 pieds 6 pouces d’e n dans les poêles, parce
quils font percés à 5 pouces du fond. Le toile de
ces baiiïoirs donne 13645 pieds cubes 6 pouces
g eau; comme ils communiquent par le moyen d’un
echenal, l’eau y eft toujours de niveau ; ils abreuvent
5 poêles par dix conduits.
Ces poëics font fé paré es par des murs mitoyens,
de man ere toutefois que la communication eft
facile d une poêle à une autre par le, dedans du
batiment. Il y en a quatre de 2,8 pieds de longueur,
fiir 3 z , mefure de Lorraine , où le pied eft
de 10 pouces 5 lignes de roi.
Chaque poêle eft compofée depuis z6o jufqu’à
zço platines de fer battu, chacune de i à 2 pieds
â de longue:r , fur 1 pied k de largeur, &
de 4 lignes d’épailfeur au milieu, & z lignes k
fur les bords : ces platines font coufues enfemble
par de gros clous rivés par les deux bouts.
Chaque poêle eft garnie par-delïbus de p'ufieürs
a neaux de fer de 4 à 5 pouces de diamètre, appelles
happes, où paffent des crocs de fer de z pieds
5 de longueur , ou environ. Le croc eft recourbé
paj l ’extrémité de façon a entrer dans la happe qui
lui fert d’anneau , enforte qu'il eft fémi-circulaire.
L a pointe du haut, longue de cinq pouces ouenvi-
rÇn , en eft feulement abattue, & tient à de greffés
pièces de fàpin qu’on appelle Bourbons. Chaque
bourbon a 30 pieds de longueur, fur 6 pouces en
quarte ; il y en a 16 fur la longueur de la poêle,
eïpacés de 6 en 6 pouces, & appuyés fur deux
autres pièces de bois de chêne beaucoup plus greffes,
pofées fur les faces de la longueur de la poêle. Ces
deux dernières pièces fe nomment machines\
Uile poêle ainfi armée eft établie fur quatre murs,
à l’angle de chacun defquels il y a un faumon de
foir e de fer qui la foutient. Chaque faumon a environ
un gied en quarré , & cinq pieds de long.
Ces quatre murs ont environ cinq pieds de hauteur,
fur deux d’épaiffeur, & forment le meme
quarré que la poêle ; ils font féparés en-dedans par
un autre mur appelle bar ange, d’environ trois pieds
de hauteur, & ouverts fur le devant dans toute leur
hauteur, de deux entrées d’environ trois pieds de
largeur, & fur le derrière de deux trouées de meme
hau- eur, ma:s d’un pied demi feulement de
large. Celles-ci fervent de cheminée'; e’eft par les
antres qu’on jette le bois, les fafeines^ & qu on
gouverne le feu. Les murs de refend fervent a
la réparation (les bois & des braifes ; ils ■ fcmt faits
de cailloutage & des pierres de fel qui fe forment
par le grand feu , lorfqu’il fe fait des gouttières
aux poêles, avec de la glaife mêlée de cendres &
de c rafle provenant des cuites; cette-compofi.tion
réfîfte à la violence du feu pendant plufieurs abattues.
Au derrière de chaque poêle, & à l’ouverture
des cheminées, il y a deux poêlons de 8 à 10 pieds
de longueur, lut 6 à 7 de largeur; & 10 à 11 de
profondeur. Chacun eft compofé.de 28 platines :
c’eft dans ces poêlons que les conduits ou échenaux
amènent les eaux des baiiïoirs / d’ou elles fe
rendent dans les poêles après avoir reçu un premier
. degré de chaleur. ^ »
Chaque poêle eft fervie par une brigade de 14 ouvriers;
favoir deux maîtres , ,deux focqueurs, deux
; falineurs, quatre fujets, & quatre brouetteurs.
On compte le travail des poêles par abattues-,
compofées chacunes de 1S tours, le tour eft de 24
heures. Voilà le temps néceffaire à la formation des
fels. Lorfqu’une abattue eft finie, on laiffe repofer
la poêle pendant fix jours, qu’on emploie à la raccommoder.
Une poêle fournit ordinairement depuis
27 , 28, jufqu’à 30 ou 31 abattues.
Avant que-de mettre une poêle en feu, les maîtres
fdcqueurs .& falineurs l’établiffent fur fon fourneau
, & font dans l’ufage de lui donner deux pouces
à deux pouces & demi de pente fur le devant, parce
que le feu de devant eft toujours plus violent; en-
fuite ils ferment les joints des platines avec des
étoupes, & enduifent le fond de chaux détrempée :
ce travail s’appelle cliflrer une po'êle.
La poêle cliflréè, on paffe les crocs dans les
happes, on les place fur les bourbons, ou établit
entre les bourbons & la poêle des éperlans ou rouleaux
de bois d’un pouce & demi de diamettre ou
environ, pour conrenir la poçle & arrêter autant
que faire fe peut les efforts du feu : après quoi on
ouvre les conduits des poêlons, & l’on charge la
poêle d’un pouce d’eau, pour empêcher que le feu
d’pnyiron 3C0 fagots qui ont été jettes deflous, ne
truie ies étoupes qui bouchent les joints des platines.
Ce premier t’ avail s’appel e échauffée, & fe commence
entre, onze heures & midi;- enfuite les falineurs
jettent du bois de corde dans le fourneau , &
chargent la poêle d’eau jufqu’a 15 a 16 pouces de
hauteur ; on diminue enfuite de moitié ou environ :
le volume d’eau que donnent lès échenaux.
Le falinage dure environ cinq heures , & confirme
à-peu-près huit cordes de bois ; pendant ce
temps la poêle bout toujours à grand feu , & eft
continuellement abreuvée de l’eau des poêlons.
Quoique les poêlons feurniffent fans ceffe, cependant
1 a poêle fe trouve réduite après le temps du
falinage , à 13 ou 14 pouces d’eau,,parce que l ’évaporation
caufée par l’ardeur d’un feu extraordinairement
violent, eft plus grande que le remplacement
continuel qui fe tait par le fecours des
poêlons^' ■
Il paroît dans ce temps une crème lu fante fur la
fuperfic'e de l’eau , à peu-piès comme il air.ve fur
un baflin de chaux fraîchement éteinte: alors, on
ferme entièrement les robinets; & les maîtres, fis
falineurs & les fujets remettent la poêle aux foc-
queurs. Ce paffage des uns aux autres, s’appelle
rendre la muire aux focqueurs.
Les focqueurs, à qui les brouetteurs ont fait pro-
vifîon de quatre cordes de gros bois, les jettent dans
le fourneau à quatre reprîtes différentes , dans l’intervalle
d’environ trois heures; ils nomment ce
travail la première, la fécondé, la troifîènre & la
quatrième chaude; ces quatre chaudes donnent ordinairement
une diminution de quatre pouces d’eau
dans la poêle.
Sur les dix à onze heures du foir, les focqueurs *
remuant d’heure en heure les braifes du fourneau
jufqu’à deux heures du matin, & plus fouvent, lorf- 1
que les braifes s’amortiflent trop promptement.
On donne à ce travail le nom de raillées, parce
que rinftrùment qu’on emploie s’appelle raille : le
raille n’eft autre cliofe qu’une longue perche de
toute la longueur du fourneau, au bout de laquelle
eft un morceau de planche.
La chaleur de ces braifes donne à la muire p refque
le dernier degré de cuilïon ; & fur les deux heures,
lorfque les braifes font amorties , les focqueurs
jettent dans le fourneau, en deux ou trois fois.,
feize chers de fafeines de 20 fagots chacun : après
quoi ils remuent de nouveau ces braifes jufqu’à
qua’re heures du matin , que fe fai: la brifie.
Quelquefois par des accidens, fpit de vents contraires
à cetre opération , foit par la mauyaife qualité
des bois, ou parce qu’ils ont été mal adminif-
trés dans l’intervalle du falinage ou du fo.ccage, les
ouvriers font'forcés d’ajouter quatre à cinq cens
fagots à la. corifommation ordinaire , pour hâter
cette cuiffon, fans’quoi elle articiperoit fur le tour
fiüysnt. C’eït ce que les ouvriers appellent entr’eux
courir a la paille.
Lorfque le premier fel eft fo’iné , les falineurs
& les fujets le tirent de la poêle avec des pelles
courbes, & le mettent égoutter fur deux claies ap-
pëliées chèvres ,• qui font pofées au milieu des deux
côtés de la poêle ; & à mefure que le monceau g “oiïit,
on l ’entoure avec des fângles pour le foutenir &
l ’élever à la hauteur qu’exige la quantité du fel
formé.
-Après que le premier fel eft t’r é i les focqueurs
jettent dans le fourneau environ 400 fafeines a trois
temps , ce qu’ils appellent donner trois chaudes ; &
cette opération comuit au dernier degré de cuilïon,
Ce qui relie dans la poêle. Cette eau poste ordinairement
38 à 40 .degrés de faluie.
La formation de.ee dernier fel ne finit que fur
les dix heures du matin : .on le met comme le premier
fur les claies ou chèvres', où ils reftert 1 un
& l ’autre pour fe féchcr & s'égoutter pendmt fe
temps du tour fui vaut.
Il y a toujours un des 14 ouvriers de la brigade
qui vei'le fur la poêle à tour de rôle pendant la
nuit; fes fondions çonfifienc à avoir l’oeil aux ac-
cilens imprévus, & à faite ven r aux heures marquées
les ouvriers de rechange au polie & au travail
qui leur eft affigné.
Nous venons de parcourir les différentes manoeuvres
qui s’employent à la fabrication du fe l;
fuppofons maintenant qu’une abattue foit finie ,
| pour voir ce qui fe paffe julqu a ce qu une aut:e re-^
commence.
Nous avons dit que l'on donnoit fix jours d’inter-
va:le entre chaque abattue ; pendant ce temps les
maîtres & les focqueurs ôtent Us cendres du fourneau
, & les portent au cendrier dans des civières
appelléçs banaffes ces cendres appartiennent au
fermier de l'embauchure (^voye\ plus bas ce que
c’eft ) ; il en retire environ 800 livres par an.
Enfuite' on labouré Pâtre du fourneau pour le
remettre de niveau, en appUniLanf les boifes qui
fe font fa tes par les gouttières de la poêle ; & les
cralfes qui en provi-i ner.t, ainfi que 1 écume que
la poêle a rendue pendant fe temps de la formation,
font enlevées par les luje's & les brouetteurs, &
répandues dans l’ intérieur de la fa line , tant pour
élever les endroits qui font encore inondés par les
eaux de la feiile, que pour empêcher que les habitants
ne fe fervent des crafies & écumes , dont ils
tiieroient une affez grande quantité de fel en les
faifant recuire.
Pendant le temps de la cuiffon, l’écume fe t re
avec fix cuillères de fer ap; ellées augelots , placées
féparément entre les bourbons fur le derrière
de la poêle.