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Particularité de la fabrication -de fe l -ait même
endroit, L or (que les maréchaux ont mis la poêle
en ctac, les ouvriers, dès quatre heures du mat:n,
mettent le feu fous le poêlon, avec des éclats de
bûches, & cependant ils donnent de l’eau aux ex-
haiatoires, laquelle fe reiid dans le poêlon. Ce
poêlon contient de la muire graffe, auiant qu’il
a été poflîble d’en ramaffer, ce font les eaux ks
plus fortes que l ’on ait dans le cours ordinaire de
la formation du fe l, par le moyen du feu.
Si la muire retirée de l’abbatue, a été abondante,
elle fuflâc feule à l’opération ; lî on juge qu’il n’y
en ait pas fuffifamment, on jette dans le poêlon
du fel de focquement : c’eft ainfi que l ’on appelle
le dernier fel qui refte au fond de la poêle , qui
eft d’un brun jaune, non loyal & marchand, &
piêié de corps étrangers.
Les ouvriers ont toujours de ce fel en quanti é ,
pour parer aux accidens contraires à la formation
dont la fbibleffe des eaux eft très-fufceptible : le
mauvais temps, le grand vent, le bois d’une moindre
qualité, Gr'c. peuvent faire ceffer & baiffer la
poêle à un point que l’on ne pourrait la relever
& la faire .fehiotter, tout fe perdroic faus former
du fel.
Lorfque l’eau, verfée des exhaîatoires dans 1«
poêlon où eft la muire ou le fel de focquement,
le difpofe à bouillir , on r-mplit entièrement de bois
Je fourneau de la grande poêle, en laiflant des jours
entre les bûches que l’on croife à cet effet; on allume
ce bûcher, & fitôt que la poêle a pris chaleur
, on l’arrofe avec la composition du poêlon,
que l ’on puife avec d^s vaiileaux appeliés Jcilotes,
Quand le fer de la poêle eft bien chaud, & qu’ÎJ
Commence a être encroûté de fel formé par l ’ar-
rofement fufdit, on y laifïe entrer l’eau naturelle
jufqu’ à- ce qu’e le foie à peu près pleine ; enfuire
pn donne quatre chaudes-confécutives, c’eft-à-dire
qu’on charge quatre fois ce fourneau de bois y la
dernière chaude finit à trois heures après midi ;
dans l’intcrvale de ces chau!es? on levé les au-
gelots, ou ces efpèees de caiffes de fe r , avec une
ànfe, qui fe pofenc aux angles & le long des côtés
de la poêle, & dans lefquels le fchlot fe dé-
pofe.
Cette première opération fe fait par le maître,
Je falin ur & le boeuf ; c’eft ainfî que l ’on nomme
l ’ouvrier qui décharge le bois des cbarettes , le jette
fur la poêle, & fait les autres menus fervices.
A trois heures après midi le focqueur fe charge
de la poêle, il donne la dernière chaude avec le
fa îneur qui fe retire à fix heures ; le fucqueur rabat
les braifes, & laifte couler de nouvelle eau du poêlon
dans la poêle, fuivant la force de fa muire; on
ne commence à tirer le fel que le 3 ou 4 e jour,
quelquefois en petite quantité, quelquefois affez
s A L'
abondamment, fuivant les accidcns furvenus pendant
la cuiffon.
On compte le falînage par abattues, les abattues
par tour, le tour eft de 14 heures, & il y en a
13 dans une abattue; chaque tour commence à
4 heures du matin r le produit en fel eft plus ou
moins grand.
Il u*y a en cette faline que cinq ouvriers , parce
qu’ils ne font pas obligés a travailler le bois.
L ’été eft la faifon la plus fa v o ra b le au fa lin a g e , i l
y en a b ien des; raisons qu i fe préfanteroi it.
Muii. Abattues. Cordes de bois. Muids de fel.
Janv. I 7}7 U ^ 7 -
f l 70 1097
8 16 1 7 1 0 - 580
Août 7 m 25 50
f l i p 669
Mai t 16 4 669 1349
661
On a choîfî pour cette comparaifon deux mois
d’hiver , pendant lefquels le nombre des abattues &
des cordes de bois a été à-peu-près le même que
dans deux mois d’été.
Lorfque la muire ou l’eau des fources falées a
fenti le faü pendant quelque temps, elle devient
< trouble & elle commence à dépofer un corps étranger
, de couleur cendrée , gras au toucher, grume-
j leux ; en continuant de le frotter entre les doigtç,
on le crairoit plein de fablon affez fin ; cette ma-
’ tière fe nomme fchlot, ou terre & craffe de poêle ;
c’eft ce'te matière qui forme le corps .de l’écaille
ou équille ; elle fe durcit far le fond de la poele ,
devient aufli fo’ide que de la pierre commune , & lie
le premier fel qui tombe fur fond? fon depot pro-
greflif eft fini lorfque le g ain de fel commence à
paroître à la fuperfiçie de la muire.
Pour diminuer l’épaiffeur de l ’écaille qui diminue
l’aéfcion du feu & ruine les fers , on fe fert
des angelots, le fchlot s’y dépofe ; on le jette,
parce qu’on fait par expérience qu’il ne contient
prefque point ce fel ; il fait périr les arbres, s’il
pénètre jufqu’à la racine; en le travaillant avec
art & fans mélange , on en tire un fel pareil à celui
d’Epfon.
_ On en tire encore d’autres Tels’; en l’examinnnt,
il donne des cryftatrx depuis 6 jufqu’à 18 & 10 lignes
de long, & depuis 1 jufqu’à 3 f lignes de largeur;
ce font des pnfmes à fix pans irrégulièrement réguliers
; les deux fur face s du petit diamètre fonr à-?
peu-près doubles de largeur des deuxfarfaces qui terminent
chaque extrémité du grand diamètre ; chacun
des deux bouts eft terminé en pointe de dia-
Nmans, par fix îriang'es dont les bafes font égales
aux deux plus larges fuperfides , & aux quatre petites
alternes,
Adàitm
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Addition à ce qui a été dit des lâtimens de graduation.
Pour former le fel de mer, on difpofe des aires
ou baflîns, qui ont beaucoup de fupe.ficie & peu de
profondeur , dans lefquels on introduit l’eau de ia_
mer par des rigoles; le foieil & l’air a giflent fur
cette eau, ils l ’enlèvent, l’évaporent dans un efpace
de temps plus ou moins, long , fuivant l ’ardeur du
foieil, ia quantité & l’aâivité du vent, étant à obfer-
ver que la faifon de l'été la plus chaude, eft celle
que fon failît pour cete opération.
Le fe l, comme plus pefant que les parties aqueu-
fes , demeure inébranlable aux chocs qu’il reçoit,
l'adion du foieil, les fecouiTes & les ébranlemens
de l’air, l’élèvent feulement jufqu’à une hauteur
de quelques pieds, mais il retombe après quelques
pirouettemens, fes parties fe réunifient, fe cryftafli-
fent & forment enfin un corps folide , dont la
figure eft communément cubique.
L’art a cherché à imiter la nature par les bati-
mens de graduation ; pour cela il n’a que changé
la forme de l’évapora ion ; celle de la nature fe
fait dans une difpofîtion horizontale , celle de Part
dans une difpofîtion veriica'e.
Les bâtimens 4 e graduation font à jour, élevés de 40 à 15 pieds de la cuve à la fablière ; on force l ’eau
que l ’on veut graduer, à. monter par les pompes
jufqu’au haut de ce bâtimens, d’où elle fe diftri-
bue dans des augets de 4 à cinq pouces de la r geur
& autant' de profondeur, difpofés fuivant la
longueur du bâtiment, parfemés de petits robinets
à fix pouces de diftance les uns des autres, qui ne
laiffent échapper l’ëau que par gouttes, lefquelles
rencontrant dans leur route une maffe de fafeines
de zo à 4? pieds de haut, für dix de large , fe
fubdivifent & multiplient leurs farfaces à l’infini ;
en forte que l ’air auquel cette fubdivifion donne
beaucoup de prifê , emporte dans l ’efpace, comme :
une rofée , les parties douces de l’eau qui fe font
trouvées fournies à fon a&ion , pendant que les parties
qui demeurent chargées de f e l , déterminées
par le poids , décrivent Conftamment une perpendiculaire
, & fe précipitent dans, le baffin deftiné à
les recevoir, d’où elles font enfuite élevées par
d’autres pompes qui les portent dans une autre
divifion d’augets, pour retomber, par la même manoeuvre
que ci-deyant, dans une autre divifion dë
baflîn , & fucceflivement jufqu’au dern:er, le nombre
étant proportionné au degré de la falure de l’eau.
On donne aux plus foibles , telles que celles d’un
degré & demi ou deux degrés, jufqu’à fiept divi-
fions, & l’on peut les pouffar jufqu’à 30 degrés en
trois jours dans la bonne faifon.
Plus la difpofîtion des bâtimens eft parfaite, plus
les differentes économies font faillibles. Leur forme,
leur expofîtion, la manière d’ileverles eaux', l'atten-
Arts Métiers. Tome V I I .
I 2 p
tion aux progrès de la falure pour éviter un travail
inutile, & ménager un temps précieux, le gouverne •
ment dés robinets qu’il faut conduire fui-ant les
changement & le caprice du vent, & mille autres
détails que l’on croiroit indiffère ns » font d’une importance
extrême.
Pour pouvoir déterminer avec certitude ..l’étendue
d‘'s bâtimens néceffaires à graduer une fource
falée ,_ il en faut connoître hvec précifion la ppffi-
bilité & la qualité. ,Mais pour en donner une idée
générale , de même que de l’économie qui en refaite
, on dira que pour faire par le moyen de la
graduation 7000 tonneaux de fel de 650 pefant
chacun , avec de l ’eau à 4 degrés ou à 4 pour § ,
il faut 3,60b pieds de bâtiment & jooo cordes de
bois, & que fans ce 'a, il en coutcroit34000cordes
pour pareille quantité.
On ne connoît point l’auteur de cete machine;
mais il eft à pféfamer qu’elle eft fort anc:enne, &
que la faline de Soultz en baffe A'face, a fourni
le modèle 4i cel'es qu’on a établies dans la faite,.
C’eft farement la plus ancienne. Celles de Suiftè,
de Savoie & d’Allemagne font abfolument modernes,
& if eft étonnant que l’on n’ait pas plutôt fait attention
à celle de Soultz, qui eft fur le grand chemin
de Strafoourg à Mayence , & expofée à ia vue
de tout monde. 11 n’y a perfonne à Soultz ni aux
environs, qui fâche l ’origine de cette faline \ le
plus ancien titre qui exifte eft un contrat d’açqui-
fîtion de 1 66 ,
Elle fubfîftoit avant les guerres de Suede, pendant,
lefquelles elle fut ruinée. Rétablie à la paix ,
elle fut donnée à emphithéote par la maifon de
Fleckeinftèin à celle de Krug, moyennant le dixième
du produit en fel. Krug la rendit à Furft,
qui la répara de nouveau. Cette faline peut fournir
annuellement environ i4omuids, de £50 livres
chacun.
Les eaux des fontaines f-lantes paiïlnt par des
carrières fouterraires de fel gemme, où elles fe
chargent de parties de fe l3 & contràdent un d^ gré
de falure plus ou moins fort, faiva: t qu’elles, en
parcourent fans intérrupt on un plus ou moins long
efpace, étant à obfèrver que ces roches font par
veines, par couches & par cantons; & ceft !a rd -
fo'n pour laquelle on voit côte à côte une fource
d’eau doueé & une autre d’eau fa.éè; d. forte , que
la terre étant extrêmement variée dans fà com-
pofîtion, les eaux qui en fort nr participen- de
tous ces diff r.ns modes, & elies fa trouven t imprégnées
de parties de fel à proportion des différences
de leurs poficions,
La mer eft trop éloignée pour s’imaginer quVlle
fait, la caufe de la. faljire de ces eaux; l’eau fil-
trêé dans les terres pendanr un fi long trajet, fe
dépouilleroit néceffairement de f m fa l, à motns
qu’on ne fuppofât quelles font apportées de la mer