
Sî on fe rappelle ce que nous avons dît de la
feuille , on v.erra qu'elle a les -conditions les pli$
favorables pour recevoir l'aZi’on de l ’air, de 1*
lumière, du foleii , & les întluences éleélriques
de l’amofphère , agens Les p’us puilTans de ia végétation.
C ’eft aufli dans i i feuille du noeud-canne que
le lue aqueux reçoit le piemier mouvement qui
doit le conduire à l’état muqueux herbacé.
A ï’époque de la formation du noeud - canne,
toutes f.s parti s font ébauchées par le mouvement
qui vivifie la plante ; mais après cet e époque
, prefqifabandonné à lui-même, c’eft de fes
prop.es forcer qu’ :l f-mble fubir t.-utes fes révolutions,
& convertir !e corps muqueux en fel efiên-
tiel , après lui avoir fait éprouver diverfes modifications
que nous allons fuivre.
La fève q :e la fiuille reçoit des va'fleaux fé-
veux de la tige, l ’eau qu elle abforbe par fa fur-
face inférieure , combinées aux principes que l ’air
& la lumière fourniflent, forment pendant le développement
du noeud-canne un fuc muqueux qui,
après avoir pris le caraftère herbacé , defeend dans
la partie inférieure ds la feui le , pafîè dans l’écorce
& dans le (yflême médulaire de l ’c-nr e-
uceud , où ce cartdére le fortifie encore.
Dans l’accroifiement du noeud-canne , fes parties
devenant plus fo'tes , donnent aux fies qu’efes
é aborent une nouvelle modïficarion., dont les d -
grés font ma oucs par !a p-oportion & la qua’ité
de la ma.ièr- glutineufe, principe du corps muqueux
pur ; t c-tie matière fert de bafe au principe
' de 1 odeur, de l i faveur & de la couleur de ce
corps, qui dans ce nouvel état eft doux, & porte
le parfum de la pomme de rainette bien mûre.
Le mouvement dont jouit le noeud-canne tourne
tout entier après.fon accroilîement à l ’élaboration
du corps muqueux, élaboration qui eft marquée à
divers degrés , tant par la faveur fucrée qui fe développe
à mefure que la faveur douce s’affoiblit,
que par l ’odeur balfamique particulière à la canne
qui s’établit à mefure que l’odeur de pomme difpa-
-roîr.
C e travail eft celui de la maturation dans laquelle
le corps muqueux arrive à l’étal fiicré, d’où
il paffe à celui de fel eflentiel, en fe dépouillant
‘de la partie colorante jaune , balfamique, propre
à la canne pendant la maturité opérée par la dion
de l’a ir, d” la lumière & du foleii , qu.e le noeud-
canne , dont la feuille eft alors defiechée , reçoit
plus immédiatement : a&'on qui donne aux molécules
confiituantes du corps muqueux, devenu fel
eflentiel, toute la force d’aggrégation quelle'; peuvent
acquérir & qu’elles exercent, fitôt qu’on les
rapproche convenablement, en fe réunifiant fous,
U ne forme folide , cryftalline & régulière.
Telle efl la marche que la nature fuie dans la
formation duco'ps muqueux & dans fa coiiverfion
en l ’état herbacé, doux , fucré & de fel eflentiel,,
En rapprochant ce qui fe pafle dans la plupart
des fruits muqueux doux & lucres, on verra en-
tt’eux; & le noeud canne une parfaite analogie.
Ces fruits ne tiennent à l ’arbre qui le produit,
que par un pédicule formé de quelques vaiffaux
féveux &• de l’écorce ; ces vailfeaux préfentent ,
en fe divifant, l’ébauche vafcülaire du fruit que la
peau du pédicule recouvre en prenant une texture
particulière.
Cet enfemble forme un organe qui travaille,
par le -mouvement dont jouit fon organifatiori propre
, le fuc féveux qu’il reçoit & qu'il convertit
en corps muqueux, herb/cé,’ doux & fucré.
Ces diverîès moi-ficarions & les nuances ;pref-
qu’infinies quelles nous offrent dans différents fruits
doux & fucies , font'dues principalement à une
matière glutineufe qui, par/l’aéiion de l ’a ir , de
lu lumière & du foleii y fe combine dans la peau
du fruit,. de diverfes manières , Si daffs des proportions
différentes'au principe de la couleur, de
i’o-fur Si de la faveur; & c’eft. à la faveur de ce
principe que cette matière pafle dans la fubflànce
parenchimat. uf: du fruit dont les qualités;ont d’autant
plus d’énergie que l’aélion/ du foleii fur ce
fru t a été plus confiante & plus forte: ce qui eft
.éyidem.ment démont é par la : délieatefie de la faveur
& la hnelie du rarfum des fruits que donnent
les arbres à ha: te tige & en plein-vent, qui font
plus expofès à cette aélion.
D’après cet expofé, on voit que-la nature fuît,
dans la plupart des fruits muqueux , la même marche
que dans le noeud-canne, pour former Si élaborer
le corps muqueux ; mais que la perfedion
de ce corps eft portée dans ce dernier à un deg é
qu’aucun fru £ ne peut atteind e,., & que eet avantage
doit le placer à la tête des fruits muqueux ,
comme l'e plus parfait.
Des fucs de la canne conjtdérés dans là canne
| - , ... I B -- | njêriie.
Après avoir confîdéré les diverfes parties de la
canne , tant en elles-mêmes , que dans leurs fonctions
„• M. Du trône examine les diffère ns’ fuc s tels
qu’ils exiftent dans les organes où ils font formés
& éiaboi es.
Cet exam- n nous conduira , dit ce fivant, na-
furalifie, à une connoiffance { lus jufie , plus exsde
du fuc exprimé de la canne fucrée.
Dans les végétaux , la fève efl fans celle renou-
veliée par i’eau que les racines enlèvent à là terre-
& qu’elles portent dans le fyflême des vailfeaux
feveux qui la diftribuent aux divers organes pour
d fervir à leurs, fviiéf ons,
S! on fe rappelle ce que nous venons de dire
de la ftrudure des racines, du nombre & du calibre
des vailfeaux féveux de la/canne, oit concevra
aifément que cette plantejreçoin Sc contient
beaucoup d’eau.
L ’pbfervation apprend qu’elle en corifomme une
quantité prodigieufe dans fa végétation & dans le
travail de fes Tues, que nous diftinguerons en fuc
féveux, fuc favonneux extra&if & fuc muqueux-
L ’eau" confîdérée dans le fyflême des vailfeaux
féveux n’efl pas parfaitement pure ; elle tient en
dilfolution une matière qui forme, avec e lle , la
fève ou fuc féveux.
La quantité de fève contenue dans les vailfeaux
féveux de la canne fucrée efl tiès-cohfidérable »
fur-tout après des pluies abondantes.
Dans l ’expreflion de la canne, le fuc féveux
découle de l ’extrémité de fes vailfeaux, & on peut
aifément le recevoir dans une cüilîere. 11 efl pat
faitenient clair & limpide., & paroît pur comme
l ’eau diftillée ; mais,, quoiqu’il ne porte ni cou- *
leur, ni odeur , ni faveur, fi on le garde pendant
plufieurs jouis dans une phioie, il s’altère , & en y
apperçoit une matière fibreufe qui en trouble la
tianfparence & fe déqaole lentement.
Cette matière unie au principe qui la tenoit en
diffolution paraît être le Corps muqueux pur, qui,
combiné à i’eau, forme le fuc féveux de la canne.
Qu’il nous foît permis, ajoute M. Dutrô.ne , de
faire ici une légère digreflion fur le corps muqueux‘
pur.
Ce corps pàrok ê;re la fubflànce alimen aire du
règne végétal; il exiflê dans toutes les plantes,
e’eti dans le fyflême des vailfeaux féveux qu’il fe
forme & qu’il reçoit fon premier degré d’élaboration
, non-leulement il fert d'aliment à la plante,
mai» il paroît qu’elle trouve encore en lui la bafe
de tous fes produits; uni à une quantité d’eau, il
forme la fève.
S’il eft très-rapproché , il prend une conftftance
folide; alors il efl parfaitement clair & limpide
& il porte le nom de gomme. S’il eft entièrement
privé d’eau , il paroît fous la forme d’une poudre
blanche extrêmement fine connue fous le nom
d'amidon.
Le corps muqueux pur dans ces trois états, ne
porte ni couleur, ni odeur, ni, faveur fenfi'oles :
'aufli lorfqu’ii efl difleus dans une allez grande
quantité d’eau, fa préfence ne fe manifefle guères
que par fa décomposition , dans laquelle fe féparent
un acide & une matière fibreufe; cette mariés e ,
en fe réunifiant, forme une forte de membrane
Iioramée -moif.fiu-re $ nui n’eft foluble m dans l’eau ,
ni dans l’e (prit de-vin , ni dans les acides, & qui
paroît avoir tous les caractères de la marié, e glutineufe.
Si le corps muqueux pur donne dans la décom”
pofition- fpontanée un acide & une msrière glutî"’
tineufe , on Cônçoir aifément que ces deux princi"
pes peuvent être, féparés dans le végétal par l ’ac~
tion d’un organe particulier : que fépa'és , ils
peuvent s’unir à d’autres principes qui les modifient
en les éloignant plus ou moins de leur ctat primitif!
Ôn peut encore concevoir que ces deux principes
, reliant unis, peuvent être modifiés fans que
leur combnailbn loit rompue , & former alors
toutes les modifications du corps muqueux, connues
fous les noms de mucilages, de corrs muqueux
farineux , acides, doux , lucrés , & le fucre.
Nous avons déjà défigné fous le nom d>* fuc
muqueux herbacé, la première modification que
reçoit le corps muqueux pur dans le noeud-canne ;
ce (uc exprimé , abandonné à lui-même, donne
toujours dans fa décompofirion un acide & une moi-
fîilure abondante.
Dans la leconde modificarioij défignée fous le
nom de fuc muqueux doux , la fubflànce gluri-
, iieufè , principe du co:ps muqueux, qui porte déjà
le caraélèie herbacé , reçoit dans une plus grande
proportion le principe de la couleur , de la faveur,
de 1’odeur qui conilitue le fuc muqueu x doux ,
dont la couleur efl alors ch u n s , ambree , & qui
porte iveç la faveur oôiice qui le caraélérife, lô
parfuni de pommes'de rem =ttes.
La décompofition fpontanc e de ce fuc exprimé
eft, fui- ant les circonflanct s , ou acide ou fpiritûe
afe Dans le premier cas , die. donne uu acide;
une fa b lance glutineufe & une matière extrêmement
fine , portant une partie colorante réfineufe.
Dans le fécond , il- fe dé g. du gaz carbonique,
& il fe forme de l’elprit-d îrs in qui re le uni à
l’eau & au fuc muqueux dou x qui n’a poi I été décompofé
; cec enfembk préfente u* e iiqueurue parfaitement
analogau cidre. •
Dans la troilîème modification, la partie colorante
du fuc .muqueux doux/prend un cara&ère
réfineux qui change fon odeur de pomme eu l ’odeur
balfamique propre à lu canne. Sa faveur douce fe
change aufli en faveur douce fucrée.
Ce fuc, dans ce nouvel état , efl parfaitement
analogue au miel , & prend le nom de fuc muqueux
jucré. Exprimé, fa décompofirion eft comme celle
du fuc muqueux doux, ou acide, ou fpiritueufe,
& elle donne les mêmes principes.
Dans la derniere modification , le foc muqueux
fucré eft ent èrement dépouillé de fa couleur citrine
& de fon odeur balfamique ; & fa faveur fucrée
eft beaucoup plus développée. Ce dernier état
efl celui qui conftitue le fuc muqueux f l eflentie
l, renfermé dans les cellules que forme-la
H hh h 2.