que , étoit le nom du dieu,, qui organise
et ordonne toutes choses (1). On ne lui
connoissoit point de père: il étoit lui-
inême le père de toutes choses, suivant
Tacite (2). Il étoit le principe et la
lin de tout , comme nous l ’avons
vu dans 1 eloge qu’a fait Aristide de
la puissance ae ce dieu. Telle étoit aussi 1 opinion , que les Thébains avoient de
leur dieu Cneph, à qui ils donnoient le
titre de créateur de toutes choses, et de
grand Demiourgos (3), de dieu qui n’a
jamais en de commencement, et oui
n aura jamais de iîu (4)- Ce titre de De-
miourgos , ou de grand architecte de
toutes choses, étoit aussi celui que les
Egyptiens, suivant Chérémon , don-
noientau Soleil, comme onpeutle voir
dans le chapitre second du livre premier
de cet ouvrage, où nous avons rapporté
le passage fameux , qui lait la base de
toute la Mythologie ancienne.
Il ne manque plus à ces traits de ressemblance,
entre Cneph et Sérapis, que
le Serpent. Or nous trouvons à Thèbes
le culte des Serpens sacrés établi (5).
Onlesy nourrissoit, et, après leur mort,
on les enterroit dans le temple de Jupi-
£, ou du dieu a qui on consacra le bélier
, ou le même animal, qiv’Eusèbe dit
avoir été consacré à Cneph, adoré à
limbes (6.. Le meme Eusèbe nous dit
ailleurs, en pariant des Phéniciens, que
nous avons vu adorer Hercule et Escu-
lape, fils de Sydyc, qu’ils avoient, à 1 exemple des Egyptiens, attribué la
divinité aux dragons et aux serpens. Il
v ajoute, que les Phéniciens donnoient à
cette divinité Serpentiforme le nom de
Son Genie , ou de Génie Bienfaisant,
epithete d Esculape, dieu de la santé 5
et que les Egypiiens l’appelloien t Cneph.
Hérodote, en parlant de ces serpens sacrés
, qu’on nourrissoit à Thèbes, dit
( 0 Plut, de Iüde, p, 36s. *
(2 ) Tacit. Hift. 1. 4. ê. 84.
Csî Eafeb.prxp, Evan. 1. 3. c. j i . p. j i r .
U ) Mut. de Ifjde- p. 3S9. F * ’
C s ) Hérodot. Eiiterp. c, 74.
C6) Euléb. ioeo ckatOi idem 1.1. c. je,
qu’ils étoient très-petits (7), et qu’ils ne
faisoient aucun mal. Elien (8) parle aussi
d’une petite espèce de serpens, de cou-
leur de feu, et d’une vue très-pénétrante
; qualités qui, suivant Sancho-
niaton, leur fit attribuer la divinité
par le fameux Thaut. Il dit, comme
Hérodote , que ces serpens ne font aucun
mal; et qu’ils sont,au contraire, ti ès-
doux; ce qui les a fait consacrer 4 Esculape,
le dieu le .plus humain et le
plus bienfaisant ; c’est-à-dire, à Esculape,
le bon Génie, ou l’Agathodémon
des Phéniciens, que les Egyptiens appelaient
Cneph, comme nous le dit
Eusèbe (9),y ou plutôt Sancboniaton ,
cité par Eusèbe. Pausanias nous dit, que
les Serpens, consacrés à Esculape à Epi-
daure(io), étoient d’une couleur assez
semblable à celle dont parle ici San-
choniaton, et singulièrement doux et
apprivoises. Ainsi les serpens sacrés de
Thèbes on Egypte, ceux d’Esculape à
Epidaure , étoient remarquables par
leur caractère île douceur, e t , par là
même, consacrés au dieu, dont la bienfaisance
etoit le caractère , et qui à ce
titte mérita 1 epithète de bon Génie, ou
deDémon bieniaisan t(ç6). Plutarque (11)
fait dire à un des interlocuteurs d’un
de ses dialogues, qu’il avoit vu en
Egypte deux particuliers se disputer,
et, qu’au moment de la querelle, un
serpent s’étoit approché d’eux, et qu’ils
s’étoient écriés , que c’étoit le Bon Génie,
ou VAgathodémon , c'est-à-dire ,
ce serpent, que d’autres appelaient
Cneph, et que les Phéniciens nommoient
le bon Génie. Lampride, clans la vie
d’Héliogabale, de cet Héliogabale , qui
donna tant d’éclat au culte du Soleil,
observe qu’il, nourrissoit à Rome de
petits serpens Egyptiens, qu’on appelle
en Egypte, les Bons Génies{\%). Cef
(7) Hérodot. ibi<f.
£8) -Efian>-1. 8 c. J * .
(<f) Eufeb. ibid. .
£10) Paufan. Corinth. p. 74.
f n ) Plut, in amat. p. 755.
(12) Lamprid vit heli. p.
serpens n'étoient que ceux du dieu Soleil
Esculape, ou les serpens Phéniciens,
que Thaut disoit être de la nature
du feu.1 Ces serpens étoient également consacrés à Trophonius, en Grèce, à
l’entrée de la grotte duquel on voyoit le
temple dit Bon Génie (r6). La statue de
Trophonius étoit fort semblable à celle
d’Esculape , ajoute Pausanias (1). Tro-
plionins étoit fameux par ses oracles.
La divination se faisoit aussi par les
serpens (2). A Lavinium , en Italie,
près du temple de la Junon d’Argos ,
étoit un bois sacré, qui servoit de retraite
au Serpent divin (sé). Des filles
alloient tous les ans dans ce bois porter
de la nourriture à ce Génie, et elles y
entroient les yeux bandés. Si l’animal
agréoit l’offrande, et s il en gofttoit, elles
étoient réputées vierges ; s’il la refu-
soit, il étoit censé avoir deviné qu’elles
ne l’étoient plus. Le serpent d’Apollon
rendoit aussi, à Delphes, des oracles
sur le sacré trépied j et l ’esprit prophétique
, qui l ’ànimoit, étoit une émanation
de l ’influenee des astres, et en
particulier, de la constellation du Serpent
céleste, si nous en croyons Lucien
,(3). Le même auteur nous dit., que
les animaux sacrés , adorés en Egypte,
sont soumis à l’influence des astres, et
les représentent. Or le serpent étoit un
des animaux .consacrés par le culte
Egyptien , comme nous l ’avons vu dans
Hérodote', et cela, à Thèbes, où l’on
adoroit aussi le bélier , animal consacré
à Cneph. Mais le bélier sacré des
Thébains étoit, suivant Lucien, l'image
du Bélier céleste, comme nous
l’avons,prouvé dans notre article Ammon.
Donc , le serpent sacré dut être
aussi l’image du Serpent des constellations.
Car le dragon ou le serpent reçut
en Egypte les honneurs divins, aussi
bien que le chien, le boeuf, le bouc et
CO Pauf. Boiotic. p. 813- *
(O AEiian. f. 11.. c. 16.
(3) Lucian, de Altrpi. p. 55g.
CV AEiian. 1. Si* c. 17.
les poissons. Elien (4) ajoute même ,
qu’ii avoit ses prêtres, ses ministres,
sa table sacrée, et des vases destinés à
mettre sa nourriture ; mais qu’il n’ai-
moit pas â se faire voir. Aussi les prêtres
se retiroient-ils, aussi-tôt qu’ils l’avoient
servi. Le serpent est encore aujourd’hui
honoré en Egypte, sous le nom d’Ar-
baji et de Heredy (5), et n’a pas de
venin.
Le culte astrologique du serpent
s’est propagé de l’Egypte et de laPhéni-
cie dans toute l’Afrique, et dans l’Asie,
non-seulement, comme l ’attribut symbolique
du dieu de la santé ; mais encore,
comme organe de la divination,et
l’interprète des dieux. C’est le Fétiche (6)
des Nègres du royaume de Juidah , et il
a chez eux tous les caractères de douceur,
qui firent consacrer cet animal art
dieu Esculape, et qui lui méritèrent le tü
tre de bon Génie, ou de Démon bienfai-
sant,chezles Phéniciens et lesEgyptiens.
Ce serpent est seulement plus gros que
ceux d’Egypte ( 2).1 Il est rayé de bleu,
de jaune et de brun. Il a la tête ronde ,
les yeux beaux et fort ouverts. Il est
sans venin, et d’une douceur surpre-
prenànto. Tels étoient les serpens de
Thèbes et ceux d’Epidaure. Ce Fétiche
est pour les nègres un véritable Talisman
astrologique vivant, soumis à l ’influence
des cieux, d’où les nègres tirent
leurs augures. Ce culte leur est
venu d’Adra, où ce Génie a , comme
autrefois en Egypte ,, un temple fameux
, des prêtres, et des prêtresses ,
com en e à Delphes. On le consulte, comme
l ’oracle de Delphes. On lui consacre de
jeunes filles, comme à Lavinium ; on
lui présente des offrandes, on lui fait
des sacrifices, et on fait des processions
en son honneur (8). On n’a gu ères trouvé
de nations en Afrique , qui ne révérassent
les serpens. On sait que les Egyp-
( j ) Voyagea de l’ooeke t. 1.
(S) Hift. des Toyages t. 4. p. 305.
(7J Cuite des Fétiches & Paw. t. a. p. 11$,
<t») Ibid- Hj&. des voyages.