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jours nui à la société, tant en religion
qu’en politique, !et que les grands maux
de l’intolérance religieuse sont nés de
cette source empoisonnée, qui a son origine
dans les anciens sanctuaires des
Mystagogues , et dans les associations
exclusives.
Ils ont imaginé cet injuste dogme,
parce qu’il leur étoit nécessaire pour accréditer
leur confrérie; car si, sans être
Initié , la vèrtu seule rendoit l’homme
heureux, et lui assuroit les récompenses
de l’autre vie, à quoi bon se faire initier?
En conséquence, les portes de l’Elysée
ou du séjour de la lumière et de la félicité
restèrent fermées à tpus ceux qui
ne comioîtrôient pas le mot d’ordre ( i ) ,
qu’on donnoit dans les sanctuaires ,
et la marque de fraternité. Ils dévoient
donc rester dehors, plongés dans les té-
nèbres1" extérieures. Ce dogme une fois
répandu et bien établi, tous les hommes
tiniidés et brédules Vernpressèrent dé se
■ faire initfef‘p àfîh de prévehirTes maux1,
donton menaçoit, après la mort, ceux
qui auraient négligé cette précaution.
• Après.toutj oiin e risquoit rien, disoit-on,
si dri peut compter pour rien le sacrifice
"de sa raison, que l’homme fait à l’impOS*
tçrir, qui vit aux dépens de sa crédulité.
Les Initiés formoient donc dans la société
unecaste particulière, qui repous-
sôit loin d’elle tous ceux qui avoient
dédaigné l’Initiation. On les écartoit du
-sanctuaire , en leur disant .. « retirez-
vous, profanes 3». Quiconque même, par
Lnprùaencé,1 aurait mis lepied dans le
■ temple où se'célébraient ces mystères, eût
été puni de mort. Deux jeunes Acarna-
niens (1), qui n’étoient point Initiés,
entrent imprudemment avec la foule des
Initiés dans le temple de Cérès. Les questions
qu'ils-font aux autrfesles trahissent
bientôt; oh lès-Conduit au’i ministres du
temple ; quoiqu’on reconnût qu’ils y
étoient entrés par mégarde, -cependant
■ ( I)■ Plato in rbædon, p. 5i. '
(a) Tit. Liv. 1. 31.
(;*) Brissonius 4c Forn* ul. p iL, r
(4) Iî*us Qr«t. de Phil. Hær. p. 104,193,’ etc,
ils furent mis à mort, comme coupables
du plus grand des crimes. C’est ainsi
qu’une institution religieuse, destinée à
unir les hommes par les liens de la fraternité,
rompoit ceux de la société, et élevoit
un mur de séparation entre celui qui étoit
Initié et celui qui ne l’étoit pas ; et qu’elle
inspirait au premier un sot orgueil ,
du mépris et même souvent de la haine,
pour ceux qui 11e profeSsoient point la
même doctrine et qui n’étbient pointée
la même comftmniûn. C’ést ce qui est arrivé
aux différentes Sectes de l’Initiation
Chrétienne. On sait également tous les
risques que courut Clodius, et.le procès
qui lui fut intenté , pour s’être introduit
dans le lieu, où s’étoient asseihblées les
dames Romaines, pour célébrer les mystères
de la Bonne Déesse. Il fut accusé de
sacrilège ; et il eût succombé, s’il n’eût
employé tous les moyens qu’a un homme
très-puissant de se soustraire aux loix.
’ Le héraut ne manquoit pas de prononcer
l’exclusion de tous ceux qui ne
dévoient pas assister à la célébration des
mystères, ni entrer dans le sanctuaire (3),
c’eft-à-dire, des profanes, autrement, de
ceux qui n’étoient point encore Initiés,
'Sous l’Archontat d’Euclide , on prononça
l’exclusion, du temple de Céres et
de l’Initiation^ (4), contre les bâtards et
les esclaves. La même peine fut dans la
suite prononcée contre les femmes de
mauvaise vie ; on la porta aussi expressément
et nommément contre les Matérialistes
ou Epicuriens, qui nioierit la
Providence , et conséquemment l ’utilité
de l’Initiation (5)", et contre les Chrétiens
, dont l’association religieuse ex-
cluoit tontes les antres. Les Chrétiens,
de leur côté , en faisoient autant : chacun
décrioit la boutique de son voisin,
pour atttirer les sots chez lui.
«Eloignez-vous, profanes, disoit le
» Diacre au moment où on alloît cbm-
33 mencer la célébration des mystères (6);
(5) Lucian. Alèxand. p. 888. j
(S) Tertutl. Apolog. p. 8. Casaub. «xercit. a
Baron. Annal, p. 1$.
,, que les Catéchumènes et ceux- qui ne
s» sont pas encore admis, sortent», C’é-
toit un moyen d’inspirer le désir d’entrer
, et de se faire inscrire sur la liste
des .candidats delà confrérie. La même
interdiction, prononcée contre tousceux
qui n’étoient point Initiés, et qui fermoit
pour eux les portes du sanctuaire, leur
fermoit aussi celles de l’Elysée , qui ne
dévoient s’ou vrirque pour les Initiés,dont
l'âme avoit été purifiée et régénérée
dans les sanctuaires ('/i). Aussi l’auteur
de l’Apocalypse , conformément à la
doctrine de* toutes les Initiations anciennes
, n’adinet - il dans la cité,
sainte et lumineuse, que ceux dont les
noms sont écrits dans le livre de l’Agneau,,
c’est-à-dire sur: le; rôle de la
Confrérie des Initiés aux mystères de
la Lumière,et du Soleil, dont on célébrait
le triomphe , à. son retour au .premier
signe, ou au point équinoxial du
printemps occupé par Arles , que les
Perses appellent l’Agnea.u,céleste. C’étoît
le si^ne où s’opérait physiquement la régénération
de la Nature ,- et .mystagpgi-
quément celle des. antes* qne.le Soleil
attirait par Ja. force de ses rayons.
Il me faut pourtant pas' croire, qpe la
seule qualité dinitié.sofnt pour mériter
à un homme le® grandes faveurs des
Dieux etila félicité promise dans l’Elysée,
jSi Cela eût été, l’Initiation eût dir
rec.tementsété'cpntre son. fiait ; elle -eût
affoibli leg loix, plutôt qu’elle n.e les eût
fortifiées y puisqu’elle aurait substitué à
la ' vertu une cérémonie sacrée , et en
quelque sorte sanctifié le crime par un
vain titre religieux. Çes grandes promesses,
quoi qu’en dise Diogène , ne
pouvoient regarder que l’Initié qui etpit
fidèle aux loix de l’initiation , et qui
remplissoit les engagemens solemnels |
qu’il prenoit dans les Sanctuaires. Aussi
Socrate (Phæd, p. 69. ) prétend-il ,
qu’il falloit deux choses pour être ad-
(.1) Meursius c. 19, in Eieusin. •
fn) Theon in Paradeig.
(3; Iiocr. in Paneg. Apoll. 1. B, c. J. Diod. 1.4.
mis dans l’Elysée : être purifié de toute
souillure , et initié; et il explique plus
haut cette purification ; c’est celle que
donne la vertu et la vérité, c’est-à-dire,
la sagesse , la force, la justice et la tempérance.
jEt il prétend, que c’est là ce
qu’ont voulu dire énigmatiquement, par
le motpurifié,les Auteurs des mystères,,
qui étoient des hommes d’une sagesse
plus qu’ordinaire , lorsqu’ils condam-
noient l’homme profane , et non initié ,
à ramper dans le bourbier, tandis qu’ils
enseignoient que l’homme purifié et initié
iroit habiter avec les Dieux. Nous en
avons une nouvelle preuve, et dans les
conditions qu’on exigeoit de celui qui*
aspirait à être initié, et dans la manière,
dont les ,jugemens étoient censés
se rendre, après la mort , dans les
enfers., -, , , ., . ; j , :j; ;
On interdisoit l’entrée des Temples
à tous les meurtriers (1 ) , lors même
que le meurtre étoit involontaire, au
rapport de Théon (2.). ïsocifite ( 3 )
parle de cette même proscription, portée
contre l’homicide. Hercule lui-
mêine ne put se faire initier, qu’après
'avoir .expié le meurtre dés Centaures,
quoiqu’il n’eût combattu les monstres ,
que pour le, bien commun de l’humanité.
Les magiciens, les charlatans, qui
font métier de tromper par lés prestiges
;* les imposteurs , qui jouent le
rôle d'holnmes . possédés de mauvais
génies, étoient exclus des'Sanctuaires.
Tout impie, tout Scélérat en ; étoit écqrt?
té (4). Dans son voyage -de Grèce ,
Néron ( 5) n’ose assister aux,mystères
d’Eleusis, parce que la voix du héraut
( i y prononcoit l ’excommunication
contre j tous : les impies et fous' les scélérats
; et Néron n’étoit pas,’ sans reproche
de ce côté. Lampride observé’)
(6) qù’avant la célébration des1 mystères
, .on avertissoit, .que personne ne
devoit entrer, que celui à qui sa cons-
(4) philostf. in vit. Apoll.F/4 .'c. 6. ; ■ '■* , f
(5) Suet. in vit. hleroni e. 34.1
(àj Lampridv in vit. Seveù.-