58 R .\E L I G I O N U N I V E R S E L L E .
Plutarque , dans la vie d’Alcibiade ,
nous parle de ces fêtes lugubres instituées
à Athènes- Au moment où la
flotte Athénienne étoit prêté à partir ,
dit Plutarque , il arriva beaucoup de
signes fâcheux, et sur-tout les fêtes d’A-
donis , qui tombèrent précisément à
cette époque , et qui parurent d’un
présagé funeste. Car dans toutes les rues
on ne voyoit que des figures de morts,
' à qui on allait rendre les honneurs funèbres
, et des femmes qui se frappant
la pcfhrine imitoient parfaitement la
triste pompe des enterremens, avec des
chants fort-lugubres. Il dit à-peu-près
la même chose dans la vie de Nieias.
Durant les jours où l’on embarqua
des troupes, et où l ’on appareilla, les
femmes célébraient les fêtes d’Adonis ,
pendant lesquelles toute la ville étoit
remplie d’images de morts et de convois
funèbres. Les rues retentissoient
des cris? et des gémis se mens dés femmes
qui les suivoient et qui se lamentoient ;
de sorte que ceux qui tenoient quelque
compte de ces sortes de présages s?af-
fligeoient et craignoient, que ce magnifique
appareil ne perdît bientôttout son.
éclat y et ne se flétrît comme les fleurs.
Ceci fait allusion à: ce qu’on appeloit les,
jardins d’Adonis. En effet, on portoit
dans ces fêtes, outre les images de Vénus
et d’Adonis , des espèces de jardins factices
(r),remplis de fruits et de légumes,
et principalement de laitues, pour faire
allusion, aux laitues sur lesquelles on
prétendoit que Vénus déposa Adonis.,
Les laitues entroient aussi dans le cérémonial
des Juifs , à la Pâque , ou dans
la fête.du passage du Soleil, sous l’Agneau
équinoxial du printemps. Cés
jardinsrétoient contenus dans des vases,
(i) que des femmes. portoient , et on.
les nommoit communément les jardins
d’Adonis. On je toit dans une fontaine
( i) Philostfat. vit. A poli. 1. 7, c. 14.
* fl) Hssych. kS'wij'of Ktvrti,
fi) Suit!. A(fü>WcT«r XHÎTflj.' ■
£4) De Iside, p. 366. •„
ces différentes plantes , qui 4 n’ayart
point de racines , périssoient aussitôt
et représentoient ainsi, d’une manière
figurée , la mort prématurée d’Adonis
, qui, comme une jeune plante
avoit péri dès la fleur de l’âge (3). On design
a même , sous le nom de jardins,
d’Adonis, les choses qui périssent avant
la maturité. On plaçoit aussi, près de la
statue du jeune amant de Vénus, des
corbeilles pleines de toutes sortes de
fruits,.de jeunes arbustes, des gâteaux
faits avec de la farine , du miel et de
l’huile ; enfin des oiseaux et d’autres animaux
(c). On trouve quelque chose de
semblable, chez les Egyptiens ,- dans les.
fêtes funèbres d’Osiris (4), où l’on figurait
une image mystérieuse , qu’on entourait
d’aromates ou d’herbes odoriférantes.
Théocrite , dans -une de ses.
Idylles (5) , nous , donne la description
de ces cérémonies attendrissantes , dans
lesquelles on plaçoit deux lits , l’un,
pour Vénus, et l’autre pour son amant.
On voyoit des.figures d’amours voltiger,
et sur-tout l’aigle (6) , qui enlevoit l’é-
chanson des dieux. L ’image d’Adonis
représentoit un jeune homme de, dix-
huit à dix-neuf ans. Après cette représentation
de leurs amours, lejendemain
dès le matin, les femmes initiées à ces
mystères, les cheveux épars , le sein découvert,
et en robe flottante, portoient
Adonis au rivage, et entonnoient des
hymnes. Ainsi les Egyptiens, dans les
fêtes d’Osiris (7) , descendoient aussi
vers le bord de la mer , et chantaient
qu’Osiris étoit retrouvé. De même , les
femmes qui célébroient les mystères d’Adonis,
alloient au rivage attendre le panier
d’osier, qui leur an conçoit qu’Adonis
étoit retrouvé. Enfin il en étoit de même
des femmes Syracusaines, ou de celles
que fait parler Théocrite , lesquelles
arrivées à la mer chantoient le retour
(5) Theocrit. Idyll. 15,
(6) V. 120, etc.
(7) De Iside. p. 36{.
R E L I G I O N U 1
d’Adonis à la vie ; favèur , disoient-*
elles , que les Dieux n’accordèrent à
aucun des demi-Dieux et des Héros,dont
la gloire étoit célébrée par les Grecs.
Cher Adonis (1) sois-nous propice, ajou-
toiênt-elles , et lorsque tu reviendras
vers nous , jette Sur nous un regard favorable
; reviens , et apporte la joie
parmi nous. Cette joie étoit celle des
Hilaries , ou des fêtes d’Atys (d) , et qui
avoit lieu au retour du Soleil vers notre
hémisphère , au 25 mars, lorsque, suivant
Macrobe (i) , lé jour où le Soleil
reprenoit son empire sur la nuit et sur
les ténèbres de l’hiver. C’étoit aux
heures ou aux saisons qu’étoit confié
le soin de le ramener , à la fin de la
révolution annuelle , ou au douzième
mois, dont le départ étoit originairement
à l’équinoxe. C’étoit à l’époque du
commencement du printemps quelles
se célébroient à Athènes (3). Les peuples,
qui transposaient le commeiïcement
de l’année , transposoient cés fêtes nécessairement
, par une suite naturelle
de la transposition des mois. Ainsi les
habitans de Chypre les célébrèrent en
Juin, quoique leur véritable place fût
au printemps , et qu’èn Juin cette cérémonie
fût insignifiante. Ezéchiel f 4 )
parle des fêtes d’Adonis sous le nom
de fêtes deThamuz, Divinité Assyrienne
(5), que tous les ans les femmes pleu-
roient assises à la porte de leurs maisons,
en regardant la partié -du nord, dans laquelle
le Sôlfeil alloit passer au moment
de sa mort et de sa résurrection. Aussi
les peuples qui,, dans leur position Géographique
, étaient soumis à l’aspect de
cette partie du ciel, ou au Belier, d’où part
le trianglé du feu , appelé aussi Triangle
Septentrional (6), au Belier domicile cbe
Mars, adoraient-ils, suivant Ptolémée ,
y énus, Mars et Adonis, et célébraient-ils
»eurs mystères, par le deuil et les gémisse-
(0 Idyll. v. 143, etc.
(a.) Macrob. Sat, I. 1, c. 21. Orpli. itym.
Poet. Græc. Theoc. Idyll. 15, v. 103. .
(}) Cors. Fast. Att. t. 2, p. 398.
(4) Hieron. ad Ezesh. c. 8.
I V E R S E L L E . %
mens.Manilius(7)observe,que les peuples
de Syrie adoraient le Belier ou l ’Ammon
des Egyptiens. Il pourroit bien être le
Thammuz dont parle Ezéchiel, ou l’A gneau
mort et ressuscité , dont les fêtes
répondoient au quatrième mois , par
une suite de la transposition du commencement
dg l’année (<?). C’étoit pendant
la nuit , qiyon pleurait la mort de
Thammuz (8) , comme c’étoit pendant
la nuit qu’on pleuroit Christ, Osiris.,
Mithra , et Bacchus.
La statue de Thammuz étoit une espèce
de Talisman. Dans les yeux de
c&tte idole étoit, dit-on , renfermée une
certaine quantité de plomb, qui, à l ’aide
du feu , se fondait, et les gouttes, qui
en découloient , paroissoient aux
yeux du peuple , -comme de grosses
larmes qui tomboient dés yeux
de la Divinité. J’ignore jusqu'à quel
point on doit accorder.; sa confiance à
cette tradition ; mais je sais, qu’en général
il n’est point de genre de supers ri-,
tion,dont les anciens Prêtres n’aient fait
usage pour en imposer aux hommes ( ƒ"),
par l’apparence des miracles. Le peuple,
comme les ënfans , a toujours aimé le
merveilleux , et s’est toujours prêté ù
l’illusion ; les Prêtres à cet égard l’ont
servi à son goût. Le rapport de oe
culte avec le Sabismeou avec la religion
du Soleil est assez constaté par les traditions
orientales. On rapporte une fable
à ce sujet. On prétend que Thammuz
étoit un Prêtre attaché - au culte des
images iet Ides statues (g ), ou idolâtre ,
qui ayant prêché à un certain Rôi le
culte des Talismans ou des images soumises
à l’influence des sept planètes et
des douze signes, ou autrement aux
idoles, qui -représentoient les corps célestes
et leur étaient consacrées , fut
condamné à mort par ce Prince. La
nuit de sa mort, toutes les images des
(5) Seld. Syntag. 1, c. i l , p. 530.
( 6) Firm. 1. 3 , c .x i,
(7) Manil. 1. 4 , V. 747.
(8) Rabbi Moses apud Seidcn. c. 1 1 .
H *