Syrie ces abstinences de chair de poisson,
et cela dans des lieux où Derceto n’est pas
adoree, par exemple en Egypte. Lucien
auroit dû se souvenir , que dans son
traité d Astrologie , si ce traité est de
lui y il dit formellement que les Egyptiens
s abstenoient de poisson , pour honorer
lesPoissons célestes. Or les Syriens don-
noient la même raison du culte qu’ils
rendoient à Derceto , et de l’abstinence
Superstitieusé de toute chair de poisson.
Cette abstinence a donc la même ori-
giné, savoir le culte des Poissons qui
prêtèrent leurs formes à Derceto, ou celui
des constellations du grand Poisson du
Verseau et des deux Poissons du Zodia-
que , qui etoient regardés comme ses
enfans.
Lucien parle d’une troisième tradition
(1) sacrée, qu’il tenoit d’un hommè
histruit, de laquelle ilrésultoit que cette
divinité etoit Rhéa , et que le temple
avoit été élevé à cette déesse par AtyS
Lydien, qui le preihier institua les cérémonies
religieuses du culte de Rhéa. On
lui attribue egalement lés mystères de
Phrygie , de Lydie et de Samothrace. On
suppose en effet,qu’àprès que Rhéa l ’eût
privé des organes caractéristiques de
son sexe, il renonça aussi-tôt au genre
de vie de l ’homme, et se revêtit d’ha-
bits de femme. C’est sous ce costume
qu il se mit à voyager par toute la terre,
enseignant les mystères, racontant ce
qu il avoit éprouvé , et célébrant la
gloire de Rbéa. Il arriva en Syrie sur
les bords de l’Euphrate. Comme lès peuples,
quihabitoient au-delà de ce fleuve,
refusoient de le recevoir, lui et ses mystères
, il bâtit un temple en ce lieu en
honneur de cette déesse, qu’on peutre-
connoître à beaucoup de traits pour être
Rhéa (2). Elle est portée, comme Rhéa,
par des lions ; elle tient les cymbales ;
elle a des tours sur sa tête ; elle est telle
enfin que les LydiensTeprésentent Rhéa.
Son temple est desservi'par des Galles,
qui sont les prêtres ordinaires de Rhéa *
et qui se mutilent, non en honneur de
Junon , mais en honneur d’Atys , qu’ip
cherchent à imiter.
Entre ces diverses traditions, Lucien
se détermine pour celle qui s’accorde le
mieux avec l ’opinion reçue chez les
Grecs , et qui suppose , que la déesse
adorée en ce lieu est Junon , et le
temple un monument élevé par Bacchus,
fils de Sémélé ; car ce héros passa en
Syrie,dans le voyage qu’il fit en Ethiopie.
On trouve dans ce temple plusieurs
traces du culte de Bacchus , et des mo-
numens de ses conquêtes dans l’Inde.
On y voit en effet des habillemens ou
des étoffes à l’usage des Barbares, des
pierres précieuses de l’Inde, des dents
d’éléphant, que Bacchus avoit apportées
d’Ethiopie. On remarque même, dans la
vestibule du temple, deux grandes figures
de Priape, avec une inscription qui
annonce, que c’est Bacchus qui lésa
consacrées à Junon sa marâtre». Malgré
la préférence que Lucien semble donner
à cette tradition, on ne sera pas tenté
d’y croire, quand on se rappellera ce
que nous avons dit- de Bacchus et de
son voyage dans les Indes , dans le
chapitre sixième de cet ouvrage.’ On
peut conclure seulement qu’il y avoil
dans ce temple, consacré à la Lune,
beaucoup de monumens relatifs an
Soleil, soitAtys, dépouillé de sa virilité
comme le Soleil l ’est en automne, soit
Bacchus, doué des organes les mieux prononcés
de la force mâle et féconde, comme
le Soleil l ’est au printemps , époque
de lacélébration des fêtes ityp'halliques,
Voilà l ’origine de cette double tradition,
qui attribuoit tantôt à Atys, tantôt à Bac-
chusla construction de ce temple; c’est-à
dire au dieu Soleil, considéré aux deux
époques les plus marquées de la révolution
annuelle, celle où la force active
et génératrice se développe dans la nature
sublunaire et celle où elle cesse. Le
D ) tiiid. p- 886, 60 ïbW. p. 885.
taureau, qui portoit la statue de Jupiter
dans ce temple, est encore une preuve cle
ces rapports avec le signe équinoxial
ou avec l’animal céleste , qui prêta ses
formes à Osiris et à Bacchus, et qui sec-
voit de monture à Mithrà.
Il en est de même de la figure du
Lion, attribut commun au Soleil, à
Cybèle > à Mithra et à Bacchus , et qui
est en opposition avec le Verseau, empire
de Junon et siège de Dencalion à
quion attribuoit également la fondation
du temple. Ce sont ces traits'Communs
à ces diverses divinités et à leurs images
, qui ont donné naissance à ces différentes
traditions.
Lucien ajoute, (1) que le temple, qui
existoit de son temps , n’étoit pas le
même qui avoit été bâti anciennement.
Que ce premier temple étoit tombé de
vétusté ; et que celui qu’on voyoit alors
avoit été bâti par Stratonice , femme
d’Antiochus roi de Syrie. A cette occasion
, il raconte fort au long l ’histoire
de Stratonice , et ses amours avec le
fils de son époux. Ce roman semble
être l’inverse de celui des amours de
Phèdre et d’Hippolyte ; car ici l’amant
est le fils , qui devient éperduement
amoureux de sa belle-mère. A cettepre-
inière histoire s’en joint une Seconde,
qui tient plus directement à la fondation
du temple , à l’institution des Galles ,
et qui a beaucoup de ressemblance avec
les amours de Cybèle et d’Atys , sous
les noms de Stratonice. et de Combattis
( 2 ). On y trouve aussi quelques
traits cfë celle de Phèdre et d’Hippolyte
(3). . (I
L’amant malheureux de Stratonice ,
nouvel Atys, après la construction du
temple, resta attaché au culte de Junon
le reste de sa vie (4). Sa statue en bronze
y fut élevée. On l ’y représenta, comme
Atys, sous les traits d’une femme vêtue
d’habits d’homme. Ses amis , à son
exemple, se firent eunuques , et embrassèrent
le même genre de vie. D autres
disent, que Junon aimant le jeune
Combabus , engagea plusieurs autres
jeunes gens à l ’imiter , afin qu’il ne fut
pas le seul réduit à regretter la perte de
sa virilité. Cet usage, dit Lucien, s’est
perpétué jusqu’à nos jours , et tous les
ans on voit une troupe de jeunes gens
se priver dans cc temple des parties
sexuelles, soit pour consoler Combabus ,1
soit pour plaire à Junon . C’est pourquoi
ils prennent l ’habit de femme, aussi-tôt
qu’ils se sont fait eunuques, et ils S’occupent
des travaux analogues à ceux du
sexe dont ils portent l ’habit. Combabus
passe,pour être l’objet de toutes ces pratiques.
On dit de lui,qu’une femme étrangère
étant venue au temple fut frappee
de sa beauté et qu’elle en devint amoureuse;
mais qu’ayant su qu'il étoit eunuque
elle se tua, et que Combabus afflige
de son sort quitta les vêtemens 2e
l ’homme et prit ceux' de femme , afin
qu’aucune infortunée n’eùl à se plaindre
d’avoir été trompée par les apparences
d’une virilité, qu’il n’avoitplus. Et C'est
à cèla qu’on attribue l’usage où sont
les Galles, prêtres de ce temple , de se
revêtir d’habits de femme (5). Ici finit
le récit de Lucien sur les amours de la
reine d’Assyrie et du jeune Combabus ,
ainsi que de leurs suites funestes pour
' cet infortuné; histoire qui, à quelques
circonstances près, est celle de la reine
de Lydie et du jeune Atys, sous d’autres
noms. C’est une légende moderne,
calquée sur une ancienne ; ce qui nous
prouve, que dans le siècle de Lucien,
les prêtres rajeunissûient les anciennes
légendes, sous des titres nouveaux et
avec- des circonstances nouvelles. La
légende de Christ, renouvellée de celle
Mithra, nous en fournira encore un»
Cl') Ibid p. 887-
C2J Ibid, p, 891.— 893.
(3) Ibid. p. 894—895.
64) Ibid. p. 896—897.
(g) Ibid. p. 898.
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