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activité, ni vie , ni mouvement ; sans
forme, sans lumière; mais disposée à
recevoir tout c e la , par son union à
l ’autre, qui 1 eClairoit, la configurait, la
mouvoit, la vivifioit , l ’animoit, et
l ’entraînoit dans son courant ; qui en lioit
toutes les parties, la traversoit en tous
sens, et formoit 1 organisation des corps
particuliers et de la nature en général ;
c ’étoit le feu artiste des Stoïciens. Cette
matière active, raisonnable et pensante,
n’étoit point ici à sa place, lorsque dans
son courant elle se trouvoit forcée d’y
séjourner, par l’attraction forte de la
matière ténébreuse sur elle. Sa place
naturelle étoit dans la région la plus
élevée du monde,. C est d e -là quelle
étoit descendue ; c’est vers ce lieu qu’elle
tendoit sans cesse à remonter , et où
elle alloit se rendre , lorsqu’elle avoit
pu se débarrasser de la matière étrangère,.
qui s’étoit accrochée à elle , et qui
-tourmentoit sa. nature. Cest de cette
substance divine , infiniment ténue, infiniment
active, lumineuse par essence,
qu’étoit formée l ’ame des nommes, et
de tous les animaux en général, qui
la recevoient en naissant, et la ren-
doient en mourant ; ou plutôt qui ne
vivoient, que lorsqu’elle s’iinissoit à la matière
de leur corps et qu’elle l’organisoit ;
et qui mouraient, lorsqu’elle 1 abandon-
jaoit, et lorsque sa circulation dans le
corps organisé interrompue entraînoit la
.dissolutionetla décomposition du corps,
.qu’elle avoit formé et nourri, tant qu’elle
avoit pu y circuler librement, comme elle
le faisoit dans l’immense corps du
monde. Voilà l’ame des anciens Philosophes
; voilà celle qu il falloir. purifier,
et à qui l ’initiation de voit rendre
sa simplicité; sa légéreté, et sa splendeur
primitive.
Cette Théologie est consignée dans
les beaux vers de Virgile , que nous
avons rapportés dans notre chapitre
sur l’ame universelle, et que nous rap-
pelerons ici. Elle contient la doctrine (i)
(i) AEneid. 1, 6 , v. 7-4*
de Pythagore (a), des Stoïciens,et en général,
de, presque tous les Philosophes ,
principalement de ceux qui ont établi
les mystères et les opérations Théurgiques
pour épurer l’ame. « Sachez d’a-
» bord, ô mon fils (i) , dit Anchise à
» Enée , à qui il révèle les grands se-
» crets de la nature sur le destin des
» âmes; sachez que le c iel, la terre,
» la mer, le globe brillant de la Lune,
33 et tous les Astres sont mus et vivifiés
33 par un souffle de vie et par une ame
33 intelligente , qui , répandue dans
33 toutes tes parties de ce vaste corps, se
33 mêle à sa substance. C’est de cette
33 vie et de cette ame universelle, qu’é-
"î33 mane la vie des différentes espèces
33 d’animaux , des hommes , des qua-
33 drupèdes , des oiseaux et des mons-
33 très marins. Le feu céleste , principe
33 de la vie qui les anime , développe en
33 eux toute l’énergie que lui laisse la
33 matière grossière, dont les corps sont
» formés , ainsi que ces membres de
» mort q u i, contraires à sa substance,
33 émoussent la vivacité de ce feu ,
»3 et enchaînent son activité. C’est cette
» union à la matière terrestre, qui est le
os prit) cipe des pa ssions qui agitent l’ame,
33 de nos joies, de nos douleurs , de nos
>3 désirs , et de nos craintes. Enfermée
33 dans cette prison sombre et téné-
33 breuse, l’ame ne peut plus tourner
3» ses regards vers la véritable lumière.
33 Mais à la mort , dit Virgile (2) en
33 un autre endroit, l ’ame va se réunir
33 à son principe , ou plutôt la mort n’a,
33 point lieu pour elle ; mais pleine de
33 vie elle va mêler sa substance au feu
33 sacré des Astres ; elle brille avec eux,
33 et prend sa place dans les régions les
33 pins élevées du ciel. »
Néanmoins cette réunion ne s’opère
paS tout de suite ; elle est plus ou moins
fente, suivant que les âmes conservent
plus ou moins de la matière ténébreuse,
qui formoit l’enveloppe de sa substance
pure et lumineuse , qui ne s’en dégage
(*) Georg e. 4, v. ai5.
que
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quelcn,temept,àproportion que l ’homme
a tenu plus ou moins aux affections, terrestres.
Ç’est là sur-tout l ’objet des expiations,;
et des luçtr^ons. imaginées
dans les .mystères, e tla cause des obstacles
que l’ame, aprèslarnort, éprouve
dans ,son retour vers son principe.
« La m ort, dit Virgile (t) , n’est pas
■ toujours pour l ’ame le terme de ses
» maux. Toutes les souillures, qu’elle a
» contractées par son union au corps,
33 ne sont point entièrement effacées ;
» et les parties de la substance étrangère,
n à laquelle elle fut unie par un long
3> commerce , imprégnées profonde^
33 ment,, y tiennent encore d’une forte
w manière. Elles sont donc condam-
33 nées à subir des épurations pénibles ,
» qui sont l’expiation douloureuse de
3> leurs anciens vices. Les unes, livrées
» au vague de l ’a ir , sont agitées par les
» vents ; d’autres , plongées dans des
•» abîmes profonds , lavent dans l ’eau
» les taches de leurs crimes ; d’autres
» s’épurent dans le feu , qui consume
33 toutes leurs souillures. Chacune souf-
» fre dans ses mânes , j usqu’à ce qu’en-
>3 fin elles soient en état d’entrer dans les
s» vastes champs de l ’Elysée , où règne
33 la félicité, mais où un petit nombre est
» admis. C’est ce qui arrive, lorsqu’après
» une longue suite d’années révolues ,
>> l’ame ne conser ve plus aucune des
» souillures,qui s’étoient attachées à elle,
33 et que le feu principe ', qui forme sa
» substance , a recouvré sa simplicité
» primitive. Enfin, au bout de mille ans
» révolus, un Dieu les rassemble toutes
» sur les bords du Léthé , afin qu’y pui-
33 saut l’oubli du plissé elles puissent
» encore animer de nouveaux corps. »
Virgile , en cet endroit, a développé
les grands principes que Pythagore , les
Stoïciens et Platon avoient consacrés
dans leurs ouvrages , et que les uns et
les autres avoient empruntés de la philosophie
orientale, et de la doctrine
des mystères. On remarque sur-tout le
(1J ÂEneid. f. 6, r. 735.
Melig. Unir. Tome II,
période de mille ans , après laquelle,
les amessontcondùitesauborddu Léthé,
et viennent ensuite animer de nouveaux
corps.; C’est lu doctrine de Platon dans
son 10« livre de la République (2), dont
nous avons-parlé plus haut. Ce Philosophe
fait arriver les âmes , qui doivent
être rendues à la v ie , dans les plaines
du Léthé, qu’arrose le fleuve d’insouciance
, on Amélétès , dont elles sont
obligées de hoire une certaine mesure ;
lorsqu’elles en boivent davantage, toutes
leurs; anciennes idées s’effacent, et elle»
renaissent, ayant tout oublié : Scilicet
immemores sapera utconvexa révisant^
comme dit Virgile.
On trouve dans ce passage la base
du dogme de l ’immortalité de l ’ame,
sur lequel. s’appuyoit toute la théoris
des mystères , des récompenses et
des peines de la vie future , et sans lequel
tout le grand édifice de la législation
s’écrouloit (é). La croyance da
l’immortalité de l ’àme humaine étoit
indispensable, pour remplir le but de la
Mystagogie. La Physique venoit au secours
des Législateurs et des Prêtres +
et doiuioit tous les caractères de la vraisemblance
à une fiction liée au besoin,
de la législation. La matière étoit supposée
éternelle par tous les anciens Philosophes.
L ’ame étant nne portion do
çette matière, et comme la fleur de la
matière la plus subtile , jouissoit de
cette immortalité ; et malgré les différentes
modifications, qu’elle éprouvoit par
son union avec differentes autres parties
de matière plus grossière, elle n’en étoit
pas moins indestructible. Elle pouvoit
être déplacée , tirée comme par force
du lieu que sa légéreté spécifique lui
assignoit; mais elle remontoit, aussitôt
que le» obstacles étoient détruits, et
elle reprenoit son premier état de simplicité
, dont l ’organisation l’avoit dépouillée
quelques instans. On avoit absolument
besoin de prouver, que l ’amer
sur vi voit au corps, pour établir le dogme
(») PUt. de Rep. 1. 10, p. 621.
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